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CÉLINE, QUEL GENRE DE
MÉDECIN ?... |
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Pierre Dominique (de son
vrai nom Dominique Luchini,
docteur en
médecine, écrivain,
polémiste et journaliste
1889-1973) :
" Les critiques qui
crièrent au grand
écrivain en 1932 furent des
esprits sagaces.
Ils mesurèrent exactement la puissance - la force de frappe -, mais aussi
la grandeur, la hauteur de
ton de cet anarchiste
supérieur.
Céline, c'est un homme seul,
qui grogne, qui gronde, qui
insulte, qui proteste, qui
vitupère.
Il n'a personne derrière
lui, ni parti, ni confrérie,
ni ligue, ni église.
Comme il parle librement,
il dit son fait à tous les
princes, à tous les
marchands, à tous les
esclaves, et il multiplie
ainsi ses ennemis.
Il est brutal, grossier, il
appelle les gens et les
choses par leur nom ; il y a
en lui du carabin qui vous
envoie un morceau
de macchabée par la figure,
histoire de
plaisanter. Ou histoire de
se défendre. "
(BC n°228, février 2002). |
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Richard Millet (romancier,
essayiste,
éditeur chez Gallimard) :
" Il écrit ceci : " Je n'ai
pas toujours pratiqué la
médecine, cette merde. "
" Cette merde " est non
seulement le coup de couteau
donné à une toile qui
menaçait d'être trop bien
léchée, mais aussi aux
conventions littéraires dont
l'académisme français du XXe
siècle
marquait le triomphe.
Avec " cette merde "
commence non pas l' "
accident du tout à l'égout "
dont parlait Gracq, mais le
branchement sur le grand
collecteur de l'âme humaine.
Les temps ont changé - mais
pas le goût ; or il est
possible que " cette
merde " relève du goût même.
C'est un
médecin qui parle, et un
médecin des pauvres. La
faute de goût érigée en
principe ? Non. C'est par
son vocabulaire que Céline
déchire la prose pompier de
son temps, et non par sa
syntaxe, tout juste
tintinnabulante (et pas
aussi musicale qu'il le
voulait, et parfois même
antimusicale au possible).
(Gallimard, 2010, BC n°
329). |
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Pierre Drieu la Rochelle
(écrivain,
romancier, essayiste et
journaliste 1893-1945) :
" - (...) Céline, lui, est
bien équilibré. Céline a le
sens de la santé. Ce n'est
pas sa faute si le sens de
la santé l'oblige à voir et
à mettre en lumière toute la
santé de l'homme de notre
temps. C'est le sort du
médecin qu'il est, du
psychologue foudroyant et du
moine visionnaire et
prophétisant qu'il est
aussi ".
(...) Cette facette religieuse de Céline,
Drieu a peut-être été le
seul à la mettre en
évidence.
" C'est un homme qui ressent
les choses
sérieusement et qui, en
étant empoigné, est
contraint de crier sur les
toits et de hurler au coin
des rues la grande horreur
de ces choses.
Au Moyen Age, il aurait été
dominicain, chien de Dieu ;
au XVIe siècle, moine
ligueur : il est lié à la
totalité de la chose
humaine, bien qu'il ne la
voie que dans l'immédiat du
siècle. "
(Article de la NRF, mai
1941, Frédéric Saenen, BC n°
161, fév. 1996). |
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Pierre Jules Marie Raoul
Néraud Le Mouton de
Boisdeffre, diplomate, homme
de lettres, critique
1926-2002 :
" Sans doute, pendant
quelques siècles,
l'humanité s'est-elle
étourdie. Elle croyait à la
Science, au Progrès, à la
Gloire. Cherchant à
rassembler, à travers
révolutions et guerres, ses
forces dispersées, elle
aspirait à l'unité.
Céline a peint, dans
Semmelweis - le moins
connu et peut-être le plus
beau de ses livres - ces
noces énormes de
l'homme et de l'Histoire, le
va-et-vient des années 1789,
toutes frontières ravagées
et confondues dans un
immense royaume de Frénésie,
les hommes voulant du
progrès, et le
progrès voulant les hommes.
Vingt ans avant l'Homme
révolté de Camus, il
dénonçait l'utopie de cette
soi-disant libération :
l'Humanité s'ennuyait, elle
brûla quelques dieux,
changea de costume et paya
l'Histoire de quelques
gloires nouvelles. "
(Sur la postérité de
Céline, Cahiers de
l'Herne poche-club, 1968). |
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Rabelais(prêtre,
médecin et écrivain,
né entre 1483 et
1494 mort en 1553) :
" De plus, Céline et
Rabelais sont des
médecins.
Ils sont très
proches des misères
et des souffrances
de l'homme, de ses
faiblesses, et ils
côtoient la mort,
découvrent
l'humanité avec ses
peurs, ses angoisses
et ses craintes
inavouées.
Les deux médecins
s'efforcent de lever
le voile sur
l'aspect de
charnalité des
individus qui les
entourent, de dire
la vérité sans
fards, la vérité
toute nue, si laide
soit-elle.
Et de crier, de
clamer haut et fort
pour choquer,
réveiller les âmes
endormies ; péché de
jeunesse, d'une
jeunesse
étudiante un peu
folle qui prend
contact avec la mort
et les souffrances
du monde, qui, pour
les oublier, les
narguer, les
éloigner, comme pour
les
exorciser, s'en joue
et se fait un malin
plaisir de les
étaler au grand jour
pour les rendre
moins désagréables,
plus
acceptables. "
(Bulletin de
l'Association des
Amis de Rabelais,
Tours, 1994).
*
Etrange facétie du
destin : Céline
vécut les
dernières années de
sa
vie à Meudon, là où
Rabelais finit la
sienne
comme curé de
l'église
Saint-Martin).
(BC, oct. 1993). |
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Francine
Bloch :
- Ah bon ! Qu’est-ce
que vous
étiez à la
Société des Nations
?
- Epidémiologiste,
je
cherchais des
petites
bêtes. J’allais
chercher
des… anophèles, mais
je suis licencié ès
sciences naturelles.
- Ah oui…
- Ah mais,
j’apprenais
tout, moi. Alors,
j’apprenais les
sciences
naturelles, alors
j’apprenais
l’épidémiologie,
alors j’ai
fait de
l’épidémiologie et
alors c’était pour
la
Société des Nations,
on
m’avait mis là, la
fondation
Rockefeller
m’avait mis là, eux
m’avaient envoyé
partout.
Alors, au Congo… et
au
Dahomey… et puis au
Nigéria pour la
chasse à
la fièvre jaune
qu’était
pas encore décidée à
ce moment-là. Et
puis,
j’ai fait ça pendant
quatre ans. Et puis
en
rentrant ben mais à
la
Société des Nations
on
m’a dit que je
pouvais
pas rester parce que
j’étais pas riche.
Fallait
être riche pour être
à la S.D.N.
C’est très gentil,
mais fallait
beaucoup
d’argent. C’était
bien
payé, mais c’était
pas
assez, fallait
beaucoup
d’argent.
(Interview avec
Francine
Bloch. (Cahiers
de la
NRF, Céline et
l’actualité
1933-1961,
Gallimard,
janvier 2003, p.441) |
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Jean Clair,
pseudonyme de Gérard
Régnier,
conservateur du
patrimoine,
écrivain,
essayiste, historien
de l'art,
Académicien (2008):
" Céline, à l'autre
bord, du fond de ses
banlieues
déglinguées,
confessait sa misère
et
hurlait sa peine.
Peine
de classe
inexpiable,
insondable, en
laquelle
je me retrouvais
mieux.
Sans doute savait-il
lui
ce dont il parlait.
Qui
d'autre que lui
avait su
parler de " la haine
qui
vient du fond, qui
vient
de la jeunesse,
cette
pitié pudique,
bravasse
et juronnante du
toubib
de quartier, qui
remplaçait la
superbe
bavarde du
soi-disant "
Paysan de Paris
".
La vie des champs,
ici, c'était les
banlieues, la zone,
tout ce qui restait
des
fortifs, là où
Rousseau
allait herboriser,
du côté des Lilas et
de Romainville.
Chez Céline aussi,
pourtant, je
soupçonnais la
complaisance.
Courbevoie,
Clichy-la-Garenne et
Bezons, les
grosses chaussures
qui
blessent les pieds,
les
humiliations
quotidiennes, la
violence, les mots
orduriers et les
terrains
vagues, les
dispensaires
où poireautaient des
pauvres, plus
pauvres
encore de ne pas
savoir
dire ce qui les
afflige, je
savais ça par cœur.
"
(Jean Clair,
Journal
atrabilaire,
Gallimard, 2006, in
Petit Célinien, 13
nov. 2013). |
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Sigmaringen :
" Pour Céline et le docteur
Jacquot, le
travail ne manquait pas à
Sigmaringen, avec le froid
de l'hiver, les logements
précaires, la nourriture
insuffisante dont ce fameux
Stammgericht prodigieusement
laxatif, la promiscuité de
tous ces jeunes
paramilitaires, l'hygiène
plus que douteuse...
Grippes, phtisies, otites
se succédaient
sans parler des poux et des
puces, de la gale et de
toutes les maladies
vénériennes possibles.
Céline se rendait à
l'ancien couvent
Fidelis
transformé en une maternité
qui ne désemplissait pas.
Il tenait sa consultation
près du Danube,
l'après-midi, dans le
cabinet d'un dentiste
allemand qui avait été
mobilisé.
Il distribuait à tour de
bras les certificats de
complaisance pour ne pas
renvoyer sur le front les
jeunes recrues de la
Légion Charlemagne
promis à une mort presque
certaine et à une défaite de
toute façon inéluctable.
Le soir, il recevait encore
dans sa chambre d'hôtel
transformée en salle de
soin."
(Château et prison,
Sigmaringen, Poésie
française,
www.wikipoemes.com). |
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Soon be
over :
" Il en faisait pas mal
dans une nuit des
piqûres et des piqûres !...
chez les hommes et chez les
femmes... Il était tellement
miraux que je lui tenais sa
lanterne tout contre...
juste contre la fesse...
qu'il enfonce net son
aiguille... pas à côté ni de
travers...
Au bout d'une quinzaine de
jours que je revenais voir
la Joconde, on était devenus
comme copains, c'est moi qui
lui faisait ses piqûres, au
camphre, à la morphine, à
l'éther, l'usuel du courant,
c'est lui qui me tenait la
lanterne.
Soon be over !... Soon be
over !... la ritournelle. "
Bientôt fini ! " Je les ai
tout de suite
bien réussies les piqûres
avec ma patte
folle, c'est automatique une
patte folle, le malade sent
rien... un souffle... C'est
comme ça que j'ai débuté, un
petit peu ainsi clandestin
au " London Freeborn
Hospital " avec le docteur
Clodovitz
dans la carrière
professionnelle. J'ai
appris à dire tout comme
lui, tout de
suite, partout, Soon be over
! Ca va passer ! C'est
devenu comme une habitude,
un tic, quelque sorte... Il
s'en
est passé de mille couleurs
depuis le "
Freeborn Hospital " ! de ci,
de là, du bien, du mal, de
l'affreux aussi c'est
certain. Vous jugerez
vous-même. Sans idées
aucunes... arrêtées...
simplement dans le cours des
choses... c'est déjà beau
!... Soon be over !... "
(Guignol's band, Folio,
1972, p. 128)
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Je boirai tout ce que vous
voulez...
Et j'ouvrais la porte...
Car il me déguisait souvent
en infirmier pour qu'on
fasse la route ensemble,
consultations terminées...
Cette fois, c'est un
clochard...
- Ah ! toi ! Alors là, c'est
vrai ! Toi !... T'as
sûrement mal à l'estomac
!...
Le titubant, pénible,
pâteux...
- Oui !... docteur !...
c'est pas le manque
d'éducation... Mais c'est
l'estomac...
Et, dans un rot
retentissant, il éjecte un
jet de vin rouge sur le
carrelage.
- Mais, tu ne bois plus !
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- Non !... docteur !...
- Pas plus de quatorze
litres par jour ?
- Oui !... docteur !... Pas
plus !... mais c'est pas le
manque d'éducation...
- Je sais ! je sais ! C'est
pas le manque d'éducation,
mais c'est le gosier !
- Oui !... Le gosier,
docteur !... C'est ça !...
Le gosier !... C'est moi le
chauffeur de
la chaudière !... A l'usine
!...
- Ah !...
Et Louis devient subitement
grave et tendre :
- Alors ! Tu veux quinze
jours de perm ?
Deuxième giclée de vin rouge
!... Et dans un hoquet :
- Oui !... docteur !...
quinze jours !... Quinze
nuits !...
- Tu les as, si tu me jures
de boire ça !
- Je jure !... docteur !...
Et il s'écroule sur son
cul...
Je le relève, aidé par
l'infirmière (qui me prend
pour un étudiant en médecine
3e
année) et le docteur
Destouches rédige
l'ordonnance :
- Un litre H2O par repas
!... Le potard connaît la
formule !... Bois ça !
Duconneau
!... Et t'as quinze jours
de congé !...
- Alors, là !... C'est juré,
monsieur le docteur !... Je
boirai tout ce que vous
voulez
!... Quitte à en crever que
je vous dis !... Car... moi
!... c'est plutôt le rouge
!... la
boisson !... Merci !... mon
docteur !...
Et brusquement, raide comme
un piquet, la tête haute, le
regard droit, tel un
Légionnaire, il claque les
talons, nous salue
militairement et sur un
demi-tour
impeccable nous quitte... A
nouveau titubant,
graillonnant... :
Tiens ! Voilà du boudin !
Voilà du boudin !...
(Henri Mahé, La
Brinquebale avec Céline,
Ecriture, 2011, p.30). |
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Tremblements...
- Cher Maître, dit Roger
Nimier, j'ai le plaisir de
vous présenter mon frère de
lait, Jean Namur, qui vous
admire énormément.
- Ah,
répond Céline en ricanant,
vous êtes venu voir la
vedette !
- Cher Maître, reprend
Nimier, c'est au médecin que
j'aimerais m'adresser... Il
s'agit d'un mal assez
particulier...
- Ah oui ?
fait Céline, toujours
intéressé par un cas médical
qui se présente. De
quoi souffre-t-il ? |
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Roger Nimier (le farceur). |
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- Et bien voilà. Ce pauvre
Jean est gravement atteint
d'onanisme... Pouvez-vous
faire quelque chose pour lui
?
- Combien de fois par jour ?
Au moins dix fois,
dites-vous ? Oui, c'est
vraiment
abusif. Il faut agir au plus
vite. Un instant...
Emmitouflé dans trois
épaisseurs de laine et de
drap, le cou entouré d'un
foulard d'un blanc douteux,
Céline s'extrait de son
fauteuil d'osier, chasse au
passage deux chats endormis
sur une table, fait crier le
perroquet qui a fourré son
bec dans une boîte de
sardines, enfonce le bras
dans un mur de papiers et
revient, tenant à la main
son Vidal, dont il
feuillette les pages.
- Voilà... Onanisme...
Avez-vous des tremblements ?
Namur prend un air modeste
et s'apprête à répondre mais
Nimier le devance :
- Oui, absolument. Le pauvre
Jean est pris, par moments,
de terribles tremblements.
- Je vais vous faire une
ordonnance. Ne vous
inquiétez pas,
le rassure Céline,
d'une voix très douce, comme
chargée d'affection. Vous
commencerez par
vous tremper trois fois
par jour les parties dans
l'eau froide, ensuite vous
appliquerez l'onguent que
je vais vous indiquer et
vous prendrez pendant trois
mois des pilules,
extrêmement efficaces.
Le plus, Nimier fait le
pèlerinage de Meudon, le
dimanche, en compagnie de
Marcel Aymé et d'Antoine
Blondin. Cette fois, privé
de voiture, il a demandé à
Namur de le conduire, le
chargeant d'apporter un pot
de confiture d'orange dont
Céline est friand, et c'est
sans doute en chemin que lui
est venue l'idée de cette
mystification, dont son ami
Namur, qui en a l'habitude,
va faire les frais.
Une autre fois, ce sera mon
tour, m'attribuant un
priapisme persistant, certes
flatteur, mais dont il
décrivit au docteur
Destouches, plus connu sous
le nom de Louis Ferdinand
Céline, le caractère
extrêmement douloureux, avec
un accent de sincérité comme
seul le mensonge le plus
énorme savait lui en
inspirer.
(Christian Millau, Au
galop des hussards, dans le
tourbillon littéraire des
années
50, Ed. de Fallois, 1999, in
D'un Céline l'autre, D.
Alliot, 2011, p.1028). |
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