AUTEURS S-Z
Daniel STILINOVIC (écrivain,
substitut de procureur) : " Il est l'un des
auteurs qui m'a le plus profondément marqué. Et
Proust aussi : pour moi, ce sont les deux plus
grands écrivains français. Et c'est curieux
parce que humainement, ils sont l'un et l'autre
infréquentables ; Céline était égocentrique,
caractériel, et je ne parle pas de son
antisémitisme de pacotille, qui je crois est
beaucoup plus littéraire que réel mais n'empêche
: écrire toutes les conneries qu'il a écrites
sur les juifs pendant la guerre il fallait
vraiment être irresponsable ! Quant à Proust,
cette petite chochotte qui se faisait enfiler
par ses copines, cet enfant gâté... il ne devait
pas être très fréquentable non plus. Moi,
j'essaie de rester fréquentable... c'est se
donner beaucoup d'importance que de chercher à
jouer les divas !
(...) La guerre de 14, dans Voyage
au bout de la nuit, ne tient qu'en quelques
pages mais je crois qu'après avoir lu ce roman,
on ne peut pas penser à cette guerre sans avoir
à l'esprit Bardamu et Robinson... Mais
parfaitement ! Ce que Céline a écrit sur la
guerre de 14 compte parmi les plus belles pages
romanesques consacrées à cette période ! (...)
J'essaye d'écrire comme on parle. En sachant
bien que l'écrit, ce n'est jamais de l'imitation
: pour donner l'illusion du langage parlé il
faut fournir un putain de travail d'écriture, et
ça relève vraiment de la littérature ! Si vous
transcrivez simplement l'oral, à l'arrivée vous
avez un truc plat, minable. Par exemple, il n'y
a pas plus travaillé que la langue de Céline,
alors qu'on a l'impression que c'est de la
langue parlée. Mais chaque mot, chaque virgule
sont pesés ; c'est un travailleur acharné. Moi
c'est pareil... "
(On sera rentrés pour les vendanges, Ed.
P.G. de Roux, 2012, Extrait, Le Petit Célinien,
22 déc. 2012).
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