Jacques d'ARRIBEHAUDE et
L.-F. CELINE
Edito de Marc Laudelout - BC
Hommage à J. d'Arribehaude
Dans
le précédent numéro, j'évoquais le souvenir de
Pierre Monnier mort à Nice le 27 mars 2006. Par
une douloureuse coïncidence, peu de temps après
avoir bouclé ce numéro, j'apprenais le décès de
Jacques d'Arribehaude survenu le ... 27 mars
dans cette même ville où il s'était retiré
depuis quelques années.
Encore un témoin qui s'en va - et non des moindres. Au début des années
soixante, il avait - lui et son complice Jean
Guenot - rencontré Céline à Meudon. Ils lui
posèrent des questions auxquelles les
journalistes ne l'avaient guère habitué.
Témoignage d'autant plus précieux qu'il fit
l'objet d'un enregistrement.
(1)
Mais la figure de Jacques
d'Arribehaude ne se limite pas, loin s'en faut,
à cela. Il nous laisse, en outre, un récit de
qualité (Adieu Néri, Prix Cazes 1978) et
surtout un
journal dont je ne suis pas le seul à penser
qu'il restera. La dernière lettre que j'ai reçue
de lui date de décembre dernier. Il me
remerciait précisément pour le compte-rendu du
dernier opus de son journal
(2): "
Je suis très touché par ce magnifique et
généreux article. Votre mise en parallèle avec
Léautaud est un superbe hommage, non seulement à
S'en fout, mais à la poignée de lecteurs
pour lesquels j'existe et qui me sont attachés.
Et c'est très justement que vous rappelez
l'importance capitale que n'a jamais cessé
d'avoir Céline dans les méandres de l'existence.
J'aimerais bien connaître avant de disparaître
la reconnaissance qu'a connu Léautaud in
extremis, et qui en fait une captivante Mémoire
littéraire du siècle dernier, mais je n'y compte
guère. Si la planète tourne encore, peut-être
dans un siècle ou deux, pour peu qu'il existe
encore quelques chercheurs et lecteurs. Comme
disait Balzac, notre Shakespeare, " Tout a
toujours été de mal en pire " "
Pessimiste gai,
Jacques m'a toujours frappé par son élégance
morale. Jamais je ne l'ai entendu se plaindre,
même lorsqu'il fut hospitalisé pour une grave
opération au Val-de-Grâce où nous allâmes, Eric
Mazet et moi, lui rendre visite. Au contraire :
c'est là qu'il nous lut des pages extraites de
son journal, pleines de cette roborative
alacrité qui était la sienne. Si ses livres ne
connurent jamais le succès public, au moins son
talent fut-il reconnu par ses pairs : Pol
Vandromme, Christian Dedet, Philippe Sénart ou
Jean-Louis Curtis.
Engagé dans les Forces françaises libres à dix-huit ans, décoré comme il
se doit de ce qu'il appelait comiquement des "
bananes patriotiques "
(3),
Jacques d'Arribehaude estimait que son passé
l'autorisait à commenter librement les aléas de
l'histoire et de la politique. Et il ne s'en
privait pas, ni dans son journal, ni dans les
articles qu'il a écrit ici et là.
C'était un homme d'une liberté sans faille qui ne craignait pas de tout
dire, au risque de voir ses livres ne recevoir
quasi aucun écho dans la grande presse, ce qui
fut effectivement le cas.
Ce numéro entend rendre
l'hommage qui lui est dû ; j'ai bien conscience
qu'il est utopique d'évoquer ici toutes les
facettes de cette riche personnalité. Grand
diariste certes mais aussi voyageur-ethnologue,
amoureux de peinture (il avait lui-même un joli
talent d'aquarelliste), polémiste, fou de
littérature et surtout homme attachant, fidèle
en amitié et au jeune homme intrépide qu'il fut.
M.L.
(1) Céline à Meudon, 4 cassettes disponibles
auprès de Jean Guenot, B.P.40101, 92216
Saint-Cloud.
(2) Marc Laudelout, " Le retour de Jacques d'Arribehaude ", Le Bulletin
célinien, n°302, novembre 2008.
(3) Médaille des Evadés, Croix du combattant volontaire de la Résistance,
Croix des services volontaires dans la France
libre, Croix du combattant 39-45, Chevalier de
la Légion d'honneur.
(BC n° 308, mai 2009)
***
KING LEAR,
route des Gardes
Dans
son Journal, Jacques d'Arribehaude relate
naturellement sa première visite à Céline, à
Meudon. C'était le mercredi 30 janvier 1960.
Rencontre qui sera suivie d'autres, suscitées
notamment par un projet d'adaptation
cinématographique de " Voyage au bout de la
nuit " que devait financer Napoléon Murat.
Cet
après-midi, vers cinq heures, nous étions donc à
Meudon, route des Gardes, chez Louis-Ferdinand
Céline. Ce projet s'est noué en fait pendant le
tournage de Country Life in England, il y
a eu un an cet automne, dans la Savernake
Forest.
Lefranc, patron du Centre audiovisuel de Saint-Cloud, m'avait désigné
après un stage comme assistant auprès de Guenot,
agrégé d'anglais et responsable de l'Education
nationale, René Porcel réalisateur au cachet, et
Kid, sa femme, script-girl en terminale alors de
l'IDHEC.
A peine avaient-ils connaissance de Céline, rejeté des programmes dans
l'enflure de malédiction que me serinait déjà ce
pauvre Adolphe à bord de notre rafiot, et
considéré partout comme la pire ordure
imaginable.
Cela n'a pas été une mince
affaire de renverser ce cliché, mais l'intérêt
de Guenot, que je savais ouvert, n'a jamais
faibli, et il a fini par marcher à fond. A
l'entrée, une plaque de cuivre : DOCTEUR L.-F.
DESTOUCHES. La maison, ouverte sur Paris que
l'on domine superbement. Nous poussons le
portail et cherchons vainement l'entrée de cette
grande bâtisse qui pourrait être fort belle mais
qui, avec ses volets clos, ces murs grisâtres,
dégage tout de suite une impression de tristesse
et d'abandon. J'imagine que, derrière, il y a
peut-être un jardin plus accueillant et la
véritable entrée.
Nous poussons donc un nouveau portail, distinguons un amas confus de
caisses, un bariolage sur le mur. Là derrière,
une porte vitrée, et derrière cette porte,
une grande forme assise, immobile : Céline, que
nous reconnaissons aussitôt. Nous nous
approchons. Il porte une lourde robe de chambre
d'un rouge pisseux qui me rappelle celle de mon
père, et ce qui frappe avant tout, ce sont
peut-être ses pieds, d'énormes pieds, vraiment
monumentaux, comme gonflés dans leurs
pantoufles, comme s'il avait, sous ces
pantoufles, deux ou trois paires de godillots.
Des pieds de clochard, de vrais panards de
catastrophe au bout de toutes les nuits
imaginables. Il semble qu'il soit ainsi, inerte,
vissé au sol par ces pieds de plomb, dans une
songerie désespérée, depuis des siècles.
Et nous voilà impressionnés
devant cette image qu'il ne se soucie
visiblement pas de livrer. Nous nous faisons
l'effet de voyeurs ignobles, car c'est
infiniment plus saisissant que la découverte
inattendue d'ébats intimes. Il nous voit avec un
peu de surprise, fait un geste d'appel vers
l'intérieur et, sans bouger de son fauteuil,
ouvre à demi la porte.
" Qu'est-ce que c'est ?
- Nous venons de la part de Mme Laurier, dis-je.
- Ah ! Mme Laurier. "
Il tourne la tête vers l'intérieur, fait un nouveau geste.
" Je vais appeler ma femme.
- C'est vous que nous venions voir, dis-je
encore. Nous voulions vous demander de nous
accorder un entretien. "
Il lève vers nous un regard où, dans la fatigue et la détresse, brille un
éclair de ruse.
" Je n'entretiens pas. "
Guenot intervient :
" Nous avons le projet de faire un film sur Paris à travers certains
extraits de vos livres.
- Oh ! les images, ça n'intéresse personne, et
il faut de l'argent.
- Nous avons l'argent d'un producteur ", dis-je
sans vergogne.
Sa femme est arrivée, en collants noirs, interrompant sans doute une leçon
de danse. Elle a bien quinze ou vingt ans de
moins que lui. Elle nous dit :
" Il est très fatigué en ce moment, il a une balle dans la tête depuis la
guerre de 14, excusez-le, il vaut mieux lui
écrire, il vous répondra.
- C'est ça, dit Céline, écrivez-moi votre
projet. "
Il fait un geste de la main, comme pour écrire ou aussi bien nous balayer.
Ses cheveux encore
abondants, même pas grisonnants, lui tombent
dans le cou, mais son visage, ces formes
gisantes sur le fauteuil, sont d'un vieil homme
très accablé. Il semble ne s'être pas rasé
depuis deux ou trois jours et l'on ne saurait
dire si ce qui luit sur son visage est une sueur
maladive ou la crasse, ou les deux à la fois.
C'est vraiment devenu un personnage de Beckett,
un Molloy ou un Godot, un peu angoissant, avec
un mélange inoubliable de détresse et de malice
au-delà de tout désespoir. Je pense aussi à un
vieux roi déchu ayant touché le fond de la
misère humaine, c'est King Lear, route des
Gardes, jailli sous mes yeux du souffle de
Shakespeare, et tel qu'il m'apparaissait voilà
neuf ans en pays sara, territoire du Tchad,
quand je lisais la pièce à ma petite garce
noire, Madeleine N'Doumba, qui m'écoutait en
ouvrant de grands yeux, poussant des
exclamations, et m'interrogeant sans cesse sur
ce drame dont elle me décrivait de sensibles
équivalents en des tribus voisines, tout en
m'assurant que seuls les Blancs pouvaient se
montrer aussi horriblement méchants que les
filles de ce grand et malheureux chef.
A peine dehors, nous
sommes allés chez Guenot torcher ensemble une
lettre chiadée au grand homme, qu'il a aussitôt
tapée sur sa machine. Quoi qu'il advienne, la
vision que nous avons eue est ineffaçable.
Je ne cesse de penser à l'illumination de mes dix-huit ans, à la lecture
de cette œuvre
prodigieuse et au rêve obsédant qui m'agitait,
en pleine guerre, entre Cagliari et Naples :
rencontrer un jour, coûte que coûte, cet
extraordinaire génie du langage ! Quel souverain
regard, aussi, dans son irrésistible drôlerie,
quelles vues prophétiques, quel extraordinaire
souffle créateur ! Par dessus tout, le bonheur,
au fil de ces pages, de ne plus se sentir si
affreusement seul à lutter contre
l'abrutissement de ce pauvre monde, à résister
de toutes ses forces à tant de connerie mortelle
!
Sa voix, son accent, ont
une sorte de distinction, un naturel fort
éloigné du vulgaire. Il n'y a pas que l'âge, ou
la robe de chambre, qui me rappellent mon père.
Cette façon de se murer dans un paysage
intérieur très ancien, en tournant le dos au
monde. Le Paris des ouvriers et des calicots
d'avant 14, celui que, bien avant, Renoir a
transfiguré dans des couleurs heureuses, mais
qui était bien le Paris des bourgeois féroces de
Zola, des révoltes anarchistes, terriblement dur
aux pauvres, si j'ai bien écouté mon père, et
avec pourtant ces coins de fraîcheur, ces
moments de joie que nous avons du mal à imaginer
tellement cette forme de vie nous paraît
effroyable.
Il y a des trous
mystérieux dans son œuvre,
et qui pourtant sont révélateurs. L'enfance et
la jeunesse. La façon dont, blessé et pensionné
de guerre, il put étudier la médecine et
s'orienter dans cette voie. C'est cela, entre
bien d'autres choses, que nous aimerions
éclairer.
Jacques d'ARRIBEHAUDE
(Extrait de Complainte mandingue, Journal 1960-1962, L'Age d'Homme,
1999).
***
PROPOS RECUEILLIS A
MEUDON
Jacques
d'Arribehaude réalisa l'un des derniers
entretiens avec Céline, le 24 avril 1961,
quelques semaines avant sa mort. Visite liée à
un projet d'adaptation de Voyage au bout de
la nuit, d'où l'évocation de la guerre de 14.
Sont aussi abordés le thème de l'écriture et l'avenir de la race
blanche. Ces propos demeurèrent longtemps
inédits. Nous les reprenons ici pour rendre
hommage au grand admirateur de Céline.
La guerre de 14
Il vous est arrivé de participer à des
patrouilles ou à des charges ?
Des charges, oui, des patrouilles, non.
Avez-vous eu des citations ?
Oui, la médaille militaire de 1914 ! Mais tout cela, la cavalerie,
c'était se servir d'une arme périmée, un peu
comme si on mettait en l'air des avions en
bois...
Vous
partiez avec la lance ?
Non, le sabre ! Le sabre de dragon. Mais ça n'a pas duré. Ils ont
démonté toute la cavalerie en décembre.
Vous
avez parfois rencontré l'ennemi ?
Oui, ça m'est arrivé. Même des Belges qu'au début on ne connaissait pas
mieux.
Qu'éprouviez-vous
alors ?
Tout disparaissait dans la fatigue. Une énorme fatigue. Quand vous êtes si
énormément fatigué, même en pleine force de
l'âge, vous ne sentez plus grand-chose ; tout
est émoussé. Et c'est comme ça que les gens
étaient tués très facilement. Parce qu'après
tout c'est une façon de s'en aller, en dormant.
On était tous dans l'hypnose. A la fois par
l'alcool - pas moi, mais généralement. L'alcool
assommait déjà. Et puis, l'insomnie pendant si
longtemps. Des insomnies pendant des mois ! Plus
de raisonnement, de philosophie, de
dialectique... On va... De la viande qui n'a
plus de défense, qu'on tracasse trop.
Eh bien, tuez-le, allez-y... Maintenant oui, il y a des tas de problèmes
qui se présentent à l'analyse. Mais quand on
commence à analyser, c'est fini ! Tandis que là,
il n'y avait pas d'analyse du tout. Les gens
allaient ; ils marchaient. Sous l'hypnose. Et la
fatigue aidant, la fatigue plus la gniole,
alors, en avant !
Mais,
au départ, il y avait un certain enthousiasme ?
Pas dans la troupe, non. Ceux qui restaient, oui. La troupe. C'était
simplement comme ça. Il y avait une discipline
absolue qui n'était ni mise en question ni
analysée. Rien... Ce n'était pas la peine.
L'écriture
" J'ai travaillé pas mal. On travaille, ou bien
on regarde. C'est l'un ou l'autre. Mais si vous
travaillez, vous ne faites pas autre chose.
Maintenant, on ne sait plus ce que c'est, le
travail. C'est encore un truc que j'ai comme ça,
parce que je ne suis pas d'une génération où
l'on rigolait. Ça
n'existait pas. Les distractions, c'était des
choses de gens riches. Quand on était pauvre, on
travaillait jusqu'à crever. C'était le destin.
Mais je vois maintenant qu'ils ne travaillent
plus. Alors ils ne savent rien. Oh, ils ont tous
une petite envie, comme ça, de s'exprimer. Mais
quand vous les mettez devant une feuille de
papier, devant un pinceau ou un instrument, on
voit surtout la débilité, l'insignifiance.
Du jour où on s'est mis à apprendre sans douleur, le latin sans thème, le
grec en dormant, on ne sait plus rien. C'est la
facilité qui tue tout. La facilité et la
publicité. C'est fini, il n'y a plus rien. Il
manque quelque chose : l'effort. "
L'art et la réalité
Le
grand tort de la civilisation occidentale, c'est
qu'on ne transpose plus. Elle travaille dans "
l'objectif ", mais je crois que la vraie
création, c'est au-delà du réel, c'est ce qui
est transposé. Il n'y a que ça qui compte. Tout
l'art oriental repose sur ce principe absolu,
tandis qu'en France il faut que la bouteille
figure bien sur la table. C'est le " théâtre
libre " finissant en combat de puces, l'esprit
banquiste [NDLR : bonimenteur, saltimbanque] de
plus en plus près du peuple ; c'est la fin, vous
comprenez ? De la merde. C'est là le vice de
notre civilisation et de l'art en général. Même
dans " l'objectif ", personne ne peut plus faire
ce que faisait Anatole France ni Monsieur
Bourget ! Moi, je ne suis rien du tout et
surtout je ne veux pas être l'objet de
manifestations. Du tout, du tout. Je les fous à
la porte ! J'en vois arriver : " Je viens vous
voir pour... " Oui, à la porte ! Ils ne
s'intéressent pas à ces choses, ils ne
comprennent rien.
Mais ce côté de faire des confessions... Moi, quand j'en fais, je me
barbouille de merde pour faire rigoler, mais
c'est autre chose. Mais l'objectivité, c'est
affreux ! Pourtant Dieu sait si je ne suis pas
oriental. Mais il n'y a pas d'erreur parce que
la vie est une saloperie abominable. La vie dans
la vie ! Alors, le réel, " l'objectif " : à
rayer ! Regardez la meilleure place de Molière,
certainement Le Misanthrope. Eh bien ! ce
n'est pas " réel " ni " objectif " ce qu'il
raconte. C'est bien autre chose, bien au-delà
dans l'émotion.
Le bavardage et l'alcool
Ce
qu'il faut : faire un effort. Mais ils ne
veulent pas, les cochons ! Ils ne veulent pas et
puis, ils ne sont pas en état. Ils aiment trop
la vie : ils sont bien, dans la vie ! Vous
comprenez, le jour où l'on a fermé les
monastères, on a fermé la patience, on a tout
fermé. L'homme court après sa queue et son
verre, et c'est fini ! Ah, pour le confort de
votre foyer, que ferez-vous, madame ? Voilà,
c'est tout. La radio, ça ne s'adresse pas aux
milliardaires, ça s'adresse à des gens bien
ordinaires. Et qu'est-ce qu'on entend ? " Ah !
Du confort ? Ce serait tellement mieux du violet
garanti machin autour de votre pièce avec des
ampoules Untel ". Il n'est question que de ça.
Je ne parle pas de maladies, il n'y en a plus.
La vie est éternelle, la vie commence à 40 ans.
Boniments !
J'ai pratiqué en Amérique : je connais tout ça, je connais l'anglais
aussi. Nous avons hérité tout notre côté
dégueulasse des Anglo-Saxons. Avec leur
politique d'optimisme. Et puis, nous avons
conservé les vices du chrétien. Nous sommes des
repus. Sauf évidemment la masse qui crève. Mais
enfin, ils boivent. Et nous sommes aussi le
peuple le plus alcoolique du monde. Alors... Ce
qui tue aussi tous les médecins d'ailleurs. Le
bavardage et l'alcool.
Une seule loi : la loi biologique
Avec les Noirs, les enfants ne
sont pas blancs ! Ils ne reviendront jamais
blancs... Si les jaunes avaient envahi la France
au lieu que ce soit les Boches, eh bien ! vous
auriez ici... Ce serait jaune. Là, vous ne les
voyez pas les enfants d'Allemands. Il y en a
beaucoup dans les rues, mais vous n'y voyez
rien. C'est le sang dominant qui compte. Alors
on vient me dire, on va me raconter : " Vous
savez, l'avenir de la France, c'est un fait
que... " Merde, merde ! C'est un fond de teint,
la race blanche, vous comprenez ? Un fond de
teint ! Pas une couleur ! La couleur, elle est
jaune ou noire ! Le Blanc est un individu
fragile. D'ailleurs, le rêve de la religion
catholique... bonne religion... le rêve du pape,
c'est d'avoir des évêques, noirs et jaunes.
L'évêque de Brest, je viens d'apprendre ça
récemment, c'est un Noir. Ah ! Vous ne vous
doutez de rien, mais ce qui compte, c'est la loi
biologique. Les autres lois, c'est de la
connerie, on les refait.
Même les lois physiques sont transitoires ; on découvre au bout du siècle
que ce n'était pas tout à fait ça. Tandis que,
nom de Dieu, il y a des milliers d'années et des
centaines de milliers qu'il faut 36°8 pas 37 ni
32 ! Et puis, vous pissez tant d'urine par jour
avec tant de centigrammes et de degrés de ceci
ou de cela ; et pas plus ou vous crevez !
Ça, ça existe ! Les
autres lois n'existent pas, c'est du
bavardage...
Propos recueillis par J. d'ARRIBEHAUDE
Note bibliographique
Cet
entretien fut publié pour la première fois le 23
mars 1995 dans Paris-Match, sous le titre
" Céline grogne encore ", puis repris
dans Le Bulletin célinien en mai de la
même année. Ce texte figure également dans
l'album Avec les écrivains du siècle (Filippacchi,
2000), dans la collection " Les trésors des
archives de Paris-Match ". Il a été également
repris dans L'Année Céline 1995 (Du
Lérot-Imec Editions, 1996), avec une précieuse
présentation de Jean-Paul Louis : " Les
entretiens de Jacques d'Arribehaude et Jean
Guenot avec Céline à Meudon sont connus depuis
les deux numéros de L'Herne (1963 et
1965) qui en publièrent des extraits enregistrés
les 6 et 20 février 1960. Jean Guenot reprendra
en 1973, dans son étude Louis-Ferdinand
Céline damné par l'écriture, une partie de
ces entretiens, puis dans Céline à Meudon
(1995) la totalité des transcriptions des
enregistrements restés en sa possession.
De son côté, Jacques d'Arribehaude avait publié dans L'Herne de
1963 un entretien complémentaire réalisé par lui
seul le 27 mars 1961, sous le titre " Le "
Voyage " au cinéma ", texte repris dans
Romans I (Appendice IV, pp. 1114 sq.), puis
dans Céline à Meudon (qui donne la date
d'enregistrement. Voir également Le cinéma de
Céline, Le Lérot rêveur n°45, pp. 3-13).
D'après la présentation de Paris-Match,
ce serait ce même jour du 27 mars que, " une
fois l'interview achevée, Céline avait continué
de penser à voix haute ", l'hebdomadaire
ajoutant : " Bien des années plus tard, Jacques
d'Arribehaude retrouva la pellicule dans son
grenier. Avec sa bande-annonce oubliée. La
voici. " En réalité, ces " derniers propos "
datent du 24 avril 1961 ; Jacques d'Arribehaude
a bien voulu nous préciser qu'ils ont été
enregistrés après une scène qu'il raconte ainsi
: " J'avais ce jour-là promené ma caméra sous
le nez de Céline qui discutait de Rigodon
avec je ne sais plus qui, alors même qu'il
m'avait dit cent fois ne pas vouloir être à
l'image, et juste pour voir si, mine de rien, il
se laisserait faire quand même. Il ne broncha
pas, eut même un vague sourire de faux distrait,
il s'en foutait dès l'instant que je ne lui
demandais pas de poser. Je déclenchai même les
moteurs de la Paillard, toujours pour voir, pas
plus de réaction. C'était le test décisif à mes
yeux qu'un document serait possible. J'étais
persuadé que l'exercice était gratuit, sans
image [...] J'ignorais qu'il restait une queue
de pellicule vierge. Je m'en suis aperçu bien
plus tard, au développement de la bobine [...]
Ces 30 ou 40 secondes à 24 images/seconde sont
pathétiques. Intérieur jour. Persuadé de
mitrailler à vide, je ne l'ai pas noté sur le
moment, mais ce n'était pas le jour de
l'enregistrement du " cinéma " ni celui des "
derniers propos ". C'était probablement le 24
avril, avant qu'on ne s'installe au jardin. "
A
noter que l'ouvrage Le cinéma de Céline
reproduit en fac-similé quatre billets de
l'écrivain adressés à Jacques d'Arribehaude,
dont celui du 4 juin 1960 en réponse à sa lettre
du 31 mai lui annonçant son départ d'Afrique
noire (Dahomey) et les raisons ( " nausées et
malaises " ) qui avaient hâté son retour. Il
avait alors trente-cinq ans : " Cher
Monsieur, Très heureux de vous savoir sorti du
continent noir, mais votre estomac exige tous
vos soins, n'allez rien entreprendre avant
d'être fixé à son sujet. Santé d'abord !...le
reste à votre âge va de soi ! Bien amicalement.
Destouches ".
Voir aussi Jacques d'Arribehaude, Complainte mandingue, L'Age
d'Homme, coll. " Au cœur
du monde ", 1999, pp. 97 et 101.
(Bulletin
célinien, n° 308, mai 2009).
***
CELINE
LE RETOUR DE JACQUES D'ARRIBEHAUDE
Dans
la nouvelle livraison de son journal, qui
englobe la première moitié des années 80,
Jacques d’Arribehaude écrit ceci qui mérite
d’être relevé : « En fin de compte, je
n’aimerais pas être considéré, uniquement, pour
les propos, si remarquables soient-ils, que
j’enregistrais à Meudon auprès de Céline peu
avant sa mort. Je sais ma dette envers Céline,
j’admire son génie visionnaire et pamphlétaire,
mais mon vrai modèle est Saint-Simon. Je ne
prétends évidemment pas me situer à son niveau,
et loin de moi l’idée d’établir une quelconque
échelle de valeurs artistiques et littéraires,
mais Saint-Simon, en décalage complet avec son
siècle comme je le suis avec mon époque, avait
résolu de s’adresser à d’autres générations que
la sienne, et de s’en remettre à la providence
pour être lu et reconnu bien après sa mort. » Et
de préciser : « Je m’attache à cet exemple parce
qu’il m’offre un espoir, qu’il me reste une
œuvre à écrire, susceptible de quelque intérêt
par la suite, et que je garde obstinément au
fond du cœur, moi aussi, la foi de mon enfance.
»
S’il est vrai que Jacques d’Arribehaude n’est
connu de la plupart des céliniens que pour les
entretiens que le grand homme voulut bien lui
accorder, à lui et à son complice Jean Guenot,
il est aussi apprécié de quelques amateurs
d’écrits intimes pour cette somme foisonnante
composée de plusieurs opus aux titres évocateurs
: Une saison à Cadix, L’encre du salut,
Complainte mandingue, Le royaume des Algarves,
Un Français libre et, à présent, S’en fout la
vie.
L’auteur nous apprend que ces mots
figuraient sur de grands écriteaux pavoisant
certains véhicules surchargés pour défier
l’adversité le long des pistes d’Afrique noire.
Cette expression correspond aussi, on l’aura
compris, à la manière aventureuse et désinvolte
avec laquelle l’auteur a mené sa propre
existence.
À défaut de rencontrer au moment de sa sortie un
succès de librairie, cette œuvre a été saluée
par la critique. Ainsi, Pol Vandromme : « Ce
journal est d’un homme libre. Libre devant les
intimidations du siècle comme devant celle des
mantes religieuses et des benêts pâmés. Libre
comme on a désappris à l’être aujourd’hui : en
esprit fort et en vivant magnifique. » On peut
parier que, dans quelques années, il se trouvera
de fervents lecteurs de Jacques d’Arribehaude
comme aujourd’hui on en compte de Paul Léautaud,
même si leur univers n’est en rien comparable.
Le premier, grand voyageur, fut un amoureux
impénitent ; le second, sédentaire résolu, se
révéla un sentimental refoulé, prônant avec
conviction le seul amour sensuel. Rien de commun
avec Arribehaude, chantre de l’amour absolu : «
Je ne suis sensible, qu’au naturel du désir – et
du plaisir – librement partagés dans la
simplicité et la pureté d’une émotion
réciproque, entre deux êtres qui s’aiment
vraiment ».
Impossible, quand on le lit, de ne
pas trouver attachant ce diariste sensitif.
Surtout lorsqu’il nous confie avec une franche
ingénuité ses désarrois sentimentaux ou son
refus du carriérisme dans ce monde de la
télévision qui en est l’exemplaire illustration.
Comme Léautaud, c’est un rêveur épris
d’indépendance et de liberté. Autre point commun
: le style, superbe et délié, d’un naturel
parfait. Au risque de contrarier l’auteur – mais
la nature de ce bulletin a ses contraintes –,
comment ne pas constater que Céline occupe, une
fois encore, une place de choix dans ce volume
alors qu’il est bien éloigné le temps où
l’auteur gravissait la route des Gardes pour
recueillir les propos désabusés du génial
anachorète.
Nulle complaisance envers lui dans
ce journal ; il relève ses propos très durs
envers Robert Brasillach et l’équipe de Je suis
partout. « Même attitude rageuse de Céline à
l’égard de Drieu, mis par lui dans le même sac
que Brasillach, coupable de n’avoir songé qu’à
se livrer ou au suicide », ajoute-t-il. Lisant
le journal de Jünger, il note que « le Paris où
il lui était si plaisant de flâner à sa guise
avec le plus grand détachement, de rencontrer un
petit nombre de merveilleux amis, de garder,
malgré la guerre, sa fidélité à cet idéal
chrétien et chevaleresque que je m’obstine
moi-même à respecter depuis l’enfance, tout cela
me touche. Mais il n’a manifestement pas compris
Céline et l’a rejeté, ce qui surprend quand on
le voit par ailleurs sensible à l’œuvre de Léon
Bloy qui fut un écorché et un imprécateur de
même espèce. »
Ne dédaignant pas les propos politiquement
(très) incorrects, il relate un déjeuner chez
Jean et Monette Guenot, en compagnie de Pierre
Monnier et de Maurice Ciantar. À propos de
celui-ci, il souligne que « rien, dans son
apparence, sa tenue stricte et soignée, qui
puisse déceler la bohème anarchique et
désordonnée de ses premiers textes, et voilà
que, l’âge venu, nous aboutissons aux mêmes
conclusions. La décomposition de l’Occident est
conforme aux visions prophétiques de Céline et
justifie ses pamphlets sur l’impuissance des
démocraties, leur niaiserie bénisseuse dans
l’incapacité d’admettre la pérennité du mal et
la nécessité de s’en préserver pour que le
progrès technique cesse d’être un leurre et un
instrument de crétinisation définitive de
l’espèce humaine ».
La maîtresse de maison n’est
pas en reste qui « confie, en souriant que, de
tout Céline, elle admirait par-dessus tout la
puissance et la verve des pamphlets. » Revenant
sur le sujet peu de temps après, celui qui
rallia à dix-huit ans les « Forces Françaises
Libres » écrit : « Je ne dissimule pas l’horreur
du nazisme, mais je comprends que, dans le chaos
économique, la corruption et la misère des
années 20 en Allemagne, il ait pu naître, faire
illusion, et séduire par ses réformes sociales
non seulement le peuple, mais aussi la fine
fleur de grands esprits, philosophes, artistes,
savants, intellectuels de tous bords célèbres
dans le monde entier, et dont l’énumération
serait longue. Et je comprends mieux les
hurlements de Céline contre une guerre que nous
ne pouvions que perdre et que nous aurions pu et
dû éviter, l’objectif d’Hitler étant
essentiellement l’espace russe, son fameux Lebensraum, où il était voué à l’usure et à
l’échec. »
Comparant Céline à Drieu, il relève,
après avoir relu Gilles, qu’il y avait « une
belle naïveté dans les attitudes de Drieu devant
la guerre. Il est très loin ici de Céline, qui a
osé rire et faire rire à propos de sa frousse
éperdue face aux boucheries inconcevables de
14-18, et sa volonté forcenée de s’y soustraire.
C’est cela, qui a manqué à Drieu. La vraie
distance qui permet l’humour et peut faire de
toute tragédie une farce. Du moins admirait-il
Céline et lui rendait-il hommage, là où, on y
revient, un autre combattant de 14-18, Jünger,
n’a ressenti devant Céline que roide
incompréhension, aversion spontanée, haine
viscérale. » Certains diraient que ce fut sans
doute réciproque. S’il n’a jamais rencontré
Jünger, l’auteur a bien connu Dominique de Roux
qui « se plaisait à croire que ce monde n’est
fait que d’apparence et que, très loin de
l’apparence, la réalité du pouvoir appartient à
un petit nombre d’initiés très secrets, qu’il se
piquait de découvrir.
À la source de la
puissance créatrice et visionnaire de Céline, il
voyait une importance démesurée dans
l’appartenance aussi fugitive que superficielle
de l’auteur du Voyage aux services secrets
durant son séjour à Londres en 1916. Il en
rêvait tout haut. Il aurait pu en parler des
heures. » À mettre en parallèle avec cette
interview télévisée que Dominique de Roux fit de
Marcel Brochard ; la période londonienne
l’intriguait de toute évidence. Mais Brochard,
n’ayant connu Louis Destouches qu’à partir de
l’époque rennaise, soit quatre ans plus tard,
laissa le fondateur des cahiers de L’Herne sur
sa faim…
On a parfois commenté sur un ton désapprobateur
le refus de Céline, à la fin de sa vie, de voir
ses petits-enfants. Nul blâme ici : « Je
comprends Céline d’avoir concentré ses faibles
forces et ses émotions jusqu’au refus de tout
contact avec sa fille et ses petits-enfants. Il
n’avait d’autre choix que de les sacrifier à son
œuvre, s’il voulait l’achever. Même chose pour
Proust, qui fut le vide autour de lui pour
terminer fébrilement avant de mourir les ultimes
pages de la Recherche et du Temps retrouvé. »
Comme on le voit, les résonances de l’œuvre
célinienne sont nombreuses dans ce journal. Mais
celui-ci vaut surtout par sa peinture acerbe du
milieu télévisuel ébranlé par l’arrivée de la
gauche au pouvoir en 1981. Sa valeur tient aussi
au fait que Jacques d’Arribehaude n’enjolive
jamais, ne dissimule rien du mal-être qui
l’étreint, des joies intenses mais éphémères,
des déboires sans cesse renouvelés et de cette
quête si difficile de la sérénité.
Marc LAUDELOUT
Jacques d’ARRIBEHAUDE, S’en fout la vie,
The Book Edition, 2008, 418 pages.
(Le retour de J. d'Arribehaude extrait de
http://euro-synergies.hautetfort.com).
***
Le cinéma de Jacques d'Arribehaude
Un
Français libre : le titre sonne moins comme
un coup de clairon que comme une provocation. Se
dire Français et afficher sa liberté, voilà
peut-être en effet la dernière révolte possible
en cette fin de siècle. Car, pour être libre,
cet ancien de la France Libre l'est à un degré
insurpassable. Nous ne ferons pas ici
l'énumération des insolences que Jacques d'Arribehaude
jette à la face clonesque de ses sinistres
contemporains : elles remplissent les quelque
900 pages serrées de son journal, lequel couvre
les années 1960-1968, ces années décisives qui
ont vu la civilisation française et la
civilisation tout court basculer dans les
abysses de la bêtise et de l'imbécilité -
catastrophe dont d'Arribehaude aura été le
témoin inconsolé.
En
revanche, nous profiterons de cette magnifique
édition
(1),
ornée en couverture d'une photographie de
l'auteur qui est un suprême pied de nez au règne
de la lourdeur, pour redresser une erreur
parfois commise à son sujet. Jacques d'Arribehaude
ne saurait, du moins à notre avis, être rattaché
à l'école des " hussards ", ces señoritos dont
les petits bouquins, quand ils vous tombent des
mains, ne vous font pas mal aux pieds, comme
disait à peu près Céline, si nous avons bonne
mémoire. Céline... C'est bien évidemment de ce
côté, et aussi dans les parages de Cendrars,
qu'il convient, si l'on y tient, de rechercher
un cousinage, plus existentiel et moral
d'ailleurs que strictement littéraire, car
Jacques d'Arribehaude écrirait plutôt comme le
prince de Ligne.
Céline
encore... Quel crève-cœur que le récit des
visites de d'Arribehaude à Meudon, qui est
surtout celui du film qu'il y aurait sans doute
tourné si un voile noir n'y était tombé le 1er
juillet 1961 : " Ce détachement souriant et
tranquille où il était apparu lors de ma
dernière visite, et qui m'avait frappé, c'était
peut-être une manière élégante et discrète de
m'annoncer son départ, l'adieu du gentilhomme
qui subsistait en lui et dont la célèbre pavane
de Rodrigo, que j'écoute ce soir, me renvoie
l'écho déchirant "
Et nous ne doutons pas que ce film eût été un témoignage fabuleux :
Jacques d'Arribehaude écrit avec un
stylo-caméra, et nous donnerions cher
pour voir
les œuvres du cinéaste qu'il fut, surtout
cette saison sèche africaine dont il nous
entretient, à nous donner l'eau à la bouche ! Et
puisque nous en sommes au cinéma, nous ne
résisterons pas au plaisir de conclure en disant
que l'auteur d'Un Français libre en parle
avec une pertinence, avec une justesse de ton
et, encore, avec une liberté décidément peu
commune, que ce soit à propos de Jean-Luc Godard
(dont il ne faudrait tout de même pas oublier
qu'il est, avec ses extraordinaires
Carabiniers notamment, le seul cinéaste
authentiquement, profondément, naturellement "
célinien ") ou du grand Luis Buñuel.
A notre connaissance, Jacques d'Arribehaude est le seul, avec David Mata,
à avoir vu qu'il était un " admirable
réactionnaire ".
Michel MARMIN
(1) Jacques d'Arribehaude,
Un Français libre, L'Age d'Homme, 2000,
le livre réunit les trois journaux précédemment
publiés - Une saison à Cadix, L'Encre de
salut et Complainte mandingue -, revus,
corrigés et ordonnés, auxquels s'ajoute une
quatrième partie inédite, Le Royaume des
Algarves.
(BC
n° 215, décembre 2000).
|