PELERINAGES
GENEVE
1924
Sur
recommandation du professeur S. Gunn, représentant de la
Fondation Rockefeller en Europe, le docteur Louis
Destouches est engagé par le docteur Ludwig Rajchman,
directeur de la Section d'hygiène de la Société des
Nations, en 1924.
 Il
arrive à Genève le 27 juin 1924 pour signer un premier
contrat de travail d'une durée de deux mois. C'est le 10
août 1924 qu'il sera nommé pour trois ans au poste de
responsable des échanges de médecins spécialistes. (fin
du contrat au 31 décembre 1927).
A son arrivée, Céline commence par s'installer à l'Hôtel " La Résidence "
(aussi nommé Pension Mathey avant 1929), route de
Florissant.
En décembre 1925, il emménagera dans un trois pièces en banlieue de
Genève, au 35 D, chemin de Miremont à Champel. L'année
suivante, il fera la rencontre déterminante avec
Elizabeth Craig, jeune danseuse américaine de
vingt-quatre ans, à Genève pour des cours de danse. Elle
deviendra la célèbre dédicataire de Voyage au bout de
la nuit...
Il rédige ses
premiers textes et rapports en septembre 1924 et
organise sa première mission aux Pays-Bas en novembre,
qui sera suivie par d'autres déplacements à travers le
monde : Etats-Unis, Cuba, Canada, Belgique, France,
Italie (1925), Afrique et Europe (1926).
Après l'expiration
de son contrat de travail, le docteur Destouches devient
collaborateur extérieur à la SDN, ce qui lui permettra
d'effectuer plusieurs voyages d'études : Londres
(février-mars 1929), Suède, Norvège, Danemark et
Allemagne (août-septembre 1929), Allemagne,
Tchécoslovaquie et Autriche (1930).
En
1928, c'est le retour en France où il s'installe comme
médecin à Clichy-la-Garenne, rue d'Alsace.
(M.G. Le Petit Célinien, 28 juin 2012).
*********
Georges MAGNE
Le
directeur du blog d'Agaric : chroniques du temps
présent; notes de lectures ; portraits ; nouvelles ;
poèmes etc... nous entraîne dans
RETOUR A KORSOR
sur les traces du célèbre exilé. Ei il nous
prévient :
" - Mais que ceux qui veulent découvrir les lieux ne tardent pas parce
que le temps, qui transforme et ronge les choses,
lentement fait son affaire. "
(En PDF).
*********
Céline-Albin FAIVRE
" Nous ne
sommes venus ici (pèlerinage au Danemark), que parce que
l'endroit et plus précisément l'hôtel sont attachés à la
personnalité de Louis-Ferdinand Céline, le premier
écrivain qui ait autant importé pour moi et le seul
devant qui j'aurais des comptes à rendre si un jour je
devais publier quelque chose... "
(C'est dans son JICO (Journal Intime à Ciel Ouvert) qu'elle retrace
dans " les
ROSES DE
DECEMBRE
" son pèlerinage sur les traces
de Céline au Danemark. En PDF).
*********
20 juillet 2018
BON ANNIVERSAIRE LUCETTE...
Nous venions de
passer cinq jours à Paris pour assister au XXIIe
Colloque de la Société des Etudes Céliniennes,
ce dimanche 8 juillet 2018. Il fallait rentrer à
Saint-Raphaël et pour cela mon ami Gérard Silmo
est venu nous raccompagner pour gagner Orly.
- " Nous avons du temps devant nous ", dit-il.
Sa voiture sortit de Paris et se dirigea vers Meudon. Je compris sa
merveilleuse gentillesse quand on emprunta la
Route des Gardes. Nous nous sommes arrêtés
devant le " 25 ter ". Mon cœur alors a battu un
peu plus fort. On s'est approchés en silence.
Comme dans une église.
Je l'avais
tant de fois observée, admirée, en lisant et
relisant tous ces visiteurs illustres qui
composaient sa légende, cette " Villa Maïtou
"...
- " Tu vois, elle est là. Les murs ont tenu en 68 ! "
Ces trois étages, le gravier, le massif rond !... Madeleine Chapsal et
L'Express !... les molosses qui effraient
!... là, qui caresse Bessy, ici, qui
descend pour aller soigner Mme Niçois... Que
d'images qui s'entrechoquent, qui défilent...
C'est une émotion...
- " Tiens...
Il y a quelqu'un qui vient. "
En effet, un homme qui sortait du côté de la maison vint ouvrir la grille
et rentrer le conteneur à ordures. Lui aussi fit
preuve d'une grande amabilité puisqu'il accepta
de répondre à mes questions. Il nous dit être le
jardinier.
- " Oui... Elle est là. Elle va bien. Elle dort beaucoup, mais elle a
toute sa tête !... D'ailleurs, comme il fait
très chaud, nous allons la sortir. Elle mangera
dehors... "
Il était près de midi.
Aujourd'hui,
Madame, vous avez 106 ans.
C'est avec un immense respect et une formidable admiration que je me
permets de vous souhaiter : UN BON ANNIVERSAIRE
Madame Destouches...

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En
2001, quelques années avant sa mort (27 mars 2006),
Pierre Monnier m'avait confié une enveloppe contenant
une vingtaine de photos qu'il tenait d'un couple de
belges, grands admirateurs de l'hôte de Meudon.
Ceux-ci avaient effectué, en juillet 1982, une sorte de pèlerinage à
Sigmaringen, sur les pas de Céline,
Lucette et Bébert, avec en poche la biographie de Maître Gibault pour traces de témoignages.
Il m'a semblé utile de faire connaître et de revitaliser ces clichés
inédits plus de 30 ans après.
Je pense, en
effet, que retrouver des photos authentiques tels que la
pharmacie Hofapotheke, le Löwen, l'hôpital Fidelis, la
librairie Liener, l'hôtel Bären où séjournaient les
Rebatet, Le Vigan et Lucienne Delforge, ou découvrir le
sentier le long du Danube sur lequel Pétain effectuait
sa promenade quotidienne suivi de Bébert, ne peut
laisser un célinien tout à fait indifférent...
Sigmaringen : l'hôtel Löwen.
Le Löwen

" Ma consultation
!... c'était l'heure ! au premier étage du Löwen,
au n° 11, notre taudis... je dis taudis !... oui !...
deux paillasses... et quelles !... j'en ai vu d'autres,
certes !... bien d'autres !...
(...) Je vous parle énormément de W.-C.... particulièrement ceux du "
Löwen "... c'est qu'on était sur le même palier, la
porte en face, et qu'ils désemplissaient pas ! tous les
gens de Sigmaringen, de la brasserie, et des hôtels,
venaient aboutir là, forcément... la porte en face !...
tout le vestibule, tout l'escalier était bourrés jour et
nuit de personnes à bout, injurieuses, râlantes que
c'était la honte !... qu'ils en avaient assez de
souffrir !... qu'ils faisaient sous eux !... qu'ils
pouvaient plus !... et c'était vrai : tout l'escalier
dégoulinait !... et notre couloir, donc ! et notre
chambre ! vous pouvez pas plus laxatif que le
Stamgericht, raves et choux rouges... Stamgericht
! plus la bière aigre... à plus quitter les W.-C. !...
jamais ! vous pensez tout notre vestibule grondant
pétant de gens qui n'en pouvaient plus !... et les
odeurs !... les gogs refoulaient ! il va de soi !... ils
arrêtaient pas d'être bouchés !... les gens entraient à
trois... à quatre !... hommes, femmes... enfants...
n'importe comment !... ils se faisaient sortir par les
pieds, extirper de vive force !... qu'ils accaparaient
la lunette !... " ils rêvent ! ils rêvent !... " si ça
mugissait !... le couloir, la brasserie, et la rue !...
et que tout le monde se grattait en plus... et se
passait, repassait la gale et morpions... et mes malades
!... mélimélo... qu'ils y allaient forcément aussi
pisser sur les autres et partout ! il était vivant notre
couloir !... "
(D'un château l'autre, Poche, 1968, p.204).
*********
Sigmaringen : la gare.

"
Moi là, question Hilda, et sa bande, sûr, je les
retrouvais à la gare !... fatal ! espionnes, troubades,
ministresses, gardes-barrière, méli-mélo !... aux salles
d'attente ! l'attirance viande fraîche et trains de
troupes, plus le piano et les " roulantes ", vous
représentez ces scènes d'orgies ! un petit peu autre
chose de bandant que les pauvres petites branlettes
verbeuses des Dix-sept Magots et Neuilly !... il faut la
faim et les phosphores pour que ça se donne et rute et
sperme sans regarder ! total aux anges ! famine,
cancers, blennorragies existent plus !... l'éternité
plein la gare !... les avions croisant bien au-dessus
!... tout bourrés de foudres ! et que toute la salle et
la buvette se passent entre passent poux, gale, vérole
et les amours ! fillettes, sucettes, femmes enceintes,
filles-mères, grand-mères, tourlourous ! toutes les
armes, toutes les armées, des cinquante trains en
attente...
toute la buvette entonne en chœur
! Marlène ! la ! la ! sol dièze ! à trois...
quatre voix ! passionnément ! et enlacés !... à la
renverse plein les fauteuils !... à trois sur les genoux
du pianiste ! trois de mes femmes enceintes !... et bien
sûr, en plus, entendu, pain à gogo ! boules ! et
gamelles !... et sans tickets ! vous pensez bien qu'on
regarde pas !... quatre roulantes pleines de marmites
d'un train à l'autre... de la buvette aux plates-formes
! le " bifur " Siegmar, je parle de trains de munitions,
l'endroit vraiment le plus explosif de tout le Sud-Würtemberg...
Fribourg-l'Italie... trois aiguillages et tous les
trains, essence, cartouches, bombes... de quoi tout
faire sauter jusqu'à Ulm !... aux nuages ! bigorner les
avions d'en l'air... salut !... vous imaginez que
j'avais un petit peu de travail lutter pour la vertu
d'Hilda, qu'elle se fasse pas cloquer sous un train !...
" La gare.
" La gare était
dans mes fonctions, côté sanitaire, poste de secours,
réfugiés... alors forcément, salles d'attente et
prostitution ! je devais y voir !... tout voir !... avec
quels moyens ?... aucun !... tout manquait !... le
soufre pour la gale... le novar pour la vérole... rien
!... les capotes ?... nib !... moi aussi je pouvais
cavaler !... en plus de l'Hilda !... j'avais bonne mine
!... je vous parle des troupes de passage, de tous ces
trains qui vont viennent pour des soi-disant raisons
!... la tradition !... tous les pays en guerre pareil, trains de troupes de
passage qui vont quelque part... et reviennent de
quelque part pour ailleurs... farandole des aiguillages
! poésie !... que les viandes bougent ! c'est pas qu'au
ciel que ça cesse pas d'aller revenir... sur les rails
pareil, trains sur trains... convois infinis...
troubades et troubades, toutes les armes et tous les
peuples... et les prisonniers avec !... déchaussés
aussi, pieds pendant hors... assis aux portières... faim
aussi ! toujours faim !... bandant aussi !...
chantant aussi " Lili Marlène " !...
Monténégrins,
Tchécoslovènes, Armée Vlasoff, Balto-Finnois, troubades
des macédoines d'Europe !... des vingt-sept armées !...
que ça se fige pas ! que ça chante ! branle ! roule ! et
trains blindés, canons comme ça ! dardés géants !... de
ces dionosaures de canons à deux et trois locos chacun
!... et toujours plus de trains queue leu leu !...
génie, artillerie... et encore d'autres convois sur
convois... grives ! flopées ! pinglots hors nu-pieds et
poilus... gueulant qu'on leur envoie des filles !...
chantant qu'ils tiennent plus, qu'ils bandent trop !...
vous dire, un sacré point de trafic, aussi bien pour les
Armadas : London Munich Vienne... que pour les trains de
troupes et fourgons, toute la camelote, bidoche armée,
Frankfort, la Saxe, et l'Italie par le Brenner... que
c'eût été pour eux qu'un jeu, une bombe qu'ils fassent
éclater la gare !... marmelade !... écrabouillent tout
!... non !... il fallait que ça continue ! "
" Comme ça toutes les gares du
monde du moment que les trains de troupes stagnent... la
vie sur la terre a dû commencer dans une gare, une
stagnation... vous voyez les filles raffluer... bien
sûr... elle ma foutue Hilda la garce, c'était que de
fiévreuse puberté, pas besoin de gamelles !... costaudes
fillettes !... sex-appeal des salles
d'attente ! la perversité de voir tant de mâles arrivant
d'un coup, tout suants, poilus, puants... plein les
wagons !... et tout bandant leur crier lieb ! lieb !...
miracle que c'était, il faut dire les choses, que par
les gardes S.A. elles se soient pas trouvées happées,
déshabillées, et pire !... l'Hilda et sa bande, servies
illico ! friponnes allumeuses !... la Prévôté à la gare,
chargée des plates-formes, pensait qu'à coups de crosses
et matraques ! de ces gorilles ! ils assommaient deux
fois par jour tout ce qu'ils trouvaient déambulant...
c'était eux quand ça tournait mal, désordre aux
roulantes, au piano, trop de gens à travers les rails
que les trains pouvaient plus partir, qui ramenaient le
calme ! à la matraque !... et si ça rebiffait ? ptaf
! au Mauser !... de ces sortes de revolvers canons,
pas à réfléchir ! réglé ! quand la Hilda et les copines
voyaient les S.A.... cavalcade !... envolée de biches
!... mais qu'elles rebondissaient de l'autre tunnel !...
(...) Le mal que je me donnais que
cette foutue môme remonte au Löwen !... je
sentais pourtant que c'était sérieux, elle et ses
espiègles copines !... lutines voyoutes plein la Gare
!... je pouvais demander du renfort, la Prévôté !...
j'aimais pas avoir recours... je pensais à mes femmes
enceintes autour du piano et plein les sofas... qu'elles
bâfraient et se foutaient du reste !... des femmes à six
mois !... à huit mois !... des appétits doubles et
triples !... saucisses, bier, goulash ! je
pouvais pas leur donner autant !... les Prévôts les
assommaient ! de tous les coins de France y en avait, de
toutes les provinces !... pourquoi elles s'étaient
sauvées ?... Siegmaringen ?... indicatrices, mouches de
villages ?... pétasses de lieux-dits ? ou simplement
filles d'usines, pour voyager ?... ou leurs hommes à la
L.V.F. ?... ou fiancées à des boches ?... peut-être
guichetières de Poste-Restante ?... presque toutes des
certains accents... Nord, Massif Central, Sud-Ouest...
pas à leur poser des questions, elles mentaient sur tout
!... sauf une vérité : l'appétit... c'est pas le petit
supplément de nouilles que je pouvais leur faire avoir,
et la lessiveuse de raves, deux fois par semaine, qui
pouvaient les rassasier ! donc c'était la Providence ces
boules et " roulantes " comme à gogo !... j'allais pas
les faire pincer !... tout de même... tout de même,
j'avais les autres calamités !... gale, morpions, puces,
gonos, poux... et que ça se les repassait ! joyeusement
! vous auriez dit la gare faite pour !... "
(D'un château l'autre, Poche, 1968, p.239).
La gare de Sigmaringen,
elle, n'avait rien d'imaginaire. C'était une longue
bâtisse de pierre grisâtre à un étage, nichée dans une
boucle de ce Danube qui avait plutôt l'allure d'une
grosse rivière au flot boueux et devrait attendre encore
un nombre respectable d'affluents et de kilomètres pour
mériter son qualificatif trop flatteur de « beau Danube
bleu ».
Des réfugiés français se bousculaient dans la salle d'attente, envoyés là
par les autorités allemandes, accueillis sur place par
les miliciens chargés de la police et du contrôle des
arrivées. Prostituées en cavale, indicateurs de la
Gestapo, anciennes maîtresses d'officiers S.S. et autres
vaincus de la guerre civile plus ou moins passibles des
cours de justice étaient ainsi triés et parfois refoulés
par l'administration débordée de la ville. C'est qu'il
fallait justifier plus ou moins d'un emploi pour rester
à Sigmaringen, cette nouvelle enclave française en plein
territoire allemand...
(Château et prison, Sigmaringen, Poésie française, www.wikipemes.com).
*********
Sigmaringen : le Fidélis.
... Louis-Ferdinand Céline donnait aussi
des consultations au Fidélis où habitait Chamoin...
(F. Gibault, tome 3, p.47)
(...) Ah, et
aussi Siegmaringen !... là, y avait urgence un peu !...
tous l'Article 75 au derge !... urgence, je répète ! ils
avaient de quoi, tous ! aussi bien nababs du Château,
que crevards des soupentes !... épreuve générale des
nerfs !... toute la Planète à la haine !... qu'ils
étaient monstres et pire que ça !... que pas un supplice
suffirait... mille et mille ! et plus ! plus !... des
siècles !... même mes malades du " Fidelis " qu'étaient
presque déjà des morts, dégoulinants de pus, tout
labourés de gale,
crachant
pancréas et boyaux, me demandaient aussi la façon de
finir comme un rêve... Salut !...
(...)
Laval, je dois aller aussi le voir... je dois aller
aussi chez le Landrat... aussi Bon Dieu au
Fidelis !... trente... quarante alités graves au
Fidelis !... plus Mme Bonnard, 96 ans... et encore
trois !... quatre !... cinq !... six visites à l'autre
bout du Bourg !... j'irai !... j'irai pas !...
(...) Je
donnais bien vingt consultations, d'une banquette à
l'autre... d'un ballast l'autre... et à la buvette !...
plus ardu là, trop de chants !... pas seulement aux
personnes âgées, aux civils et aux militaires... le
piano arrêtait jamais... ni " Lili Marlène " !... ni les
trains dehors... ni en l'air, le vrombissant manège "
Forteresse "... London Munich... Dresde... mièvrerie
gauloise, terreur que le ciel tombe !... un moment si
tout le monde s'en fout !... ganetouse, Déesse ! merde
pour le ciel ! grand-mères militaires !... mes femmes
enceintes aussi ! coquettes !... de ces arrangements
pour les bottes, paquets de journaux, fonds de vieux
feutres et ficelles et paille qu'elles pouvaient tenir
dehors des heures !... et sous la flotte !
(D'un château l'autre, Poche, 168, p.248)
(...) En
fait le docteur Destouches est livré à lui-même. Pour
les diagnostics il ne dispose d'aucun examen
complémentaire. Pas ou peu d'analyses biologiques ou
bactériologiques, pas de radiographie. C'est la clinique
qui est reine avec toutes les approximations que cela
suppose.
Quelles sont les pathologies que le docteur Destouches doit affronter ?
Tout d'abord la gale omniprésente chez les petites gens
à cause de la promiscuité. Ensuite toutes les maladies
qui accompagnent la dénutrition et le manque d'hygiène :
gastroentérites, tuberculose, pneumopathies et
infections diverses. La mortalité est par exemple très
élevée surtout chez les enfants de miliciens à Ciessen.
Il
doit aussi assurer les fonctions de
gynécologues-obstétriciens. Un ancien couvent le
Fidélis était transformé en maternité et l'activité
reproductive ne s'était pas arrêtée loin de là comme
c'est en général le cas durant les années de guerre. Il
doit aussi faire face à des maladies vénériennes comme
les " chaudes-pisses " miliciennes "...
(Les 1142 patients du Dr Destouches, J.P. et F. Senac, Académie
Montpellier, avril 2010).
*********
La promenade de Pétain.
... Louis
n'eut pratiquement aucun contact avec le maréchal Pétain
qui, du reste ne l'appréciait pas. Le chef de l'Etat
croisait plus souvent Lucette dans le Château, la
saluant toujours très poliment.
Mais c'est avec Bébert qu'il eut, sans le savoir, les rapports les plus
suivis car l'animal accompagnait parfois le maréchal
dans sa promenade quotidienne le long du Danube.
Le vieillard ne prêtait aucune attention à ce chat qui marchait derrière
lui, à distance.
(F. Gibault, tome 3, p. 51).
(...) Le
pont-levis branle... ses chaînes... ses poulies... le
tablier bouge... du bout tout en l'air... baisse...
s'abaisse tout lentement... blang ! vlang
!... ça y est ! il a posé !... au niveau !... là alors
on pouvait s'attendre à plein de larbins chargés de
paniers, pleins de boules, brioches, saucisses et petits
fours !... la distribution formidable !
Zébi !... des flics qui émergent !... trois quatre d'abord... et puis bien
cinquante shuppos dans un gros camion gazogène... et
puis encore une bande de flics... une autre
police française !... et puis après eux... le Maréchal
!... oui !... lui !... Debeney à sa gauche, en
retrait... le général Debeney, l'amputé... mais pas plus
de " boules " que de beurre au chose !... la promenade
du Maréchal !... voilà ce qu'ils avaient attendu les
1142 lustrucs... vous auriez pu croire... rien du tout
!... qu'ils allaient l'agonir affreux... que c'était la
honte ! l'infamie ! pas du tout !... lui, ses 16 cartes
!... tout le monde le savait !... et qu'il se les tapait
!... qu'il en laissait miette à personne ! et que
c'était le fameux appétit !... en plus le confort total
!... créché comme un roi !... et qu'était responsable de
tout ! Verdun ! Vichy ! et du reste ! et de la misère
qu'on se trouvait ! la faute à Pétain ! à lui ! lui,
là-haut, soigné, comme un rêve !... tout son étage pour
lui tout seul !... chauffé ! quatre repas par jour ! 16
cartes, plus les cadeaux du führer, café, eau de
Cologne, chemise de soie... un régiment de flics à sa
botte !... un général d'état-major... quatre autos...
Vous auriez pu
vous attendre que ce ramas de loquedus sursaute ! se
jette dessus ! l'étripe !... pas du tout !... juste un
peu de soupirs !... ils s'écartent !... ils le regardent
partir en promenade... la canne en avant ! et hop !...
et digne ! il répond à leurs saluts... hommes et
rombières... les petites filles : la révérence !... la
promenade du Maréchal !... mais pas plus de pain que de
saucisson...
(...) Vous comprenez la promenade... distances ! protocole !... pas
question de bras-dessus bras-dessous !... très loin !...
très loin les uns des autres !... le Maréchal, Chef de
l'Etat, très en avant, et tout seul ! son chef d'Etat-Major
Debeney, le manchot, trois pas en arrière, et à
gauche... plus loin, un ministre... plus loin encore, un
autre ministre... queue leu leu... séparés par au moins
cent mètres... et puis les flics... la procession sur au
moins trois kilomètres... on pourra dire ce qu'on
voudra, je peux en parler à mon aise puisqu'il me
détestait, Pétain fut notre dernier roi de France.
" Philippe le
Dernier "... la stature, la majesté, tout !... et il y
croyait !... d'abord comme vainqueur de Verdun... puis à
soixante-dix ans et mèche promu Souverain ! qui qui
résisterait ?... raide comme ! " Oh ! que vous incarnez
la France, monsieur le Maréchal ! " le coup " d'incarner
" est magique !... on peut dire qu'aucun homme résiste
!... on me dirait " Céline ! bon Dieu de bon Dieu ! ce
que vous incarnez bien le Passage ! le Passage c'est
vous ! tout vous ! " je perdrais la tête ! prenez
n'importe quel bigorneau, dites-lui dans les yeux qu'il
incarne !... vous le voyez fol !... vous l'avez à l'âme
! il se sens plus !... Pétain qu'il incarnait la France
il a godé à plus savoir si c'était du lard ou cochon,
gibet, Paradis ou Haute-Cour, Douaumont, l'Enfer, ou
Thorez... il incarnait !... le seul vrai bonheur de
bonheur l'incarnement !... vous pouviez lui couper la
tête : il incarnait !... la tête serait partie toute
seule, bien contente, aux anges !
(D'un château l'autre, poche, 1968, p.185).

(...) Je vous
laisse le Philippe en panne !... je vous racontais...
demi-tour ! le retour au Château... nous du coup on
passait en tête avec Marion l'Information...
enfin presque en tête juste derrière les Chefs de
Partis... ce demi-tour a donné un jour une bonne
rigolade... j'ai pas eu encore l'occasion de vous faire
beaucoup rire... au pont
métallique du " chemin de fer " toute la caravane
s'arrête pile !... sous la première arche !... oh ! pas
pour l'alerte ! c'était l'alerte perpétuelle... les
sirènes finissaient
pas...
mais la R.A.F. cherchait le pont... juste le pont ! au
moment précis !... pas du mirage !... ils lâchaient tous
leurs chapelets de bombes au-dessus du pont, à pic !
tout à trac !... trois quatre avions à la fois...
comment ils faisaient pour le louper ?... leurs
chapelets de bombes faisaient geysers ! le Danube en
bouillait ! et de ces éclaboussements de vase !... et
dans les labours !... trois... quatre kilomètres dans
les champs !... nous on était pressés sous l'arche,
agglomérés contre l'énorme pilier granit... c'était
l'occasion de pisser, tous les ministres et les Partis,
et le Maréchal... je connaissais tous leurs prostates...
certains avaient des gros besoins... pour ça, plus
commode, les buissons !... les voilà partis aux
taillis... au moment, j'ai le souvenir exact, arrive
dans l'autre sens, tout un détachement de prisonniers,
avec leurs gardes, des landsturm... prisonniers
et " territoriaux " pas plus nerveux les uns que les
autres... prisonniers russes et vieux boches... si las
!... si las !... aussi maigres les uns que les autres,
traînant la guibole... et aussi en loques !... les
fritz, à fusil, les autres, sans... vers où ils allaient
?... quelque part !... on leur a demandé... ils
comprenaient rien... ils entendaient même pas les
bombes... alors, pensez ! nous, nos questions !... ils
allaient la même berge que nous, c'est tout... sens
inverse...
Bridoux a eu fini
de pisser... il se l'est secouée... bien secouée ! et il
a dit : " Agissons, messieurs ! Agissons ! " agir quoi
?... il a donné son idée... " qu'on s'égaille ! "...
principe de la Cavalerie !... " en fourrageurs " !...
tous " en fourrageurs "... combien on était là sous
l'arche, tassés contre la pile ?... à peu près trente...
je voyais que Bridoux avait raison, les bombes
arrivaient plus proches... plus proches...
(...) Le carrousel dans l'air !... ce qu'ils voulaient, pas sorcier,
c'était crouler le pont !... le pont de tout le trafic
Ulm-Roumanie... percuter !... nous en plein dessous !...
Pétain et la procession ! les ministres se
reculottaient... ils parlaient tous à la fois... y avait
des " pour "... y avait des " contre "... avancer ?
ensemble ?... ou prendre l'autre berge ?... les
généraux, les amiraux, décidaient " en fourrageurs " ?
ou queue leu leu ? rattraper les prisonniers russes ?
alors à travers les luzernes ? si on restait là, une
chose sûre, nos têtes, qu'on prendrait le pont !
totalité ! leurs bombes éclataient presque sur nous !
plein le Danube !... amont ! aval !... ils rectifiaient
!...
(...) Au moment là vraiment tragique Pétain qu'avait encore rien dit...
l'a dit !... " En avant ! " et montré où il voulait ! "
En avant " !... sa canne ! " En avant ! "... qu'on sorte
tous de dessous l'arche ! qu'on le suive ! " En avant "
!... que ça se reculotte !... " En avant " !... lui-même
avec Debeney, dehors ! oh ! sans aucune hâte... très
dignes ! direction : le Château !... qu'on s'est
replacés la queue leu leu... tous les ministres et les
Partis...
(D'un château l'autre, poche, 1968, p. 198).
*********
Sigmaringen : la mairie (Rathaus).
Outre cette amitié précieuse, la mansuétude de tous les
officiers allemands était acquise à Céline. Et il la
fallait très large, pour qu’ils pussent fermer leurs
oreilles à ses sarcasmes. Car Louis-Ferdinand était bien
le plus intolérant, le plus mal embouché de tous les
hôtes du Reich. Pour tout dire, il ne pardonnait pas à
Hitler cette débâcle qui le fourrait à son tour dans de
si vilains draps. C’était même le seul chapitre où il
perdît sa philosophie goguenarde, se fît hargneux,
méchant. Par réaction, par contradiction,
l’antimilitariste saignant du Voyage se
recomposait un passé, une âme de patriote à la
Déroulède. Ah ! l’aurai-je entendu, le refrain de son
fait d’armes des Flandres, « maréchal des logis
Destouches, volontaire pour une liaison accomplie sous
un feu d’une extrême violence », et du dessin qui
l’avait immortalisé à la première page de l’Illustré
National.
– En couleurs… Sur mon gaye… Au galop, le sabre au
vent… Douzième cuirassier !... Premier médaillé
militaire sur le champ de bataille de la cavalerie
française… C’est moi, j’ai pas changé. Présent !... qui
c’est qui me l’a tiré ma balle dans l’oreille ? C’est
pas les Anglais, les Russes, les Amerlos… J’ai jamais pu
les piffer, moi les Boches.
De les voir se bagotter comme ça partout, libres, les
sales « feldgrau » sinistres, j’en ai plein les naseaux,
moi, plein les bottes !
– Mais enfin, Louis, tu oublies. Ils sont chez eux, ici
!
– J’oublie pas, j’oublie pas, eh ! fias ! C’est bien la
raison… Justement… Les faire aux pattes, sur place ! Une
occasion à profiter, qui se retrouvera pas… Au ch’tar,
les Frizons, tous, les civils comme les griviers. Au «
Lag », derrière les barbelés, triple enceinte
électrique… Tous, pas de détail. Voilà comment je la
vois, moi, leur Bochie.
Il écumait, réellement furieux. Alors qu’il reniflait
des traquenards sous les invites les plus cordiales,
qu’il se détournait d’un kilomètre pour éviter une
voiture dont le numéro ne lui paraissait « pas franc »,
il se livrait devant les Allemands à son numéro avec une
volupté qui écartait toute prudence. Karl Epting avait
projeté de constituer, pour notre aide, une Association
des intellectuels français en Allemagne. Un comité
s’était réuni, à la mairie de Sigmaringen. Céline y
avait été convié, en place d’honneur. Au bout d’une
demi-heure, il l’avait transformée en pétaudière dont
rien ne pouvait plus sortir.
(Etudes rebatiennes, Céline à Sigmaringen, Pauvert, 1976, p.220).
Ces
réunions se renouvelèrent le 20 janvier 1945. Y
participèrent à nouveau des officiels et intellectuels
allemands tels que l'écrivain et journaliste Friedrich
Sieburg, le professeur Grimm, ainsi que nombre
d'intellectuels français... dont Céline. Et pourtant,
celui-ci ne daigne pas en parler dans D'un château
l'autre.
De même, le journal La France, si bavard et si indiscret soit-il
aux dires du Dr Schillemanns, s'est gardé de mentionner
sa participation. Peut-être en raison du scandale que
l'écrivain y provoqua ?
Dans un fragment d'une version définitive, Céline tente à plusieurs
reprises d'esquisser la scène d'une de ces réunions,
qu'il ne cesse par ailleurs d'interrompre par des
digressions ou autres ébauches de narration. Il est
d'abord question d'autocritique :
Ce que j'ai fait moi, et une bath, d'autocritique à Siegmaringen,
en pleine mairie de Siegmaringen, et devant tout
l'Etat-major de la haute Collaboration, Messieurs et
dames...
Ils avaient remarqué au Château que le moral des émigrés baissait de plus
en plus, était même dangereusement flageolant, avec
trois quatre alertes par nuit, les escadres de la R.A.F.
dans le ciel comme chez elles... (p.1045).
Le moral
des émigrés nécessite un long exposé qui ne s'interrompt
qu'à la page suivante, pour reprendre l'idée d'une
réunion à la mairie de Sigmaringen.
Toujours ils eurent la grande idée, les Tout-Puissants, de réunir à la
mairie de Siegmaringen et dans la salle du conseil, les
cadres de cette horde tout en sillons et abcès tête au
pied et en loques, grelottant de froid et de peur...
(p.1046).
(Christine Sautermeister, L.F.C. à Sigmaringen, Ecriture, 2013).
*********
Sigmaringen : Hof Apotheke ( la
pharmacie de la Cour).
Pour répondre à la demande de ses malades
le docteur Destouches n'a pas beaucoup de moyens. La
pharmacie de Sigmaringen est exsangue et le pharmacien
Karl Richter peu coopératif. Pour beaucoup de
médicaments le Dr Destouches doit recourir au marché
noir, à des approvisionnements obtenus via la Suisse par
des passeurs qu'il paye d'après ses dires sur ses
propres deniers.
(Les 1142 patients du Dr Destouches, J.P. et F. Senac, Académie de
Montpellier, avril 2010).

Une ordonnance du
Docteur Destouches datée du 28 octobre 1944 et une
attestation du 30 du même mois prouvent la présence de
Céline à Sigmaringen avant novembre ; dressées à l'en
-tête de Karl Richter, pharmacien de la Hofapotheke
(pharmacie de la Cour), face au château, elles durent
être écrites juste après l'arrivée de Céline. Les
ordonnances suivantes porteront l'en-tête de la
Commission Gouvernementale.
(Ch. Sautermeister, L.F.C. à Sigmaringen, Ecriture, 2013).
La maison fut
acquise en 1938 par le pharmacien Dresdner Karl Richter
(mort en 1946). Durant la Seconde Guerre mondiale, la
société allemande a dû batailler ferme à cause du manque
d'approvisionnement mais a été en mesure de tenir. Karl
Richter a essayé de préserver le caractère original de
la pharmacie. Après sa mort, elle est restée la
propriété de la famille. Après le rachat en 1957 par
Karl-Jörg Richter, la partie supérieure et le dernier
étage ont été reconstruits et rénovés en 1960-1961. Il
n'existait que cette seule pharmacie à Sigmaringen.
En 1944-1945 le régime de Vichy s'est installé à Sigmaringen. L'écrivain
Louis-Ferdinand Céline est venue dans la ville et a
fréquenté la pharmacie. Il relate cet épisode dans son
livre D'un château l'autre en 1957.
Peter Bamm, employé du journal Avenir de l'Allemagne a mentionné
sa conversation avec les pharmaciens et probablement le
Docteur Schröppel qui a travaillé à la pharmacie de 1948
à 1952.
La maison qui
abritait la pharmacie remonte à 1705. Le bâtiment est
classé. Au premier étage, les pharmaciens respectifs
travaillaient comme médecins avec la " chambre de la
mort ". L'ancienne " chambre de la mort " est maintenant
convertie en bibliothèque. Sainte Barbara y montre une
peinture de plafond : Meinrad de ows.
Suite à la fermeture de la pharmacie, la maison est à vendre et la ville
de Sigmaringen discute actuellement une prise de
contrôle du bâtiment à des fins administratives (2015).
Un des plus célèbre résident y fut l'historien d'art
Hans Kayser le fils de Gustav Kayser.
(Hof Apotheke, Sigmaringen, Wikipedia).
*********
Portugiesische Galerie.
Madame Destouches
s'entraînait dans cette galerie, et Lucienne Delforge
jouait du piano. (F. Gibault).
Je
connaissais très bien ce Château, dans tous les coins,
mais rien à côté de Lili. Lili, comme chez elle ! toutes
les cachettes et labyrinthes ! tapisseries truquées, à
personnages livrant passage, grands appartements,
boudoirs, armoires triple fonds, escaliers en vrilles...
toutes les fausses issues, tous les zigzags et les
paliers enchevêtrés !... devinettes à remonter
redescendre... le Château vraiment à se perdre... tous
les coins... l'œuvre des
siècles d'Hohenzollern... et dans tous les styles !...
Barberousse, Renaissance, Baroque, 1900... moi-même
d'une porte l'autre je me paumais... je me fascinais sur
les portraits, les tronches de la sacrée famille... si y
en avait !... corridors et statues... équestres et
gisants... toutes les sauces !... Hohenzollern plus en
plus laids... en arbalètes... en casques, cuirasses...
en habits de Cour... façon Louis XV... et leurs évêques
!... et leurs bourreaux !... bourreaux avec des haches
comme ça !... dans les couloirs les plus sombres... les
peintres se foulaient pas en ce temps-là, ils leur
faisaient les mêmes profils...
Çà vaut la peine, puisque
nous sommes en touristes, que je vous parle un peu des
trésors tapisseries, boiseries,
vaisselles, salles d'armes... trophées, armures,
étendards... autant d'étages autant de musées... en plus
des bunkers sous le Danube, tunnels blindés...
Combien ces princes ducs et gangsters, avaient pioché de trous,
cachettes, oubliettes ?... dans la vase, dans les
sables, dans le roc ? quatorze siècles d'Hohenzollern !
(Dun château l'autre, 1968, poche, p.163).
"
Lucienne Delforge était au centre de toutes les
manifestations mondaines. Pianiste, mais aussi nageuse,
escrimeuse, ancien capitaine d’une équipe de
basket-ball, critique musicale, conférencière, écrivain,
cette femme avait toujours été d’une activité
prodigieuse. Elle avait rédigé pour le maréchal Pétain
un rapport sur le rôle de la musique française dans
l’Europe de demain et elle écrivit des critiques
musicales dans le journal La France. Elle était
demeurée très sportive et faisait de grandes excursions
en montagne, mais Louis n’autorisa jamais Lucette à la
suivre par crainte qu’elle ne soit jetée dans un
précipice par Lucienne qu’il soupçonnait de jalousie
morbide...
(...) Lucette et Louis assistèrent au concert de bienfaisance donné par
Lucienne Delforge dans la Galerie portugaise, de
même qu’ils étaient présents le 31 décembre 1944 à la
soirée de variétés donnée au profit d’œuvres de
bienfaisance dans la salle du Deutsches Haus. "
(F. Gibault, Céline. Cavalier de l’Apocalypse, 1944-1961, Mercure de
France, 1981).
*********
Sigmaringen : l'hôtel Bären.
Le « gouvernement
» français l’avait institué médecin de la colonie. Il ne
voulait d’ailleurs pas d’autre titre. Il y rendit des
services. Abel Bonnard, dont la mère, âgée de
quatre-vingt-dix ans, se mourait dans une chambre de la
ville, n’a jamais oublié la douceur avec laquelle il
apaisa sa longue agonie. Il pouvait être aussi un
excellent médecin d’enfants. Durant les derniers temps,
dans sa chambre de l’hôtel Löwen, transformée en
taudis suffocant (dire qu’il avait été spécialiste de
l’hygiène !) il soigna
une série de maladies
intrinsèquement célinesques, une épidémie de gale, une
autre de chaudes-pisses miliciennes. Il en traçait des
tableaux ébouriffants.
L’auditoire des Français, notre affection le ravigotaient
d’ailleurs, lui avaient rendu toute sa verve. Bien qu’il
se nourrît de peu, le ravitaillement le hantait : il
collectionnait par le marché noir les jambons,
saucisses, poitrines d’oies fumées. Pour détourner de
cette thésaurisation les soupçons, une de ses ruses
naïves était de venir de temps à autre dans nos
auberges, à l' « Altem Fritz », au « Bären », comme s'il
n'eût eu d'autres ressources, partager la ration
officielle, le « Stammgericht », infâme brouet de choux
rouges et de rutabagas. Tandis qu'il avalait la pitance
consciencieusement, Bébert le « greffier » s'extrayait à
demi de la musette, promenait un instant sur l'assiette
ses narines méfiantes, puis regagnait son gîte, avec une
dignité offensée.
(Etudes rebatiennes, Céline à Sigmaringen, Pauvert, 1976).
Pétain, sa
suite, et ses ministres, quoiqu'en « grève », logent
dans le château de Sigmaringen réquisitionné. Tous les
autres sont logés dans les deux hôtels de la ville, le Bären et
le Löwen, qui reçoivent les plus prestigieux
invités, notamment l'écrivain Louis-Ferdinand
Céline,
qui en raconte plus tard les détails, à sa manière, dans
son livre D'un château l'autre.
Il y parle longuement de la brasserie du Löwen où les
Français se donnent rendez-vous pour suivre l'avancée
des Alliés et parler des dernières rumeurs improbables
sur la victoire imminente de l'Allemagne.
(Pierre Assouline, Sigmaringen, Gallimard, 2014).
 

Voilà donc
pour les privilégiés, les gens du château. Restait la
piétaille, les 1 200 ou 1 500 réfugiés français
éparpillés dans la ville, logeant sous la tente, dans
des écoles, s'entassant dans les quelques auberges du
coin, le Bàren de la Burgstrasse non loin du
Danube avec son toit pointu et ses jolis colombages, l'Altem
Fritz ou le Lôwen de la Karlstrasse, à moins de
cent mètres du château et de la gare, une demeure
cubique et sans esprit, avec ses trophées de chasse au
mur, ses inévitables chopes de bière en grosse faïence
dans la salle à manger. La nourriture, n'en parlons même
pas ou mentionnons le seul Stamm-gericht,
spécialité nauséeuse de Sigmaringen, brouet de choux
rouges, de raves et de rutabagas que devait ingurgiter
le prolétariat de la collaboration, les rescapés du
Parti franciste de Bucard, les Jeunes nationaux
populaires de Déat ou les miliciens de Darnand, en
rivalité perpétuelle les uns avec les autres.
La vie quotidienne de Céline à Sigmaringen fut des plus simple. Nommé
officiellement par la Commission gouvernementale
médecin de la colonie française, il entreprit durant
tout son séjour de soigner les réfugiés français, sans
jamais prodiguer ses soins au château, a fortiori auprès
de Pétain comme on l'a laissé entendre parfois. Cette
tâche, il la partagea avec l'un de ses collègues, le
docteur André Jacquot, ancien médecin de la coloniale et
membre du Front révolutionnaire national de
Marcel Déat durant l'Occupation.
Comme Corinne Luchaire et ses sœurs, Céline, Lucette et Bébert avaient
été logés au Lôwen (premier étage, chambre 11),
tandis que Le Vigan se retrouvait au Bàren, près
de Lucienne Delforge, Véronique et Lucien Rebatet,
Infirmier, non, Le Vigan ne put décrocher ce titre. Or
il fallait plus ou moins justifier d'un emploi à
Sigmaringen, pour avoir une chambre, des tickets
d'alimentation. Afin de prévenir tout risque
d'expulsion, Le Vigan dut donc accepter peu après, de
très mauvais gré, le poste de speaker des informations
quotidiennes à la radio qu'animait Jean Luchaire.
(Château et prison, Sigmaringen, Poésie française, www.wikipoemes.com).
*********
Le cabinet de soins
: médecins et dentiste.
... Céline exerçait
principalement tous les après-midi, à côté du pont sur
le Danube, dans le cabinet du dentiste Gunther... Ce
même cabinet était occupé tous les matins par le docteur
Jacquot...
(François Gibault, Tome 3, p.45).

La vie quotidienne de Céline
à Sigmaringen fut des plus simple. Nommé officiellement
par la Commission gouvernementale médecin de la
colonie française, il entreprit durant tout son séjour
de soigner les réfugiés français, sans jamais prodiguer
ses soins au château, a fortiori auprès de Pétain comme
on l'a laissé entendre parfois.
Cette tâche, il la partagea avec l'un de ses collègues, le docteur André
Jacquot, ancien médecin de la coloniale et membre du
Front révolutionnaire national de Marcel Déat durant
l'Occupation.
Pour Céline et Jacquot, le travail ne manquait pas à Sigmaringen, avec le
froid de l'hiver, les logements précaires, la nourriture
insuffisante dont ce fameux Stammgericht
prodigieusement laxatif, la promiscuité de tous ces
jeunes paramilitaires, l'hygiène plus que douteuse...
Grippes, phtisies, otites se succédaient sans parler des
poux et des puces, de la gale et de toutes les maladies
vénériennes possibles.
Céline se rendait à l'ancien couvent Fidelis transformé en une
maternité qui ne désemplissait pas. Il tenait sa
consultation près du Danube, l'après-midi, dans le
cabinet d'un dentiste allemand qui avait été mobilisé.
Il distribuait à tour de bras les certificats de
complaisance pour ne pas renvoyer sur le front les
jeunes recrues de la Légion Charlemagne promis à
une mort presque certaine et à une défaite de toute
façon inéluctable. Le soir, il recevait encore dans sa
chambre d'hôtel transformée en salle de soin.
Et Lucette aussi témoigne : « Nous avions une chambre avec deux
sommiers, pas même une table mais un tabouret. C'est là
que Louis recevait ses malades, surtout ceux qui avaient
la gale. Je lui servais d'infirmière, pour les piqûres,
les pansements. Mais il n'y avait pas grand-chose à
faire sans médicaments. Céline, avec son propre argent,
tâchait de s'en procurer à droite, à gauche, dans les
pharmacies de la ville. Il achetait aussi par
contrebande de la morphine qui venait de Suisse. Jamais
il n'a touché un centime pour ses soins. Le matin, il
soignait les femmes enceintes. On se levait de bonne
heure. De mon côté, j'allais m'entraîner au château.
J'avais fini par me trouver une salle glaciale au sol de
marbre, décorée de statues mythologiques, non loin du
salon de musique où s'exerçait Lucienne Delforge. »
(Château et prison, Sigmaringen, Poésie française, www.wikipoemes.com).
*********
Sigmaringen : le cimetière, la
tombe de Mme Bonnard.
Zut, j'avais pas envie de sortir... tout de même il a
fallu... pas le jour même mais le lendemain... chercher
des rognures pour Bébert... et puisque c'était chez le
Landrat, aller voir Mme Bonnard... je vous ai
dit, ma plus vieille malade, 96 ans, bien délicate
fragile malade... quelle gentillesse !... quelle
distinction ! quelle mémoire ! Legouvé par cœur, toute
sa poésie... tout Musset... tout Marivaux... il faisait
bon dans sa chambre, je restais l'écouter, je lui tenais
compagnie, elle me charmait... je l'admirais... pas
beaucoup admiré les femmes, je peux dire, dans une
pourtant juponnière vie... mais là je peux dire j'étais
sensible... je sais pas si Arletty plus tard me fera le
même effet... peut-être... le
fameux mystère féminin est pas de la cuisse... les
cliniques Baudeloque, Tarnier, toutes les maternités du
monde regorgent de mystères féminins...
qui pondent, saignent, avouent, hurlent ! pas mystères
du tout ! c'est une autre onde beaucoup plus subtile que
" braquemard, amur et ton cœur
"... mystère féminin... c'est une sorte de musique de
fond... oh ! pas captable comme ci !... comme ça !...
Mme Bonnard, la seule malade que j'aie perdue avait cette finesse,
dentelle d'ondes... comme elle disait bien Du Bellay...
Charles d'Orléans... Louise Labé... j'ai failli avec
elle comprendre certaines ondes... mes romans seraient
tout autres... elle est partie...
(D'un château l'autre, poche, 1968, p.305).
Céline, quant à
lui, qui prend soin de la mère d'Abel Bonnard - qui
mourra à quelque temps de là, avant le départ de son fils pour l'Espagne,
et dont la tombe demeurera introuvable par la suite -,
confiera pour sa part à Robert Poulet, à
propos
de Mme Bonnard :
« J'étais sous le charme. Je
découvrais un univers spirituel où je ne suis plus
admis, mais où parfois je rêve de vivre. La poésie, avec
ses cadences heureuses, son air de danser sur un fil...
Les mots qui arrivent, comme appelés par un signal. Et le contraste
que fait cette régularité de l'expression dans la
liberté du sentiment avec l'inconséquence et la
fragilité des femmes...
Elle finissait une strophe, et puis elle en commençait une autre,
Mme Bonnard. C'était le doux courant d'une rivière
qui vient on ne
sait d'où et qui va on ne sait où, le miroitement et le
murmure de la poésie, qui enveloppe toute la terre... »
(abelbonnard.free.fr, Sigmaringen et Céline).
Céline est le
dernier médecin de la mère d'Abel Bonnard, qu'il évoque
dans son livre de 1957, D'un château l'autre.
Elle meurt le 4 mars 1945. Il signe son acte de décès, avant qu'elle ne
soit inhumée au cimetière de Sigmaringen.
(Wikipedia, Abel Bonnard).
*********
Nos pèlerins céliniens, avant de regagner leurs
pénates belges, se sont retrouvés à Paris où ils n'ont
pas manqué, on s'en doute, de compléter leur album de
photos... La chambre du jeune Ferdinand au Passage
Choiseul, le dispensaire municipal
de Clichy et la maison Maïtou de Meudon.
Le Passage Choiseul.
Le deuxième arrondissement
pourrait s’apparenter sans mal au cœur de la capitale.
C’est là que sont implantées les maisons mères des
banques, là qu’est érigée la Bourse. Coincé entre ces
glorieux édifices, le Passage Choiseul… Nul doute que
Céline, en le rebaptisant Passage des Bérésinas, ait
désiré accentuer le fossé entre deux univers qui se
côtoient et s’ignorent. L’ironie du sort veut qu’à
quelques pas de l’entrée du Passage se trouve le
restaurant « Drouant ». Avant l’attribution de chaque
prix Goncourt, les membres du jury s’y réunissent puis
annoncent, depuis le perron, le nouveau lauréat. Une
telle coïncidence prête forcément à sourire…
Il y a quasiment un siècle que Louis Destouches a
foulé pour la première fois le sol du Passage Choiseul.
L’impression étrange que presque rien n’a changé depuis
ce temps est saisissante. On pénètre à l’intérieur comme
dans un tunnel. Des grilles métalliques sont enroulées
sur elles-mêmes à hauteur de chaque porte. Si l’on
emprunte l’entrée débouchant rue du 4 septembre, on peut
admirer un imprimé fatigué, sous verre, exposant le
« Règlement intérieur du Passage Choiseul ».
En se
penchant un peu, on découvre une borne présentant
l’histoire de Paris. En conclusion de ces quelques
lignes consacrées au Passage, il est écrit que
« l’enfance de Louis-Ferdinand Céline s’écoule au 67
puis au 64 ». La mairie de Paris fait preuve de plus de
clémence et de mansuétude quand il s’agit du petit Louis
que quand il faut affronter les colères soulevées par
l’ambigu Ferdinand. Cette borne constitue l’unique
indication officielle concernant Céline… Maigre
consolation quand on sait que pour lui rien ne s’est
véritablement « écoulé » mais que tout s’est subi.
«
Pour parler de notre Passage Choiseul, question du
quartier et d’asphyxie : le plus pire que tout, le plus
malsain : la plus énorme cloche à gaz de toute la Ville
Lumière !… trois cents becs Auer permanents ! … l’élevage
des mômes par asphyxie ! »
(Dun château l'autre).
« Moi, j’ai été élevé au passage Choiseul dans le gaz de
250 becs d’éclairage. Du gaz et des claques, voilà ce
que c’était, de mon temps, l’éducation. J’oubliais : du
gaz,
des claques et des nouilles. Parce que ma mère
était dentellière, que les dentelles, ça prend les
odeurs et que les nouilles n’ont aucune odeur. »
(Cahiers Céline 2, p.62).
La peinture couvrant les façades des appartements, d’un
beige passé, est fissurée. Ici et là, quelques
moisissures ornent les murs lézardés. Les personnes qui
traversent ce couloir paraissent pressées de retrouver
l’air libre au plus vite. Chaque parole échangée, chaque
bruit de pas résonne, monte et s’écrase contre la
verrière s’ouvrant sur le ciel. La lumière n’est pas
tout à fait celle du jour, pas tout à fait artificielle.
Au 67, sont installées les loges des comédiens du
théâtre des Bouffes Parisiens. Derrière la vitrine du
numéro 64, on vend désormais des vêtements. Ici, on a
évidemment entendu parler de Louis-Ferdinand Céline,
mais il est hors de question de laisser quiconque
emprunter l’escalier en tire-bouchon menant jusqu’au
troisième étage. « On a même refusé pour la Bibliothèque
Nationale en 94, alors… Ce serait un constant
va-et-vient… On a les bureaux là-haut… On travaille
nous… »
Inutile de tenter d’expliquer à quel point Céline a
œuvré pour la postérité du Passage Choiseul, même
lorsqu’il ironisait dans certains entretiens sur le fait
que l’on puisse voir en lui l’écrivain censé
l’ « incarner ». Aucun des lecteurs de
Mort à crédit ne
peut déambuler dans cette artère sans entrevoir
Ferdinand, sans entendre les fureurs d’Auguste, sans
éprouver l’oppression de la « cloche à gaz ». Les becs
d’éclairage et les chansonniers ont disparu mais l’œuvre
est restée, intacte, vivante. Depuis 1936, aucun
écrivain n’a osé supplanter la vision célinienne du Passage, et il est fort à parier que cela dure de très
longues années encore…
« En
haut, notre dernière piaule, celle qui donnait sur le
vitrage, à l’air c’est-à-dire, elle fermait par des
barreaux, à cause des voleurs et des chats. C’était ma
chambre, c’est là aussi que mon père pouvait dessiner
quand il revenait de livraisons. »
(Mort à crédit).
« […] moi qu’ai vécu Passage Choiseul, dix-huit ans, je
m’y connais un peu en sombres séjours ! … »
(D'un château l'autre).
*********
Le dispensaire municipal de Clichy.
En janvier 1929 s'ouvre le dispensaire de Clichy, rue
Fanny. Céline, grâce à ses nombreux appuis (le docteur
Rajchman, le professeur Bernard notamment) y trouve un
emploi qui l'amène a abandonner sa clientèle de la rue
d'Alsace. Contrairement à ce qui a pu être affirmé,
Destouches n'était pas le médecin chef de Clichy, même
si il convoita un temps le poste. Dans ce dispensaire
travaillait une douzaine de médecins, avec à leur tête,
le docteur Grégoire Ichok qu'il décrira en ces termes :
« Au dispensaire municipal sur lequel je m'étais
rabattu, je vis arriver un certain Idouc (sic),
lithuanien (...) imposé par les dirigeants communistes
(...) La direction du
dispensaire,
confiée à ce médecin probablement faux, n'étant sans
doute qu'un camouflage ».
Espion ? Véritable docteur ? Ce qui est sûr, c'est qu'il fut mal aimé de
la plupart des médecins du dispensaire et ses relations
avec Céline iront en se détériorant. Pendant neuf ans,
toutefois, Destouches tiendra au dispensaire des
vacations régulières de médecine générale, vingt deux
heures de consultation par semaine payées 2000F par
mois, selon F. Balta, jusqu'à sa démission en 1937.Ce
dispensaire est un des premiers à offrir des
consultations et quelques examens gratuits. C'est ici
que le docteur Destouches fera, pour la première fois,
la véritable expérience de la misère des banlieues. Il y
travaillera pendant neuf ans, laissant le souvenir d'un
médecin enthousiaste, généreux, « de bon diagnostic »
mais utilisant peu de médicaments.
Ces occupations médicales diverses n'empêchent pas le docteur
Destouches de publier, en 1932, le Voyage au bout de
la nuit. De même, son activité littéraire naissante
ne changera pas grand-chose à son activité au
dispensaire, la plupart de ses patients, d'origine
modeste, ne sachant pas qui les soigne. De plus, Louis
voyage sans arrêt : il a ainsi découvert, début 1929, la
médecine de dispensaire en Allemagne, en Angleterre ou
en Scandinavie grâce à des bourses fournies par le
comité d'hygiène de la SDN, au sein duquel il a conservé
de bonnes relations, notamment avec le docteur Rajchman.
Ses relations lui ont ainsi grandement facilité la tâche pour
accomplir ces nombreux déplacements. Il en rapporte son
dernier texte médical, « Pour tuer le chômage,
tueront-ils les chômeurs ? », publié en 1933. Là
finit tout contact apparent avec le comité d'hygiène de
la Société des Nations. On ne sait pas exactement
ce qui arriva, toujours est il que Destouches, malgré le
certain respect qu'il accordait au Dr Rachjman, se fâcha
avec ce dernier à la parution, en 1933, de l'Eglise,
pièce qui tourne en
dérision l'organisation et le fonctionnement de
l'institution, où s'exprime déjà, bien qu'encore larvé,
son antisémitisme.
Là se tiennent sans doute les raisons de son départ. Au sein du
dispensaire de Clichy, ce sont également ses positions
politiques qui détérioreront ses relations avec le
personnel et prendront une part prépondérante dans son
départ. Parti en URSS réclamer les droits d'auteur sur
le Voyage au bout de la nuit aux éditeurs
soviétiques du roman, Céline, sans prendre garde au fait
que la commune de banlieue où il exerce a pour maire et
pour édiles des communistes militants, se répand en
propos sarcastiques, un peu provocateurs sur les
nouvelles institutions russes. Cela n'a pas été sans
conséquence... D'autant que son remplaçant se trouva
être un médecin juif fraîchement naturalisé... Il n'en
fallut certainement pas beaucoup plus à Céline pour
englober dans une réprobation générale juifs,
communistes, socialistes et gouvernement Blum. Une
petite série de hasards aux graves conséquences : en
1937, Destouches, devenu Céline (son pseudonyme
d'écrivain) depuis le Voyage au bout de la nuit,
encore écœuré par les
souvenirs de la première guerre mondiale, et sentant
l'approche imminente d'un nouveau conflit écrivit
ensuite ce texte pacifiste mais foncièrement antisémite
qu'est Bagatelles pour un massacre.
(L.F.C. : une pensée médicale, D. Labreure,
Université Paris 1, 2005).
Le 14 novembre 1927, Louis-Ferdinand Destouches ouvre un
cabinet de médecine générale, maladies des enfants au
1er étage du 36, rue d’Alsace. Il loge dans un
appartement de 3 pièces et salle de bain. Dans l’une des
pièces, il y a le cabinet médical et une salle d’attente
située juste au-dessus de la boucherie Fouilloux. [rue
du Bois ou Henri Barbusse] Destouches et sa femme sont
chassés par une invasion de punaises dans l’immeuble,
fin août 1929. Il a pris un nouveau logement au 98 rue
Lepic, à Montmartre.
Après un stage à l’hôpital Laennec où il est initié à la médecine de
dispensaire par le professeur Bernard, la direction de
la médecine d’hygiène populaire lui offrit pour 2 000
francs par mois une vacation quotidienne de médecine
générale au nouveau dispensaire 10, rue Fanny. Il y
entra dès son ouverture le 8 janvier 1929 et partit le
31 décembre 1937.
Deuxième témoin important, Eliane Bonabel, née à Paris, vit avec son
oncle Charles et sa grand-mère Célina au 63, boulevard
National (43, boulevard Jean Jaurès aujourd’hui).
Elle
fait partie des nombreux enfants qui sont venus au
centre de santé rue Fanny. Le docteur Destouches l’a
rencontrée pour la première fois à l’âge de 5 ans
(événement qui confirme l’arrivée du médecin-écrivain à
Clichy en 1925-1926). À 9 ans, Eliane fait un dessin
pour le docteur. Il est tellement impressionné qu’il lui
donne 200 francs pour l’encourager. À la sortie du livre
de Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit,
en 1932, Eliane Bonadel alors âgée de 12 ans, s’en
inspire pour l’illustrer de 21
dessins. Quant on sortait de son cabinet, le docteur
Destouches donnait ses dernières recommandations « pas
d’alcool, vie saine et propreté » . C’était un médecin
hygiéniste !
(www.ville-clichy, JP.Capdet).
Le 14 novembre 1927, Louis-Ferdinand Destouches
emménageait à Clichy avec Elisabeth Craig, dans un trois
pièces au 1er étage du 36 rue d'Alsace. Jeanne Carayon,
voisine de palier et première secrétaire de Céline, se
souviendra de leurs disputes en anglais. Il y ouvrait un
cabinet de « Médecine Générale, maladies des enfants ».
Le 8 janvier 1929, suite à l'échec de son cabinet, la direction de
la médecine d'hygiène populaire proposa au docteur
Destouches une vacation quotidienne de médecine
générale, au tout nouveau dispensaire de Clichy, situé
au 10 rue Fanny. Il accepta et fit ainsi partie de
l'équipe fondatrice du dispensaire de la Ville, jusqu'à
son départ le 31 décembre 1937, année de parution de
Bagatelles pour un massacre.
Au printemps 1931, Louis-Ferdinand Céline écrira Voyage au bout de la
nuit (prix Renaudot), dactylographié par Aimée
Paymal, secrétaire du dispensaire de Clichy et, dans
lequel il décrit la Garenne-Rancy en référence à la rue
d'Alsace, la rue Simmoneau et le boulevard Victor Hugo,
ainsi que les habitants du quartier Victor Hugo.
(Le Petit Célinien).
*********
Depuis que j’ai
assisté à l’émission de Guillaume Canet et que l’on a
parlé de Céline, j’ai toujours en tête de connaitre la
maison où il a vécu à Meudon.
Beaucoup de personnalités ont vécu à Meudon, là où j’habite. Je connais la
Maison de Rodin « la Villa des Brillants » sur les
hauteurs de Meudon, la Maison d’Armande Béjart, rue des
Pierres, tout à côté de mon immeuble, la Maison où à
vécu Richard Wagner, en bas de l’avenue du Château.
Maintenant je vais connaître la Maison de Céline, 25 ter Route des Gardes.
Il est 13h quand je quitte mon appartement à Meudon. Il fait bon dehors,
je vais y aller à pied.
Juste au-dessus de chez moi je prends la magnifique avenue du Château.
Sur toute une partie de l’Avenue à ma droite la vue sur
Paris m’accompagne, de la Seine au Sacré Cœur.
En contrebas j’aperçois le Potager
du Dauphin. L’Avenue est bordée d’arbres et de
magnifiques propriétés. Je passe devant la Maison de
Richard Wagner en bas de l’Avenue du Château. Me voici
arrivée en bas de l’Avenue, la Route des Gardes
la coupe, je me dirige sur la droite pour l’emprunter
Je vais en descendre une bonne partie, je
passe au-dessus de la voie de chemin de fer, je reste
sur ma droite côté des numéros impairs.
Je ne suis pas loin maintenant, je dois emprunter un chemin à droite et
tourner tout de suite à gauche, la maison est située en
surplomb de la route. Je monte le petit chemin qui
m’amène au 25, j’ai trois propriétés à passer et
j’arrive au bout de ce chemin.
Rien ne m’indique que je suis à la Maison de Céline, les
trois propriétés se ressemblent. Je m’arrête donc à la
dernière maison, au numéro 25. Il n’y a pas de 25ter, je
pense être devant la maison de Céline. Elle se situe au
fond d’un parc, elle comprend trois étages de fenêtres
avec des volets bleu ciel. La grille est bleu clair et
un peu rouillée. (Elle ressemble bien à la photo que
j’ai vue sur internet).
Je passe mes mains entre les barreaux de la grille pour pouvoir faire des
photos. Je reste un instant devant la propriété de
Céline, un peu émue, je la contemple, elle parait
vieille. Un chat se promène dans le parc et s’approche
de la grille. C’est peut-être le chat de Céline ?
Pour être sûre je descends de ce talus et reprends la Route des
Gardes. Un peu plus bas je vois un homme dans la
cour d’une propriété, je m’avance vers lui et je lui
pose la question : « connaissez vous la Maison de » je
n’ai pas le temps de finir ma phrase il sait que je
cherche la Maison de Céline. Il me montre le talus et il
me dit, c’est la première maison perchée. Alors je lui
fais voir mes photos et il me dit : « c’est exactement
la Maison de Céline que vous avez prise en photo ".
Il me fait voir sur ma photo où se situe la chambre de la femme de
Céline, Lucette, qui vit toujours dans la maison. " Je
suis son jardinier " me dit-il. Lucette aura 101 ans
cette année, on va lui souhaiter son anniversaire le 20
juillet (drôle, le 20 juillet c’est aussi l’anniversaire
de mon fils). Puis il ajoute « Toto est toujours là ».
Ah, je lui demande qui est Toto. Il me dit : « son
perroquet ».
Alors je lui demande pourquoi il s’appelait « Céline ». (Ce nom me faisait
toujours penser à une femme). Il me dit qu’il avait pris
le nom de sa grand-mère.
(blogdefrancine, Paris et People, la maison de Céline, 11/03/2013).
Meudon, octobre 1951.
Rentrés d'exil, Céline, sa femme Lucette, Bébert - ainsi
que deux autres chats et une chienne recueillis au
Danemark - prennent leurs quartiers sur les hauteurs de
Meudon. A mi-pente du coteau, la villa Maïtou a
appartenu à Labiche. Quel clin d'œil
!
De ce domaine, constitué d'un pavillon ceint d'un jardin pelé que seuls
les chiens laboureront, Céline fera un ermitage mais
aussi un théâtre. Il endosse à plaisir le rôle de
l'écrivain réprouvé.
A 57 ans, il lui tarde de se remettre au style et, après le
purgatoire dont le tireront Marcel Aymé et Roger Nimier,
de renouer avec le succès. « Le langage écrit était à
sec, soutiendra-t-il dans ses Entretiens avec le
professeur Y (parus en 1955, une année avant la mort
de Léautaud, son concitoyen de Meudon), c'est moi qu'ai
redonné l'émotion au langage écrit. »
Céline était voyeur, rappelle son
biographe François Gibault. Assez voyeur pour justifier
cet album d'une centaine de photographies, réunies par
David Alliot, qui montrent dans quelle animalerie - du
perroquet Toto au hérisson Dodard - Céline acheva son
œuvre, de Féerie à
Rigodon. Entre les aboiements, les notes de piano et
le silence trop tôt dissipé du lointain matin, d'avant
le pire à venir.
(lexpress, culture, livres, Céline à Meudon, 2006).
L'âme de
Meudon
Une grille bleue écaillée,
un jardin en pente raide égayé de tulipes,
sur les hauts de Meudon. La ville Maïtou, un
pavillon de style Louis-Philippe offre au regard
une façade grise, hérissée de fissures. Des gouttières
de guingois. Derrière, c'est un chaos d'herbes folles et
de myosotis. Un univers hitchcockien.
Lucette et Céline s'y sont installés en 1951 au retour de six ans d'exil.
Jusqu'à sa mort, l'écrivain y a alimenté sa légende,
ermite, dépenaillé entouré de chiens, de chats et du
perroquet Toto.
Aujourd'hui, les traces de sa présence s'estompent : des photos intimes,
des portraits punaisés aux panneaux de liège...
" Cette maison est comme moi...
Elle tient le coup, mais il ne faut pas trop lui en
demander ! " lance Lucette. De longs cheveux blancs
encadrent son visage étonnamment juvénile. Elle se tient
à demi allongée, dans le salon du rez-de-chaussée où
elle ne descend que pour dîner. Elle a mis du rouge à
lèvres. Son pied nu de danseuse s'échappe d'une
couverture. Un chat se faufile. Près de la fenêtre, une
cage abrite Toto 2, le perroquet.
" Elle a une spatule pour le faire
taire, mais elle ne s'en sert jamais ", sourit David Alliot, nouveau membre de la " secte dans la secte " :
les derniers visiteurs de Meudon. Cette poignée de
fidèles la protège encore des vautours rôdant autour du
fantôme. Elle les accueille d'un " Raconte, raconte "
gourmande d'une vie dont elle s'est retirée depuis
quinze ans.
(lejdd, société, actualité, Lucette ombre et lumière, 2012).
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