LETTRES
"
Mes lettres t'enrichiront ! ", répondit Céline à
Antonio Zuloaga qui se plaignait de les déchiffrer avec
difficulté. Même observation à la librairie Denise
Thomassen : " Surtout, conservez mes lettres, vous
les vendrez un jour très cher... " (BC n°233,
juillet-août 2002).
*****************
" Nous sommes
ici aux antipodes de ces correspondances - souvent
ennuyeuses - des " gensdelettres ". Ces deux mille pages
sont un feu d'artifice incessant, éruptif, drôle. "
Jérôme DUPUIS.
*****************
" ... la
publication des lettres antisémites de Céline dans La
Pléiade, chez Gallimard. Même si Louis-Ferdinand Céline
est considéré comme un génie littéraire, je trouve cela
choquant. " Serge KLARSFELD.

Nouvelle envolée à
Drouot
Etait
aussi au catalogue
de cette vente une carte postale envoyée d'Afrique en
juin 1916 à Simone Saintu, amie d'enfance, (reproduite
dans Lettres, Pléiade, 2009) avec laquelle il
entretiendra une très intéressante correspondance tout
au long de son séjour africain (1916-1917) :
Chère Simone,
Rien d’aussi peu attrayant qu’une ville africaine –
nauséabond malsain, chaud noir, humide –
antichambre de l’Enfer.
Sinc. Amitié,
Louis
(Le
Petit Célinien, samedi 30 novembre 2013).
***
Manuscrit
de Marcel JOUHANDEAU à Paul CHAMBRILLON
Texte adressé à Paul Chambrillon
(1924-2000), critique dramatique, chroniqueur
gastronomique et spécialiste de L.-F. Céline. Selon
l'expert en bibliographie Ludovic Miran, ce manuscrit
autographe de Marcel Jouhandeau (1888-1979), dont Paul
Chambrillon fut un proche, date des années 1970.
(Merci à Gérard Silmo, heureux possesseur de
celui-ci, 13-10-2017).
" Louis
Ferdinand Céline "
Du moment que nos erreurs ne
reposent pas sur un intérêt,
qu'elles n'ont pas été
dictées par un bas calcul,
surtout si elles n'ont réussi qu'à
nous ruiner et à faire de nous
des martyrs, elles n'ont rien
de regrettable.
En politique, on ne peut
guère que se tromper ou être
trompé. Tout n'y étant que
partis, partis pris qui aboutissent
trop souvent à des fanatismes
(biffés) approuvés aussi néfastes
les uns que les autres et à
répandre le sang. (On en pourrait dire
presque autant des religions).
Ma conviction profonde à
l'égard de Ferdinand - Céline,
c'est qu'il n'avait pas plus
d'illusions sur les idées que sur les
hommes et parce qu'individu
exceptionnel, comme son langage,
il était singulier,
singulièrement impair, comparable et réductible
à rien d'autre qu'à lui-même.
(4 lignes biffées) il me semble
mériter d'être respecté à
l'égal de certains cyniques de l'antiquité.
Louis-Ferdinand Céline, c'est
notre Diogène.
****************
JE SAIS PAS POURQUOI...
Trois mois après la lettre
précédente, le même Crapouillot demande à Céline
son témoignage sur ce qu'il a pu connaître d'une
histoire secrète, " choses vues, mots entendus ", que
n'aurait pas enregistrés l'histoire officielle.
" Moi je suis un
garçon simple, confiant et respectueux des supérieurs.
Je suis indigne à vie. Je sais pas pourquoi. J'ai fait
18 mois de cellule je sais pas pourquoi. Je ferai sans
doute 20 ans d'exil, sans savoir pourquoi. Je crèverai
loin de mon dispensaire. Je saurai jamais pourquoi.
Voilà les choses.
Mon régiment a pris son poste de combat à Sorcy-sur-Meuse le 2 août 14.
Y avait des affiches officielles :
La mobilisation n'est pas la guerre.
Signé : Poincaré.
Ensuite y a eu la proclamation : " Cavaliers, Hauts les Cœurs ! Les
regards fixés sur les lignes bleues des Vosges. Les
cosaques de Rennenkampf sont à une étape de Berlin. Le
rouleau compresseur russe sauvera l'Europe de la
Barbarie teutonne. "
Depuis je suis resté abruti. J'attends.
Il m'est arrivé bien des choses et des pas marrantes, bancalo, indigne que
je suis. On m'a tout pris. On m'a foutu plus bas
qu'une merde. Tant pis. J'attends. Je crois à Poincaré.
Je crois à Rennenkampf. Je crois au rouleau. Je crois à
la France. Je crois au Crapouillot. Je crois à
l'Humanité meilleure. Je crois à toutes les lignes
bleues du monde. A la ligne Maginot même. Qu'on la
prolonge jusqu'à la mer. Je l'ai connu Maginot. Il était
au lit à côté de moi au Val de Grâce. S'il avait
seulement vécu on aurait pas détruit son mur. Voilà
l'Histoire vraiment secrète.
(Cahiers Céline 1, Céline et l'actualité littéraire 1932-1957,
Gallimard, NRF, mai 1985).
*****************
A Claude LAFAYE
[Copenhague] Le 12 [décembre 1947]
Oh mon Dieu vous savez Gide n'a rien inventé. Depuis le début du monde ces
choses-là existent - comme la guerre... comme l'ennui...
Si la pédérastie devait rendre les hommes moins méchants
je ferais bien des vœux pour qu'ils s'enfilent tous ! Et
que les femmes se lesbianisent si elles devaient être
moins sottes !
Attendons 1948 ! J'espère, mais je ne crois guère. La haine du monde n'a
point l'accalmie si facile !
En vérité les acteurs d'un tel bouffo-drame doivent mourir... Alors on
monte une autre pièce... C'est tout ainsi va le monde !
Malheur aux imbéciles, dont je suis qui se sont laissés
emporter par leur fougue. Il fallait être roublard ! -
Votre bien amical
LF Céline
(Année Céline 2009, Du Lérot éditeur).
****************
Le capitaine Schneider à Fernand Destouches
[
Près d'Ypres, le 30 octobre 1914. ]
Cher Monsieur, il se confirme que
la blessure de votre fils que malheureusement je n'ai pu
voir moi-même ne serait pas grave. Il a été atteint
d'une balle dans les circonstances suivantes : le 27
courant, chargé avec quelques cuirassiers du régiment
d'établir la liaison entre des éléments d'infanterie et
le commandement, à l'attaque de Poëlkapelle, traversant
à plusieurs reprises des zones les plus dangereuses, il
a été, ce jour-là à 18 h frappé d'une balle au bras.
Vous pouvez rassurer madame Destouches, cette
blessure n'est, paraît-il, pas grave, il n'est pas même
question, je crois, de fracture. Mais ce que je tiens
surtout à vous redire, c'est combien le courage de votre
fils a été admirable. Depuis le début de la guerre on le
trouve d'ailleurs partout où il y a du danger, c'est son
bonheur, il y est plein d'entrain et d'énergie !
Le 27, il marche sans compter, même quand ce
n'est pas son tour, sous un feu formidable qui depuis
quatre jours est un roulement de tonnerre ininterrompu.
Fusillade, mitrailleuses, obus, rien ne l'arrête, et au
poste de Commandement du général de Division où j'étais,
le Commandant de l'Infanterie a rendu compte que ces
cuirassiers s'étaient conduits comme des héros ! Ce sont
les termes que le colonel a reproduits en citant votre
fils à l'ordre du régiment, en faisant l'éloge de sa
belle conduite. Je ne sais encore où il aura été évacué,
je vous tiendrai au courant de ce que je saurai, il vous
écrira sans doute lui-même prochainement.
Je vous adresse avec tous mes compliments et
mes voeux pour une guérison rapide, l'expression de mes
sentiments les meilleurs.
Capitaine Schneider 12e Cuirassiers.
****************
A Lucien DESCAVES
[
Le 10 décembre 1932 ]
Cher et vénéré maître,
Vraiment je n'y tiens plus.
Je ne peux ouvrir un
canard sans voir ma sale tétère, j'aime bien lire aussi
mais il n'est plus question que de moi...
La S.D.N. me propose une tournée
en Allemagne pour la médecine du chômage. J'y pars
demain soir. En revenant on m'aura oublié je l'espère.
Je pars avec ma mère, transie, que je laisserai chez des
amis à Genève. Vous me pardonnerez donc pour dimanche.
Je suis excédé de journalistes et de photographes. On me
hante. Je vous écrirai régulièrement en cours de route -
et dans un mois on déjeunera enfin tranquilles tous
ensemble. On vend me dit-on plus de Voyage que de
Loups. Grâce à vous. Tout cela me dépasse
énormément. Je vais laisser pousser ma barbe.
Même le Figaro me pistonne
! Quelle grue me voici.
Amitié et reconnaissance.
L. Destouches
*****************
A Joseph GARCIN
[
Avril ? 1930. ]
Cher ami,
Vous voici de retour à Londres, soignez bien cette Lucy.
Tenez-moi au courant pour les analyses ; avec la cuisine
provençale, tout ira bien et très vite.
Vous avez décidemment tout à m'apprendre sur ce milieu
londonien. Je l'ai un peu fréquenté en 1915,
superficiellement, j'avais 20 ans et trop de souvenirs
du front. Et puis je ne savais pas voir les détails qui
comptent, ah j'ai bien perdu mon temps, la jeunesse
c'est la futilité.
Je vais repartir en mission médicale, les problèmes
d'hygiène me passionnent vous le savez ; j'ai des
attaches à Genève et j'en profite - J'ai travaillé pour
la S.D.N., j'ai vu tout le cinéma, la mise en scène,
bien autre chose que vos pauvres petites combines
diplomatiques - le grand jeu. A côté nos tout travioles
petits calculs sont mesquineries, balivernes.
Dites-moi quand vous reviendrez à Paris ; nous
organiserons une petite soirée éducative. Le reste est
au travail, à la sujétion.
Bien amicalement
Destouches.
*****************
A Elie
FAURE
[ Badgastein, 22 ou 23 juillet 1935. ]
Cher Elie
Le malheur en
tout ceci c'est qu'il n'y a pas de " peuple " au
sens touchant où vous l'entendez, il n'y a que des
exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne
demande qu'à devenir exploiteur. Il ne comprend pas
autre chose. Le prolétariat héroïque égalitaire n'existe
pas. C'est un songe creux, une FARIBOLE, d'où
l'inutilité la niaiserie absolue, écœurante de toutes
ces imageries imbéciles, le prolétaire en cotte bleue,
le héros de demain, et le méchant capitaliste repu à
chaîne d'or. Ils sont aussi fumiers l'un que l'autre. Le
prolétaire est un bourgeois qui n'a pas réussi. Rien de
plus. Rien de moins. Rien de touchant à cela, une
larmoyerie gâteuse et fourbe. C'est tout. Un prétexte à
congrès, à prébendes, à paranoïsmes... L'essence ne
change pas. On ne s'en occupe jamais, on bave dans
l'abstrait. L'abstrait c'est facile c'est le refuge de
tous les fainéants. Qui ne travaille pas est pourri
d'idées générales et généreuses. Ce qui est beaucoup
plus difficile c'est de faire rentrer l'abstrait dans le
concret.
Demandez-vous à
Brughel à Villon s'ils avaient des opinions politiques
?...
J'ai honte
d'insister sur ces faits évidents... Je gagne ma croûte
depuis l'âge de 12 ans (douze). Je n'ai pas vu les
choses du dehors mais du dedans. On voudrait me faire
oublier ce que j'ai vu, ce que je sais, me faire dire ce
que je ne dis pas, penser à ma place. Je serais fort
riche à présent si j'avais bien voulu renier un peu mes
origines. Au lieu de me juger on devrait mieux me copier
au lieu de baver ces platitudes - tant d'écrivains
écriraient des choses enfin lisibles...
La fuite vers
l'abstrait est la lâcheté même de l'artiste. Sa
désertion. Le congrès est sa mort. La louange son
collier, d'où qu'elle vienne. Je ne veux pas être le
premier parmi les hommes. Je veux être le premier au
boulot. Les hommes je les emmerde tous, ce qu'ils disent
n'a aucun sens. Il faut se donner entièrement à la chose
en soi, ni au peuple, ni au Crédit Lyonnais, à personne.
Bien
affectueusement.
Louis F. Céline
*****************
A Jaroslav ZAORALEK
[
Saint-Malo le 12 mai 1937. ]
Cher Ami,
Je ne suis pas
surpris par la réaction de vos critiques : je les
attendais. La clique juive soviétique et maçonne
autrichienne au pouvoir chez vous ne pouvait manquer de
baver de la sorte. Je ne crois pas d'ailleurs, même de
bonne foi, qu'elle aurait compris. Le destin de la
critique est de toujours immanquablement déconner. En
réalité Mort à crédit est infiniment supérieur à
tous égards au Voyage. C'est de l'expression
directe, le Voyage était encore littéraire,
c'est-à-dire merdeux, par plus d'un côté. La critique,
comme le public, aime avant tout le faux, le simili,
l'imposture. Il fuit l'authentique. On ne le changera
pas.
Soit. Je m'en
fous après tout. Je veux bien partager le sort de tous
les créateurs véritables. Je veux bien être seul contre
tous. Il me plaît même parfaitement d'en arriver là.
Toute approbation a quelque chose de dégradant et de
vil.
L'applaudissement fait le Singe. En ces temps
parfaitement grégaires, il m'est agréable de chier sur
n'importe quelle puissance. Quant à l'optimisme, vous me
permettrez de rigoler ! Tous les charlatans sont
optimistes ! Que seraient-ils sans bonne humeur ? Tout
est là.
Bien
amicalement à vous
L. F. Céline
Quant au
photographique, rien de moins photo que Mort à crédit
! Il faut être complètement abruti comme un critique
pour ne sentir aucune transposition.
*****************
A Cillie AMBOR
[
le 21 février 1939. ]
Chère Cillie
Voilà des nouvelles atroces ! Enfin
vous voici bien loin de l'autre côté du monde. Avez-vous
pu emporter un peu d'argent ? Vous allez évidemment
refaire votre vie là-bas. Comment allez-vous travailler
? Au moment où vous recevrez cette lettre où en sera
l'Europe ? Nous vivons sur un volcan.
De mon côté mes petits drames ne sont
rien comparés aux vôtres (pour le moment) mais cependant
la tragédie est là...
A la suite de mon attitude antisémitique j'ai
perdu tous mes emplois (Clichy etc...) et je passe au
Tribunal le 8 mars. Vous voyez que les juifs aussi
persécutent... hélas ! Ici vous savez nous sommes
littéralement envahis et de plus ils nous poussent
ouvertement à la guerre. Je dois dire que toute la
France est philosémite - sauf moi je crois - aussi
évidemment j'ai perdu ! Enfin donnez-moi de vos
nouvelles Cillie et bien affectueusement.
Louis
*****************
A Robert BRASILLACH
[
mars 1939. ]
Cher ami
Au lieu de s'empétrouiller dans des
stratégies idéologiques dissimuliformes sournoisoïdes,
que Je suis partout ne s'empare-t-il pas tout
franchement de cette merveilleuse association que je
trouve ce matin dans le journal du 12 mars ?
N'est-ce pas magnifique cette viande
française numérotée jusqu'au suprême abattis, même
réformé ?
- " Attention petit indigène, on a l'oeil sur
votre beefsteak. "
Tandis que des israélites immigrants
nous somment d'accomplir nos devoirs d'illimités
enculables ( si illimitément mobilisables ! )
Quant à l'article de M. de Roux, n'est-il
point un poème aussi de consentante chichitante
enculomanie ?
- Est-ce là toute l'expression de nos bayards
nationaux intégraux ? ma doué ! Sauve qui peut !
Relisez Le Droit de vivre. Quel
mordant ! Quelle agressivité sans quartier ! Quel poil !
Quel racisme ! Quel venin ! Quelle constance rageuse !
Quels victorieux !
Oh ! viandox Brasillach !
Poignez ! ne pelotez pas !
L. F. C.
*****************
A Lucien COMBELLE
[ Mai ? 1939. ]
Cher confrère -
Il fut un temps, bien grotesque, où les
" écrivains " se prenaient fort au sérieux... Je crois
que Duhamel, les Montherlant, les deux Romains, sont
encore de cet avis... Pitié à leurs cendres ! Il me
semble... Voilà tout... Rien de plus... Je n'ai aucune
lumière spéciale. Nous sommes tous narcisses. Mais quand
on le sait... Plus d'excuses !
Résoudre le problème juif ?
C'est l'action qui s'en chargera. Pas les
mots, les faits - l'inexorable entraînement du manège.
Les juifs sont actuellement les maîtres de leur destin,
nous ne comptons plus nous GOYES POUR RIEN. Joueront-ils
bien ou de travers ? Tour est là. On ne nous demande
rien. Que nous taire - par décrets et sans décrets. On
ne demande pas aux domestiques de décider du sort des
maîtres - ou bien c'est la révolution. Personne n'y
songe. Ce sont eux qui jouent, pas nous. Il ne faut pas
nous prendre pour des juges - nous sommes des condamnés.
Bien cordialement
L. F. Céline
*****************
A Robert BRASILLACH
[ Peu après le 21 juin 1939. ]
mon cher Brasillach
au moment où je suis sonné et comment ! (avec
quels attendus féroces !) par la 12° (chambre), vous
comprendrez que je trouve amer d'être traité de
dégonfleur par les antisémites farceurs. Amer et con.
Sans compter que depuis Bagatelles,
viré de tous mes emplois médicaux je suis réduit
exactement à rien matériellement. Ah ! si le quart vous
advenait ! Quel Baratin ! quels numéros spéciaux !
On ne lit pas les autres livres antisémites.
Je suis le seul qui tire. Alors le Parquet se
fout bien des autres. Mais moi, m'étendre est une joie
savoureuse. Demandez à Lecache - à tu à toi avec les
ministres. Le Conseil des ministres a discuté des heures
s'il fallait m'emboîter... sous un prétexte ou sous un
autre. Lecache est allé dix fois au Parquet pour ce qui
me concerne. On dirait sans mégalomanie que le topo
Daladier s'adressait à mes livres. Car enfin, qui est
raciste et anti-anglais en France ?...
Non les antisémites " boomerang " genre
Maurras qui partent en flèche, font le tour de l'objet,
et reviennent dociles auprès du maître... n'ayant rien
effleuré du tout...
Vous savez ce que Lénine pensait des
mencheviks. Je pense de même exactement de vos
mouvements. Vous attendez tous le coup de clairon pour
plier bagages. Nous verrons ça. L'alibi classique,
brissotin.
Votre numéro sur la Révolution est admirable.
Ceci dit, cruel miroir défraîchi. Combien textuel,
impitoyable.
Bien à vous
Destouches
******************
A Charles LESCA
[ Le 22 juillet 1939. ]
Cher Ami
Je vous remercie très vivement de
m'avoir passé mon intermède. Voilà je pense qui fixe
bien net les choses - Un tout petit côté, burlesque mais
tout de même piquant dans cette rocambolade, est de
surprendre le Nizan donnant à l'entour des verges
catoniennes ! Peuchère ! Lui l'effroyable intrait de
sauvetage politicailleux s'il en fut ! L'échappé de
bidets des Loges ! Lui, la personnification même de
toutes les foirures, de toutes les loupailles,
littéraires et politiques - Lui le plus décourageant
insipide bulleux limaçon de tout l'élevage habitanon-gauchiste
où pourtant Dieu sait s'ils inondent, submergent, et
glairent à foison !
Lui, honte du jour ! ce foutricule fade cuyde
à présent nous enseigner ! Lui le dénué-né ! le
calamiteux " douzième " roue à la traîne dans toutes les
vases, merdeux dans toutes les ornières ! C'est lui ce
pauvre abject qui se présente au pavois ! Bonne mère !
Ce cancre est revenu, comme tous ceux
de l'espèce " culture ", absolument insupportable des
Soviets où il a séjourné si je ne me trompe fort
longuement et salarié dans les bureaux
communistes à Moscou - (des mois, voire des années) avec
madame -
Complaisances étrangères ? Ah qu'il est
culotté d'oser parler ainsi de cordes dans une maison
littéralement bourrée de pendus !
Petit indice minuscule mais certain - J'ai vu
de mes yeux vu à Léningrad un roman de Nizan - Le Cheval
de Troie - en vente traduit en anglais par les éditions
Russes en Russie ! - alors qu'il n'est certainement pas
traduit en Angleterre et qu'il doit compter 200 lecteurs
en France en tout ! et encore ! Service de presse !
Ce n'est plus de la complaisance c'est de
l'élevage artificiel que pratique l'URSS envers ses
navrants rossignols propagandistes !
Bien amicalement
L. F. Céline
******************
A Marie CANAVAGGIA
[ Tanger, le 7 janvier 1940. ]
Chère Amie -
Je n'ai
pas de chance dans la marine de guerre. Le paquebot armé
sur lequel je suis " officier médecin de 3° classe " est
entré à toute vitesse le 5 à 22h10 dans un torpilleur
anglais qui coula si vite qu'on le vit à peine - 22
morts - une déchirure à l'avant nous faisait sombrer
aussi. En perdition de 22h30 à 9h le lendemain devant
Gibraltar ! Et les blessés ! et le reste ! Quelle nuit !
Seul médecin à bord je n'ai pas arrêté de suturer tout
en inclinant de plus en plus... Tout de même je ne
regrette rien. A présent je crois avoir à peu près tout
éprouvé.
Mais le bateau
est sérieusement compromis. On lui fait ici un calfat de
fortune. Nous rentrons à Marseille clopin et clopant et
sans doute là serons-nous débarqués... Marins malheureux
! Comme l'on voudrait s'amuser de toutes ces aventures
si le fond n'était pas si désespérant.
Enfin
écrivez-moi à Marseille et je tremblais déjà pour mon
manuscrit qui progresse gentiment aux répits de la mer
traîtresse.
Bien
affectueusement
Louis Destouches
******************
Au directeur du Service de Santé de la préfecture de
Seine-et-Oise
[ Le 23 juillet 1940. ]
Monsieur le Directeur
C'est avec un
peu d'étonnement que j'ai reçu (transmise) la note
ci-jointe de la mairie de Sartrouville.
1° Parce que je
ne demeure pas à Sartrouville. Je n'ai aucun domicile à
Sartrouville. Je demeure ici depuis 30 ans à Paris, 11
rue Marsollier.
2° J'ai accepté
d'assurer 2 heures par jour la consultation de
médecine générale à Sartrouville depuis le mois de
mars - en remplacement du Dr Dubroca (titulaire)
médecin-chef du dispensaire municipal. Là se borne mon
rôle.
3° Il est exact
d'autre part que j'ai accepté pour rendre service
de faire partie du convoi d'évacuation de la mairie de
Sartrouville - le 10 juin. A cet effet, j'ai quitté mon
domicile à Paris pour me joindre avec la pompe à
incendie, les archives, les vivres etc. sous la
direction du Maire de Sartrouville à la colonne se
dirigeant primitivement sur Pressigny-les-Pins.
En cours de route, j'ai donné mes soins à d'innombrables
blessés et malades. J'ai pu mettre en lieu sûr à travers
les bombardements 2 enfants d'un mois - à Issoudun Cher.
Enfin au cours d'un long et très pénible périple
(Sartrouville-La Rochelle), j'ai réussi à sauver de la
destruction l'ambulance de Sartrouville qui m'avait été
confiée et que j'ai pu ramener à la mairie le 14
juillet.
Observant que
tout ceci ne m'a pas rapporté un sou de traitement (je
suis payé à Sartrouville à la consultation), que tous
les frais du voyage furent entièrement à ma charge et
de ma poche du départ à l'arrivée, c'est-à-dire
pendant cinq semaines, (essence, réparations etc.) j'ai
perdu, confiés à d'autres camions, environ 5000 francs
de bagages personnels, que j'ai entretenu pendant
plusieurs semaines à mes frais personnels ambulance,
chauffeur, malades en ambulance etc... sans avoir reçu
au départ un sou de la mairie (à laquelle d'ailleurs je
ne réclame rien).
4° Enfin, je
n'ai pas eu à " apprécier les raisons justifiant mon
départ ". Je suis parti avec la colonne administrative
d'évacuation commandée par le maire en personne - et
pour rendre service - presque rien ne m'y obligeant,
n'ayant aucune situation médicale ou administrative
stable à Sartrouville.
En bref, aucun
avenir et aucun compte à rendre. Je ne regrette rien.
Curieux de
nature et si j'ose dire de vocation, j'ai été fort
heureux de participer à une aventure qui ne doit se
renouveler j'imagine que tous les 3 ou quatre siècles.
Je vous prie de
croire Monsieur le Directeur à l'assurance de mes
sentiments très distingués.
Dr Destouches
*******************
A Augustin TUSET, adressée de Paris sans date [juin
1941].
Céline
demande à son correspondant le nom du condamné à mort
qu'ils ont vu ensemble dans sa cellule. Il s'agit de
Noël L'Helgouarch, marin -pêcheur, condamné à mort par
les Allemands le 15 avril 1941 pour le sabotage d'un
câble téléphonique. (Voir le deuxième tome de la
biographie de Céline par François Gibault, Céline
1932-1944).
" ... vraiment
tout ceci est monstrueux. A tout hasard je vais dire la
dessus mon sentiment à M. Brinon sans espoir mais pour
le fait... "
Lettre sans date, écrite après la condamnation de Noël
L'Helgouarch [1941]
" ... Il ne fait
aucun doute que si ce malheureux avait été juif il s'en
serait sorti... pourquoi ? parce que toute la juiverie
aurait jeté feu et flammes à l'instant, et Mgr Duparc en
tête et toute la chrétienté du Finistère et d'ailleurs
aurait pris fait et cause à temps pour le petit
juif... on aurait tellement emmerdé les frits qu'ils
auraient sacrifié leur proie. Mais un aryen ! tout le
monde se fout... la preuve c'est que l'on était prêt à
en sacrifier encore 2 ou 3 millions pour vaincre
l'Allemagne, recommencer un 14 - qui est prêt à
sacrifier 3 millions de juifs ? personne !
Et surtout pas
le pape ! l'aryen est un chien - bon à faire crever.
Tous les juifs sont de cet avis, et les aryens aussi -
dans le cas qui nous concerne - imaginez un juif ! " la
Bretagne " entre en transe, Rome, les loges, Vichy, New
York, le monde. C'est le crime des crimes !... " (BC
n°227, janvier 2002).
***********************
A Jean COCTEAU
[ Novembre-décembre 1941. ]
Mon cher Confrère,
Je n'ai
jamais été mêlé de près ou de loin à cette affaire des
Enfants Terribles. Affaire que je n'aimais pas
beaucoup dès le début parce que les cabales
moralisatrices me dégoûtent en principe. Je l'ai écrit à
Laubreaux, textuellement. Mais d'autre part vous
connaissez ma position - raciale si j'ose dire. Et s'il
s'agit de racisme, alors je suis contre le Juif ou
n'importe qui aveuglément. Raison de Race surpasse chez
moi Raison d'Art ou Raison d'Amitié. Etes-vous mon cher
Cocteau antisémite ? tout est là. Si vous l'êtes nom de
dieu hurlez-le et cela se saura. Pas qu'un petit peu.
Mais raciste aryen tout comme les Juifs sont
avant tout à travers les balivernes d'art AVANT TOUT
racistes militants juifs écraseurs et détrousseurs
et tyrans d'aryens (viande de bétail).
Je suis
vous le savez un élémentaire. Je refuse de
m'engager dans les arabesques et les distinguos (juifs)
les pièges dialectiques juifs. Je parle en condamné à
mort. Etes-vous avec ou contre ceux
qui vont me pendre ? Etes-vous d'avis que les Juifs sont
responsables de la guerre et de l'état dans lequel nous
nous trouvons ? Ceci est plus grave qu'une manifestation
d'art, ceci nous intéresse aussi éternellement.
Je hais les tièdes. " Je ne fais pas de politique. " La
belle histoire ! le puant alibi ! Tout est politique !
Etes-vous ami de Lecache ? Alors vous ne pouvez être le
mien cher Cocteau. J'écrivais à Laubreaux.
Cocteau décadent
? Tant pis. Cocteau licaïste : Liquidé !
Il faut vous
mettre à ma place cher Cocteau. Les Juifs ne font pas
joujou avec moi. " They mean business... " L'affaire
Bernstein est sur un autre plan. Elle ne touche pas le
fond, le choix. Qui vive ? Cocteau. Qui vive ? Le
fanatisme juif est total et nous condamne à une
mort d'espèce atroce, personnellement et poétiquement
totale.
Que lui
opposez-vous Cocteau à ce fanatisme juif ? A cette
entreprise de toutes les minutes et sur tous les plans ?
Pourvu que vos intérêts et votre renommée ne souffrent
pas. Exactement rien. Comme tous, hélas, tous !
Souffrez
Cocteau que je refuse d'examiner les choses avec la même
diversité que vous, la même élégance. Adhérez,
créez cher Poète un mythe aryen ! Voilà ce que l'on vous
demande et merde pour les parents terribles et leurs
enfants, et toutes les familles ! Ne perdez pas une
minute ! Et tout sera dit.
LF Céline
*******************
A Jean LUCHAIRE
[ 1941 ]
Mon cher Confrère. Vous oubliez toujours les juifs
dans vos très brillants articles ! C'est une maladie
chez vous, l'oubli des juifs. Ne cherchez pas plus
longtemps ! Pourquoi toute cette casuistique ?
Les Juifs sont
plus puissants, Worms Rotschild plus évidents en zone
libre qu'ici ! Voilà tout ! Leur tyrannie mieux affirmée
- leur rage raciste mieux obéie par les légionnaires -
la Légion vous le savez bien est à présent complètement
juive -
A vous
LF Céline
*******************
A Augustin TUSET
Copenhague, 25 mai [1947]
" ... si
je ne me défendais pas si je n'ouvrais pas ma grosse
gueule, je serais tout recouvert de tous les 300 000
crimes. L'autre jour est revenu un danseur danois ici.
Il avait entendu à Paris... que l'on me reprochait...
d'avoir livré aux allemands les plans ultra secrets
de la ligne Maginot... ainsi vont les langues
!... pourquoi moi, crèverai-je et que M. Montherlant
magnifique auteur des solstices de juin resplendit-il en
plein Paris - collaborateur cent fois connu et Chadourne
et la Varende - et Jules Romains et Claudel l'auteur de
l'éloge à Pétain et Fabre-Luce et Bordeaux et Salmon et
Mac Orlan j'en aurai pour plusieurs semaines à me
dégorger la patate. Saudemont lui-même s'en tire bien
agréablement... et Bouchon le grand illustrateur
décorateur des expositions anti juives homme de main de
Darlan N° 1... je commence à bouillir.
Et bientôt
j'éclaterai je l'écris à Bécart cet autre lope... on ne
leur a pas enlevé à eux tout ! santé, patrie, sous,
moyens d'existence... si l'on me fait rentrer on va
rire. Je te réponds que j'en ai marre de la solitude. Ce
n'est pas un c'est mille qui descendront
au trou avec moi et je te garantis pour le compte ! des
bonnes histoires j'en connais des myriades à secouer de
rigolade 100 parquets pendant un siècle... je ne crois
pas à la prochaine guerre et je crois à la lâcheté des
hommes. On ne trouve pas souvent d'aussi énormes cons
qu'Hitler prêts à déclencher une guerre à 1 contre 100
!... comme j'en ai bouffé des vipères, des couleuvres,
des crapauds. Des merdes ! j'en dégueule jour et nuit -
je régurgite - j'en ai assez... c'est me sauver qu'il
faut me faire ôter mon mandat inique article 75 ! et me
redimer, blanchir, reblasonner.
Comme M.
Thorez, M. Chadourne, M. Montherlant Giono Guitry et
consort... je ne me considère pas comme un traître mais
comme un patriote, un ultra, un janséniste du
patriotisme, un excessif patriote - je
n'ai pas voulu que le sang français coule c'est
tout... il ne faut pas me confondre avec
Brasillach non plus. Gentil employé de la prop[agande]
Allemande. Rien de commun. Chez moi tout
est net tout est gratuit. Tout est martyr. Seulement
cela suffit... je n'insiste pas sur les trahisons,
canailleries, vols éhontés dont nos amis et amies
nous ont et nous régalent encore quotidiennement... "
(BC
, fév. 2002).
************************
A MASSIN,
Le 28 nov. [1947]
Tout d'abord un service, ne donnez sous aucun prétexte
mon adresse ici à personne (1). Au moindre scandale je
serais chassé de mon grabat pour échouer où ?... Qu'ils
écrivent à mon avocat (2) ces zélés, tant qu'ils
voudront ! Je dois avoir en effet beaucoup d'amis,
inconnus, d'admirateurs comme on dit. J'aurais cultivé
cette guitare comme j'aurais pu en tirer de fort beaux
accents comme Montherlant, Romains, Duhamel et patati.
Ce genre de putanat est facile. Il m'a toujours bien
dégoûté et puis je n'avais pas le temps. Aujourd'hui
bien sûr on m'a fait payer ce mépris... Tant pis !
Sartre est un
vilain petit merle. Il m'aurait fait des pompiers, avalé
le foutre pour que je consente à aller me montrer à ses
pièces sous la botte... Il me faisait relancer par
Dullin, Denoël, etc. (3) Encore une fois je n'avais pas
le temps. Je crois la petite ordure qu'il m'a même dédié
un de ses livres, autrefois... Ce petit Jacques n'est
d'ailleurs pas doué, c'est un petit raté de tout, et il
le restera. Kif Miller. Ces gens-là n'ont pas de songe.
Ils se forcent, ils se branlent à blanc, et dans le
vide. Ils prennent l'extravagance et le saugrenu pour du
fantastique, la crudité pour du caractère - et ce n'est
pas si facile.
Quant à
l'existentialisme il l'a volé à un vieux philosophe nazi
(une fois ceux-ci sans réplique) comme il est devenu
philosémite après le départ des Allemands.
Pour Samedi
Soir bien sûr ce sont des malfaiteurs. Le genre
américain certes mais les mêmes en Amérique ont une
frousse horrible des procès en diffamation, ruineux.
Ceux-ci, de France, ne s'adressent jamais qu'aux
désarmés absolus, aux vaincus. Ils sont donc 100 fois
plus chacals que les Américains du même bord, 1000 fois
plus lâches. La petite merde post-scriptale de La Rue
est dans ce ton (4). Laisser planer le doute... La chose
est entendue... etc. Ponce Pilate doucereusement,
en toute équité, et toute délicate hypocrisie,
pourvoyeuse des poteaux... La notoriété publique... " La
certaine façon d'être " de Vichyinski... la meilleure
technique de l'assassinat sans responsabilité directe...
Pfoui ! Quelle merde ! Peu pour me surprendre vous le
comprenez... La Légende dorée édifiée dans le sang par
les Gens nantis est que je dois être un Judas, un
traître et eux les anges - le Bien et le mal - À la
moindre faille, doute, mise en question de cette
gigantesque mystification... tout s'écroule, c'est la
Panique, et ils perdent leur Situâtion le Déesse des
Français la SITUÂÂTION - alors vous pensez ! Les
moins cons sont parfaitement fixés, donc les plus
crapules, mais que la Légende dure autant que leur vie,
c'est tout ce qu'ils demandent. Comfort first !
Ils étrangleraient la Terre pour garder leur
SITUÂÂTION ! - J'ai bonne mine.
Certes donnez à
Combat ou Carrefour tout ce que vous
penserez bon. La Légende voudrait aussi que je vive dans
un Palais, gavé, pourri des voluptés nazies... etc. Vous
savez ce que Voltaire a écrit : " Il est triste que
souvent, pour être bon patriote, on soit l'ennemi du
reste des hommes. " Je n'ai point tant d'ambition.
On parle aussi
pudiquement et hypocritement de mon " internement " de
ma " maladie nerveuse ". Il s'est agi bel et bien de
réclusion, cellule, pas internement du tout - et en fait
de maladie nerveuse, de parfaite pellagre, de rhumatisme
généralisé ! de 45 kilos perdus, et des suites d'une
invalidité de guerre 75/100 - Il faut minimiser les
épreuves du dégueulasse on risquerait de foutre en l'air
aussi la Légende ! l'essentielle Légende ! À Saint-Malo
où j'occupais un petit local les policiers sont venus
demander à la concierge, à la Libération, s'il ne
m'arrivait pas parfois de leur parler allemand ?
Tellement ils me présumaient subjugué, ensorcelé, vendu
jusqu'aux moelles... Je vous le dis : le délire des
haines partisanes est le seul élément politique du monde
actuel.
Miller a été
pressenti pour signer une pétition en ma faveur, il me
doit tout, il s'y est refusé. Ceci le juge à mes yeux.
Amen ! (5).
Je suis
naturellement, moralement, très indulgent et très
bienveillant, lorsque vous me voyez jeter feu et
flammes, soyez assuré que ce n'est jamais en vain, c'est
que j'ai mille bonnes preuves et raisons et si je
m'exécute c'est sans aucun plaisir. Je suis comme les
boxeurs professionnels, je n'aime pas me battre. Perte
de temps. J'ai mille fois mieux à faire.
Pour la France
mon Dieu !... Journaux, radios me hurlent qu'elle s'est
transformée en deux camps - le camp russe et le camp
américain - qui s'apprêtent à s'entr'égorger... Peut-on
rêver tomber plus bas, être plus complètement asservie,
occupée, ridicule ? Ce n'est pas mon affaire bien sûr,
c'est l'affaire des Princes de la politique. Et Dieu
sait si je ne suis pas Prince...
Soyez assuré
que vous m'êtes très sympathique. Ne vous faites point
maltraiter à rompre des lances pour ma cause. Le
Français gavé de bassesse ne croit plus que ce
qui est bas - vil - déshonorant. Il a le goût
irrémédiable du faux, fausse vertu, faux
patriotisme, faux honneur, fausse intelligence, fausses
guerres, fausses grèves et heureusement je crois fausse
révolution...
C'est un
velléitaire définitif. On a trop décimé son cheptel,
trop tué de mâles - remplacés par des équivoques, des
planqués, des larves... ou des fous...
Votre bien
amical [ement]
L. - F Céline
(1) Kronprincessegade 8, à
Copenhague.
(2) Thorvald Mikkelsen
(1885-1962).
(3) Accusation maintes fois
formulées par Céline, notamment dans A l'agité du
bocal écrit précisément durant ce mois de novembre
1947. Sartre n'a pas dédié un de ses livres à Céline
mais retenu une phrase de L'Eglise en épigraphe
de La Nausée.
(4) Allusion au post-scriptum
publié dans La Rue, à la suite de l'entretien
avec Massin. Dans son livre Massin révèle que ce
post-scriptum, publié à son insu, est dû à Michel
Hincker.
(5) Henry Miller marqua-t-il
une hésitation avant de signer cette année-là un " Appel
en faveur de Louis-Ferdinand Céline " ? Curieux car ce
fut l'un des sûrs soutiens de Céline, jusqu'à son procès
en 1951. (BC n° 168, sept. 1996).
********************
AU " DROIT DE VIVRE "
Le 20-2 [ 1948. ]
Monsieur,
Résistant ? en effet et
autrement que vous merdeux mouchard lâche ! Le 20 nov
1914 - médaillé militaire - mutilé de guerre 75 % -
engagé volontaire non aux délateurs bourriques mais aux
Cuirassiers, et rengagé encore dans la marine en 39 !
malgré tout ! argousins !
Autre chose... où avez-vous
lu, pourriture, une ligne de moi réclamant "
l'assassinat massif des juifs " ??? - Saloperie !
J'ai demandé à ce que les juifs, certains juifs, ne nous
poussent pas au massacre, à la catastrophe, à l'abattoir
! C'est bien différent, C'EST TOUT LE CONTRAIRE, et vous
le savez. C'est vous qui poussez, qui avez
toujours poussé les juifs, vos frères à
l'abattoir, par vos provocations, les criminels
sont chez vous, les traîtres sont chez vous.
Et vous le savez aussi,
parfaitement - dans votre hystérie - dans votre mensonge
- dans votre jalousie.
L. F. Céline
*******************
A Léon ARON
Le 5 Nov [embre 1948. ]
Monsieur,
Il est toujours
extrêmement facile de couvrir d'ordures un homme hors
d'état de se défendre.
On répugnait à ce procédé de
mon temps, il fait fortune aujourd'hui. On ne tirait pas
non plus " dans le dos " mais en face, tout a changé.
Vous avez la bonne
fortune semble-t-il de posséder deux nationalités, la
française et la palestinienne, alors que ne saurez-vous
là-bas faire preuve de vaillance ? Que restez-vous au
bord de l'Héroïsme à me donner à moi des leçons ? des
leçons à un engagé volontaire des deux guerres, mutilé
75 p. 100, médaille militaire dès novembre 1914 ?
Vous êtes grotesque. Je n'ai
pas deux nationalités, moi, monsieur, je n'ai que deux
guerres ! Vous me trouvez pornographe ? Vous êtes idiot.
Vous êtes sans doute français
de trop fraîche date pour connaître Rabelais, créateur
des lettres françaises... Ecrivait-il en vermicelle ?
Lisez-le vous me le direz.
Tout demeure à vous
apprendre.
LF Céline
*******************
A Raoul NORDLING
Le 18 mars 1949
Monsieur le Consul Général,
Ce n'est pas
d'hier que nous avons envers vous une vive dette de
gratitude ! Au surplus vous vous donnez le mal de venir
nous voir dans notre recoin de Baltique ! Nous sommes
infiniment touchés croyez-le. Ce n'est pas tout. Vous
voici parachevant votre œuvre, en train d'essayer de me
rendre un peu de vie... je vous laisse maître bien sûr
de la manœuvre. Votre stratégie, votre autorité
incomparable, votre virtuosité confondent le profane -
J'ai retenu cependant que vous seriez heureux de me voir
grouper autour de moi quelques amis français.
J'ai médité dans ce sens, estimé, essayé de démêler
ce qui serait, ceux qui seraient susceptibles de
d'apporter un concours discret TRES discret à la
réalisation d'une petite opération amicale de ce genre.
Des amis et nombreux je
peux facilement en battre le rappel - Mon nom est
encore " publicitaire " et la publicité vous le
savez attire irrésistiblement l'homme et la femme
modernes... Seulement avant le 1er juin (fermeture en
principe des Cours de Justice) il me semble que beaucoup
de discrétion est de mise. Aussi ne ferai-je pas appel
pour le moment aux amis clamoreux.
J'ai proposé seulement à
quelques-uns d'entre eux de vous apporter le témoignage
de l'amitié qu'ils me portent. Il se pourrait aussi que
vous ayez des nouvelles à ce propos -
de Marie Bell - Comédie
Française - ancienne (et toujours jeune amie)
Résistante, qui ne tient certainement pas à faire du
bruit et cependant...
de Daragnès bien sûr.
de Dubuffet le peintre.
d'Albert Paraz
l'écrivain.
de Marcel Aymé
l'écrivain.
de mon excellent ami le Colonel
médecin Dr Camus diplômé de l'Ecole de guerre
ex-officier d'Etat-major de Weygand -
de CROUZIER fils de l'ancien
ambassadeur de France à Vienne -
de MARTEAU bibliophile,
propriétaire des cartes à jouer Grimaud, un de
mes très grands partisans et votre voisin 66 bis
Bd Maurice Barrès à Neuilly / Seine.
Je m'arrêterai à ces noms,
issus de milieux très divers, pour le moment. Il me sera
facile de solliciter d'autres amitiés faibles ou
fortes... Mais je ne veux point tout d'abord vous
embarrasser, ensuite provoquer des réactions de presse
ou de salons fâcheuses avant le 1er juin...
Ensuite...
Votre bien amical et
reconnaissant Ferd et tout le souvenir de ma femme
Lucette ! (née Rue St-Louis-en-l'Ile)
LF Céline
C'est exact, vous êtes plus
Montmartrois que moi - ma jeunesse tout entière s'est
passée dans le Passage Choiseul 2° Arrt d'où je
suis parti à 18 ans pour le 12° Cuirassier - Mais je
vais me rattraper car mon prochain roman Féerie pour
une autre fois se passe entièrement à Montmartre et
précisément une des principales scènes : chez
Manières, où nom de Dieu je vous campe de
façon discrète et flatteuse bien sûr, mais vous y serez.
Vous en serez, attablé chez
Manières. A ce propos il y avait toujours avec le
groupe des habitués dessinateurs aux tables le long du
mur une très jeune femme (à faux sourcils) un peu "
asiate " de figure " modèle " je pense et en tout cas "
compagne " d'un de ces messieurs - qui me tapait
joliment dans l'oeil - Roulée ! une déesse ! Le flirt
n'est pas dans mes façons - mais on se faisait quand
même des sourires. Qu'a-t-elle pu devenir ? Ca me
tracasse encore - Je vous en parlerai. Vous
l'identifierez facilement sûrement grand-mère à l'heure
actuelle !
J'ai mes fantômes.
LF Céline
********************
A Charles DESHAYES
Le 21 [ avril 1949. ]
Mon cher Ami,
Attention aux exactitudes.
Guitry n'a jamais été sali par
la France au Travail ni par La Gerbe - il
en était au contraire chéri. Le lieutenant
Weber qui avait la haute main sur les Théâtres avait
coutume de répondre à ses ennemis. Mais voyons quand on
a le talent de Guitry on n'est pas juif !
Il a été accusé de Juiverie
par le Pilori et le journaliste du Pilori
a été sommé par la Propagandastaffel d'aller présenter
ses excuses à Guitry. Guitry fit d'ailleurs sur cette
circonstance - entrevue avec son diffamateur - un
article triomphant dans la France au Travail
d'Oltromare, Guitry fut l'un des premiers collaborateurs
de la France au Travail. Blablabla du reste !
assidu de l'ambassade etc., adulé par les Abetz ! Le
bonhomme s'est parfaitement compromis - totalement -
comme Lifar. Passer maintenant pour un résistant
- galéjade... même pas double jeteux ! Non soyons
précis, Deshayes.
Ceci dit son livre est
excellent et je l'applaudis des 2 mains ! Mais si
l'on vient aux précisions - je deviens plus
chatouilleux...
Sur les origines juives ou pas
de Guitry, le doute subsiste. Il s'est vanté d'origines
nobiliaires sous l'Occupation, de sang bleu. J'ai
entendu mille choses. Rien de précis. Il a été fabriqué
par les Bernheim marchands de tableaux. Cela est
sûr il est leur enfant adoptif. (Il n'en parle
plus guère).
Ils lui ont monté son théâtre.
Les écrits de Guitry sont tendancieux, lacunaires. Eh
foutre il a bien raison ! Il se défend comme il peut.
Parfaitement. Mais dire que la fille est vierge !
Non ! Elle a été baisée - enculée pépère. On
régularise ! foutre tant mieux ! Je veux bien même être
témoin. La belle histoire ! La Comédie continue.
Votre bien amical
LFC
*******************
A Pierre MONNIER
Le 6 [ août 1949 ]
Mon cher Monnier
Je vous croyais en vacances ! Foutre NON !
Naud n'a rien à faire avec mon contrat des Denoël - ni
avec Voiliers à ma connaissance. S'il l'encule c'est son
affaire et non la MIENNE. Naud ne m'a servi absolument à
RIEN ni en Cours, ni ailleurs - Il n'a rien fait
il ne fait rien - C'est un mondain - Peau de zébi. Je le
compte pour du beurre. Sauf bien sûr que je le révère !
Résistant, etc. Très entre nous. Tixier m'a eu
l'air beaucoup plus actif mais le boulot
intime le " vrai de vrai " c'est moi qui le fait -
en direct. Je ne vous en dis pas plus - Quand il
faut dérouiller c'est moi qui dérouille - personne
d'autre. Tout le reste c'est Causeurs et Cie.
Vous me COMPRENEZ... pas de dessins - Vous n'allez pas
non plus vous laisser bluffer par le minable sous-gang
Voilier Denoël - J'espère que vous avez bien gardé - le
jugement Véry ! Je vais vous envoyer sous peu
la photo de ma rupture de contrat et l'accusé de
réception d'ycelui par l'Administrateur Denoël-
Au chiot et presto ! ces salades pourries sur
mon intérêt, dans mon intérêt et patata -
Je suis un très grand garçon qui sort tout
seul et sans nourrice. Besoin de personne pour savoir
que j'ai été atrocement ignoblement dépouillé outragé,
spolié, frustré, dégueulassé par le gang Voilier Denoël
- et que je ne veux plus les voir marre, chantage
et c'est tout - Il faudra sauter au clandestin si
les choses s'aigrissent, et s'éditer en Chine
s'il le faut !
Il faut être agiles prompts et résolus
- Passer au maquis littéraire. Les Denoël doivent
tenter une ultime manoeuvre de marchandage. Ils sont à
court d'espèces. Tout ceci contribue gentiment à la
vente mais à la vente acrobatique. Ne me parlez
plus de Naud - ni de tous ces soi-disant compromis,
connivences etc -Il n'y en a pas. Il y a moi et
qui dit MERDE. J'ai trop souffert je souffre trop
de misère et d'humiliation pour chipoter, connivencer
babiller, peloter etc - Du flouze et recta. Je ne
vis pas dans le monde des gens en place qui ont des
situations à ménager. Moi on m'a arraché de tout,
volé tout - le plus iniquement du monde. Donc
plus de mondanités, socialités !
Du DUR.
Il faudrait que Frémanger passe vite chez
Daragnès pour le nécessaire -
La Police est pourrie idem Parquet. Si les
Voiliers pouvaient raquer ils obtiendraient bien sûr
beaucoup de saisies etc. mais le flouze pèche !
Ils n'iront pas loin en procédure. Ils l'ont dans le
cul ! à vous d'enfoncer ! et gî !
Bien votre ami.
LFC
********************
A Albert PARAZ
Le 10 [ septembre 1949 ]
Mon
cher Vieux -
(...) Dieu sait merde s'il m'insupporte de
parler de mes livres !... Mais puisqu'on en cause...
Ils ressemblent plutôt aux chansons de geste.
Ils sont chansons nullement PROSE - absolument
rien à faire avec le naturalisme français le romantisme
ou le néo naturalisme américain. Ils sont en tension
transposée musicale extrême du premier mot au
dernier sur 700 pages -, pas une syllabe au
hasard. Je me sers du langage parlé, je le recompose
pour mon besoin - mais je le force en un rythme de
chanson - Je demeure toujours en danse. Je ne
marche pas. Ce que faisait Bruant en couplets je le
fais en simili prose et sur 700 pages -
Un jour je me suis dit : pour aller de la
gare Montparnasse à La Villette, il y a deux moyens ou
bien y aller par les rues les trottoirs se faire rebuter
bahuter retenir culbuter par les voitures, les cycles,
les passants s'emmerder dans les encombrements ou s'y
rendre directement par le métro - sous terre
c'est-à-dire - ainsi du jaspinage, grifouillage - se
perdre dans les analyses, incidentes, périodes et
patati, analyses surfines, repentirs et patata ou foncer
dans l'intimité des choses tout droit - Mais
gaffe ! sans perdre les rails, sans dérailler. Ces
rails-là crées par l'auteur - le rythme c'est lui
qui le trouve - la certitude , la boussole des
ténèbres - et yop petit ! Tout ça n'a rien à voir
avec Faulkner, Zola, Machinchouet ! s'enfoncer
comme dans le métro dans le dedans du sujet -
sans doute un peu ce qu'ont fait les peintres
impressionnistes.
On t'embrasse
et t'aime
LFC
Je viens de perdre Lucien Descaves ! Cela
m'afflige dur. Je l'effrayais. Il m'avait renié une
dizaine de fois. Mais il avait été admirable au
Goncourt.
********************
A Jean-Louis TIXIER-VIGNANCOUR
Le 17 sept [embre 1949. ]
Mon cher Ami -
Je vous écris. Naud ne répond jamais à mes
lettres, et n'a sans doute même pas le temps de les lire
! J'ai lu la vôtre, d'hier. J'ai retenu les mots "
commissaire du gouvernement " c'est donc que l'affaire
va passer bientôt, que l'on va me faire le coup du
lapin. Bon. Mais ce n'est pas fini. Je me suis tenu
jusqu'ici bien gentil et amène - mais dès que condamné
je lâche ma grosse artillerie. Et alors je vous assure
que ce sera internationalement et en France un joli
badaboum ! J'ai des offres - partout - en France dans
Samedi Soir, dans Dimanche Soir. Il
veut de la célébrité Mr le commissaire du gouvernement ?
Il l'aura ! Je lui garantis, sur facture, une renommée
mondiale et son passage dans l'histoire ! me juger est
une honte, infamie absolue. Je suis parti ? la
belle histoire ! A Paris on m'égorgeait. Qui va
sérieusement le nier ? je rejoignais les 100 000
assassinés purifiés ! Où pouvais-je aller ? Je voulais
aller au Danemark - on m'a retenu en Allemagne - Et
après ? Ils étaient 2 000 000 de Français retenus en
Allemagne !
Si l'on m'avait abattu en août 1944, on
aurait beau jeu à présent pour me couvrir de toutes les
accusations du monde ! toutes les ordures ! Qui
répondrait ? Je n'ai jamais rien demandé à personne et
on m'a tout pris. Que reste-t-il à me prendre ? Je suis
le patriote absolu le persécuté absolu -
On voudrait me voir à Fresnes - Ah qu'on y fasse entrer
d'abord Paul Morand, 2 fois ambassadeur de Pétain ! et
Bergery, grand ami de l'Ambassade - et Chautemps
président du Conseil, condamné pour trahison - tous ces
messieurs se promènent au large - le plus gentiment du
monde ! Paul Morand n'est même pas inculpé ! Montherlant
publiait dans les cahiers franco-allemands -
Marcel Aymé dans Je suis Partout - Mercadier
l'éditeur de La France à Sigmaringen est en
pleine liberté à Paris - et mille autres ! Justice
veut dire d'abord équité - AVANT TOUT. Je ferai
publier le réquisitoire de Mr le Commissaire dans un
journal français à énorme tirage, et ma défense
en même temps - intégralement - Si Mr le
commissaire n'a jamais senti une plume lui passer à
travers le corps il aura cette faveur. Et je ferai tout
reproduire par toute la presse américaine. Ce sera le
bouquet, l'apothéose de la jolie réputation des cours
civiles et civiques ! Une autre victoire pour la France
- Mr le commissaire veut se mesurer ? Je suis à ses
ordres - on n'a pas fini de rigoler. Je lui assure que
je sais moi faire rire - et jaune. Tous
ces foutriquets prennent des libertés jusqu'au coup
d'arrêt. Je me charge du coup d'arrêt - et il sera
atroce. Je le préviens et le gouvernement peut être
prévenu aussi. L'affaire dépassera l'importance de ce
petit aboyeur de prétoire -
c'est clair c'est net.
Si Hitler avait gagné, tous ceux qui
m'accablent aujourd'hui y compris la cour y compris le
commissaire seraient admirablement bien avec Hitler.
Un seul français serait je crois mal avec lui et ce
serait moi. Qu'on ne me parle pas de l'affaire
Rouquès - ce pourri foireux pendant toute l'occupation
allemande, (craignant tant pour ses fesses) redoutant
que je lui fasse payer son procès en diffamation (avocat
de l'Humanité) allait partout relançant mes amis
pour qu'ils me fassent bien comprendre qu'il n'avait
intenté de procès que contraint et forcé, qu'il
me tenait en haute estime etc... Comme si je m'étais
soucié de Rouquès ! comme si j'avais été assez bête (si
j'imaginais me venger) d'aller le signaler dans une
préface ! Et foutre ! suis-je assez con ? Je n'avais
qu'à le liquider moi-même par une nuit sans lune
!
Qui m'aurait rien dit ? Et cent autres qui
m'emmerdent et relancent à présent ! Mon cher ami
prévenez Naud je vous prie et le commissaire et le Pape
que si l'on me joue cet ultime tour de cochon l'affaire
va sortir du domaine où politiciens, aboyeurs de Cours
etc. jouent les vedettes et les héros, pour entrer dans
un monde où ce ne sont plus que de pauvres roquets
aphones aux culs gercés - Nous allons toucher à la
grande presse, à la grande plume et au grand public, en
France et à l'étranger - tout est prêt. Le monde
entier sera enchanté de suivre cette nouvelle affaire
Dreyfus (à l'envers !) qu'on se le dise !
bien amical et reconnaissant
L F Céline
*******************
A Albert NAUD
Le 24 [ décembre 1950 ]
Mon cher Maître et Ami
Je vous souhaite un bon petit Noël et une sacrée bonne
année 51 ! mais je ne sais pas si vous n'êtes pas au
Canada ? J'ai reçu une carte de là-bas signée Naud ? un
farceur ? Etes-vous allé vous retenir une Cabane au
Canada ? Vous auriez raison ! La prochaine Capitale de
la France Résistante sera sûrement Montréal.
De
Mayer nib ! Que lui avez-vous dit ? Rien de moi
certainement ! J'ai dû à la SDN. assister à de
nombreuses (très) entrevues très privées entre très
importantes personnes. Jamais elles ne parlaient du
sujet qui soi-disant les réunissait ! Jamais !
Vulgarités. Elles se trouvaient si merveilleuses si
fascinantes passionnantes l'une l'autre qu'au diable le
soi-disant sujet de l'entretien ! C'est classique !
Fatal !
En
médecine, c'est pareil ! On rigole encore de la
consultation auprès d'un très riche malade de Widal et
Laubry aux Champs-Elysées. Ils s'étaient retirés dans un
petit salon soi-disant pour se " concerter ". La famille
du riche malade (dans l'angoisse) regarda par le trou de
la serrure. Que vit-elle ? Laubry et Widal qui
s'examinaient mutuellement l'anus ! inquiets
qu'ils étaient de certains petits bobos par là !
Je ne veux
pas dire que vous vous comportâtes pareillement avec le
Rabbin ! Diantre ! Non ! mais le résultat semble kif !
Ah quand les personnes éminentes se rencontrent elles ne
parlent guère que d'elles-mêmes ! Et qu'elles se
trouvent donc ravissantes !
C'est de
l'ivresse. Ah ce Naud ! Ah ce Mayer ! Et que ça fait 20
dîners éblouissants ! en sus ! Et merde pour le Céline !
satané sale con !
Et que vous avez
bien raison !
Je vous en
raconterai moi des drôles si on se voyait ! Je vous
admire et vous respecte et vous aime cher Maître et Ami
-
L F Céline
********************
A Albert PARAZ
Le 18 [ mai 1951. ]
Mon Vieux
Il est toujours
impossible de faire convenir aux gens qu'ils se sont
conduits à mon égard en abominable dégueulasses
persécuteurs ! Es-tu surpris ? On m'aurait pendu en 44
ça aurait arrangé tout le monde - ! On aurait recouvert
mon cadavre de tombereaux - de merde de calomnies
et tout serait dit ! Mais je suis vivant. Il faut
s'expliquer - on ergote et on ment. On s'embarbouille
dans les conneries allusions mystères etc... On s'en
fout plein les doigts. Je suis AMNISTIE et c'est
tout. Le premier que je prends aux allusions je
lui fous un procès et c'est tout.
Quel est cet
article de l'Aurore ? Je voudrais bien le
lire. Je le passerai à Tixier - Les juifs que
j'ai fait foutre à la porte du dispensaire de Clichy ?
Ah l'effronterie c'est tout le contraire qui s'est
passé. J'ai été viré par la municipalité communiste
aux ordres du Dr Ichok émigré juif lituanien - et
pas du tout médecin : imposteur - mais dont le
frère était rédacteur à la Pravda, imposé à
Clichy par la Pravda. Ichok dès son arrivée nommé
médecin chef - (comme celui de l'Assemblée Nationale ! )
en dépit de toutes les Lois françaises - parlant à peine
français - a entrepris de virer tout ce qui n'était pas
juif - et surtout moi ! qui avait monté
le dispensaire, et qui représentait le Français Français
haï ! - Il y est parvenu. J'ai dû donner ma démission -
Mais le
plus chouette est que cet Ichok était en même
temps espion de 3 ou 4 nations étrangères ! - Et au
début de la guerre le Gouverneur militaire de Paris le
(Général Héring je crois ) a tout de même fouillé dans
son dossier. Ichok s'est réfugié chez
Salomon Grumbach le sénateur - mais même Grumbach ne
pouvait plus le couvrir ! Il s'est suicidé au cyanure,
dans le café du Palais de Justice - avant de se rendre à
la convocation du Juge d'Instruction ! Ah Parlez-moi de
Clichy qu'on rigole ! des Juifs que j'ai fait expulser !
Saloperies !
Mon
Dossier vide pas vide ! Après 7 ans d'Instructions
enragées Mayer Moch Lecache ces archi cons peuvent
penser que s'il n'avait pas été plus que vide !...
On oublie,
heureusement cela est stipulé dans mon amnistie
que j'ai fait 1 an 1/2 de réclusion au Danemark moi
condamné à un an merde ! Les A.D. sont des mégottiers
imbéciles. Ils veulent faire fortune à la carambouille.
C'est tout. Monnier en a fini avec eux - et moi itou -
Veux-tu envoyer
à France-Dimanche cette rectification ?
Mille
baisers !
LFC
Le 18 [ mai 1951. ]
Le plus
chouette c'est que le faux Dr Ichok lituanien juif
communiste de Clichy m'a déclaré une guerre à mort le
jour où j'ai refusé de collaborer à la Pravda de
Moscou - !
Il a fait
entrer 12 médecins juifs au dispensaire de Clichy
- ! Une " synagogue " comme disait l'un d'eux le Dr
Schiff - psychiatre.
********************
A Roger NIMIER
Le 19/1 [ 1955. ]
Mon cher Hussard, Néo-Barbusse, Géant des Lettres,
Commissaire des Peuples, Idole du nouveau
Fémina, Ami,
Le hic , voyez-vous, la douleur, est qu'avec l'hiver et
le froid, je ne tiens plus du tout debout... J'avoue !
Votre invitation me touche, ma femme me traite de tous
les noms parce que j'ai 61 ans, impotent, mutilé 75 p
cent, gâteux pour tout dire !... elle se faisait une
joie d'aller vous voir et Mme Nimier, Rue Médéric...
Mais comme les très vieilles momies je ne me déplace
plus du tout. Ma femme par contre bouge beaucoup,
énormément, danse dans les étages... elle comptait sur
vous pour lui envoyer des élèves... votre prestige
personnel, et celui de " Femina " ! ...
Oh la rue
Médéric, résistante vous va bien, et me va parfaitement
- puisque je suis engagé volontaire de 1912, au 12°
Cuir, et médaillé militaire de novembre 1914 ! et mutilé
75 p cent foutrement plus résistant que ceux de 44, si
foireux en 39... au moment précisément de résister...
C'est l'Histoire ! après les premiers rôles, les
doublures !
Quant à
l'antisémitisme je voulais vous répondre... je ne suis
pas non plus antisémite je suis profrançais... Je me
suis lancé et comme ! et tout à fait gratuitement, dans
cette folle aventure, dans l'espoir d'épargner aux
Français le ridicule d'une nouvelle guerre, dont je
savais qu'ils sortiraient tels qu'ils sont actuellement
... On m'a fait crever d'avoir sonné la cloche... soit !
- soit ! C'était idiot... J'en conviens.
Pour Médéric, le
nom, le bougre l'a pris à un évêque du VIII° siècle, et
à St Merry l'église... vous le savez... Tartempion eût
été crâne ! Médéric ?... mieux Dagobert ! Il était
féroce ! vous le savez aussi ! Grand ami feminaesque !
archi commissaire ! " Cosmérique " ! comme l'on dénommé
tout ce qui a trait à la Beauté, au-delà du Rideau !
Vôtre,
tout en repentirs, de terribles naïvetés !
LF Destouches
********************
A Gaston GALLIMARD
2/4/55
Mon cher Gaston
Je vois qu'il fonctionne toujours, et comment ! le
procédé " Bouche oreille " ! Pourquoi ne me rendez-vous
pas le même service dans les Nouvelles littéraires
? et le Figaro littéraire ? Ils ne marcheront
pas me répondrez-vous ! Basta ! Vous vous êtes le
Père Alibi vous avez réponse à tout, à côté ou de
travers mais réponse ! Ils marcheront parfaitement si
vous vous en donnez la peine, si vous les sommez en tant
que Pape de la Synagogue " NRF, coco-pédé-gaulliste ".
Ridicule cet insuffisant tirage de 6000 Pr Y !
Vous tenez à ce que je crève ! Vous m'étouffez ! Pape
coco, pédé, gaulliste !
Autre
histoire
Voici les lettres
d'Ovadia. Son manuscrit est ici, je l'ai reçu ce matin
même. A votre disposition mais il faudra me l'envoyer
chercher. Il est manuscrit. Je ne veux pas le
confier à la poste. Je ne demande qu'à le préfacer, si
vous le publiez. Vive Israël ! vive le ghetto NRF,
pédégaullorésistant ! et son Pape !
LFC
Répondez-moi je
vous prie sur tout ceci vite que je réponde à
Ovadia. Je suis, vous le savez, la courtoisie même, et
la preuve : je vous offre une préface à l'oeil !
Je me casse le
cul autrement que vous ! flûte !
*******************
A Henri MONDOR
Dr L-F Destouches
de la Faculté de Médecine de Paris
25 ter route des gardes
Meudon (S&O)
le 15/11/55
Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon cher Maître
! Il ne saurait être question d'un autre que vous pour
me préfacer ce disque ! Dussiez-vous mourir à la tâche !
Faites tenir en ces 15 lignes, je vous supplie, ce que
bon vous semble... ce sera toujours excellent !
admirablissime ! la guerre 14... que je suis médaillé
militaire (oct 14)... que je suis mutilé (75 p 100) -
fracture du rocher et paralysie radiale... qu'il n'y a
donc lieu d'être surpris de mes lacunes absences
divagueries : que ce que d'autres plus romantiques
recherchaient, Wilde, Proust, Rimbaud, Verlaine dans la
forcerie pédéraste et l'alcoolerie laborieuse, moi la
défense de la Patrie me l'a servi sur un plat ! et
copieusement ! et à vingt ans ! sans mondanités, sans
sacristies, sans synagogues. Tel quel ! sec ! - Val de
Grâce, 2ème blessés, Jalaguier, Gosset
1, mes salons
!... Zalas 2
! plus de très longues aventures tout à fait sinistres
où mes ennemis jurés perdraient une bonne fois pour
toutes le goût de parler sans savoir, de prétendre ceci
et cela...
Pour mon style et les " trois points " ? Mon Dieu que ce monde est lourd
!... foules d'ahuris hébétés titubants rotant de prose !
Le journal quotidien est Roi ! je le sais et Elle
= Reine ! et s'agit d'écrire comme l'Aurore et
comme Elle... !
Faire valser le Roi et la Reine ? diable ! diable ! me voici condamné à
mort une fois de plus ! Tous ces étrangers qui nous
gouvernent ont déjà eu bien du mal à apprendre, à la
sauvette, leur petit sabir franco-jésuito-Berlitz ! Vous
pensez la haine pour un indigène qui fignole !
Je ne parle pas du Paulhan, l'écœurant larbin
3,
tous-les-vices-d'office " ... !...
Vous seul avez l'autorité, l'incontestable savoir, l'habileté clinique
aussi pour faire passer cette muscade
4 ! Cette
muscade, vous l'entendrez d'ailleurs très très bien
défendue par Simon et Arletty.
Votre très sincèrement reconnaissant
Destouches
1
Adolphe Jalaguier (1853-1924) était professeur au Val de
Grâce, où Céline fut transféré le 1er décembre 1914. -
Le professeur Antonin Gosset a opéré Céline de sa
fracture du bras le 19 janvier 1915, à l'hospice
Paul-Brousse (Villejuif) que dirigeait Gustave Roussy.
Henri Mondor le connaissait bien : il avait rédigé une
brochure de 12 pages intitulée Antonin Gosset
(Masson, 1944) et lui avait succédé à la chaire de
chirurgie de la Salpêtrière.
2 Céline utilise souvent cette citation d'Hamlet (V, 1) : " Alas,
poor Yorrick... "
3 Depuis 1954, et la
publication des Entretiens avec le professeur Y,
Céline s'est brouillé avec Jean Paulhan, directeur de
La NRF. Il le rend responsable, en outre, de
l'insuccès de Féerie pour une autre fois, et de
Féerie II : Normance.
4 Détournement de
l'expression " passez muscade ", employée pour qualifier
une action menée rapidement et avec désinvolture (la
muscade étant une petite boule utilisée par les
escamoteurs).
(Cécile
Leblanc, Lettres à Henri Mondor, Gallimard, NRF, 2013,
p.82).
********************
A Gaston GALLIMARD
Le 27 /10 [ 1956. ]
Certainement cher ami j'attendrai votre auto mercredi
prochain vers 16 heures, ici. Vous m'écrivez dans
votre lettre certaines choses assez vraies d'autres tout
à fait inexactes. Pour que vous n'ayez point le souci de
répéter pour la mille et unième fois (avec jeunes
spectateurs) votre cher numéro (sourires et
tremblements) que vous sachiez tout de suite ce que je
vous demande voici :
1° deux millions
sur la table à la remise du manuscrit.
2° et par
la suite 100 000 francs par mois à titre " d'avance "
sur le suivant ou les suivants.
3° bien entendu,
la Pléiade et M à C de poche.
Ce que vous me
racontez, que je vous dois ceci... cela !... on me
raconte à moi que vous avez 175 millions dehors !... "
avances " aux auteurs !... et que vous gagnez bénéfices
net tous impôts payés rien qu'avec la NRF 80 millions
par an ... sans en foutre un coup !... que par ailleurs
vous êtes milliardaire ! sans en foutre un coup !...
cela est loin de m'indigner... ce qui m'agace ce sont
vos chichis ! je sais ce que c'est d'avoir le monde
entier contre soi, pas simili, menottes aux poignets...
je ne vous demande que du sous salaire de sous-femme de
ménage... je vais pas implorer !... on est conscient !
on est Poznan ! milliardaire !
A vous bandit !
A mercredi !
LD
P.-S. une
consolation ! ma veuve est très malléable, vous pourrez
lui racheter tout pour un boniment et une botte de
roses.
********************
A Henri MONDOR
Le 12/1/[1960]
Mon cher Maître et Ami
Je n'ai rien à vous apprendre
vous savez aussi bien et mieux que moi que l'existence
des " petites gens " de la Belle Epoque tenait plus du
cauchemar que du rêve... là notre Passage Choiseul 1896
à 1912 fut fadé... toute de dignité et de labeur... mon
père licencié en lettres tombé correspondancier au
Phénix incendie 1
gagnait je crois 300 frs par mois, ma mère dentellière
ne faisait pas les frais... total régime de sous
alimentation sous cloche à gaz " 360 becs Auer "...
" Faire tourner la table " je
veux dire sortir du style jésuite gominé qui tient la
plume française je crois jusqu'à la mort... journaux et
livres... rompre, casser ce salon de coiffure... ces
pommaderies, du Figaro au Goncourt à la
Chambre... ce blabla visqueux... rien à faire je
crains...
Le lycée ? diable je n'y
pouvais prétendre ! les moyens ? mes parents avaient
trop hâte que je gagne ma vie ! Mon père dans la haine
des fortes études qui le faisaient lui crever de faim et
de chagrin...
Admirations littéraires ? Je
demande à voir... on ne peut apprécier que de très
loin... je ne m'intéresse qu'au style foutre des
histoires ! je ne suis sûr que de La Fontaine...
Malherbe... Voltaire des petits vers... les romanciers
sont devenus ennuyeux... Allez-vous apprendre le médecin
de campagne dans Balzac 2
? l'adultère dans Flaubert ? l'Information et le
Charlatanisme 3
ne nous laissent aucune curiosité. Stylistes demeurent
mais trop proches : Mallarmé, Rimbaud, Baudelaire... les
chinois verront !...
Je me vois en somme : un
clinicien raté, un poète raté, un musicien raté... ce
n'est pas si mal !...
La réflexion de Brindeau
4 lui est
venue subite, insolite et c'est tout... Vous l'avez
connu : bien peu familier. Je ne lui ai avais jamais
parlé... il fit part de sa conclusion, de ses
diagnostics à Lantuéjoul et à Metzger
5... et puis
ce fut tout... lubie ? je n'ai jamais su... je pensais
moi-même à bien d'autres choses !...
Rabelais était en polémique
avec les curés... il sentait le fagot
6... il n'est
lisible à mon sens, génial, que dans les passages en "
parlé ". La Tempête 7
par exemple. Hors ça il dialectise aussi comme un curé
ou un ministre ou un prix Goncourt. Daudet était un
truculent critique et pasticheur mais bien incapable
écrivain 8.
Gagner ma vie en préparant le
bachot, comment ? en faisant les courses ! pour vingt
patrons ! qui tous me foutirent à la porte, pardi !
perdant trop de temps à potasser les manuels d'une
course à l'autre ! ma dernière école fut la communale de
la rue d'Argenteuil où j'obtins le certificat d'Etudes.
La compassion ? mon Dieu je ne
suis pas ! nous tombons là dans la psychologie ! la
Sorbonnerie et la Salpêtrière ! je m'y perds !
spécialistes y sont !
Reste Fréjus et ses Crésus,
soyez assuré qu'au prochain barrage qui cède il n'y aura
qu'un cri : " qu'ils crèvent tous
9 ! " Fini la
tirelire !
Votre bien respectueux et admiratif,
LF Destouches
1 Fernand Destouches, qui avait quitté le lycée
Condorcet en mars 1885, n'a jamais eu son baccalauréat
complet et ne fut jamais licencié ès lettres. Céline
s'est cependant toujours plu à accréditer cette légende
(voir François Gibault, Céline,t.1,1977).
2 Henri Mondor a rédigé une préface au Médecin de campagne, Le
Livre Mondial, 1954.
3 Céline semble se faire l'écho
d'un article rédigé par Mondor, " Charlatans et
charlatanes ".
4 Céline a effectué un stage du
1er octobre au 16 décembre 1922 à la maternité Tarnier,
dans le service obstétrical du professeur Auguste
Brindeau (1867-1955) qui fut le président de son jury de
thèse et le dédicataire de ce travail universitaire.
Céline signale qu'il " était un musicien " et qu'il
aurait déclaré à son propos : " Ah ben, il est fait pour
écrire cet homme-là " (voir Céline et l'actualité
1933-1961,p.428).
5 Le professeur Pierre Lantuéjoul (1887-1963) faisait partie du jury de
thèse de Céline qui l'avait connu à la maternité
Tarnier, dans le service du professeur Brindeau, en
1922. Lantuéjoul a écrit au président Drappier en faveur
de Céline à l'occasion du procès de février 1950. -
Marcel Metzger (1880-1944), professeur agrégé de
médecine, faisait également partie du service du
professeur Brindeau en 1922.
6 Céline s'identifie à Rabelais,
médecin et écrivain. Déjà en 1957, dans un entretien sur
Gargantua et Pantagruel pour Le Meilleur Livre
du mois, il déclarait : " J'ai eu dans ma vie le
même vice que Rabelais. J'ai passé moi aussi mon temps à
me mettre dans des situations désespérées. Comme lui, je
n'ai rien à attendre des autres, comme lui, je ne
regrette rien. "
7 Dans Le Quart Livre,
chap. XVIII-XXIV.
8 Léon Daudet a poursuivi des
études de médecine jusqu'à son échec à l'internat,
expérience qui lui inspirera Les Morticoles
(1894).
9 Le 2 décembre 1959 à 21h13, le
barrage de Malpasset, en amont de Fréjus, se rompt,
déversant plus de 50 millions de m3 d'eau dans la vallée
et faisant plusieurs centaines de victimes. " Quelles
clameurs pour une petite digue qui crève ! " écrit
Céline à Roger Nimier le 4 décembre (Lettres à la
NRF,p.481).
(Lettres
à Henri Mondor, éd. établie, présentée et annotée par
Cécile Leblanc, Gallimard, NRF, 2013).
*********************
A Hermann BICKLER
Le 30/12/60
Bien cher ami
Que cette
61 soit possible, ce serait déjà très beau, tout le
bonheur que je nous souhaite !
Certes il
faudrait nous rencontrer mille choses inconnues nous
séparent hélas ! d'abord nous sommes vieux et
démodés, nos histoires embêtent les gens !
Je n'ai pas vu
Epting.
Vous ne pouvez
pas vous faire une idée de notre vie ici, en cinq
minutes vous auriez compris... tout... pas du tout ce
que vous imaginez.
Par Epting vous
pourrez sans doute savoir ce que veut dire, s'il existe,
un Institut de Recherches historiques officiel de
Bonn dont le siège serait à Munich, et tout à fait
sérieux, qui après longues recherches aurait découvert
et publié qu'il n'y aurait jamais eu de fours à
gaz (Gas Kammer ) à Buchenwald, Dachau etc... ni
nulle part en Allemagne... il y en avait en
construction mais qui ne furent jamais terminés...
selon cet Institut.
Si vous obtenez
des documents voilà qui m'intéresserait fort, vous aussi
sans doute !
De
tout cœur votre meilleur ami.
Louis
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" Il faut qu'il y ait
dans chaque lettre quelque chose de " célinien ". Cet
écho, il le cherche tantôt dans le désabusement, tantôt
dans la provocation, tantôt seulement dans une réflexion
à allure philosophique, mais toujours avec un accent qui
pourrait être celui de Bardamu. Déjà la correspondance
se relie à l'œuvre par un cordon ombilical ". (Henri Godard, préface,
Lettres, La Pléiade 2009).

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