RÉACTIONS
EN
REPONSE AU JOURNALISTE EDOUARD HELSEY
" Il est soufflé, merde,
ce cave !... De quel droit il se permet, ce veau, de
salir de la sorte ?... Mais j'ai jamais renié rien du
tout ! Mais j'ai jamais adoré rien !... Où qu'il a vu
cela écrit ?... Jamais j'ai monté sur l'estrade pour
gueuler... à tous les échos, urbi et orbi : " Moi j'en
suis !... moi j'en croque !... j'en avale tout cru !...
que je m'en ferais mourir !... "
Non ! Non ! Non ! J'ai jamais mirconisé, macronisé dans les meetings !...
Je vous adore mon Staline ! mon Litvinoff adoré ! mon
Comitern !... [NDLR, Komintern] Je vous adore éperdument
! Moi j'ai jamais voté de ma vie !... (...) J'ai
toujours su et compris que les cons sont la majorité,
que c'est donc bien forcé qu'ils gagnent !... Pourquoi
je me dérangerais dès lors ? ".
(En réponse au journaliste Edouard Helsey qui l'avait accusé d'avoir
renié son engouement pour le communisme, BC, n° 386,
juin 2016, p. 9).
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Les cinq enfants de la tzarine...
On s'est cogné qu'une seule
fois, mais terrible, avec Nathalie... C'était en
revenant de Tzarkoï, le dernier château du Tzar... Nous
étions dans une auto... nous allions assez bonne
allure... cette route-là n'est pas mauvaise, Quand je
lui fais alors la remarque... à la réflexion... que je
trouvais pas de très bon goût... cette visite... chez
les victimes... cette exhibition de fantômes...
agrémentée de commentaires, de mille facéties...
Cette désinvolture, hargneuse, énumération... acharnée, des petits
travers... mauvais goût... ridicules manies " Romanov
"... à propos de leurs amulettes, chapelets, pots de
chambre... Elle admettait pas... Elle trouvait
parfaitement juste, Nathalie. J'ai insisté. Malgré tout,
c'est de là, de ces quelques chambres, qu'ils sont
partis tous en chœur, pour
leur destin, les Romanov... pour leur boucherie dans la
cave...
[...] Ça
me faisait pas plaisir du tout de voir comme ça les
assassins en train de faire des plaisanteries... dans la
crèche de leurs victimes... Je me trouvais d'un seul
coup tzariste... Car ils furent bien assassinés bel et
bien, massacrés, absolument sans défense dans la cave de
Sibérie... après quels transbahutages !... des mois !...
avec ce
môme
hémophile... entre tous ces gardes sadiques et saouls,
et les commissaires judéo-tartars... Enfin la grande
rigolade... On se rend compte... L'intimité des morts...
les pires salopes, avant de crounir... ça regarde plus
personne... C'est pas toujours aux assassins de venir
dégueuler sur leurs tombes... Révolution ?... Bien sûr
!... Certes ! Pourquoi pas ?... Mais mauvais goût, c'est
mauvais goût...
" Pourquoi ?... Pourquoi ?... qu'elle ressautait... Elle voulait pas, la
carne, comprendre... Le tzar, il était sans pitié !...
lui !... pour le pauvre peuple !... Il a fait tuer !...
fusiller !... déporter !... des mille et des mille
d'innocents !...
- Les bolchevicks l'ont bien promené pendant des semaines, à travers toute
la Sibérie. Ils l'ont buté finalement dans la cave, avec
tous ses gnières ! à coups de crosse !... Alors il a
payé !... Maintenant on peut lui foutre la paix... le
laisser dormir...
- Il faut que le peuple puisse apprendre !... s'instruire !... Qu'il
puisse voir de ses propres yeux, comme les Tzars étaient
stupides... bourgeois... bornés... sans goût... sans
grandeur... Ce qu'ils faisaient de tout l'argent ! les
Romanov ! des millions des millions de roubles qu'ils
extorquaient au pauvre peuple... Le sang du peuple !...
des amulettes !... Avec tout le sang du peuple ils
achetaient des amulettes !
- C'est pas quand même une raison... Ils ont payé... C'est fini !... "
Elle était insultante, la garce
!... je me suis monté au pétard... Je suis buté comme
trente-six buffles, quand une gonzesse me tient tête...
- Vous êtes tous des assassins ! que je l'ai insultée... encore pire que
des assassins, vous êtes tous que des sacrilèges
vampiriques violeurs !... Vous chiez maintenant sur les
cadavres tellement vous êtes pervertis... Vous avez plus
figure humaine... Pourquoi vous les faites pas en cire
?... comme chez les Tussauds ? Avec les blessures
béantes ?... et les vers qui grouillent ?...
Ah ! mais elle rebiffait, terrible. Elle voulait pas du tout admettre...
la petite arrogante saloperie... elle rebondissait dans
la bagnole... Elle s'égosillait... " La Tzarine était
pire que lui !... encore pire... Mille fois plus !...
cruelle je vous dis !... Un cœur
de pierre !... Elle ! la vampire !... mille fois plus
horrible que toute la Révolution. Jamais elle a pensé au
peuple !... Jamais à toutes les souffrances ! de son
pauvre peuple ! qui venait la supplier !... A tout ce
qu'il endurait par elle !... Jamais !... Elle avait
jamais souffert elle !...
- La Tzarine ?... mais vertige
d'horreur ! mais trombe d'ordures ! Mais elle avait eu
cinq enfants ! Tu sais pas ce que c'est cinq enfants ?
Quand toi t'auras eu le cul grand ouvert comme elle !
cinq fois de suite, alors tu pourras causer !... Alors
t'auras des entrailles ! de souffrances ! de souffrances
!... Purin !... "
C'est dire si j'étais en furie... C'était de sa faute ! Je voulais la
virer de la bagnole !... Je me sentais plus ! de
brutalité ! Je devenais tout Russe !... Il fallut que le
chauffeur il ralentisse... il arrête... qu'il
intervienne, qu'il nous sépare... on se bigornait...
Elle a pas voulu remonter ! elle était têtue... elle a
fait tout le retour jusqu'à Leningrad à griffe. Je l'ai
pas revue pendant deux jours. Je croyais que je la
reverrais jamais... Et puis voilà, elle est revenue...
C'était déjà oublié !... On était pas rancuneux...
Ça m'a fait plaisir de la
revoir. Je l'aimais bien la Nathalie.
(Bagatelles pour un massacre, Ed. 8, Ecrits polémiques, août 2017,
p.323).
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A JOHN MARKS
Jersey le 18 [mai 1937.]
Mon vieux,
Il m'est arrivé ici
même une bien drôle d'aventure. Arrivant de St-Malo,
Scotland Yard m'a trouvé si suspect que je fus
pratiquement arrêté, traité avec la plus grande
insolence (you lie sir 1
!) littéralement insulté pendant une heure - mon
passeport retenu par la police pendant 4 jours.
Cet imbécile ne voulait pas croire que je n'avais que
des intentions pacifiques. Un imbécile de S.Y.
2 de Londres
spécialement envoyé pour les circonstances - il
prétendait tout gratuitement que je venais à Jersey
rejoindre des complices ! d'un complot ! pour tuer le
roi ?... enfin du délirant grotesque ! de l'odieux ! Le
consul heureusement est venu m'identifier, certifier mes
parfaites intentions. Tout de même ce fou de police ne
voulait pas lâcher sa proie. Pour toutes sortes de
raisons, il me garda sous surveillance pratiquement
bouclé à l'hôtel. Il a fallu toute l'intervention du
consul, et fort violente je vous assure, pour que cette
farce se termine. Ce matin seulement on m'a rendu mon
passeport avec les excuses du Lieutenant Gouverneur. La
Coronation rend l'Angleterre hystérique. Que dirait le
Foreign Office si l'un de ses magnifiques écrivains
était traité de la sorte à Boulogne ou à St-Malo. Vous
me ferez plaisir en répétant ce petit écho dans
l'oreille des journalistes. Je n'ai jamais aimé S.Y. Je
n'ai jamais aimé les bourriques et, si je peux les
emmerder, je n'y manque jamais. En rentrant j'irai sans
tarder exposer mes doléances à l'Ambassade et chez
Comert à la presse des Affaires Etrangères. Ce détective
était encore plus stupide que Cook, beaucoup moins bien
élevé. Tour à fait insolent. Il m'a gâché mes vacances.
A vous bien affectueusement
L F D
1 " Vous mentez, Monsieur. "
2 Scotland Yard, la police britannique, qui sera évoquée
dans Guignol's band en la personne de l'inspecteur
Matthew.
(Lettres, Bibliothèque de la
Pléiade, Gallimard 2009, p.532).
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A LA MORT DE SON PERE.
- Vous n'avez pas eu
de problèmes pendant l'Occupation ?
- Non, pas réellement. Mon père avait coupé les ponts avant la guerre. Je
le voyais assez peu. Il ne voulait pas que je sois
inquiétée par ses prises de position. C'est presque par
hasard que j'ai su qu'il avait quitté la France en juin
1944.
- Vous ne l'avez pas revu jusqu'à son retour en France ?
- Non. Nous avons correspondu, mais je ne l'ai revu que chez les Marteau
en 1951.
- Les retrouvailles ?
- Oui. C'était très émouvant. Je monte un très grand escalier et, en haut
de l'escalier, un vieil homme tout maigre... Je l'ai
reconnu de suite. On s'est jeté dans les bras l'un de
l'autre, on a pleuré longtemps...
- Comment avez-vous appris la mort de votre père ?
- Par télégramme. Lucette ou quelqu'un de Meudon nous avait prévenues. Le
télégramme est arrivé à notre appartement de la rue
Vaneau, mais, ma mère et moi, étions sorties faire des
courses. Quand le facteur ou le concierge - je ne m'en
rappelle plus précisément - nous a apporté le télégramme
dans la rue, c'est ma mère qui l'a ouvert en premier.
Elle a violemment accusé le coup et m'a tendu le
télégramme. Je le lis et j'apprends que mon père est
mort. Je me retourne vers ma mère et je la vois pleurer
abondamment.
Cela me surprenait un peu car, s'ils étaient restés en bons termes, cela
faisait longtemps qu'ils ne vivaient plus ensemble. Je
lui demande alors : " Tu es triste maman ? " Elle me
répond simplement : " Tu ne peux pas savoir à quel
point. " Puis nous sommes parties pour Meudon.
- Vos parents avaient encore des sentiments l'un pour l'autre ?
- Oui. Souvent mon père disait à ma mère : " Quand on sera morts et
enterrés tous les deux à Meudon, Lucette viendra fleurir
notre tombe. "
(Propos recueillis par David Alliot, le 12 nov. 2001).
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DÉBARRASSÉ.
Ça
se clamait déjà, bavait, friturait ! toutes les " Bibici
" ! de la Fourche à la gare du Nord... au point que les
nouvelles à Rommel passaient après mes exploits !
L'immonde Céline ! le plus fumier numéro boche rêvable
croyable ! la preuve comme ils sont montés Arlette, moi,
à peine partis, le 22 mars, la grande Brigade épuratrice
!
Ils ont chassé ma mère aveugle, ils ont tout cambriolé, brûlé 17
manuscrits, ils ont vendu les draps aux " Puces " ils
savaient pas pour " Guignol's band "... " Krogold " non
plus... ni " Casse-Pipe "... Ils en ont mis au
garde-meubles mais comme ils ont rien pu payer ça s'est
vendu Salle Drouot catimini. Ah je suis au
courant des mic-macs... Y a des familles d'Epurateurs
qui ont encore plein de mes bibelots !...
Je peux pas dire au Concile des
Mises : Vous protégez les pirates !... Il me fouterait
une autre amende : calomniateur, etc... moi qu'ai encore
tant à payer ! à deux, trois, quatre Républiques ! Je me
rachèterais jamais un lit-cage !... Et l'héritage de ma
mère ! Ils l'ont virée ! virée ma mère, avant qu'elle
meure ! Oh, mais je fais très attention ! Je me
plains pas à tort à travers ! Vous me direz : Vous êtes
si déchu vous devriez bien vous finir !... Bon !...
Quand je me finirai je vais vous dire : c'est en pensant
aux animaux, pas aux hommes ! à " Tête de Chou ", à "
Nana ", à " Sarah " ma chatte qu'est partie un soir
qu'on n'a jamais revue, aux chevaux de la ferme, aux
animaux compagnons qu'on souffert mille fois comme des
hommes ! lapins, hiboux, merles ! passé tant d'hivers
avec nous ! au bout du monde !... la mort me sera
douce... j'aurai donné mon cœur
à tous... je serai débarrassé de vos mensonges !... Je
serai débarrassé de Tante Estrême ! de Clémence ! du
brutal Toto !...
Ils danseront plus dans mes murs !... Putois s'écrasera plus la tête...
Je veux pas que la mort me vienne des hommes, ils
mentent trop ! ils me donneraient pas l'Infini !
(Féerie pour une autre fois,
Folio, 1977, p.264).
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LE JUIF DU DISPENSAIRE.
Le 18-V-1951.
Mon vieux,
Il est toujours impossible de
faire convenir aux gens qu'ils se sont conduits à mon
égard en abominables dégueulasses persécuteurs ! es-tu
surpris ? On m'aurait pendu en 44, ça aurait arrangé
tout le monde... ! On aurait recouvert mon cadavre de
tombereaux de merde de calomnies et tout serait dit !
MAIS je suis vivant. Il faut s'expliquer - on ergote et
on ment. On s'embarbouille dans les conneries,
allusions, mystères, etc. On s'en fout plein les doigts.
Je suis AMNISTIE et c'est tout.
Le premier que je prend aux allusions je lui fous un procès et
c'est tout. Quel est cet article de l'Aurore ?
Je voudrais bien le lire. Je le passerai à Tixier.
Les juifs que j'ai fait foutre à la porte du dispensaire
de Clichy ? Ah l'effronterie, c'est
tout
le contraire qui s'est passé !
J'ai été viré par la
municipalité communiste aux ordres du Dr... émigré juif
lithuanien, et pas du tout MEDECIN : imposteur,
mais dont le frère était rédacteur à la PRAVDA, imposé à
Clichy par la Pravda... dès son arrivée nommé
médecin-chef, (comme celui de l'Ass. Nationale !) en
dépit de toutes les Lois françaises, parlant à peine le
français, a entrepris de virer tout ce qui n'était pas
juif, et surtout moi ! qui avais monté le
dispensaire et qui représentais le français, français
haï !... Il y est parvenu. J'ai dû donner ma démission.
Les Juifs que j'ai fait expulser ! Saloperies !
Mon Dossier vide très vide !
Après sept ans d'Instructions enragées, Mayer, Machin,
Lacache, ces archi-cons peuvent penser que s'il n'avait
pas été plus que vide !...
On oublie ! Heureusement cela est stipulé dans mon amnistie que
j'ai fait un an et demi de réclusion au Danemark, moi
condamné à un an sur merde !
Mais le plus chouette est que cet ... était en même temps un espion de
trois ou quatre nations étrangères. Et au début de la
guerre le Gv militaire de Paris (le Général Herry je
crois) a tout de même fouillé dans son dossier...
s'est réfugié chez Salomon Grumbach, le Sénateur.
Mais même Grumbach ne pouvait plus le couvrir ! Il s'est
suicidé au cyanure, dans le café du Palais de Justice,
avant de se rendre à la convocation du Juge
d'Instruction ! Ah ! Parlez-moi de Clichy qu'on rigole !
Les A.D. sont des mégottiers
imbéciles. Ils veulent faire fortune à la carambouille.
C'est tout. Monnier en a fini avec eux, et moi itou.
Veux-tu envoyer à France-Dimanche cette
rectification ?
Mille baisers,
L.-F. C.
(Lettre à Albert Paraz, Les
Cahiers de l'Herne, Poche-Club, 1968, p.102).
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A ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT
[30 août 1941.]
[...] Pour une vilaine petite
affaire personnelle pardonnez-moi d'avoir encore recours
à vous. Mais je désespère de recevoir jamais la moindre
réponse de l'ambassade 1
où l'on m'ignore absolument mais où l'on connaît par
leurs petits noms les monstres faisans du Front
Populaire - Il s'agit d'une merveilleuse muflerie que
l'on s'apprête à me jouer en Hollande où j'ai un coffre
(lettre ci-jointe 2).
Je considère l'effraction de mon coffre comme une
insulte personnelle et un lâche et révoltant
brigandage - Je ne suis point assez niais pour [un
mot illisible] dans les prétextes invoqués, il
s'agit purement et simplement de voler des véritables
valeurs et de leur subtiliser des devises en
monnaie de singe - un point c'est tout.
Qu'ils
agissent ainsi avec les gaullistes ou les juifs - tant
mieux - Mais avec leurs rares amis, ceux qui ont été
condamnés, traqués, persécutés, diffamés, pour leur
cause et non aujourd'hui, mais de 36 à 39 - sous
Blum - Daladier - Mandel 3
- c'est un comble - une monstrueuse saloperie -Quelle
leçon pour leurs hésitants collaborateurs ! Les
Dieux-diplomates de la rue de Lille sont protégés du
commun par un tel écran de lèche-culs, à baïonnettes et
sans baïonnettes, que je ne crois jamais pouvoir leur
faire entendre une protestation à moins que vous ayez la
bonne amitié de vous en charger. - J'ai protesté à La
Haye auprès de cette Banque avec véhémences et motifs -
mais encore... Il s'agit sans doute de brutes militaires
gangstérisés qui foncent au butin... Il faudra bien que
je cède à la force mais alors on m'aura fait violence et
peut-être un jour aura-t-on l'occasion de le regretter -
Vous savez mon cher Chateaubriant que je n'ai jamais
reçu un sou de l'Allemagne et ne lui demande rien. Je
demande simplement que les autorités allemandes aient
l'obligeance de me foutre la paix, de me considérer
comme un vague neutre, guatémaltèque ou San Marin
4 -
Est-ce trop demander ?
Je me considère déjà comme assez lésé d'être privé de l'usage de mon
avoir 5
- qu'ils aient la bonté de laisser mon coffre
tranquille et d'attendre la fin de la guerre - où
tout se règlera. Cette apothéose de vacherie, cette
monstruosité sans nom, me frappe au moment où je
projetais de lancer une campagne en faveur de la
croisade antibolchévique - Je crois être assez capable
de rallier beaucoup plus de monde que les pâles
jean-foutre qui s'en sont occupés à ce jour - soit dit
sans vexer les génies diplomatiques de la rue de Lille -
Je voulais peut-être créer un corps sanitaire français
de médecins et de chirurgiens 6
en faveur de la Légion 7
- prendre les choses sous leur aspect plus vaste la
participation de la médecine et de la chirurgie
française... Je vous aurais demandé vos colonnes... mais
je suis refroidi - Zut !! - C'est trop de mufleries
accumulées depuis quelque temps - Assez ! on se
décourage à force de se sacrifier toujours et toujours
pour des mufles - On encourage aussi le vice, de tous
ces ronds de cuir parfumés qui se croient chiés par
Talleyrand, pondus par Bismarck [...]
1 Céline s'est donc déjà adressé
rue de Lille à l'ambassade d'Allemagne dirigée par Otto
Abetz.
2 Lettre de l'Amsterdamer Bank à La Haye l'avisant qu'en
vertu d'une ordonnance tous les coffres appartenant à
des étrangers allaient être ouverts et lui demandant les
clefs du sien.
3 Georges Mandel, homme politique radical, avait été
ministre dans plusieurs gouvernements d'avant-guerre,
mais jamais, comme Léon Blum ou Edouard Daladier,
président du Conseil. Il fut abattu en 1944 par le
Milieu.
4 Citoyen de la République de San Marin.
5 Une première ordonnance avait prévu un blocage des
comptes étrangers.
6 Céline s'expliquera plus en détail sur cette
initiative dans une nouvelle lettre. Elle pourrait bien
relever de l'opportunisme plutôt qu'être un projet réel.
7 L'opinion négative portée sur la L.V.F. en 41-40
concernait non les combattants mais les initiateurs
politiques.
(Lettres, Bibliothèque de la
Pléiade, Gallimard 2009, p. 643).
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DE JEAN-PAUL LOUIS.
(...) Autre trait à
propos d'un article sur Céline paru dans Le Canard
enchaîné sous la signature de David Fontaine. Lequel
approuve cette sentence d'André Derval : " Après ce
qu'il a écrit ou fait avant et pendant la guerre, Céline
n'a pas sa place dans les commémorations officielles ".
Commentaire acidulé de l'éditeur de L'Année Céline : " Il a
pourtant trouvé sa place à l'IMEC, et même à Beaubourg,
endroits peu convenables pour un tel individu. On peut
se demander, question très délicate, ce qui pousse
encore Derval et Fontaine à prononcer son nom honni.
"
Quant à l'album Céline. Derniers clichés, l'éditeur de L'Année
Céline relève qu'il " atteint à l'extravagance
grâce à la préface de Viviane Forrester [NDLR : que
nous avions également épinglée ici] : regardez-moi ce
pauvre type, semble-t-elle dire, qui n'est même pas un
monstre, même pas un " rebelle audacieux ", mais un "
furieux " qui " appelle au meurtre, à l'extermination
" - et de se répandre longuement sur
Bagatelles pour un massacre.
Mais il est clair que Céline
l'écœure, et trente fois à
la suite : il triche, aussi, puisqu'il ne " délire pas
", qu'il n'est pas plus léger parce que les autres sont
lourds, " il sait mais il esquive ". Viviane Forrester
passe par-dessus le " style fasciste " que certains
évoquent, pour aller plus loin et de manière définitive,
croit-elle, semer le doute sur la sincérité même de
l'inspiration, sur ce qui reste habituellement au crédit
de Céline même pour ses plus obstinés ennemis - être
l'ennemi mortel d'un cadavre de cinquante ans d'âge,
voilà à mon sens de quoi faire ricaner les impies, et
scandaliser les croyants ".
Gageons que l'éditeur de L'Année Céline n'a pas fini de dauber
sur " l'épaisse couche de moralité à bon marché "
qui envahit quasi tous les écrits concernant l'auteur de
Mort à crédit.
(M.L., L'Année Céline 2011, fameux
millésime !, BC n° 350, mars 2013).
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D'UN AVOCAT L'AUTRE.
La vente du manuscrit de
Voyage au bout de la nuit a suscité quelques
remous, on le sait, dont un piquant débat entre deux
maîtres du barreau.
Tout commence le 19 mai lorsque Le Figaro publie cette lettre dans son "
Courrier des lecteurs " :
" Il faut que la tolérance et la compréhension connaissent certaines
limites. L'empathie n'est pas une fin en soi et doit
s'arrêter au début du chemin de l'intolérable. Or, il
m'apparaît que cette limite a été atteinte par la
décision de la Bibliothèque Nationale de France de
préempter le manuscrit de Voyage au bout de la nuit de
Louis-Ferdinand Céline.
Ce n'est pas le " talent " de l'auteur qui est ici en cause : c'est le
fait qu'une œuvre, largement
fondée sur la haine et l'exclusion, ne saurait trouver
une place privilégiée dans le patrimoine de la nation :
c'est le fait que - sauf à ce que les mots et la mémoire
n'aient aucun sens - l'antisémitisme de Céline ne permet
pas à la République de favoriser son entrée dans le
panthéon officiel de la littérature. Que les lecteurs
plébiscitent son œuvre en
achetant ses livres, que les milliardaires
collectionneurs acquièrent ses manuscrits, cela relève
de leur conscience, dans laquelle l'Etat n'a pas à
s'immiscer. Mais que l'argent public soit utilisé dans
un tel but, cela blesse des sentiments respectables,
cela porte atteinte à une certaine idée de la France,
cela ravive - ou ravivera demain - des querelles d'un
passé révolu. " Signé Daniel Amson, professeur des
facultés de droit et avocat à la cour d'appel de Paris.
Cela lui valut, le 23 mai, la
réplique cinglante de son confrère François Gibault,
président de la Société d'Etudes céliniennes et
biographe de Céline :
" J'ai lu avec consternation, dans votre édition du 19 mai,
l'intervention de Daniel Amson au sujet de
l'acquisition, par la Bibliothèque nationale de France,
du manuscrit de Voyage au bout de la nuit. M. Amson se
trompe, ce n'est pas le manuscrit de Bagatelles pour un
massacre qui vient d'être préempté par l'Etat français,
mais celui d'un des plus beaux romans du XXe siècle,
dans lequel Céline a dénoncé, avec une extrême vigueur
et le talent qu'on sait, l'absurdité de la guerre, les
excès du colonialisme, la misère partout dans le monde
et l'exploitation de l'homme par l'homme, en Afrique
aussi bien que dans les grandes cités industrielles
américaines.
Voyage au bout de la nuit n'est donc pas une œuvre
" fondée sur la haine et l'exclusion ", acquise avec "
l'argent public " , mais une sorte de cri lancé pour que
les hommes cessent de s'entre-tuer et de se haïr, dont
le manuscrit a été acquis de surcroît, du moins pour
l'essentiel, grâce à la générosité d'un mécène étranger
qui ne s'est pas mépris sur le sens de ce livre ni sur
la place qu'il tient dans la littérature française du
siècle passé.
Tout le monde a évidemment le droit d'être sectaire et d'exprimer
librement ses opinions et mon distingué confrère est
libre d'user de ces droits comme il l'entend. Tout le
monde a aussi le droit de se tromper, précepte valable
pour Céline comme pour Daniel Amson. "
Fermez le ban !
M.L.
(BC n° 223, septembre 2001).
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MICHEL AUDIARD.
Audiard était, comme on
sait, un fervent lecteur de Céline. Il ne voulait même
pas entamer une discussion avec ses détracteurs. "
J'parle pas aux cons, ça les instruit. " disait-il.
Il avait eu des mots très durs pour Pierre Lazareff qui - paradoxe -
était, lui aussi, un grand admirateur de l'écrivain,
mais qui, opportunisme oblige, ne lui rendait guère
hommage dans le journal qu'il dirigeait : " La
conspiration du silence orchestrée en d'autres temps par
la clique Lazareff (une baveuse colonne en cinquième
page, pour signaler la mort de Céline) n'est plus qu'un
triste souvenir. Aujourd'hui, après un long séjour par
Sigmaringen, par Klarskovgaard, puis par le " contumax
", puis la Pléiade, puis l'entrée solennelle dans
l'immortalité (la vraie, pas celle du Quai Conti),
Bardamu, comme guidé par " l'esprit gentil des morts ",
revient tout naturellement par chez lui, chez les
pauvres.
A part quelques prébendiers au rancart, qui se souvient encore de
Lazareff ? C'est toute la différence entre Voyage au
bout de la nuit et " Paris-Soir. "
Ce texte, écrit
en 1980, et bien d'autres, on peut les relire dans la
belle collection de René Chateau, " La mémoire du
cinéma français. " On y trouve surtout quelques-unes
des répliques qui firent sa renommée au cinéma. En
voici, de celles qui resteront : " Dans la vie, il y
a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance :
le cyanure ou la loyauté " ; " Un intellectuel assis va
moins loin qu'un con qui marche " ; " A travers les
innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage
d'emmerdeurs est celui qui n'a jamais baissé ", et
celle-ci que Céline eût pu signer : " La vérité n'est
jamais amusante, sans cela tout le monde la dirait. "
(Audiard par Audiard, Ed. René Chateau, dans BC n°216,
janvier 2001).
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A ALBERT NAUD
Le 18 [avril 1948]
Mon
cher Maître et Ami
Je demeure hanté par la question
de vos honoraires. Vous y avez fait allusion et très
justement dans une de vos lettres... J'y reviens.
Comment vous honorez ? Il a couru bien des mensonges au
sujet de mes trésors cachés ! Hélas ! où seraient-ils ?
On m'a tout saisi, et mes livres. Vous le savez,
mes revenus donc. Il me reste quelques bicoques -
Du diable si je sais ce qu'elles sont devenues ! Je vous
les offre pardi ! un petit local à St Germain en Laye
1 Rue Claude Debussy au 5e Etage, tout moderne, 3
pièces et salle de bains, m'appartient... (enfin je le
présume) en tout cas je l'avais acheté et payé - Je me
le réservais pour plus tard, il donne en plein, il
domine la forêt. Il n'y aura pas " de plus tard " pour
moi - Si vous pouvez l'arracher aux recors - eh bigre il
est à vous ! ou autre chose... faites votre choix
- Vous savez je suis d'une toute petite famille d'avant
14 - où on se serait pendu plutôt que de faire tort d'un
sou à personne. J'ai gardé cette mentalité -
J'aime tout donner - J'ai horreur de recevoir mais "
devoir " ? oh là ! vous " devoir " un centime
! j'aimerais mieux vous assassiner !
En toute fidèle amitié
L F Céline
(Lettres, La Pléiade,
Gallimard 2009, p. 1040).
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LE MAL QU'ILS SE
DONNENT A TEL-AVIV...
J'entends comme ça à la
radio le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour
accueillir leurs braves frères juifs qui leur arrivent
de partout, de Patagonie en Alaska, de Montreuil à
Capetown, tous si persécutés, pantelants, héros du
travail, du défrichage, du marteau, de la banque et
faucille... le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour
recevoir leurs frères dispersés ! Comités affectueux
d'accueil, larmes à gogo, gerbes d'azalées, dons en
nature, espèces, orphéons, baisers (...).
Je dis que ce pays d'Israël est
bien une vraie patrie d'accueil et que la mienne est
toute charognerie... parole d'engagé volontaire, mutilé
75 %, médaille militaire et tout... en plus, vous me
permettrez, j'ajoute, écrivain styliste du tonnerre,
preuve comme je suis absolument de la " Pléiade " tels
La Fontaine, Clément Marot, du Bellay et Rabelais donc !
et Ronsard !... vous dire si je suis un peu tranquille,
que dans deux, trois siècles j'en aiderai à passer le
bachot... "
(Rigodon, p.292).
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JE L'OUVRE QUAND JE
VEUX...
Je connais le monde trop bien,
ses façons, je l'ai pratiqué trop longtemps pour ne pas
être mithridatisé en long et en large. J'ai mis de côté
un petit paquesson pour les jours périlleux.
(...) Pendant trente-cinq ans, j'ai travaillé à la tâche, bouclant ma
lourde pour ne pas être viré de partout. A présent,
c'est fini, bien fini, je l'ouvre comme je veux, où je
veux, ma grande gueule, quand je veux.
Ne vous cassez pas l'haricot. (...) A soixante et onze ans j'emmerderai
encore les Juifs, et les maçons, et les éditeurs, et
Hitler par-dessus le marché, s'il me provoque.
(...) Voilà Ferdinand, au poil. Il faudra le tuer. Je ne vois pas d'autre
moyen.
(L'Ecole des cadavres, p.299).
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CELINE POETE.
Dans sa revue Aujourd'hui
Poème, André Parinaud a reproduit les moments forts
d'un débat sur la poésie. Il donna lieu à un vif échange
entre Charles Dobzynski et Philippe Sollers. Extrait :
Charles Dobzynski. Je ne
souhaite pas m'en prendre à Philippe Sollers en tant
qu'écrivain, dont j'admire certaines
œuvres comme Paradis,
mais je me refuse au cloisonnement arbitraire qui
consiste à noyer la passion de la poésie dans une image.
Quand la forme poétique disparaît, la poésie ne peut
exalter la poésie, elle doit d'abord être elle-même,
c'est-à-dire un langage qui va à l'essence et à
l'indicible. Il utilise les mots avec une manière de les
assembler et de les porter vers un lecteur virtuel. Une
manière unique. Et ne peut être confondu avec la prose.
Pourquoi un prosateur serait-il appelé un poète ?
Sollers est un romancier, à ne pas confondre avec un
poète ! Proust était-il un poète ? Non !
Philippe Sollers. Oui ! Mais
oui ! (il hurle) Oui !
Charles Dobzynski. Non ! C'est
trop facile, Monsieur Sollers, de jouer avec les mots.
Philippe Sollers. Et Céline
aussi était un poète.
Charles Dobzynski. Je l'emmerde
! C'est non ! Céline est un salaud ! Oui, proclamons-le,
René Char, Michaux sont de grands poètes. Chacun est
source d'une nouvelle conception dans la façon de
regarder notre monde autrement, avec un langage
particulier. Mais j'établis une distinction entre une
œuvre qui se veut romanesque
et dont le projet de recherche n'est pas d'écrire un
poème. Il existe des formes différentes en littérature.
(Sollers répond). Le brouhaha
est intense. Charles Dobzynski demande qu'on lui rende
la parole. Des cris se font entendre. Des imprécations :
" C'est une réunion de merde, dit Charles Dobzynski.
J'abandonne la discussion ", et il se lève. André
Parinaud rétablit le calme.
(Aujourd'hui Poème, 105 Bd. Hausmann, 75008 Paris, dans BC n°203).
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LETTRE au
Dr Augustin TUSET.
Copenhague, 27
mars [1947].
" Vous pensez que votre lettre a
été pour nous un message de résurrection ! Pensez après
ces années incroyables... ces tribulations de déments...
c'est cauchemar plus fort que la tête la plus solide...
traître ? je ne suis qu'un folkloriste délirant. Un
janséniste de patriotisme. Qui trouve-t-on plus français
que moi ? toutes les faiblesses. Je les ai toutes...
Bébert vient d'être opéré... à 17 ans un chat surpasse
de beaucoup l'homme en intelligence-gentillesse,
fidélité-cœur. Vous devez
savoir tout ceci. Nous évoquons souvent le minet
familier de votre fils... Dites à Mahé que nous avons
été ignoblement trahis par nos amies - Des
ordures - des thénardières... Le plan était de me faire
livrer au plus vite faire disparaître Lucette et
hériter il comprendra. L'espagnol est un rasta
fauché, ivrogne, ah le diable attend le moment où l'on
vous enferme, pour vous faire voir le cœur
de vos amis !...
Ici j'ai eu affaire à Guy de la Charbonnière ambassadeur de
France, jeune 1/2 juif, con effréné de faire
oublier ses origines vichyssoises... l'Amérique se donne
bien du mal. La pétition est en bonne voie... j'ai ici
quelques admirables défenseurs... Mikkelsen - et puis
ensuite Siedenfaden et quelques autres... un de mes plus
fidèles défenseurs est Milton Hindus. Un
professeur juif de Chicago. Tout est dans tout... mon
statut n'est pas encore fixé. Je suis le premier réfugié
politique écrivain - qu'il y ait jamais eu au Danemark.
Je suis le cas N° 1 - depuis 1700 ans... nous avons dû faire tellement de
choses depuis trois ans que je serai capable... de faire
passer un chameau dans un trou de souris. Mais c'est la
main qui me trahit le plus. Je suis pourri de
rhumatismes... "
(BC n°228, février 2002).
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REPONSE AU " DROIT de VIVRE "
[14 juillet 1939.]
Monsieur
Dans votre numéro
du 8 juillet vous avez fait allusion en me nommant
à un écho paru dans Le Canard auquel j'ai fait
[déjà] suivre la réponse convenable (insérée). Je vous
prie d'en faire autant [et d'insérer] (avant huissier)
dans votre prochain numéro. [Je réfute en tout]
- " Je réfute en tout pour toute l'allégation totalement
injurieu (biffé), fausse, mensongère du Canard
qui ne contient pas un (biffé) me concernant, divagation
calomnieuse délirante ne [concernant biffé]
contenant point le moindre début d'atome d'excuse ou de
justification. Je ne sais rien, ni de près ni de loin,
des affaires Abetz (si affaires il y eut) Je n'ai jamais
ni rencontré, ni vu, ni soupçonné l'existence de cet
Abetz [avant que la presse ne biffé] ni
d'aucun autre personnage, officiel ou officieux du
genre.
En fait mon dernier voyage en Allemagne remonte à 1909 - sous Guillaume
II - ma dernière rencontre avec des Allemands remonte à
[1914 biffé] décembre 1914 - à Poelkapelle
dans les Flandres - (pour la médaille militaire) Depuis
plus rien - Je ne sais rien non plus du plan de
subversion, révolution Goebellienne - Mais je sais [bien
biffé] [très biffé] très bien que la
12° Chambre n'est pas fatiguée - [et qu'elle
fonctionnera pour certaines personnes - biffé]
et que Mr Cent-Mille-Pets (de bourrique) tient
décidément à s'abonner à vie.
LF Céline
P.S. Je n'ai jamais vu, je ne connais
pas non plus, Mr Bailby, Mr de Carbuccia, Mr Daudet, Mr
Hitler, Mr Buneau Varilla, Mme Lebrun, Mr Bucard, Mr
Brasillach, Mr Guitry, le Général Pétail (sic),
Mr Tino Rossi, Mr Lafayette, Mr Figaro...
Je ne connais vraiment personne - une bonne fois pour toutes.
(Lettres, Pléiade, 2009).
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A Jean LESTANDI (Au
Pilori)
(1)
Dans son numéro du 23 octobre, le journal avait proposé
la création d'un Comité Centre Israélite, composé
exclusivement de Juifs et responsable de l'application
des décisions les concernant.
Ce sera au mois de décembre, sous un autre nom, l'Union générale des
israélites de France.
30 octobre 1941
Aucun doute, mon cher
Lestandi, votre idée est une grande idée napoléonienne,
seulement vous savez ce qu'il est arrivé à Napoléon pour
avoir voulu réunir les Juifs plus étroitement encore,
les rassembler sous sa main en kahals conformes...
Très vite leur virulence en fut exaspérée au point de faire sauter leur
protecteur, vous connaissez la suite, l'effroyable suite
! Je redoute fort qu'il en advienne de même de votre
C.C.I. (1)
Je vois très rapidement sous direction autonome juive
cet organisme devenir le plus puissant, le plus écouté,
le plus redouté des ministères de la nouvelle France
(avec toute l'effrénée complicité, la ferveur, la
vénération des aryens en masse). Je ne donne pas six
mois avant que tous les Français viennent chercher au
C.C.I. leurs mots d'ordre, leur marché noir, tous leurs
artistes, leurs représentants, leurs prisonniers, leurs
laissez-passer.
Si vous n'y prenez garde, tout naturellement, les futurs présidents du
conseil sortiront de la C.C.I.
Si nous n'avions affaire qu'aux Juifs, cher Lestandi, si nuls, si
grossiers, plagiaires myopes, si creux, si burlesques,
tout serait simple, mais nous avons affaire aux aryens,
surtout aux aryens, si vils, si veules, si
dégénérés, si antiracistes, si maçons, si dégueulasses,
si enjuivés. Ne l'oubliez jamais.
Arracher un chien à son maître est œuvre
douloureuse sous toutes les latitudes, je ne vois pas
comment vous arracheriez le Français 1941 à son Juif. Le
Français, et surtout la Française n'imaginent même pas
leur existence sans juifs.
La " symbiose ? " est totale. Ils n'éprouvent d'affection, de passion, de
vice que par le Juif. Toute leur affectivité est
accaparée, monopolisée par le Juif, la grimace juive,
l'imposture juive.
Il ne s'agit plus de sauver le Français, l'actuel Français est
définitivement perdu, pourri, cadavérique, il s'agit de
recréer du Français.
Sous quelle mystique ?
De quel enthousiasme ? Sous quel Dieu ?
A votre santé, cher Lestandi ! Et bon courage ! et bien cordialement.
Céline.
----------------------
...
de Pierre GRİPARİ...
Et l'antisémitisme ?
Essayons, pour une fois, de
regarder les choses en face.
Céline est antisémite. Peut-être
pas tout à fait autant que Moïse, mais il l'est, c'est
incontestable. S'il parle peu de juifs dans ses romans,
il leur consacre en grande partie ses trois
livres-pamphlets dont le premier au moins, Bagatelles
pour un massacre, est un authentique chef-d'œuvre.
Qu'y a-t-il dans Bagatelles ?
Il y a d'abord d'admirables tableaux de l'Union prétendue soviétique. Il y
a d'excellents chapitres de critique littéraire, des
pages sur la danse, des livrets de ballets. Il y a une
dénonciation, plus que jamais d'actualité, de
l'avilissement culturel de la France, par la
démocratisation forcenée, par la commercialisation
cynique des arts, des lettres, du spectacle. Il y a même
une prophétie du règne des " idoles ", dans le sens que
l'on donne aujourd'hui à ce mot : vedettes-bidon,
cabotins faussement populaires, soutenus par une
publicité omniprésente et matraqueuse.
La partie anti-juive,
violente, brillante, extrêmement drôle, ne constitue
nullement un appel au meurtre. Elle appartient, très
banalement, à ce qu'on appelle aujourd'hui la
littérature anticolonialiste. C'est que les motifs de
Céline n'ont rien à voir avec l'antisémitisme chrétien
traditionnel. Peu lui chaut de savoir si les Juifs ont
eu tort ou raison de condamner le Christ comme
faux-Messie, blasphémateur ou hérétique. Ses motifs, ou
plutôt son motif unique, c'est un refus horrifié de la
croisade antifasciste, de cette guerre civile européenne
qu'on est en train de nous préparer sous couleur du
Front Populaire, avec tout le camouflage d'optimisme et
de progressisme bêtifiant que l'on retrouve dans les
films français des années trente.
Cette guerre prophétise-t-il, ne sera qu'une guerre juive, faite
pour le seul profit des juifs et des staliniens. Nous
autres, indigènes d'Europe, nous n'avons rien à y
gagner, et tout à y perdre.
Il faut, naturellement,
se souvenir qu'Hitler a sa part de responsabilité dans
le suicide de l'Europe... Cela dit, l'analyse de Céline
est parfaitement juste, et ses prédictions les plus
sinistres se sont pleinement vérifiées. C'est bien
l'Europe entière, France, Angleterre et Russie
comprises, qui est la vraie, la seule vaincue de cette
prétendue victoire des démocraties. On peut même se
demander si les juifs européens, en dépit de leur basse
propagande, sont tellement satisfaits du résultat
final...
(BC n°101, février 1991).
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CELINE face à
RAJCHMAN.
C'est avec grand intérêt que
j'ai lu votre critique de la pièce de Céline,
l'Eglise (le Monde daté du 4-5 octobre), et
notamment les passages que vous consacrez à Ludwik
RAJCHMAN, dont je suis en train d'achever la biographie.
En tant qu'arrière-petite-fille de RAJCHMAN, je me permets cependant
d'apporter ces quelques précisions sur les relations
entre Ludwik RAJCHMAN et Céline.
Vous avez parfaitement raison de dire qu'à l'acte III Céline fait "
une satire effrayante " de son chef RAJCHMAN,
directeur de l'organisation d'hygiène de la Société des
nations. Il est vrai aussi que le manuscrit de
l'Eglise a été lu, sur l'invitation de Céline, aussi
bien par RAJCHMAN que par sa femme ; en revanche, il
n'est pas vrai que Céline fut " bien sûr... licencié
".
Revenons un peu sur les faits,
afin d'entrevoir l'épisode curieux que constitue
l'amitié Céline-RAJCHMAN. C'est en effet Selskar Gunn,
qui dirigeait la division médicale de la Fondation
Rockefeller en Europe, qui introduisit Destouches
(Céline) auprès de son ami polonais Ludwik RAJCHMAN en
1924. Le jeune docteur Destouches, voyant sans doute,
dans l'organisation d'hygiène, avant tout la possibilité
de voyager, écrivit plusieurs fois à RAJCHMAN, avec des
offres de candidature, et finit par être embauché.
Lorsque Destouches n'était pas en mission à l'étranger, il était un
habitué de la maison des RAJCHMAN, à Genève, où il
allait souvent déjeuner, amenant parfois avec lui sa
petite fille Colette (il était déjà séparé de sa femme,
dont le père, le docteur Athanase Follet, professeur de
médecine à l'université de Rennes, lui avait rendu de
grands services). La fille de RAJCHMAN, âgée alors d'une
quinzaine d'années, se souvient de Céline comme d'un "
bel homme " et surtout comme d'un homme drôle qui
faisait rire sans cesse les enfants. Leur mère, Marja
Rajchman, appréciait les échanges littéraires qu'elle
pouvait avoir avec le jeune homme, et aussi bien elle
que son mari étaient particulièrement impressionnés par
le fait qu'il avait travaillé dans un dispensaire
parisien (ils avaient tous les deux été très actifs dans
les œuvres sociales et
bénévoles en Pologne avant la première guerre mondiale).
Quand Céline, dans les premiers
mois de 1927, écrivait à Genève l'Eglise, il
venait la lire, par petits bouts, à Marja Rajchman, qui,
un beau jour, put entendre une description caricaturale,
nettement antisémite, d'un protagoniste de la pièce,
membre de la Société des nations, appelé " Yudenzweck ",
que précisait le manuscrit, ce personnage ne pouvait
être que Ludwik RAJCHMAN, tourné par l'auteur en
ridicule, et méprisé.
Pourtant, après avoir fait lire sa pièce par son supérieur, et une fois
sa mission technique à la SDN achevée (Céline ne faisait
pas partie de la section permanente d'hygiène qui
comptait une douzaine de membres, y compris RAJCHMAN et
les secrétaires, et ses missions étaient donc d'une
durée limitée), Céline ne cessait d'écrire à RAJCHMAN en
lui demandant des bourses d'études. " Cher directeur
et ami, écrit-il par exemple le 20 août 1932,
toujours soucieux de me tenir à l'avant-garde du progrès
sanitaire, anxieux d'être prêt en toutes circonstances à
répondre à l'organisation d'hygiène pour toutes les
tâches qu'il lui plairait de me confier, je viens vous
demander de me permettre d'entreprendre un voyage dont
j'ai depuis longtemps le dessin... "
Une fois, il voulait partir pour la Scandinavie, une autre fois pour
Dresde, Prague, Vienne, une autre fois encore pour
Nancy, Berlin et Breslau... et toujours RAJCHMAN donnait
son aval. Cette volonté de RAJCHMAN paraît d'autant plus
surprenante que Céline s'était montré plutôt distrait au
cours de ses missions (une fois il avait non seulement
oublié un grand nombre de ses affaires personnelles à
Genève, mais aussi les adresses des banques où il devait
toucher l'argent nécessaire à sa mission et à celle de
ses collègues), et qu'il avait contracté des dettes que
RAJCHMAN a remboursées de sa propre poche.
En octobre 1932 paraissait
Voyage au bout de la nuit. Céline envoya à Genève un
exemplaire hors commerce sur papier de luxe, "
imprimé spécialement pour le docteur et Mme Ludwik
RAJCHMAN ", avec la dédicace : " A Ludwik
RAJCHMAN, grand humain voyageur. " A l'un des
journalistes venus l'interviewer, Merry Bromberger, il
déclara : " Mes maîtres ? Des médecins. Follet,
d'abord, de l'université de Rennes, un grand bonhomme ;
RAJCHMAN ensuite, qui dirige à la Société des nations la
lutte contre les épidémies, qui m'aime comme son fils et
m'a fait voyager. " (L'Intransigeant, 8 décembre 1932).
Et pourtant, le portrait de
RAJCHMAN que Céline avait fait dans l'Eglise
n'est rien, si l'on ose dire, en comparaison de celui
qu'il réitéra, en 1937, sous le pseudonyme cette-fois de
" Yubelblat ", dans Bagatelles pour un massacre.
Ludwik RAJCHMAN, ici, devient tout à fait monstrueux ; la violence
antisémite se donne libre cours, comme dans l'ensemble
du livre.
Alors que la famille du docteur RAJCHMAN eut à subir les pires
retombées de l'antisémitisme nazi en Pologne, il est
frappant de lire encore, dans le carnet d'adresses de
1944 de Ludwik RAJCHMAN, à la lettre D : " Louis
Destouches, 98 rue Lepic, Paris 18e. "
Loin de vouloir se venger,
RAJCHMAN a constamment protégé le jeune médecin qui
allait devenir l'écrivain renommé.
Marta Alexandra BALINSKA.
(Le Monde, 17 octobre 1992, dans BC n°123, décembre
1992).
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D... COMME
DIFFAMATION.
Décidément, les légendes ont la vie dure. Dans la
dernière édition du Guide Michelin consacré à
Prague, figure, au bas de la page 265, un petit encadré
consacré à Robert Desnos qui mourut en déportation dans
le ghetto de Terezin, ville à 65 km au nord de Prague :
" Résistant, il publia sous un pseudonyme des
articles antinazis dont Louis-Ferdinand Céline le
désigna pour auteur. Arrêté et déporté à Buchenwald, il
fut transféré au ghetto de Terezin où il mourut. "
La vocation de ce Bulletin n'est pas de se faire l'avocat de Céline, mort
en 1961 et dont le procès eut lieu dix ans auparavant.
Mais le rétablissement des faits peut ne pas être vain,
étant donné la large diffusion des Guides Michelin.
Rappelons donc ici que la polémique Desnos-Céline eut lieu en mars 1941 (voir
Cahiers Céline 7, pp. 112-115). Aucun lien donc avec
l'arrestation de Desnos qui se produisit en février
1944. Ajoutons que Céline ignorait les activités
clandestines de l'auteur du Pamphlet contre Jérusalem.
Et lorsque ce dernier le prend à partie, à la parution
des Beaux draps, c'est dans... Aujourd'hui,
journal collaborationniste auquel il donna des articles
jusqu'en 1943.
Céline n'est
donc en rien responsable de l'arrestation de Desnos, et
ne l'a jamais dénoncé comme résistant. L'affirmer
constitue une diffamation patentée. Contre Céline, tout
serait-il permis ? Au moins, Marie-Claire Dumas,
présidente de l'Association des Amis de Robert
Desnos, reconnaît-elle que Céline n'est en rien à
l'origine de cette arrestation.
Pour mieux connaître le fond de cette affaire, on se reportera à
l'enquête de Jean-Paul Louis qui a montré de manière
pertinente que " l'innocent Desnos et le monstrueux
Céline sont deux fabrications aussi vaines l'une que
l'autre. " M. L.
(Jean-Paul Louis, Desnos
et Céline, le pur et l'impur, in Histoires littéraires
n°5 janvier-février-mars 2001, et aussi Marie-Claire
Dumas, Droit de réponse, La police littéraire de M.
Jean-Paul Louis, in Histoires littéraires n°6,
avril-mai-juin 2001, dans BC n°236, nov. 2002).
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POLÉMIQUE,
COQUILLE et ASYNDÈTE.
« Je
viens de lire, mais un peu tard, l’article de Pierre Chalmin intitulé « Merde à Gen Paul » (Le Bulletin
célinien n°221, juin 2001).
Il a le culot de me nommer en disant que la mère de
Gen Paul m’aurait fait des révélations compromettantes.
C’est faux. Pierre Chalmin veut se donner de
l’importance en faisant des allusions scabreuses. La
mère de Gen Paul ne s’entendait pas avec son fils ; elle
dramatisait tout. J’ai été témoin de faits, qui répétés
par elle devenaient complètement surréalistes. Tout cela
n’est pas sérieux.
Dans le livre que j’ai écrit, Gen Paul à
Montmartre, je n’ai mentionné que des choses
strictement exactes, et non des ragots. Tout ce que dit
Louis Nucéra dans son livre, je l’ai entendu et bien
d’autres avec moi.
Gen Paul était gueulard, rouspéteur né, irascible,
bagarreur et alcoolique, mais il n’était pas menteur. Il
ne pouvait pas avoir tous les défauts.
Malgré les différents qui ont pu les séparer, Gen
Paul admirait énormément Céline. Pour lui, c’était
l’écrivain du siècle. Après ça, le rideau tombe, tout
est dit.
Si Pierre Chalmin trouve que Gen Paul était un
peintre mineur, c’est qu’il n’a rien compris. Ces deux
êtres se complétaient : la peinture de Gen Paul
ressemblait à l’écriture de Céline : violente et
superbe.
Vive Céline et Gen Paul et merde à Pierre Chalmin. »
Chantal Le Bobinnec.
(Auteur de Gen Paul à
Montmartre, Chalmin et Perrin, 1995).
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Pierre Chalmin n’a fait que traduire l’exaspération de
nombreux céliniens qui, même s’ils admirent le talent de
l’artiste, ont fini par être lassés de le voir cracher
pendant des années sur Céline, jusque de manière
posthume dans le livre de Louis Nucéra.
Gen Paul pas menteur ? Voire… A ses biographes,
disons alors qu’il racontait le contraire de la vérité.
Ainsi, dans le livre qui lui a été consacré en 1974 par
Pierre Davaine (Gen Paul, éd. IGE.) figure une
chronologie biographique établie directement grâce aux
renseignements fournis par l’artiste.
Que de contrevérités ! Ainsi, Gen Paul aurait pris ses
distances avec Céline après la parution des pamphlets.
Curieusement, il n’est pas fait mention ni des éditions
illustrées de Voyage et de Mort à crédit
parues en 1942, ni du voyage à Berlin en mars de la même
année, ni des visites d’officiels allemands à l’atelier,
ni des dîners à l’ambassade, ni du fait que Gen Paul ne
dédaignait pas de s’afficher avec Céline sous
l’occupation. Si Gen Paul n’était pas menteur, disons
alors qu’il était oublieux de certains faits.
Et raconter qu’à cause de Céline, il « porta le
chapeau pendant dix ans » est assurément faire bon
marché de certains actes. Quant à qualifier parfois
durement Gen Paul, Céline n’était pas le seul à le
faire. N’est-ce pas Robert Le Vigan, autre familier de
l’atelier montmartrois, qui le considérait comme un
« monstre de méchanceté laborieuse » ? Chalmin aurait-il
péché par magnanimité ?
M. L.
(BC n°224, octobre 2001).
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RELATION
GEN-PAUL - CELINE
Dans
Bagatelles pour un massacre, parmi ses peintres
favoris, Céline cite Vlaeminck, Gen-Paul et Mahé, mais
prête à son ami une tirade qui peut passer pour "
antisémite ", tout en déplorant que le peintre refuse de
le suivre dans sa croisade.
Céline ne pensait pas porter tort à Gen-Paul, car c'était pour lui de la
littérature, et dans le genre comique. Gen-Paul se
plaindra un jour de cette tirade, mais beaucoup plus
tard, oubliant le temps où il vitupérait contre la
peinture " métèque " des cubistes.
(...) Puisque Gen-Paul se sert de leur histoire pour vendre des légendes
aux Montmartrois, Céline en fera un fabuleux personnage
de roman, un demi-diable, un fantastique satyre de sa
mythologie. Déjà dans Guignol's band Gen-Paul
avait inspiré Nelson, " le frime aux croquis, infirme
de naissance " et Mille-Pattes, le diable du
Touit-Touit Club. Peut-être aussi avait-il prêté au
personnage de Van Claben sa passion de la musique et son
goût pour les déguisements.
Au cours des brouillons de Féerie pour une autre fois,
l'anamorphose s'est noircie jusqu'à faire de
l'unijambiste de 1914 un cul-de-jatte diabolique. Gen-Paul
est devenu " Jules ", le farceur injurieux qui
orchestre les forces du mal du haut de son moulin,
dirige les avions de la RAF sur Monmartre.
(...) Normance, le deuxième tome de Féerie, publié en 1954,
aura peu de retentissement, mais Gen-Paul prit très mal
le fait d'être évoqué en cul-de-jatte. Céline avait
justifié ce traitement au détour d'une page : " Il
m'a traité de Boche, d'espion ! de vendu ! je peux le
traiter moi aussi de tout ! "
Gen-Paul restera sourd aux lois de la transposition poétique et
refusera toutes les invitations à se réconcilier.
(Eric Mazet et Pierre Pécastaing, Images d'exil, L.F.
Céline, Du Lérot 2004, dans BC n°288)
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L'ARROSEUR ARROSÉ...
Dans une lettre adressée à un jeune écrivain de Munich,
Helmut Krausser et publiée récemment par le magazine
Der Spiegel, l'écrivain allemand Ernst Jünger a
confirmé que le personnage décrit sous le nom de "
Merline " dans son Journal de guerre n'est autre
que Céline.
C'est en 1951, lors de la parution du Journal en Français,
que Banine, traductrice et amie de Jünger, avait sans
consulter l'auteur, rétabli l'identité véritable du
personnage dont Jünger rapportait les propos. A la
grande fureur de l'intéressé qui ne se reconnut pas dans
ce portrait et qui déposa plainte, comme on sait.
Il y a quelques années, Jünger lui-même avait reconnu que ce portrait
était " caricatural ". Si le témoignage a souvent été
utilisé, il est à relever que ce fait a, lui, rarement
été rapporté.
Mais Jünger, âgé aujourd'hui de 99 ans, n'en a pas fini avec les
polémiques autour de son propre passé. Le 6 juin, le
quotidien italien Corriere della Serra a publié
un long entretien avec un ancien agent des services
secrets de la SS, Reinhardt Kops, réfugié au Chili.
L'ancien nazi venait de signaler la présence en
Argentine du responsable des massacres des Fosses
Ardéatines, un certain Priebke. Et d'ajouter : " Je
ne faisais pas partie de ce groupe de douze qui se
réunissait régulièrement dans les sous-sols du château
de Wewelsburg, à Padenbom, mais j'y ai assisté plusieurs
fois en tant que responsable de la sécurité.
Ce n'était pas une réunion militaire ni politique. C'était une liturgie
particulière : Himmler y pratiquait un rite secret et
parmi les autres participants il y avait le philosophe
Friedrich Hielscher et, également, parfois, l'écrivain
Ernst Jünger, qui tous deux vivent encore, en Allemagne.
"
(BC n° 144, septembre 1994).
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Lettre de six pages écrite de Copenhague, le 1er
janvier 1949, à la pharmacienne Mme Arnold. Celle qu’il
nomme sa voleuse Mme Ouche dans Féerie pour une autre
fois.
« Avec mes meilleurs vœux pour vous donner l’occasion
d’une belle action chrétienne et honorable notamment de
me faire payer (un peu) par le Laboratoire Nican une
petite somme qui m’aiderait bien à acheter un pantalon
et même un veston de velours ! Imaginez-vous que je
porte le même complet depuis 5 ans. Vous n’ignorez pas
que je vais être bientôt condamné à je ne sais combien
d’années de prison (et saisie in eternam [sic] de tous
mes biens). Cela pour m’apprendre à défendre le capital,
les capitalistes et la civilisation chrétienne. Avant
que survienne cette apothéose, cette preuve tangible de
la reconnaissance de mes frères de race et de religion,
je serais bien heureux de renouveler ma vêture…
Je ne demande pas la charité, je demande seulement à
ce qu’on veuille bien me verser un petit peu de ce qui
m’est dû… Votre « Conseil d’Administration »
certainement très sourcilleux quand il s’agit de me
payer, l’est moins pour conserver en caisse mes X p 100
sur les comprimés Nican.
[…] Je ne sais pas comment vous arrangez ça avec le
bon Dieu mais ça doit être compliqué… S’il est plus
difficile selon St Mathieu au riche d’entrer au Paradis
qu’au chameau de passer par le trou d’une aiguille… Je
ne vois pas frais le riche qui dépouille l’exilé et le
prisonnier. Toutes les chinoiseries, conseils
d’administration du monde et même les absolutions me
semblent horriblement piteuses à côté de ce fait. »
Et d’exiger 30 000 F pour son complet, à déposer chez
son beau-père M. Almanzor, en don anonyme.
« En somme le don du ciel. Je ne vous remercierais
pas non plus ! Ah pas de compromission ! Rien. Cette
lettre à brûler. Ni votre conseil d’administration, ni
vous-même, ni votre chère famille n’encourent aucun
risque. Au surplus je ne suis pas encore condamné, donc
présumé innocent – nullement saisi rien du tout. Je ne
suis saisi que par vous. Bien sûr vous pouvez attendre
encore quelques temps, alors tout ira aux domaines. Je
considèrerai ceci quand même comme un beau tour de
cochon et quand nous nous retrouverons devant St Pierre
– ce me sera une bien grande rigolade de vous entendre
vous expliquer… avec ou sans conseil d’administration,
12 scapulaires, 20 alibis etc… Mais vous ne serez pas la
seule ! Si vous saviez combien de personnes et pieuses
m’ont fait et me font le même coup ! C’est effarant !
J’en suis arrivé à penser que les êtres humains
agissaient tous en même temps et de même façon – et
chacun se croyant d’un malicieux ! »
Et en contre-point : ce passage de Féerie pour une
autre fois…
Je suis
tranquille pour Mme Ouche ! elle me volera
jusqu’outre-tombe !... confessée, extrême-onctionnée…
les cataclysmes passeront sur elle, y arracheront pas un
poil gris, Mme Ouche ! y a un paradis pour charognes
aussi bien sur la terre qu’au ciel… ça meurt pas
vraiment la voyoute, la saloperie, la vraie abjecte, ça
passe d’un paradis à l’autre, avec fortune, bonniches,
autos, ça prend juste son joli billet, et youst !
absolutionnée et salut ! Ca vous chie les doigts !...
c’est né pour couper aux Enfers, celui de ce monde,
celui d’après… ça fait que jouir et pleurnicher… tout
afur ! jamais paumé !... à la vôtre ! bonne vôtre ! sans
rancune ! on comprend trop tard…
(BC n°231, mai 2002).
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LETTRE à COMBAT.
Combat avait reproduit, le 11 juillet 1947, des
extraits d'un article des Izvetia du 20 juin qui
voyait dans la réédition et la traduction de Mort à
crédit aux USA une preuve de décadence. Dans le
premier paragraphe Céline était traité de " nullité
littéraire " et de " criminel fasciste ".
Hé diable ! Monsieur, je parie bien les Dardanelles que ce jean-foutre
des " Investias " (sic) n'a jamais lu un seul de
mes livres ! Que veut dire tout son cafouillage ?
Qu'ai-je de commun avec Sade, Sartre, Millner (sic) ? le
Pape ? En sait-il lui le premier mot ce damné troufignon
? Sait-il même lire ? Je ne crois pas. Ecrire ?
Certainement non. Il bafouille des choses, sans queues
ni têtes, n'importe quoi !... Il est payé ! Il rapproche
tout, confusionne tout, merdoye, aboye, tout est dit.
On s'écoeure à penser que de grands empires emploient de tels
crétins. En si minuscules affaires tellement déconner
!... Que ce doit-il être dans les grandes ! J'aimerais à
parler de ces tristesses au Docteur Braun, à M. Sokoline
que j'ai bien connus... Ils seraient bien gênés... Ces "
Investias " d'abrutis quelle tare ! Et vas-y pour
l'existentialisme ! Pan ! pour l'homosexualité ! Vlan !
pour Voltaire ! Boum ! pour la lune ! Quelle salade !
Quelle honte !
Je veux bien faire un petit effort encore, une suprême gentillesse
pour les Soviets, leur fixer une bonne fois pour toutes
un petit point de l'Histoire littéraire française,
qu'ils n'y déconnent plus. La " nullité littéraire
Céline " leur apprend (puisqu'ils ne savent rien,
même de ce qui les concerne, ils bavent sous eux !) que
le Voyage au bout de la nuit a été lancé par un
article de Georges Altman dans le Monde
communiste d'Henri Barbusse, en 1934 (sic). Les articles
de Daudet, Descaves, Ajalbert, ne sont venus "
qu'ensuite ".
J'ai d'ailleurs toujours entretenu avec Altman des relations très
cordiales. Je leur apprends " secundo " que le Voyage
a été traduit d'OFFICE par les Soviets (sans absolument
me demander mon avis !) et que les traducteurs ne sont
pas moins qu'Elsa Triolet et son mari Aragon, qui ne se
sont point gênés pour tripatouiller mon texte dans le
sens de leur propagande. Les Soviets me doivent
d'ailleurs toujours de l'argent sur cette traduction.
Avant d'engueuler les gens il est bon de leur rembourser ce qu'on leur
doit. Voici une première mise au point. Les "
Investias " ignorent également qu'en tant que "
criminel fasciste " tous mes romans ont été "
interdits " en Allemagne dès l'avènement d'Hitler et
pendant tout le règne Hitlérien ? Savent-ils que mon
dernier éditeur " allemand " est Julius Kittel, Juif
réfugié à Marich-Ostrau, Moravie (1936) ?
De telle crétineries découragent la polémique, on comprend que la parole
soit de plus en plus à la bombe, à la mine, au déluge !
Je vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments très distingués.
L.-F. Céline.
(Cahiers Céline 1, Gallimard, 1985).
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NOËL 1947, CÉLINE et LUCETTE INVITES
CHEZ le PASTEUR LÖCHEN
POUR DÎNER.
« A
l’occasion de Noël, qui est vraiment dans ces pays-là
une fête importante et où celui qui est seul se retrouve
atrocement seul, avec ma femme, nous avons décidé
d’accueillir Céline et son épouse à dîner à Noël. Et
puis, au cours de la conversation, on a parlé, en effet,
des années antérieures et de tout ce qui s’était passé.
Il a été fait une réflexion au sujet de ceux qui
maintenant en supportaient les conséquences, et
quelqu’un a dit : « Oh ben, ça leur fait du bien. »
Céline a explosé d’une manière… « Ce n’est pas
possible !!! C’est GRATUIT de dire des choses
pareilles !! »
On retrouve cette anecdote dans la biographie de F.
Gibault : « Le dîner fut troublé d’un violent
incident entre Céline et Mme Löchen qui avait eu le
malheur de dire : « C’est justice que les collaborateurs
soient en prison. » Céline avait explosé et donné à la
malheureuse une leçon de charité chrétienne qu’elle
n’est pas prête d’oublier et qui s’acheva en pleurs dans
la cuisine. Le lendemain, Céline lui apporta des fleurs
et tout fut oublié. »
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En réponse à un important et élogieux
article de CLAUDE JAMET dans Révolution Nationale (25 mars
1944) intitulé : « Préliminaires à l’esthétique de
L.F.Céline »
« En
d’autres temps votre magnifique article porterait ma
confusion au comble ! Vous empruntez les armes du
diable ! Je me sentirais perdu ! Mais hélas il faut à se
perdre la jeunesse ! la mienne n’est plus. Et le remède
aussi est à côté du mal ! Tant de haine ! Tant
d’injustice, si aveugle ! Ah ! Je me sens bien protégé !
Je n’ai rien à craindre. Et j’ai le plaisir de vous lire
et moi de vous comprendre. Vous brûlez si j’ose dire,
mais vous savez, je suis Breton et je pense que
certaines confidences ne doivent jamais être faites. Le
parfum de tout s’évapore et je crois avec René que
certains mots ne devraient servir qu’une fois.
Je suis discret tout en dépit des apparences. Pour ce
qui concerne la langue vous avez raison. Je l’ai écrit
un jour à Brasillach. Il me semblait qu’il y avait deux
façons de raconter les histoires. La classique,
l’habituelle, l’académique qui consiste à se faufiler
d’un incident à l’autre, virer, tourner en surface, si
j’ose dire, avec cent cahots, trébuchages, rattrapages
tant bien que mal, méli mélo, tohu bohus, encombrements,
cafouilleries, grimaces, ronds de jambe et de phrases,
sauts de ruisseaux, caniveaux, dérapages, manières,
collisions, etc…, le chemin des voitures dans la rue… et
puis l’autre, descendre dans l’intimité des choses, dans
la fibre, le nerf, l’émotion des choses, la viande, et
aller droit au but, à son but, dans l’intimité, en
tension poétique, constante, en vie interne, comme le
« métro » en ville interne droit au but, une fois
le choix fait, il faut rester dans la même conviction,
dans la tension intime, une fois pour toutes, dans
l’intimité de la vie, tenir ainsi l’histoire. »
(Images
mêlées de la Littérature et du Théâtre, éd. De l’Elan,
1948, dans BC n°249).
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REPONSE AU MERLE BLANC.
A la suite d'un article élogieux d'un journaliste
de gauche, Pierre Scize dans Le Merle blanc,
envoyé de Moscou (19 septembre 1936), au sujet de
Mort à crédit, un lecteur de Biarritz nommé
Etcheverry envoya une lettre incendiaire au journal. "
Quand on écrit ce qu'écrit Céline, on n'en tient pas
commerce. On se suicide. Céline : à supprimer, le jour
où, l'idéal crevant nos paillasses, nous crèverons
celles des saligauds de son acabit qui non contents de
nous dégoûter, vivent de nous, charognards affamés de
jouir. "
Le 1er octobre Céline lui
répond : " A mon tour, mon cher Merle, je vous
prie de publier ma lettre intégralement.
Evidemment, rien ne vous gêne aux entournures. Que
risquez-vous à publier un appel au meurtre contre moi ?
Un petit peu de correctionnelle. C'est tout. Puisque je
n'appartiens à aucun parti, aucune clique, aucune
chapelle, que je suis pratiquement seul ? Votre
indépendance irait-elle jusqu'à ce magnifique dédain
pour ma peau si j'étais communiste ou camelot du roi ?
Je ne crois pas. D'ailleurs, dans toute proclamation de
ce genre, il existe toujours une immense part de
lâcheté.
Observez comme ce pseudo-assassin (Etcheverry) se cherche déjà mille
excuses et de fameux protecteurs (...) je vous aime
bien, mon cher Pierre Scize... et vous aussi, mon grand
cher Merle... grand lumineux écrivain, etc... Il me
couvre d'injures, d'une part, mais déjà il louche vers
ses témoins à décharge. Ah ! la grande hypocrite
saloperie ! J'espère que de tels racolages vous gênent
un petit peu aux " entournures " ? Le style de ce
sous-aliéné sent d'ailleurs la littérature. Je devine
presque un écrivain malchanceux.
Il n'est pas de fou, si fou soit-il, qui ne soit encore malgré tout
plus hypocrite et vicieux que fou. Eh ! pourquoi toutes
ces manières ? Qui veut me tuer est libre ! royalement
libre ! Je ne me cache pas. Je n'ai pas de milicien à
mon service. Je suis même mutilé (paralysie radiale,
sclérose de l'oreille moyenne et interne, médaille
militaire depuis le 12 novembre 1914) donc pas tout
jeune !
Ah ! cependant je ne crains pas les Etcheverry ! Je garde encore à leur
disposition une fameuse dégelée de coups de pieds au
cul. Dans cette lettre, Etcheverry, ce que je retiens
c'est sa valeur démonstrative. Au fond, elle représente
bien toute l'attitude de la critique à mon endroit,
lâche et racoleuse de partisans. Ah ! s'ils avaient la
chance d'être tous anonymes comme Etcheverry, ils
écriraient à peu près tous comme Etcheverry. Ils sont
plus apparents, donc ils doivent être plus rusés, mais
tout au fond, c'est tout un !
Dès qu'un homme se croit à l'abri, dissimulé, il nous montre ce qu'il est
vraiment dans le fond de son âme. Un con et un assassin.
A vous, bien cordialement. "
L.-F. Céline.
(Cahiers Céline 1, Céline et l'actualité littéraire 1932-1957,
Gallimard, 1985).
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