AYME PARCOURS
Marcel Aymé est né le 29 mars 1902 à Joigny,
dans l’Yonne,
où son père, maître maréchal-ferrant dans
un régiment de dragons,
est en garnison. Il est le benjamin de six enfants et
ses parents sont originaires de villages voisins du
Jura. Sa mère meurt en 1904, alors qu'il n'a que deux
ans. Son père le confie alors à la plus jeune de ses
sœurs, Suzanne, son aînée de deux ans, ainsi qu'aux
grands-parents maternels, Auguste Monamy et Françoise
Curie, qui exploitent une tuilerie, une ferme et un
moulin à Villers-Robert dans
le Jura.
Le village lui servira de décor pour La
Jument verte et
de nombreux autres romans tels que La
Vouivre, Gustalin ou
encore La
Table aux crevés (1929).
C'est de ce monde-là qu'il s'inspirera pour décrire les
très vives passions politiques, anticléricales ou
religieuses du monde rural. Il vit d'ailleurs lui-même
ces querelles à l'intérieur de sa propre famille,
puisqu'il faudra attendre la mort du grand-père (anticlérical)
pour qu'il soit baptisé, à l'âge de sept ans.
En 1910,
à la mort de sa grand-mère, il est pris en charge par sa
tante Léa Monamy, la plus jeune sœur de sa mère, qui n’a
pas d’enfants et tient un commerce de mercerie.
Elle le place en pension au collège de Dole,
mais il retourne passer ses vacances à la campagne où il
se fait berger à l'occasion. C’est là que Marcel apprend
à connaître le monde rural qui inspirera ses romans de
la campagne et ses contes. Il y vit entouré d’affection,
et découvre, dans cette période de séparation
des Églises et de l’État,
les luttes violentes entre républicains et cléricaux.
Petit-fils d’un homme engagé dans le camp républicain,
il subit les moqueries de ses camarades, majoritairement
de l’autre bord. Il conservera de cette expérience une
aversion pour l’intolérance et l’injustice.
Il poursuit ses études au collège
de l'Arc et
obtient le baccalauréat « math-élèm » en 1919. Sa
scolarité fut bonne, en tout cas différente de l’image
de cancre qu’il a donnée de certains de ses personnages.
Entré en mathématiques supérieures au lycée Victor-Hugo
de Besançon pour
préparer le concours de Polytechnique,
il doit abandonner ses études en 1920, victime de la grippe
espagnole.
Il restera longtemps d'une santé fragile.
L'écrivain débutant
Après
son service militaire de 1919 à 1923, il arrive à Paris
où il exerce les métiers les plus divers : employé de
banque, agent d'assurances, journaliste. Il ne se trouve
aucun talent :
« Petit provincial cornichon, pas plus doué pour les
lettres que ne l'étaient alors les dix mille garçons de
mon âge, n'ayant seulement jamais été premier en
composition française (…) je n'avais même pas ces fortes
admirations qui auraient pu m'entraîner dans un sillage. »
Il profite pourtant d'une convalescence pour écrire son
premier roman, Brûlebois,
publié en 1926, qui attire l’attention. Suivent Aller-retour (1927), La
Table aux crevés (1929)
qui obtient cette même année le prix
Renaudot, La
Rue sans nom (1930).
Mais c'est avec La
Jument verte (1933)
que Marcel Aymé obtient la grande notoriété. À partir de
là, il considère la littérature comme un métier. Il se
lance en même temps dans le cinéma et commence à
s'intéresser au théâtre. C'est avant la Seconde
Guerre mondiale qu'il
écrit Vogue la galère, pièce qui ne sera jouée
qu'en 1947.
L’écrivain
reconnu puis décrié
« Marcel Aymé a passé une bonne partie de sa vie et de
son œuvre à être et à faire ce que l'on n'attendait pas
de lui, moyennant quoi il a fini par occuper un
ministère parfaitement reconnu : celui de l'ironie
politique et de l'inconfort intellectuel. »
Son parcours est déconcertant. Il est classé à gauche
jusqu'à ce que, le 4 octobre 1935, il signe le Manifeste
des intellectuels français pour la défense de l'Occident
et la paix en Europe,
qui soutient Mussolini dans la seconde
guerre italo-éthiopienne.
Tandis qu'en pleine Occupation il fait équipe au cinéma
avec un réalisateur marxiste, Louis
Daquin,
il donne dans le même temps romans et nouvelles à des
journaux collaborationnistes : Je
suis partout, La
Gerbe,
mais, comme il n'y a dans ses textes aucune trace
d'engagement politique, il ne sera pas mis sur la liste
noire des écrivains à la Libération.
Il a même férocement tourné en dérision le régime nazi
avant 1939 (voir Travelingue,
et « La
Carte »
ou « Le Décret » dans Le
Passe-muraille).
Ironie du sort, c'est une collaboration
cinématographique avec la Continental
Films qui
lui vaudra un « blâme sans affichage » en 1946, pour
avoir « favorisé les desseins de l'ennemi ». En
conséquence, il refuse la Légion
d'honneur qui
lui est proposée trois ans plus tard en 1949. Il est
alors invité à l'Élysée, invitation qu'il décline, s'en
s'estimant indigne pour le motif qui a entraîné son
blâme, et il écrit : « Si c'était à refaire, je les
mettrais en garde contre l'extrême légèreté avec
laquelle ils se jettent à la tête d'un mauvais Français
comme moi et pendant que j'y serais, une bonne fois,
pour n'avoir plus à y revenir, pour ne plus me
trouver dans le cas d'avoir à refuser d'aussi désirables
faveurs, ce qui me cause nécessairement une grande
peine, je les prierais qu'il voulussent bien, leur
Légion d'honneur, se la carrer dans le train, comme
aussi leurs plaisirs élyséens. »
La réputation de collaboration a pu être entretenue par la défense de ses
amis : Robert
Brasillach (en
1945), Maurice
Bardèche (en
1949) et Céline (en
1950).
Au sujet de l'antisémitisme,
l'auteur Henri
Jeanson raconte
dans ses Mémoires : « L'apparition de l'étoile
jaune, par exemple, souleva la colère des Parisiens et
ils surent la manifester, cette colère, à leur risques
et périls. Je me souviens très bien que Marcel Aymé le
silencieux, que Marcel Aymé dont l'impassibilité n'était
qu'apparente, écrivit alors sous le coup d'une émotion,
qu'il ne put ni ne voulut maîtriser, un article d'une
violence inouïe contre les responsables de ces mesures
ignobles et humiliantes qui nous atteignaient tous. Cet
article, il le proposa en toute innocence à un journal.
L'article fut accepté, composé et soumis à l'obligatoire censure allemande
qui, comme prévu, en interdit la publication. À
l'imprimerie, les typos en tirèrent alors de nombreuses
épreuves à la brosse et se firent un devoir de les
distribuer autour d'eux avec prière de faire circuler. »
La controverse Marcel Aymé
L'écrivain a été attaqué par tous ceux qui ne
supportaient pas la description crue dans les romans de
la France des années 1940 et celle de l'épuration,
mettant sur le même pied les collaborateurs monstrueux
et les revanchards sinistres, dépeignant avec une
exactitude désinvolte le marché noir, les dénonciations,
les règlements de comptes (Uranus, Le
Chemin des écoliers).
Mais il a surtout soutenu jusqu'au bout Robert
Brasillach,
tentant de faire signer à des intellectuels et des
artistes de tout bord la pétition contre la peine de
mort dont Brasillach était frappé. Albert
Camus, Jean
Cocteau, François
Mauriac et
d'autres l'ont signée, sauf Picasso qui venait d'adhérer
depuis peu au parti communiste, ainsi que l'explique Claude
Roy : « J'ai
souffert que mon parti d'alors s'oppose à ce que je
participe à une demande de grâce. Picasso a refusé aussi
pour la même raison. » Il a également collaboré à Défense
de l'Occident,
périodique nationaliste.
En février 1963, il est cosignataire d'une lettre du Comité de secours
aux objecteurs
de conscience réclamant
au Président de la République et au Premier ministre un
statut pour que les objecteurs puissent effectuer un
service civil et non militaire.
Le succès populaire malgré tout
Bien que très blessé par cet épisode, Marcel Aymé n'en
continue pas moins à publier un grand nombre de romans,
de contes, de nouvelles et de pièces de théâtre. Si ses
œuvres lui valent un immense succès populaire, la
critique le met en pièces ou l'ignore, et cela jusqu'à
sa mort en 1967. Champion du contre-courant, on lui
reproche l'anti-américanisme de La Mouche bleue en
pleine période pro-américaine.
À propos de sa pièce Les
Oiseaux de lune,
mise en scène par André
Barsacq au Théâtre
de l'Atelier, Elsa
Triolet écrit
: « On rit énormément à ces oiseaux de lune. Mais hier
comme aujourd'hui, qu'on pleure ou qu'on rie, il y a
quelque chose de pourri dans ce royaume-là. » Et
pourtant, au théâtre, Marcel Aymé obtient de grands
succès en particulier avec La
Tête des autres,
mise en scène par André
Barsacq au théâtre
de l'Atelier,
une satire dont la magistrature est
seule à ne pas rire.
La Tête des autres est
le premier grand plaidoyer contre la peine
de mort qui
fait scandale. Marcel Aymé y ridiculise les procureurs
de la République.
Famille
Son frère aîné, Georges
Aymé,
est général de brigade durant la Seconde Guerre
mondiale, et décoré de l'ordre
de la Francisque.
Il est également le second du général Eugène
Mordant,
commandant des forces françaises en Indochine, et son
principal collaborateur à la tête de la Résistance
indochinoise. Georges épouse en 1931 Alix
Hava,
artiste peintre et professeure à l'école
des beaux-arts du Viêt Nam.
Le 16 avril 1931, Marcel Aymé a épousé Marie-Antoinette Arnaud.
|