CONTACT
CONTACT:
Michel MOULS
Mail :
mouls_michel@orange.fr
www.celineenphrases.fr
J'ai bien eu, en effet,
trois passions dans ma vie. Elles se sont succédées sans
le moindre heurt, sans dégâts collatéraux. Chacune
préparant, sécrétant harmonieusement la suivante...
Le ballon
ovale, le maillot " vert et noir ", la cuvette de Sapiac,
L' U.S.M. (l' Union Sportive Montalbanaise), ont abrité
mes douces années d'adolescent. Depuis " poussin " en
passant par les " benjamins ", les " minimes ", les "
cadets " puis " juniors B " et " juniors A " ... j'ai
foulé, jusqu'en " réserve " les mêmes " 22 mètres " que
les prestigieux " internationaux A et B " qu'ont été
Henri ROMERO, Louis BLANC, Jean-Michel CABANIER ou
Jeannot DAYNES et Christian ALBERT...
Souvenirs...
Dans
cette magique et si redoutable cuvette j'ai pu
m'enthousiasmer, m'éblouir, avec une ville entière, des
merveilleux exploits des frères BONIFACE, des frères
PRAT, LABAZUY ou CAMBERABERO. Ah !... Ces dimanches
après-midi remplis d'exploits individuels, de drops
décochés de la touche, de départs derrière une mêlée
conquérante, de " cadrages - débordement ", d'essais en
coin sur le poteau de touche... une ville morne et si
calme en semaine hurlant, debout, son soutien et sa
passion... Féerie en vert et noir... Tout mes vingt
ans...
Les
dirigeants de Libourne, 2ième division, où j'occupais le
poste de trois quart centre, n'ont pas tenu parole. Je
suis bel et bien parti en Algérie, après mes trois mois
de " classes " à la caserne Nansouty de Bordeaux.
L'année 1964 me vit débarquer à Oran au 66 ième G.A. Une
longue année où le contact des légionnaires du 1 er
R.E.P. dissous lors des " Evènements ", m'a fait
prématurément et brutalement découvrir que la période si
douce, sereine, apaisée et sans responsabilité de mon
adolescence était bel et bien révolue...
Le tennis, que j'avais approché bien discrètement à Montauban
vers mes 17 ans, après que Mr Sabatier, l'ingénieur des Ponts et Chaussées ami
de mon père, m'eut offert une vieille raquette pour meubler mes longues journées
d'été sans efforts physiques, fut ma seconde passion et marqua alors ma vie
personnelle comme professionnelle.
Des
milliers, des millions de " coups droits ", de " revers ", de " smashs ",
de " passings ", de " services liftés ou slicés " m'ont préparé, avec des
dizaines de revues techniques âprement compulsées, à devenir éducateur sportif
1er, 2ième degré puis moniteur de tennis. Folle et prodigieuse passion... Aux "
touches et mêlées " des Jean BARTHE ou autre Benoît DAUGA succédèrent les fameux
duels DARMON - PIETRANGELI puis les époustouflants combats Bjorn BORG -
Guillermo VILAS.
A Marseille, le contrôleur de la Poste en devint même
détaché permanent à l'ASPTT sur les courts de Saint-Giniez. Leçons collectives
et individuelles, perfectionnements, entraînements des " espoirs ", animation et
gestion de près de 1000 membres... je fus là un des plus heureux et occupés des
hommes...
Hélas, les cartilages de mes deux genoux ne furent pas en
adéquation (comme parlent les énarques...), avec les huit ou dix heures passées
à " pas chassés", contre pieds, blocages, flexions, courses effrénées sur le "
dur "... et les professeurs consultés le coeur battant, furent du même avis.
La Poste me reprit, et la nouvelle et tardive carrière de
Receveur puis de Directeur d'Etablissement me permirent, la vie est quelquefois
bizarre, de rencontrer la troisième passion qui m'anime encore au moment où
j'écris ces lignes... de découvrir l'existence de Louis-Ferdinand Céline.
C'est à Sauveterre de Comminges, près de Saint-Gaudens,
que je lus pour la première fois Mort à crédit. Expédié en tout début de
carrière, pour relancer l'activité et le développement commercial du bureau de
Poste de ce village de 720 habitants, les soirées, en solitaire, y étaient
particulièrement longues. Voyage au bout de la nuit puis les " pamphlets
" vinrent rapidement rejoindre Mort à crédit me permettant ainsi de
pénétrer l'univers célinien. Sa poétique, son lyrisme, son
esthétique, ce style " du langage parlé dans le domaine de l'écrit " devaient me
séduire, mais ce qui alors m'attirait encore davantage, c'était surtout son
individualisme forcené. Son parcours personnel, ses expériences aussi bien en
14/18, à la SDN, qu'au Canada ou à Londres, ses certitudes, ses refus du
conformisme, son rejet de toutes les idéologies passaient à mes yeux, avant le
génie de son écriture...
" Je refuse la guerre... Seraient-ils neuf cent quatre-vingt
quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort ".
Plus tard, la poursuite de ma carrière m'ayant entraîné à
Nice... un homme exceptionnel compléta (et de quelle manière !...) ma
connaissance de l'ermite de Meudon. Ce merveilleux et si talentueux
personnage... c'était Pierre MONNIER.
Il avait été son éditeur, l'avait visité deux
fois sur les bords de la Baltique au Danemark, avait fait la liaison avec Gaston
GALLIMARD pour son contrat à son retour d'exil... il connaissait NIMIER,
ARLETTY, Marcel AYME, BRASSEUR, Michel SIMON, Albert PARAZ, Sacha GUITRY et bien
sûr LUCETTE qui l'avait reçu en compagnie de RENEE son épouse, des quantités de
fois Route des Gardes...
Que d'éclairages
m'as-tu apportés PIERRE, mon ami !... mon cher AMI...
" Le James Stewart dégingandé "... il avait été
comparé... RENEE, elle... si douce, si pétillante aussi
... l'appelait Pierrot...
Merci... merci pour
tout... Pierrot.
******************
ENTRETIEN AVEC MICHEL MOULS
Célinien
de longue date et grand collectionneur, Michel Mouls a
eu la chance de côtoyer à Nice trois fervents lecteurs
de Céline : Pierre Monnier, Alphonse Boudard et Louis
Nucéra. Il est aussi celui qui a créé un remarquable
site internet entièrement consacré à son écrivain de
prédilection, " En phrases avec Céline ".
En 2009, il a également eu l'audace d'organiser, en collaboration avec le
BC, dans son petit village varois, trois journées autour
de Céline qui réunirent François Gibault, Nicole Debrie,
Pierre Lainé et le regretté Paul Yonnet. Ce fut un
succès et cela demeure un beau souvenir.
En quelques mots pourrais-tu te présenter ?
Je
suis né à Saint-Affrique en Aveyron, mais mon enfance
s'est déroulée à Montauban où mes parents s'étaient
ensuite installés. J'avais à peine un an. Période
insouciante, douce et paisible avec mon père, inspecteur
du Cadastre, ma mère se consacrant à la bonne éducation
de ses deux enfants - j'ai une sœur
cadette - ; mon adolescence s'y est également passée
sans problème.
Dans cette province du Quercy spécifiquement agricole, seule la passion
du rugby anime les dimanches et permet, dans la fièvre
du ballon ovale, de mobiliser les populations.
Le service militaire effectué, de retour d'Algérie, un bac en poche et le
concours d'entrée aux PTT réussi, comme la majorité des
jeunes gens de cette région si peu industrialisée, je "
monte ", tout fraîchement marié à une Montalbanaise, à
Lille pour y prendre ma première fonction de "
contrôleur aux PTT " comme on disait alors.
J'y ai surtout pratiqué le tennis. Et dès ma première mutation trois ans
après, à Marseille, c'est à l'ASPTT que je fus détaché
permanent et ne me consacrai plus qu'à ce sport. Las
!... Si, après le rugby, cette deuxième passion me
procurait des joies intenses, les cartilages de mes
genoux ne l'entendirent pas ainsi et, une dizaine
d'années plus tard, il me fallut réintégrer cette grande
famille qu'était devenue la Poste.
A commencé dès lors la série de mes futurs dix-neuf
déménagements ; il fallait absolument rattraper le temps
" tennis " perdu pour la carrière de Chef
d'Etablissement que j'avais décidé alors d'entreprendre.
Et ce fut, les Comminges, province en dessous de
Toulouse, la Lozère, l'Aude, Marseille encore, Grasse
puis Nice enfin où toutes ces fonctions occupées, ces
concours réussis m'ont permis d'atteindre l'âge de ma
retraite en tant que " cadre sup " aux services
financiers de la Banque postale.
Aujourd'hui, la retraite prise à 65 ans, maximum légal, dans un petit
village varois, Puget-sur-Argens, c'est à quelques
kilomètres de là que je me suis posé. Je vis à
Mandelieu-la-Napoule, à 15 km de ma mère et de ma sœur
toutes deux à Grasse et à 15 autres km de mon fils
installé à Juans-les-Pins.
J'y goûte, entre le vert de l'Estérel et le bleu de la Méditerranée des
moments sereins et privilégiés où les voyages, la
lecture et Céline bien sûr tiennent la plus grande
place.
Quand as-tu découvert l'œuvre
de Céline et dans quelles circonstances ?
J'ai débuté mon nouveau métier de Receveur à Sauveterre,
un village des Comminges de 720 âmes environ, situé à
quelques kilomètres de la frontière espagnole. J'étais
seul, et si les journées étaient très occupées et
quelquefois même harassantes, surtout au début, les
soirées, elles, ne présentaient aucune vraie
réjouissance.
Je lisais donc beaucoup. Le courant littéraire des " Hussards "
m'intéressait pour ses prises de position
anticonformistes sur l'Algérie. J'appréciais les Nimier,
Chardonne, Morand, Antoine Blondin ou Jacques Laurent
aussi pour leur " antisartrisme " jamais déguisé.
Sportif, j'avais admiré dans L'Equipe les reportages si
talentueux, fulgurants de réalisme, d'Antoine Blondin et
de Denis Lalanne. C'est par eux que je découvris Céline.
L'auteur des Epées, celui de L'Europe
buissonnière et celui de Mauriac sous de Gaulle
n'en disaient pas le moindre mal, bien au contraire ; le
" poison " était dans le fruit et grande ma curiosité.
Et si, un beau dimanche d'hiver, j'achetai Mort à crédit, mon
premier livre de Céline à l'étal d'un bouquiniste
toulousain, c'est avant tout parce que je souhaitais
ardemment me rendre compte de ce qu'écrivait celui que
la " société " maudissait tout en pratiquant la chape de
plomb sur son œuvre.
J'ai ainsi, involontairement, rétabli la chronologie de ses deux premiers
romans. Le Voyage, mais aussi les pamphlets
achetés sans difficulté chez les bouquinistes de la cité
rose sont très vite venus grossir les étagères de ma
bibliothèque. Ceux-ci m'ont énormément fait réfléchir et
leur lecture a bouleversé nombreuses de mes idées reçues
sur - pour paraphraser un autre écrivain - " notre
avant-guerre ".
Pourquoi cette passion, un tel intérêt pour Céline ?
Sa
poétique, son lyrisme, son esthétique, ce style " du
langage parlé dans le domaine de l'écrit " m'ont
immédiatement séduit. Mais ce qui m'a attiré encore
davantage, c'est son individualisme forcené. Son
parcours personnel, ses expériences aussi bien en 14-18,
à la S.D.N., qu'au Canada, à Londres ou en Afrique
montraient une telle volonté, un activisme, une telle
soif de connaître et de s'impliquer que cela avait le
don de me passionner.
Son refus des conformismes, son rejet absolu de toutes les idéologies
passaient, à mes yeux, avant l'immense génie de son
écriture. " Je refuse la guerre. Seraient-ils neuf
cent quatre-vingt quinze millions et moi tout seul,
c'est eux qui ont tort. "
Habitant à Nice durant de nombreuses années, tu as eu la
chance de bien connaître Pierre Monnier qui y a pris sa
retraite. Voudrais-tu évoquer cette rencontre et dire ce
qu'elle t'a apporté ?
Je n'ai pas rencontré Pierre à Nice, mais à Paris, lors d'une "
Journée Céline " que le Bulletin célinien
organisait alors chaque année depuis 1991. Ma
bibliothèque célinienne s'était étoffée depuis des
années passées dans les Pyrénées, à Carcassonne, en
Lozère et, à cette époque, à Nice où je venais d'être
muté.
Montant à Paris pour accompagner mon épouse, dentiste, qui durant
quelques jours assistait au " Salon dentaire ", je
joignais l'utile à l'agréable en écumant les
bouquinistes des quais (bonjour André Bernot et Jacques
Giraudo !...), Saint-Michel, Saint-Germain et tout le
quartier Saint-Sulpice.
Abonné au Bulletin célinien, je connaissais l'existence de Pierre
Monnier et son rôle éminent joué auprès de Céline, tant
au Danemark qu'après son retour avec Gaston Gallimard,
mais je l'ai rencontré pour la première fois en 1995
pour la " Journée Céline " où le professeur Juilland
était l'invité vedette.
Intimidé, j'avais osé, lors d'une pause où je venais
d'acheter Ferdinand furieux, lui demander de le
dédicacer en lui disant quelques mots de respect et de
sympathie Il me dit alors qu'il se partageait entre
Paris et Nice, où il se promettait de prendre sa
retraite et nous sommes vite tombés d'accord pour se
retrouver soit place Cigalusa, tout en bas de chez lui
ou bien à mon bureau de poste sur les quais du Port
Lympia où j'exerçais depuis trois ans maintenant.
Débuta là une merveilleuse et attachante amitié, forte d'histoires,
d'histoires de notre France, remplie d'anecdotes vécues,
de faits historiques, politiques, narrés dans leur
contexte avec la précision d'un historien paternel.
Comme tout cela me permit enfin de comprendre pourquoi
et comment les chapes de plomb se referment
inexorablement sur tel auteur et pourquoi et comment les
portes de la renommée sont offertes à tel autre !...
Que de soirées passées ensemble avec sa charmante épouse, Renée... Que de
magrets au feu de bois dégustés au " Vieux Four " !...
Il avait été surnommé, je ne sais plus par qui " le
James Stewart dégingandé ". Lumineux, enjoué,
merveilleux conteur, il rayonnait, pétillait de finesse
et d'intelligence. Il connaissait tout, avait tout vécu
: la guerre, le Front Populaire, le 6 février 34,
l'Action Française, le journalisme avec Thierry Maulnier
et L'Insurgé, Vichy, puis le dessin de presse
chez Paul Levy, directeur de Aux Ecoutes, avant
de terminer brillamment sa carrière chez L'oréal.
Imaginez un seul instant mon état d'esprit lorsqu'il évoquait celui qu'il
appelait Ferdinand...
- " Pierre, comment était-il dans la vie, réellement ?
- Tu sais, c'est difficile de décrire un tel génie. Il avait connu
tellement d'évènements, de bouleversements des mœurs
avec le désarroi des petits commerçants devant la
révolution technologique, la guerre surtout (clef de son
œuvre...), la S.D.N. où il
avait démasqué " les tireurs de ficelles ", l'Afrique,
l'Amérique, sa médecine, la Fondation Rockefeller, la
montée du Font Populaire, les dessous de la 2ième Guerre
Mondiale, la gloire en 32, l'URSS et ses horreurs, la
trouille pour sa vie, Sigmaringen, la prison, tant
d'années...
C'était surtout un homme de contradictions et il connaissait l'existence
de son talent. Imaginer les champs de bataille se
remplir à nouveau de milliers de cadavres
français lui
était insupportable... Il lui fallait réagir... "
Tu as également rencontré les amis de Pierre : Louis
Nucéra et Alphonse Boudard ? Quelles impressions t'ont
laissées ces écrivains ?
Pierre
Monnier et moi sommes devenus très amis. Nous habitions
dans le même quartier et les couples se recevaient.
Pierre venait me chercher souvent à midi pour déjeuner
et c'était toujours un enchantement de l'entendre
décortiquer l'actualité, ses trois quotidiens sous le
bras, se servant de ses innombrables petits carnets de
notes. Il écrivait A l'ombre des grandes têtes molles
puis Les Pendules à l'heure et il avait besoin
d'allers et retours rapides pour la correction de ses
manuscrits avec Paris ou Monaco pour son Arletty
édité par le Rocher. C'est pour cette raison qu'il m'a
fait rencontrer Alphonse Boudard. Celui-ci voulait que
les corrections de ses manuscrits ne se perdissent pas
en route et surtout, grâce à " Chronopost " qu'ils lui
fussent retournés dans les 48 heures. Les guichetières
de mon bureau de poste étaient très fières de les voir
fréquenter régulièrement leur établissement.
Quand les Boudard étaient à Nice, le soir, invité au "
Vieux Four ", je vivais des moments fabuleux. Le patron
nous réservait la moitié d'une salle. Alphonse et sa
femme Gisèle, Louis Nucéra et Suzanne, Pierre et Renée
préféraient s'isoler un brin pour éviter les
sollicitations incessantes des curieux, admirateurs
empressés.
A ces trois extraordinaires conteurs, Gisèle Boudard venait apporter à
son tour ses souvenirs les plus pittoresques. Secrétaire
de L'Express, elle y avait côtoyé Françoise
Giroud et Madeleine Chapsal. Elle évoquait notamment les
prises de position du journal qui militait pour
l'indépendance algérienne, les frasques inconnues de ses
dirigeants, les élucubrations de Giroud, et la fameuse
interview de Madeleine Chapsal que Roger Nimier, son bon
ami, avait provoquée.
Les
trois écrivains ajoutaient leurs propres visions
historiques des choses et je buvais littéralement leurs
paroles. Ils appelaient un chat un chat et les mythes
fabriqués
par les vainqueurs et les médias aux ordres ne
résistaient pas longtemps à leurs révélations
successives. Quelle complicité unissait ces trois
écrivains !... Et que j'aimais Pierre quand je
l'entendais le plus souvent pour conclure un souvenir :
" - De toute manière, le peuple, il est toujours cocu avec son bulletin. Le
vrai pouvoir, il se trouve entre les mains de groupes de
pression occultes qui arrangent les guerres dans
lesquelles on vous occit !... "
Ah ! Pierrot, Alphonse et Louis et le politiquement correct !...
Quelles ont été tes critères pour réaliser ta
collection autour de Céline et qu'est-elle devenue
aujourd'hui ?
Les
rayons de ma bibliothèque célinienne continuaient de se
remplir. La librairie " D'un livre l'autre " d'Emile
Brami et Jacques Giraudo, un Niçois, bouquiniste sur les
quais de Paris, y avaient beaucoup contribué.
C'est avec lui et Pierre que l'idée germa... L'expérience de l'exposition
de Lausanne en 1977 dans un musée est remontée à la
surface. Cette suggestion, restée un an en l'état,
n'avait pas quitté mon esprit et mes achats
s'intensifiaient. Je décidais même jusqu'à " faire "
toutes les éditions pour chaque roman ou chaque
biographie. J'étais en relation, je me souviens avec
près de 110 librairies et bouquinistes à travers la
France.
Un soir, tous attablés dans un restaurant du Cours Saleya, la " socca "
et le petit vin de Bellay à peine dégustés, Alphonse me
questionna sur cette expo, son lieu éventuel, son cadre
qu'il fallait prestigieux, le parrainage par la
municipalité (Louis Nucéra pourrait s'en occuper...) et
avança alors une proposition fantastique... qui
m'emballa littéralement.
- " Sur une semaine complète, un jour entre autres, on choisit en fonction
de nos séjours et disponibilités à Nice, Louis, Pierre
et moi, trois cycles de conférence avec trois thèmes
bien définis sur l'énergumène de Meudon... On associe la
Mairie, on trouve le cadre idoine (Musée, Abbaye, le
CUM...), Raoul Mille et Raoul Gatti seront O.K... Pas
mal, mon pote ?... Non ?... Michel fera gaffe pour bien
assurer ses bouquins, qu'aucun salopiau vienne nous emm...
! "
Aux anges... Michel... Vingt-deux ans après Lausanne, je préparais une
plaquette, je voyais ces trois éminents céliniens, micro
en mains, ici, à Nice, dans un amphithéâtre bondé,
présenter successivement une conférence sur L.-F.
Céline... Raoul Mille, écrivain, historien, grand
responsable culturel à la Mairie " tartiner " dans
Nice-Matin, Raoul Gatti, le photographe, ami de
Pierre et Renée, œuvrer à
son tour... Sur un petit nuage... Il ne me restait plus
qu'à acheter encore et encore.
Hélas, les évènements qui allaient se succéder, en décidèrent tout
autrement. L'année suivante, en tout début d'année,
l'auteur du merveilleux Mourir d'enfance
disparut... le cœur...
Quelques mois plus tard, en plein été, la mort de Louis
Nucéra allait bouleverser tous les Niçois. A bicyclette,
sport qu'il pratiquait intensément, le grand Prix de
Littérature de l'Académie Française était fauché par une
auto sur la route de Grenoble tout près de Carros... Le
destin... et j'avoue bien volontiers que dans mon
esprit, tout avait bien disparu quant à l'idée de ma
future exposition...
Quelles
sont les pièces les plus intéressantes qui faisaient
partie de cette collection ?
Ma
collection se composait de plus de 1000 pièces, 250
livres de l'œuvre, toutes
éditions, 400 volumes sur celle-ci, 8 disques, 21
cassettes, une centaine d'hebdomadaires et mensuels,
plaquettes, quotidiens, 27 affiches, 1 buste, 5
tableaux.
Il me faut préciser encore une anecdote au sujet de Pierre Monnier. Un an
environ avant son décès en 2005, il m'avait promis d'en
parler à Fabrice Luchini qu'il devait rencontrer
prochainement.
- " Tu verras, un type formidable... Quel talent !... Une chaise, un
manteau, une écharpe, tu as Ferdinand sur la scène !...
Je vais lui parler de ta collection. Tu vas la vendre
d'un seul bloc. Ces acteurs géniaux, avec un tel talent,
ils gagnent un fric fou !... "
Les plus belles pièces étaient représentées par la thèse de médecine
(1924), La Quinine en thérapeutique (1925),
l'édition " Les Heures claires " illustrée par Marc
Dautry en 3 volumes, les plaquettes Qu'on s'explique,
Pour tuer le chômage, Vive l'Amnistie, les
pamphlets, quelques uns sur grands papiers, toutes les
reliures-Bonnet, les Cahiers de l'Herne avec les
lithographies de luxe non reliées, la thèse d'Eric Mazet
en Sorbonne (1971) introuvable, tous les Actes, les
Textes et documents, tous les B.C. depuis le numéro
zéro, tous les " Céliniana " , les Années Céline,
les Cahiers, un buste de Breker... des tableaux
dont un de Guy Vignoht, des affiches de la Fondation
Rockefeller qu'utilisait l'équipe médicale en Bretagne
sur l'hygiène et la santé.
En 2004, quand j'ai décidé, le cœur
lourd, ma vie personnelle ayant " tourné ", de vendre ma
collection, les plus belles pièces sont, bien entendu,
vite parties. Elles sont allées compléter des
collections déjà bien fournies.
J'étais à Puget-sur-Argens quand je suis allé chercher à l'aéroport de
Nice un éminent célinien grand collectionneur, qui avait
pris l'avion pour venir puiser tous les fleurons,
éditions originales et tirages de luxe de ma
bibliothèque. Remonté l'après-midi même, il avait, pour
ainsi dire, " économisé " dix ans de recherches dans la
valise qu'il emportait avec lui.
Aujourd'hui, il reste encore autour de 350 pièces qui pourraient ravir
nombre de céliniens. Elles sont toutes décrites sur mon
site en cliquant sur le bouton : " Ventes livres ". Je
réponds à tout amateur par retour en précisant le prix.
Pourquoi as-tu créé ce site sur Céline ? Quelle en est
la teneur ?
Au
fur et à mesure que je voyais partir les livres, moi qui
avait tant œuvré pour les
rassembler, je me suis retrouvé avec une impression
bizarre. C'était un choix fort, mûrement réfléchi
certes, mais me laissant un sentiment de frustration.
C'est ce qui m'a incité à rechercher, puis à trouver une
sorte de compensation.
J'avais depuis longtemps rassemblé en une petite centaine de feuillets le
plus grand nombre de citations marquantes de l'œuvre
de Céline. Je l'avais montrée à Pierre qui avec sa très
grande indulgence m'avait même " pondu " une préface au
cas où, comme j'en avais manifesté l'intention, je
l'aurais fait éditer.
Et puis là, c'est un concours de circonstances qui a fait le reste. Ma
retraite prise dans ce village varois, beaucoup de temps
libre donc, ma compagne cruellement atteinte, obligée de
s'aliter de longues, très longues après-midi et la
connaissance d'un informaticien pugetois qui avait
l'art, ici et là, de créer des sites pour répondre aux
besoins nouveaux de tous ces mordus d'internautes. C'est
de cette conjonction de facteurs qu'est né mon site :
celineenphrases.fr
Ainsi, j'ai pu continuer à communier avec l'œuvre
de L.-F. Céline, en fouillant, en notant, piochant dans
les textes en ma possession, mais aussi dans tous ceux
que l'actualité nous offre. Et elle ne manque pas de
nous en fournir : une vingtaine d'ouvrages sortent
chaque année sur lui, des hors-séries, des dossiers
remplissent les rayons des kiosques et librairies, la
presse radiophonique et télévisée n'est pas en reste et
émaille ses émissions de commentaires ou de reportages
sur l'écrivain.
Toutes ces émissions spéciales, ces documentaires apportent au grand
public une connaissance particulière de l'auteur du
Voyage. Et que dire du déluge de commentaires
qu'entraîna le brusque retrait du nom de Céline des "
Célébrations nationales " ?... Merci, Monsieur Klarsfeld
!...
Que d'ingrédients, de sujets porteurs, que de " substantifique moelle "
aussi pour notre ami Matthias Gadret et son
extraordinaire site, " Le Petit célinien " !
Tu as récemment participé au colloque de Berlin.
Quelles sont tes impressions ?
Eh bien, elles sont mitigées !... J'y ai retrouvé Christian Senn, éminent
célinien rencontré aux " Journées Céline " à
Puget-sur-Argens en juin 2009, puis à Beaubourg début
2011. Il a ressenti la même gêne que moi.
Justement à Beaubourg, nous avions d'un côté une salle du Centre Pompidou
pleine à craquer, un franc succès, une interprétation
magistrale du spectacle d'Emile Brami interprété par
Denis Lavant, la participation très attendue d'un
Fabrice Luchini en épilogue de ces deux journées... une
fête, une vraie et riche communion autour de Céline...
Et puis de l'autre, des invités anti-céliniens notoires,
un Jean-Pierre Martin (auteur de Contre Céline...),
un Daniel Lindenberg, universitaire aigri - et des
propos incroyables exprimés...
On a entendu le premier citer Doubrovsky en l'approuvant : " Que
voulez-vous que moi, juif, je fasse d'un écrivain
qui voulait mon extermination ? " Et Daniel
Lindenberg : " Sous l'occupation Céline posa même sa
candidature au Commissariat général aux questions
juives... " (sic). Et personne pour s'élever contre
de tels propos dans un colloque fêtant le cinquantenaire
de la mort du bonhomme !...
Ce goût amer, en plus mesuré, rien sur l'antisémitisme cette fois, s'est
manifesté à Berlin où le thème était " Céline et
l'Allemagne. " J'y ai suivi dix-neuf interventions,
toutes plus brillantes les unes que les autres de doctes
conférenciers, tous professeurs de lettres,
universitaires cousus de diplômes, maîtres, docteurs ou
agrégés, qui ne donnent pas l'impression " d'aimer
Céline ", son parcours, sa vie.
Ils sont venus des Etats-Unis, du Portugal, d'Afrique du Sud, du Canada,
pour se retrouver, mesurer leurs connaissances ou
avancées en introduisant, qui Freud, qui Lacan ou Jung
dans leurs développements et en utilisant
essentiellement un langage où domine le métalangage
psychique.
Leurs propos attestaient tous d'un très haut niveau intellectuel, bien
sûr, mais j'ai regretté l'absence d'un Eric Mazet ou
celle de Jean-Paul Louis, par exemple.
Et tout cela dans un cadre magnifique, avec une organisation en tout
point remarquable et remarquée, grâce au talent de
l'organisatrice et de son équipe. Margarete Zimmermann,
directrice de l'Université Libre de Berlin où se
déroulaient ces trois journées, reçut une véritable
ovation ô combien méritée à la fin du colloque. Tous la
remercièrent chaleureusement et personne n'oubliera la
visite qu'elle organisa pour nous à quelques kilomètres
de là.
Soixante-cinq ans après Céline, Lucette, Le Vigan et Bébert, nous
pouvions fouler le sol du domaine du Professeur Harras.
Pas de souterrains, pas de grenade... mais tout de même
quel moment !...
Pour conclure, je préciserai que j'ai goûté et
particulièrement apprécié, sous la bienveillante
autorité du président de la SEC, le brillant Me Gibault,
les interventions de Margarete Zimmermann sur " Berlin
et Nord ", de François-Xavier Lavenne, " Orphée en
Allemagne ", et celle du jeune et futur confrère du
président, Louis Burkard sur " Les pamphlets et leur
interdiction en droit ".
Lors de ce colloque, on ne peut pas dire que les
services culturels de l'Ambassade française à Berlin
furent très coopératifs. Contraste avec les autorités
municipales de Puget-sur-Argens où tu organisas, en
2009, trois journées autour de Céline...
En
effet, et le compte rendu de ces trois journées dans le
Bulletin célinien ne manqua pas de le signaler.
Le Maire de cette agglomération de 7000 habitants
m'avait reçu à plusieurs reprises pour l'organisation de
cette manifestation. Il avait fait preuve d'intelligence
et d'une totale ouverture d'esprit. Lui-même connaisseur
de l'œuvre, avait utilisé
l'adjectif devenu classique de " sulfureux ",
systématiquement accolé au nom de Céline, mais pour
aussitôt ajouter " ... et peut-être le plus grand
écrivain du XXe siècle ".
Adhérant entièrement à l'intérêt littéraire et culturel de
l'évènement, avec son impact et ses retombées pour son
village, le premier magistrat avait offert un très bel
apéritif de bienvenue à la soixantaine de participants,
prêté une salle où il prit la parole pour les remercier
de leur présence.
Plus tard, après que Var-Matin eut mentionné le "
vif succès " de ces " Journées Céline à Puget " à ses
lecteurs, je le revois avec un de ses adjoints présent à
celles-ci, me faire part de la qualité des intervenants
et de sa satisfaction d'avoir été un acteur important ce
cette belle manifestation culturelle.
L'Ambassade de France à Berlin n'a pas dû avoir les mêmes considérations
quant au " plus grand écrivain du XXe siècle !... "
(Propos recueillis par Marc Laudelout, BC n° 345, octobre 2012).
LIENS
Ils sont nombreux les blogs,
les sites consacrés à l'ermite de Meudon... Liste non
exhaustive :
* Le Bulletin
célinien.
Fondé en
1981, le Bulletin célinien rend compte, chaque mois, de
tout ce qui concerne l'actualité célinienne : échos de
presse, publications, adaptations théâtrales, émissions
radiophoniques ou télévisées, conférences, colloques,
etc. Il publie également des études, témoignages et
documents relatifs à l'homme et à l'œuvre. Son éminent
directeur est Marc LAUDELOUT
http://bulletincelinien.com
* Le Petit
Célinien.
Toutes les
semaines, l'actualité est passée au peigne fin par un
exégète du rite célinien, Matthias GADRET... ou l'œil
infaillible à qui n'échappe aucune parution, colloque,
pièce théâtrale, vidéo, article, commentaire...
http://www.lepetitcelinien.com
* L'ombre de
Louis-Ferdinand Céline.
Du Canada
(Montréal), tout le talent, la sensibilité, le lyrisme
et la poétique de Pierre LALANNE dans l'expression de
ses textes consacrés à L.F.Céline.
http://celinelfombre.blogspot.com
* La S.E.C.
Société des études céliniennes.
Elle a pour objet de
réunir, en dehors de toutes passions politiques ou
partisanes, tous ceux qui, lecteurs, collectionneurs ou
chercheurs s'intéressent à l'œuvre de L-F Céline.
http://www.celine-etudes.org
* Blog Italien.
Appartenant à Andréa Lombardi.
http://lf-celine.blogspot.com
* Bardamu -
Louis-Ferdinand Céline en photo.
http://louisferdinandceline.over-blog.com
* Ce site se veut
un lieu de rendez-vous avec le docteur Destouches.
En décembre 1997,
Marc LAUDELOUT signale son apparition dans son
Bulletin : " En octobre dernier, nous écrivions qu'à
la différence de Gide, Céline ne dispose pas encore d'un
site spécifique. Au moment où cet article paraissait, un
abonné, M. Eric PETIT (Paris) créait précisément, en
collaboration avec M. Quentin Douce, un site appelé :
Louis-Ferdinand Céline ".
http://lfceline.chez.com
* Paroles des
Jours.
http://parolesdesjours.free.fr//celine
* Dictionnaire
Céline.
http://duclos.tripod.com/Dictiona.htm
* Bibliographie
des écrits de Céline par Jean-Pierre DAUPHIN et Pascal
FOUCHÉ.
www.biblioceline.com
* Robert DENOËL.
Blog d'Henri THYSSENS libraire.
www.thyssens.com
* Dialogues...
Un célinien de haute
volée et de grand talent s'amuse et parodie le grand
écrivain.
http://www.dialogus2.org/celine
* Couverture des
livres de et sur Céline à travers le monde.
http://axxc.nl/lfc/lfc.htm
* Céliniana :
Petit dictionnaire à l'usage des exégètes de l'œuvre de
L.-F. Céline. Directeur Gaël RICHARD.
Site qui n'a
d'autre ambition que de livrer aux chercheurs et aux
curieux, sous la forme d'un petit dictionnaire ouvert,
au rythme des trouvailles et selon la fantaisie,
quelques-unes de ces pièces d'archives éparses, inédites
ou oubliées, qui se rattachent à la geste célinienne,
ces " Céliniana ".
http://celiniana.monsite-orange.fr
* Archives
Louis-Ferdinand Céline : le blog de Christian MOUQUET
Articles de presse -
photographies - films documentaires - documents rares.
https://archiveslfc.blogspot.com/
* Actualités
céliniennes : le blog dirigé par Emeric CIAN-GRANGE
https://www.facebook.com/groups/652331871573
* Site internet
de Mariano Dupont - Buenos Aires
http://apegarelcascotazo.blogspot.com
* Le Temps
revient. Le blog d'Agaric : chroniques du temps présent
- retour à Korsor...)
http://letempsrevient.hautetfort.com/archive/2018/11/09/retour-a-korsor-6103797.html
*
Les roses de décembre. Le blog de Céline-Albin Faivre
Sur les traces de
Céline au Danemark (photographies et vidéos). Hôtel
d'Angleterre - Staegers Allé - Vestre Faengsel -
Kronprinsessegade - Ved Stranden - Klarskovgaard -
Skovly et Fanehuset.
https://rosesdedecembre.blogspot.com/search/label/exil
* Les fous de
LFCéline. Membre du groupe Actualité célinienne, entièrement consacré à Louis-Ferdinand
Céline, il est géré par un belge, lui-même " fou dingue
taré de Céline ", c'est dire... Louis-Ferdinand
Bardému. Créé le 21 août 2020.
https://www.facebook.com/groups/2774523216161753
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