|
ACTUALITES - INFOLETTRES
POUR RECEVOIR L'ACTUALITE CELINIENNE AU TRAVERS D'
UNE INFOLETTRE BIMENSUELLE, VOUS DEVEZ COMMUNIQUER VOTRE
EMAIL A  
mouls_michel@orange.fr
EN ATTENDANT,
VOUS POUVEZ TELECHARGER CI-DESSOUS LES ANCIENNES ET LIRE
UN EXTRAIT DE LA DERNIERE
ANNEE 2025 |
Janvier |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Juin |
Juillet |
Août |
Septembre |
Octobre |
Novembre |
Décembre |
06 |
Info 152 |
12 |
Info 154 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
24 |
Info 153 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
LOUIS-FERDINAND
CÉLINE :
SES IDÉES
Florilège : visions très
divergentes de celles
de ses ennemis irréductibles
habituels… |
|
|
|
|
Pierre Duverger |
Les
pamphlets, moi, c'est ce qui me
passionne le plus. Je suis resté
longtemps sans les relire et je
trouve que c'était une vision
d'avenir qui est devenue une
vision du présent. Tout
simplement. Par exemple, quand
vous lisez Bagatelles et
sa visite dans un hôpital de
Russie, c'est une page
extraordinaire ! En plus, c'est
très marrant. Avec ce docteur
russe qui n'était pas du tout
dupe de cette mistouflerie
soviétique et qui n'arrête pas
de dire : " Tout va bien ! "
Céline l'avait appelé évidemment
Toutvabienovitch ! (rires).
(Propos
recueillis par Pascale
Charpentier, émission " Rigodon
pour une autre fois ", dif usée
le 26 mars 1992 sur
France-Culture, BC janv. 2004). |
|
|
 |
Jean Molino |
Pourquoi
être toujours obligé de déclarer
- sous la pression des
moralistes de gauche, qui ne le
cèdent en rien aux moralistes de
droite - qu'on se désolidarise
de ses idées ? Pour le dire
franchement, on s'en fout de ses
idées et ce n'est ni à cause ni
pour ses idées qu'on le lit,
mais parce que c'est - on le
voit déjà mais on le comprendra
de plus en plus et ce sera un
des étonnements de nos
successeurs de constater qu'on
n'a pas voulu s'en apercevoir
plus tôt - un des plus grands,
le plus grand sans doute depuis
Proust, et peut-être le seul qui
ait une stature plus
qu'hexagonale.
(Commentaires
n°44, hiver 1988-1989, Lettre à
mon cousin sur le roman français
depuis la guerre, BC n°84, août
1989). |
|
|
|
|
Tarmo Kunnas
Céline veut, à
tout prix, se montrer différent
des intellectuels de son époque,
car il les méprise, Céline a
recours à la langue populaire et
à l'argot parce qu'il croit que
la langue littéraire est devenue
trop abstraite, trop
intellectualiste, trop
académique. Les ressources du
langage académique lui
paraissent taries : c'est pour
cela qu'il puise dans le langage
concret, imagé, populaire, loin
des règles, des conventions, des
grammairiens et des professeurs.
C'est là qu'il croit retrouver
l'émotion directe et subjective
et éviter la contamination d'un
intellectualisme coupé du réel.
(Tarmo
Kunnas, Drieu La Rochelle,
Céline Brasillach et la
tentation fasciste, Les Sept
Couleurs, 1972). |
|
|
|
" Nous voici
parvenus au but de vingt siècles
de haute civilisation et
cependant Aucun régime ne
résisterait à deux mois de
vérité. Je veux dire la société
marxiste aussi bien que nos
sociétés bourgeoises et
fascistes. "
(Discours à la
commémoration d'Emile Zola). |
|
|
|
|
Marc
Laudelout |
À force
de mettre cela en avant (son
racisme), on passe, à mon sens,
à côté de l'essentiel : tout
l'aspect métaphorique et
poétique d'une œuvre qui est
avant tout placée sous le signe
de l'émotion pure, bien
davantage que sous celui des
idées. [...] S'il fallait
absolument définir Céline, je le
verrais assez en homme ayant à
la fois des préoccupations
sociales liées à son esthétique
et le goût d'un certain ordre
naturel, fondé sur une tradition
très française bien antérieure à
la Révolution. Céline lui-même
étant à la fois profondément
mystique et athée, misanthrope
et altruiste, pacifiste et
violent dans l'expression de sa
pensée. Ce Gémeau avait de
multiples facettes, et il n'est
pas aisé de l'enfermer dans un
quelconque carcan, car l'on
trouve aussitôt des éléments qui
le contredisent. [...] Le vrai "
scandale Céline ", c'est
peut-être que Bagatelles pour
un massacre constitue malgré
tout un de ses meilleurs livres.
Je veux dire par là qu'il est
superbement écrit, d'une
drôlerie extraordinaire, comme
le reconnaissent d'ailleurs
aujourd'hui certains esprits
libres comme Philippe Sollers.
[...] Pour conclure, je
rappellerai que publier ne veut
pas dire approuver. Et que
donner à certains textes
sulfureux l'attrait de
l'interdit n'est pas forcément
judicieux. Une réédition dans
une collection comme les
Cahiers Céline en donnerait,
en outre, un aspect documentaire
qu'on ne pourrait confondre avec
quelque provocation malsaine.
J'ajoute que, de même qu'on peut
lire Sade sans devenir sadique,
on peut lire Céline sans pour
autant épouser ses idées. Le
lecteur doit être considéré
comme un adulte et n'a pas
besoin, il me semble, de censure
préalable.
(Propos recueillis par Charles
Champetier,
louisferdinandceline.free.fr/bulletin) |
|
|
|
Nicole Debrie |
Céline
attaque tout ce qui est
idéologique. Pour lui, la
vérité, c'est l'émotion. Tandis
que l'idéologie, c'est vraiment
le traquenard, c'est ce qui
limite et donne des œillères. On
voit ça en ce moment, on est
servi avec les socialistes. Ils
vont nous faire prendre le rouge
pour du vert, hein ? Il n'y a
rien à faire... Le traquenard,
c'est ça.
Quand Céline
rentre d'URSS, il évoque, à la
fin de Mea culpa, " le
nettoyage par l'idée ".
L'idéologie,
c'est ce qui permet de
guillotiner les gens, de les
fusiller... Bagatelles pour
un massacre est un manifeste
esthétique contre les
idéologies, la laideur, écrit
sous forme émotive et
poétique...
Les pamphlets
sont ils de grands livres ? Il y
a dans L'Ecole des cadavres
un florilège d'insultes
extraordinaires. Si on veut
renouveler son vocabulaire, il
n'y a qu'à lire L'Ecole des
cadavres, Bagatelles pour un
massacre et Les Beaux draps
sont également des grands
livres. Pourquoi ? Ils sont
poétiques. Dans L'Ecole,
on parle du " petit chat mutin,
lutin "... On voit aussi les
files de gens en Russie qui
attendent pour manger... Le vent
sur la Neva, à la fin... Il y a
des belles choses dans les
trois...
D'ailleurs,
comme pamphlets, je ne sais pas
si vous avez vu, j'ai situé
Semmelweis, mais également
Entretiens avec le Professeur
Y qui est une charge contre
la littérature contemporaine. "
Qu'est-ce qu'il a fait ? Oh, il
a baisé sa grand- mère... "
Enfin, je veux
dire, c'est une sacrée charge,
et très comique en même temps.
(Propos
recueillis par Emeric Cian-Grangé,(BC
n° 368, novembre 2014, p.17) |
|
|
|
Lucette Destouches
Ce que je voudrais dire à ce
sujet, c'est qu'en 1937, et en
général dans les années qui ont
précédé la guerre, il y avait
beaucoup d'Israélites parmi les
producteurs d'armes. C'était
d'ailleurs un médecin juif
collègue de Louis à la Société
des Nations qui le lui avait
confirmé. Pour Céline,
s'attaquer aux juifs, c'était
s'attaquer aux fauteurs d'une
guerre dont il pressentait
qu'elle serait horrible. Et puis
il faut dire aussi que Louis
venait d'une famille de petits -
bourgeois où l'antisémitisme
était de rigueur, on y était
antidreyfusard et maurassien. Il
n'était pas le seul d'ailleurs.
D'autre part on oublie aussi que
Céline eut toujours des amis
juifs |
|
|
|
|
comme Abel Gance,
Stravinsky et Jacques Deval.
Encore une fois,
je voudrais insister sur ce fait
que pour Céline les juifs
c'étaient les " Gros " et, à cet
égard j'ai pour lui un jugement
de Maurice Clavel qui écrivait
voici dix ans à Jeune Europe
: " Ils ont titré (L'Express)
: " Voyage au bout de la haine
". Ce n'est pas vrai. C'est
toujours au bout de la nuit, la
nuit sans fin d'un cœur, organe
rouge, chaud et musclé, dans la
misère du monde, la sienne... Il
ne s'est occupé que de la
maladie des pauvres. Riches de
droite et riches de gauche
riez... Vous avez éternellement
gagné les guerres. " C'est bien
ça non ?
(Jean-Claude
Zylberstein, Rencontre avec
Lucette Destouches, Combat, 21
février 1969, dans Spécial
Céline n°5, mai-juin-juillet
2012)
" Je ne renie
rien du tout... je ne change pas
d'opinion du tout... je mets
simplement un petit doute mais
il faudrait qu'on me prouve que
je me suis trompé, et pas moi
que j'ai raison. "
(Louis-Albert
Zbinden, Miroir du temps,
Radio-Télé Suisse Romande, 25
juillet 1957). |
|
|
|
|
Marc-Edouard Nabe |
Céline
était pris au sérieux comme
écrivain, mais pas comme
pousse-au-crime, il ne faut rien
savoir de l'époque pour soutenir
le contraire... [...] Il n'a
jamais fait une seule action
antisémite de sa vie. Tant que
les esprits ignorants ou
partisans n'auront pas compris
ça, je ne leur trouverai pas le
droit de s'exprimer sur la "
saloperie " d'un homme pareil.
Bagatelles pour un massacre,
dont personne ne comprend d'où
vient le titre (y compris les
céliniens), n'a pas poussé des
gens à faire concrètement du mal
aux juifs. Et je dirais même à
en penser.
(Le Point, 27
juin 2011). |
|
|
|
Pierre Gripari |
Il y a
dans Bagatelles pour un
massacre, une vision quasi
prophétique de tout ce que nous
voyons se réaliser aujourd'hui :
règne des " idoles " (le mot y
est !), de la camelote ; de
l'avachissement généralisé ;
dévalorisation de la chose
peinte ; de la chose chantée, de
la chose écrite. Le titre
signifie que la Seconde guerre
mondiale, qui se préparait
alors, serait avant tout une
guerre coloniale juive, ce
qu'elle fut en effet. Voilà ce
qui rend ce livre dangereux, il
est vrai. "
(Pierre Gripari
dans Frère Gaucher ou le voyage
en Chine, L'Age d'homme, 1975,
in BC n ° 101, p. 5). |
|
|
|
|
Céline a déclaré
un jour écrire « pour rendre les
autres [écrivains] illisibles ».
De ce côté là il n’a pas mal
réussi ; il y a désormais un
avant et un après Céline. Je
retournerais volontiers la
question : « pour qui Céline
écrivait-il » en « contre qui
Céline écrivait-il ». Il écrit
contre la guerre, les petits
colons, les gadoues
banlieusardes, contre la Mort,
le cancer du rectum, contre
lui-même (liste non exhaustive).
Chez Céline, écrire est un cri,
celui d’Edvard Munch.
(Propos
recueillis par Emeric Cian-Grangé
Le Petit Célinien, 21 octobre
2012). |
|
|
|
J'ai pas d'idées
moi ! aucune ! et je trouve rien
de plus vulgaire, de plus
commun, de plus dégoûtant que
les idées ! les bibliothèques en
sont pleines ! et les terrasses
des cafés !... tous les
impuissants regorgent d'idées
!... et les philosophes !...
c'est leur industrie les idées
!... ils esbroufent la jeunesse
avec ! ils la maquereautent !...
la jeunesse est prête vous le
savez à avaler n'importe quoi...
à trouver tout : formidââââble !
s'ils l'ont commode donc les
maquereaux !
(Entretiens
avec le Professeur Y, folio,
p.18) |
|
|
|
|
Pierre de Boideffre |
On peut
aussi plonger, comme Kafka,
jusqu'au fond du gouffre, et
soulever le couvercle de la
marmite que des siècles de
civilisation tiennent refermé
sur la commune humanité. Céline,
lui, a prêté sa voix à ceux qui
n'avaient pas le droit de se
plaindre parce qu'ils n'avaient
pas de langage. On ne sera
tranquille que lorsque tout aura
été dit, une bonne fois pour
toutes, alors enfin on fera
silence et on aura plus peur de
se taire. Ça y sera. Ne croit-on
pas entendre ici un des
personnages-troncs de Samuel
Beckett, la voix inexorable qui
coule dans la tranquillité de la
décomposition et qui n'imagine
pas d'autre fin que celle de la
merde qui attend la chasse d'eau
?
(Sur
la postérité de Céline, Cahiers
de l'Herne poche-club, 1968). |
|
|
|
Paul Del Perugia |
C'est ce
Céline qu'il faut voir en
retrait de l'écrivain
invariablement dénoncé comme
débridé pour l'accuser ensuite
d'une vulgarité étrangère à sa
nature. En cheminant, il fit
deux confidences. " L'amour en
réserve, dit-il d'abord, il y en
a énormément. On peut pas dire
le contraire. Seulement, c'est
malheureux qu'ils demeurent si
vaches avec tant d'amour en
réserve les gens. Ça ne sort
pas, voilà. C'est pris en
dedans. Ça leur sert à rien. Ils
en crèvent, en dedans, d'amour.
" (Voyage, p.498). A
cette confidence peut s'en
ajouter une autre : " Le fond de
l'histoire ? Personne ne l'a
jamais compris. Ni mon éditeur,
ni les critiques, ni personne.
(...) La voilà ! C'est l'amour
dont nous osons encore parler
dans notre enfer. "
(Cahier célinien
I, Bromberger ). (Céline et l'âme,BC
n °158) |
|
|
|
Rediscuter le
terme " pamphlets " pour lequel
je propose celui de " poèmes "
comme Céline lui-même le
désirait. (...) Chefs-d'œuvre
littéraires de grande beauté.
Quant à leurs morceaux violents,
j'ai cherché d'en comprendre les
raisons en les remettant dans
leur contexte historique et en
les voyant surtout, à la lumière
du " délire célinien " et de la
violence qui naît en lui pour la
défense des faibles... Dans
Bagatelles, il se déchaîne
encore pour sauver le faible qui
est dans ce cas le " bleu ", la
chair à canons. Si ensuite, nous
définissons comme " pamphlets "
ces livres, alors pour moi,
La Divine Comédie et
l'Evangile selon Mathieu le
sont également.
(Céline,
l'enterré vivant, BC n° 188,
juin 1998). |
|
|
|
|
Je suis
anarchiste depuis toujours, je
n'ai jamais voté, je ne voterai
jamais pour rien ni pour
personne. Je ne crois pas aux
hommes. Pourquoi voulez-vous que
je me mette à jouer du bigophone
soudain parce que douze
douzaines de ratés m'en jouent ?
moi qui joue pas trop mal du
grand piano ? Pourquoi ? Pour me
mettre à leur toise de rétrécis,
de constipés, d'envieux, de
haineux, de bâtards ? C'est
plaisanterie en vérité. Je n'ai
rien de commun avec tous ces
châtrés.
(à son ami Elie Faure datée du
14 avril 1934). |
|
|
|
|
Nicholas Hewitt |
Les juifs
forment une race. Or, cette race
a imposé sa mentalité aux
Européens par le truchement du
christianisme. Céline estime que
les Européens sont enjuivés,
devenus " juifs synthétiques ",
c'est-àdire " sans culture,
aliénés, colonisés " ; et
Philippe Bourdrel termine sa
courte analyse de Céline avec
une citation également tirée de
L'Ecole des cadavres : "
Si vous voulez vraiment vous
débarrasser des Juifs... alors,
pas trente-six mille grimaces,
pas trente-six mille moyens : le
racisme. Les Juifs n'ont peur
que du racisme. "
(Nicholas
Hewitt, BC n ° 215, décembre
2000). |
|
|
|
Philippe Murray |
En
somme, qu'avait-il découvert de
si horrifiant, qu'il lui fallut
à tout prix une politique, un
projet, pour y échapper ? Et
enfin, qu'a-t-on mis exactement
en prison, qu'a-t-on mis au
trou, dans le trou de la mémoire
sociale, pendant ces années
d'après-guerre où on le fit
disparaître dans les glaces,
là-bas, là-haut, vers la
Baltique ?
Qu'avait-on besoin furieusement
d'oublier à travers l'oubli de
Céline ? Quelle amnésie
volontaire recouvre pour tous,
le signifiant Céline ?
(Philippe Muray,
Céline, Bibliothèque Médiations,
Denoël, 1984, p.40). |
|
|
|
|
Parce qu'il a
tout fait voler en éclats, aussi
bien les formes classiques de la
littérature que le langage
conventionnel et la syntaxe
sclérosée, on a hurlé au
sacrilège et on l'a condamné.
Mais qu'on relise les livres de
Céline ! On verra que cette
poésie frénétique - souvent
sarcastique - cet irrespect
total, cette fresque digne de
l'Apocalypse, cette violence
verbale parfois irritante, ne
sont que les produits d'une
générosité incomprise, bafouée ;
d'une sensibilité immense et
d'une pitié impatiente.
(André Brissaud, L'Herne, 1963). |
|
|
|
Breton, je suis
mystique, messianique, fanatique
tout naturellement - sans effort
- absurde - j'ai été élevé tout
naturellement en catholique =
baptême, première communion,
mariage à l'église, etc. (comme
38 millions de Français) La foi
? hum ! c'est autre chose -
comme Renan, hélas, comme
Chateaubriand, en désespoir...
Pire, je suis médecin - Et puis
païen par mon adoration absolue
pour la beauté physique, pour la
santé - Je hais la maladie, la
pénitence, le morbide - grec à
cet égard totalement.
(Lettre
à Milton Hindus du 23/08/1947). |
|
|
|
|
Jacques d'Arribehaude |
Céline,
au fond, a vu juste dès 37, dès
" Bagatelles " : " La
mesure du monde actuel, ce sont
des mystiques mondiales dont il
faut se prévaloir ou
disparaître. " Dans ces
conditions Hitler n'est plus "
qu'un mage de Brandebourg "
fatalement condamné, son
ambassadeur à Paris, Abetz, un "
fléau de médiocrité, un emplâtre
de vanité terrible, un clown
pour cataclysme. " Homme
d'une inconséquence remarquable,
écrit Seebold, Céline a subi son
châtiment pour des ambiguïtés
qu'il fut lui- même incapable de
résoudre ; proallemand/patriote
n'aimant pas les Allemands -
Violent dans ses écrits/médecin
dans la vie. Encore faut-il
préciser ici : médecin des
pauvres, essentiellement. Dans
sa démesure, on pourrait ajouter
que le combat solitaire et fou
de Céline n'est pas sans évoquer
la figure de Quijote et ce qu'il
y avait de désespéré dans
l'ironie de Cervantès, de
nostalgie profonde à l'égard
d'un passé irrémédiablement
englouti (et sans doute
imaginaire) de chevalerie, de
charme naïf et de féerie
perdue.
(BC n°
120, sept. 1992). |
|
|
|
Pierre Lalanne |
Il juge.
Il dénonce. Il s'emporte. Il
écrit et exagère toujours en se
noyant dans les excès propres à
son génie. Il sait que l'avenir
n'appartient plus à sa patrie
qu'il aime tant et que tout le
reste est du blabla et du bourre
mou. En fait, si Céline peut se
réclamer d'une idéologie
quelconque, c'est celle de
l'Apocalypse, celle du
cataclysme intégral, de la
grande finale, celle de son
monde dont il est le seul à
avoir compris, prédit et décrit
les derniers soubresauts ; la
seule fin possible lui
permettant de s'offrir
l'envergure nécessaire à la
magnificence de son style.
Céline n'est pas raciste dans le
sens du terme, l'infériorité et
la supériorité en fonction de la
race ne le concernent pas, il
connaît trop bien l'humain pour
tomber dans ce piège ; l'humain
est une ordure quelque soit la
couleur de sa peau. Il
pressentait les dangers propres
à notre temps, la globalisation,
l'uniformisation, la fin des
particularismes et la
disparition de sa France avec
laquelle il a grandi et pour
laquelle il a versé son sang.
(Louis-Ferdinand
Céline et les idéologies, 21 mai
2009). |
|
|
|
Céline s'en
prend aux élites qui cachent
leur impuissance face aux forces
de la mort sous des discours
humanitaires, des phrases
mortes, des mensonges
idéologiques, et que la mort de
peuples, de poésies, de langues,
de musiques, ne gêne pas outre
mesure. Nous voici dans la
poétique et non dans la
politique. M. Crapez ne parle
pas de L'Eglise non plus. Il
passe à côté de l'intérêt
esthétique, capital, chez
Céline, beaucoup plus important
que l'intérêt politique. Cette
politique qu'il traitait par le
mépris en se servant de
folliculaires afin de faire
passer par la politique le
message esthétique, vital,
essentiel. Il avait refusé de
monter sur l'estrade des
bateleurs - comme Aragon l'en
avait conjuré - mais à présent
que la bête immonde de la guerre
était entrée dans l'arène, il
fallait bien y descendre et
affronter la foule hystérique.
(Marc Crapez. La
gauche réactionnaire, Berg
international Ed coll. " "Pensée
Politique et Sciences Sociales,
1997). |
|
|
|
|
La grande
prétention au bonheur, voilà
l'énorme imposture ! C'est elle
qui complique toute la vie ! Qui
rend les gens si venimeux,
crapules, imbuvables ! Y a pas
de bonheur dans l'existence, y a
que des malheurs plus ou moins
grands, plus ou moins tardifs,
éclatants, secrets, différés,
sournois...
(Mea culpa,1936). |
|
|
|
|
David Alliot |
Le plus
souvent, ce sont les personnes
qui ne l'ont jamais lu qui en
parlent le plus. Le personnage
est complexe, et il n'a eu de
cesse de brouiller les pistes !
Surtout auprès des personnes qui
l'ont fréquenté... Nationaliste,
belliciste (récupérer
l'Alsace-Lorraine), raciste et
antisémite.. Ni plus ni moins
que les autres Français de sa
génération. La cassure, c'est la
guerre de 1914, après, il n'est
plus tout à fait le même. Je
pense sérieusement (mais cela
n'engage que moi), que Céline
courait après un paradis perdu ;
sa jeunesse, insouciante et
heureuse. Il n'a jamais quitté
le monde de l'enfance.
(Céline au
kaléidoscope, propos recueillis
par Frédéric Saenen, Spécial
Céline n°1, juillet-août 2011). |
|
|
 |
François Gibault |
Pourquoi
continuezvous à interdire la
réédition des pamphlets
antisémites de Céline ? Parce
que ce sont des écrits
politiques et de circonstance
publiés dans un contexte
international très particulier.
L'idée de Céline - d'ailleurs le
bandeau de " Bagatelles pour
un massacre ", qui a été
vendu à près de 100 000
exemplaires, précisait " Pour
bien rire dans les tranchées " -
était d'éviter la guerre entre
la France et l'Allemagne. Il
pensait que les juifs poussaient
à un conflit contre Hitler.
Evidemment Céline étant Céline,
ses pamphlets sont complètement
outranciers. Les publier
aujourd'hui serait une forme de
provocation.
(Propos
recueillis par Thomas Mahler, Le
Point n° 2017, 12 mai 2011). |
|
|
|
 |
Christian Authier |
|
|
Comment peut-on encenser
quelqu'un qui a écrit des textes
antisémites ? Rassurons notre
Tartuffe. Les pamphlets de
Céline sont censurés et tombent
sous le coup de la loi. Que
faire de plus ? Crever les yeux
de ceux qui les ont lus depuis
50 ans ? Sauf erreur, c'est bien
Malraux et non Céline qui est au
Panthéon ! De même, ce sont les
thuriféraires de Staline, Mao et
Pol Pot - comme Sartre - qui
sont étudiés dans les lycées ! |
|
|
|
Derrière le
charabia abscons, l'invective
plate, les pathétiques
difficultés avec la syntaxe, la
médiocrité étalée et satisfaite
d'elle-même, la bassesse des
contrevérités apparaît la sale
gueule du politiquement correct.
Un jour, peut-être, ces gens-là
gagneront la partie. Ils
ouvriront des camps de
concentration pour que plus
jamais le fascisme ne revienne.
Ils brûleront les livres de
Céline pour lutter contre
l'intolérance. Nous vivrons dans
le meilleur des mondes.
(Contre
Céline, tout contre, L'Opinion
indépendante du Sud-Ouest, BC
juillet-août 1997).
Pas d'or pas de
révolution. Les damnés pour
devenir conscients de leur état
abominable il leur faut une
littérature, des grands apôtres,
des hautes consciences, des
pamphlétaires vitrioleux, des
meneurs dodus francs hurleurs,
des ténors versés dans la chose,
une presse hystérique, une radio
du tonnerre de Dieu, autrement
ils se douteraient de rien, ils
roupilleraient dans leur belote.
" Les Beaux draps " |
|
|
|
|
Frédéric Dard |
Je pense
que Céline est vraiment
l'écrivain qui m'a le plus
télescopé. D'abord par le
courage, ou l'inconscience,
qu'il a eu dans la démesure.
C'est vers seize ans que j'ai
rencontré un type qui m'a fait
découvrir Voyage au bout de
la nuit. Ma pensée s'est
mise à vibrer au rythme de ses
phrases. Ça a chamboulé ma vie
(...) Ce que sa littérature m'a
donné : une espèce de notion de
l'écriture, mais aussi de la
vie, de la dérision universelle.
Avant même son style, c'est
l'outrance. Rien ne lui résiste.
C'est un vociférateur, un
imprécateur. Et puis dans un
deuxième temps, c'est le charme.
Il y a un sortilège. Vous
découvrez un grand littérateur,
un type qui a une vraie
puissance évocatrice, un type
qui sait vous investir d'une
façon fabuleuse. Vous vous
sentez infiniment petit et vous
vous demandez qui peut faire
mieux. Aujourd'hui, avec un peu
de recul, si je ne devais
retenir qu'un seul bouquin, ce
serait plutôt Mort à crédit.
(Le Matin,
Lausanne, propos recueillis par
B. Léchot, 5 décembre 1994). |
|
|
 |
Jacqueline Morand-Deviller |
Le
premier pamphlet de Céline ne
témoigne pas de prises de
position racistes.
Les principaux thèmes
antisémites de l'époque y sont
évoqués abondamment, traités sur
un mode apparemment ironique
qui, en d'autres circonstances,
n'aurait pas fait prendre
l'auteur au sérieux. Le thème
central de l'ouvrage est la
dénonciation de l'état de
décadence de la France, sa
grande singularité et ce qui,
dans une relative mesure, peut
permettre quelque indulgence à
l'encontre de Céline antisémite,
c'est que les Aryens, non les
Juifs, y sont les principaux
accusés. Cette démarche est
insolite. Céline non seulement
rend les Aryens responsables de
l'emprise juive, mais il les
accable de tares tout aussi
graves et les dépeint sous des
traits tout aussi cruels : le
Blanc, le Français surtout,
exècre tout ce qui lui rappelle
sa race.
(Les
idées politiques de L.F.Céline,
Pichon et Durand, Auzias,1972). |
|
|
|
Un jour, enfin,
j'ouvris Voyage au bout de la
nuit, ce livre qui dormait
d'un sommeil d'explosif à la
vitrine d'un libraire. (...) Je
découvrais l'œuvre d'un homme
qui propageait instinct et
émotion comme se propage la lave
en fusion, un homme qui se
délivrait de l'entrelacs des
illusions dans une langue que
les cancres savants ignoreront
toujours. Cet homme de culture
avait aussi appris la vie dans
la vie : la guerre, les voyages,
le dispensaire d'une banlieue de
fin du monde. Il ne se |
|
|
|
|
penchait pas sur
ces compagnons de déroute et de
misère avec un idéalisme de
commande dans le but de tonifier
(démagogiquement) le lecteur ou
de se requinquer soi-même. (...)
Depuis, pour moi, nul auteur n'a
supplanté Céline dans ce
Panthéon personnel que chaque
amoureux des livres édifie.
(Un aventurier
du langage, Van Bagaden,
Céliniana, 1990).
Rien ne peut
modifier, atténuer, exalter le
ton, la valeur, la joie d'une
âme. Propagandes, éducations,
violences, intérêt, souffrances,
et même le fameux Amour
n'atteignent pas l'âme. L'âme
s'en fout. Rien ne peut
l'appauvrir, rien ne peut
l'enrichir, ni l'expérience, ni
la vie, ni la mort. Elle s'en va
comme elle est venue, sans rien
nous demander, sans rien nous
prendre
(L'Ecole des
cadavres). |
|
|
|
|
Kléber Haedens |
L'œuvre
de Céline restera dans ses
moments forts comme la plus
grande épopée populaire
qu'aucune littérature ait jamais
pu créer. Elle a inventé un
monde presque fabuleux où l'on
entend la terrible musique de
notre siècle, où la réalité la
plus nue, demeure toujours
présente, où le Petit Poucet est
désormais le mince enfant des
faubourgs, où les remorqueurs
sur les rivières et les
cheminées des usines remplacent
les tapis volants et les forêts
des contes, où le rire le plus
violent et le plus amer qui ait
jamais frappé les oreilles des
hommes éclate à chaque page, se
mêlant à la rumeur du monde,
s'arrêtant parfois pour nous
faire entendre un air délicieux
de mélancolie.
(Paris-Presse, 5
juillet 1961, après le décès de
L.-F. C.). |
|
|
|
Paul Morand |
" Le
monde a le feu dans les soutes
et va probablement sauter. "
Bernanos l'a dit, mais Céline
l'a vécu, l'a hurlé, comme une
bête blessée qui va mourir dans
la neige de son exil.
Que l'exil à
gauche est doux, auprès du sien
: de Calvin à Genève, de Hugo à
Guernesey, avec mains tendues et
bras ouverts ; aucune université
américaine pour offrir une
chaire à Céline.
Le voici dans le
silence posthume, après l'autre
; il ne suce pas ce sein rebondi
qu'est la coupole du Panthéon ;
c'est un pauvre chien d'aveugle
qui s'est fait écraser, tout
seul, pour sauver son maître
infirme, cette France qui
continue à tâter le bord du
trottoir. "
(Céline
et Bernanos, L'Herne n°3, 1963). |
|
|
|
|
Vous êtes un des
très rares qui nous interdisent
la tranquillité. J'ajoute aussi
qu'après avoir eu l'impression
que vous haïssiez tous les
êtres, je me suis aperçu que ce
dont vouliez au contraire - tant
est grand votre amour des êtres,
c'est qu'il ne soit pas plus
grand encore ; et qu'il reste
impuissant à sauver ceux dont
vous connaissez pourtant toutes
les tares. Cette impossibilité
d'être utile à qui que ce soit,
telle est une des plus grandes
leçons de votre livre, et qui
pousse au délire notre dégoût de
nous-mêmes. Il faut, je crois,
que vous ayez beaucoup souffert
pour être capable de nous
convoquer, sans en parler, à un
si grand amour.
(Lettre
ouverte à L.F. Céline, Esprit,
1er mars 1933, 70 critiques de
Voyage... Imec Ed. 1993). |
|
|
|
Pas besoin de
diables. L'homme est un démon.
L'enfer est ici.
Particulièrement en prison. Si
tu y avais passé, et tes curés,
ces problèmes ne vous
turlupineraient plus. La
pénitence est mille fois faite.
Qui a souffert l'injustice
majeure est en état de grâce. Il
emmerde et la terre et le ciel,
et le bon Dieu avec.
(Lettre au
docteur Clément Camus, 7 juin
1948). |
|
|
|
|
Frédéric Vitoux |
Un mot de
conclusion ? Quand j'ai commencé
à travailler sur Céline, je ne
soupçonnais pas à ce point
l'importance de l'écrivain.
Chaque fois que je relis Céline,
je suis émerveillé. Un exemple ?
Ayant eu à évoquer récemment la
débâcle de 1940, j'ai lu des
reportages, des témoignages, des
textes littéraires pour me
replonger dans cette ambiance.
Dans le prologue de Guignol's
band, je tombe sur cette
description des foules de civils
en fuite sur les routes, et des
blindés français rescapés
refluant eux aussi vers le sud,
et dont la population s'écarte :
" Orageante ferraille à
panique ", dit-il de ces
chars d'assaut en retraite.
Formidable formule ! Trois mots
! Tout est dit ! C'est
shakespearien. La terreur, la
vocifération, le ridicule. Tout
l'art d'un écrivain est d'avoir
de tels bonheurs d'expression.
Le sens du raccourci. Des
allitérations. Des images. Bref,
le génie.
(Propos
recueillis par Marc Laudelout et
Arina Istratova, BC n° 273, mars
2006). |
|
|
|
Georges Bernanos |
Pour
nous, la question n'est pas de
savoir si la peinture de M.
Céline est atroce, nous
demandons si elle est vraie.
Elle l'est. Et plus vrai encore
que la peinture ce langage
inouïe, comble du naturel et de
l'artifice, inventé, crée de
toutes pièces à l'exemple de
celui de la tragédie, aussi loin
que possible d'une reproduction
servile du langage des
misérables, mais fait justement
pour exprimer ce que le langage
des misérables ne saura jamais
exprimer, leur âme puérile et
sombre, la sombre enfance des
misérables.
[...] Seulement n'importe quel
vieux prêtre de la Zone, auquel
il arrive de confesser parfois
les héros de M. Céline, vous
dira que M. Céline a raison.
(Au bout de la
nuit, le Figaro, 13 déc. 1932,
70 critiques de Voyage... Imec
Ed. 1993). |
|
|
|
Céline est le plus grand génie
lyrique que la France ait connu
depuis Villon. Ferdinand et
François sont des frères presque
jumeaux. Les frontières et les
régimes politiques changeront et
Céline demeurera. Les étudiants
des siècles futurs réciteront "
La mort de la vieille bignole "
après " La ballade des pendus
", scruteront pierre à
pierre les inépuisables
richesses de Mort à crédit,
cette cathédrale et s'étonneront
d'un procès ridicule. Vouloir le
juger, c'est mesurer une
montagne avec un mètre de
couturière. Ses juges devront se
résigner à entrer dans
l'histoire avec un visage de
caricature.
(Le
Libertaire, 27 février 1950). |
|
|
|
|
Il ne faut plus
commettre les fautes de 71.
Crever pour le peuple oui -
quand on voudra - où on voudra,
mais pas pour cette tourbe
haineuse, mesquine, pluridivisée,
inconsciente, vaine, patriotarde
alcoolique et fainéante
mentalement jusqu'au délire. Le
mur des fédérés doit être un
exemple non de ce qu'il faut
faire mais de ce qu'il ne FAUT
PLUS FAIRE. Assez de sacrifices
vains, de siècles de prison, de
martyrs gratuits. Ce n'est plus
du sublime, c'est du masochisme.
(A Elie
Faure, fin mai 1933). |
|
|
|
|