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QUEL GENRE DE MEDECIN ?...
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LA
CITATION DU MOIS
La thèse sur Semmelweis est plus
un plaidoyer, un éloge de la
folie féconde qu'un travail
érudit et critique. C'est
l'hommage à la lucidité et à la
pertinence d'un homme qui a osé
défier un ordre établi, en l'occurence
la résignation médicale face à
l'infection puerpérale, en
jetant les bases, sans la nommer
et la saisir encore, de la
causalité microbienne des
contaminations.
Cet éloge est celui de la
raison, du courage de l'esprit
face à l'inconnu qui sait les
risques qu'encourt celui ou
celle qui rompt avec la pensée
conforme, aveugle. Il est sans
doute impossible de comprendre
Céline sans accorder à sa thèse,
son écrit originaire,
l'importance qu'il lui conférera
lui-même. |
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Ne la rééditera-t-il pas, en
1936, en parallèle avec la
parution de Mea culpa où,
pour sa part, il levait le voile
sur la mystification soviétique
d'alors, à contre-courant.
[...] Céline ne se voulait pas
un homme d'idées. Il détestait
la suffisance de l'intellect et,
pourtant, sa thèse livre les
grands axes d'une conception où
penser devient à la fois une
exaltation et une entreprise
dantesque, une bravade face aux
puissances.
(Céline, Yves BUIN, 2009). |
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QUEL GENRE DE MEDECIN ?... |
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Richard Millet |
(romancier,
essayiste, éditeur chez
Gallimard) :
" Il écrit ceci : " Je n'ai pas
toujours pratiqué la médecine,
cette merde. " " Cette merde "
est non seulement le coup de
couteau donné à une toile qui
menaçait d'être trop bien
léchée, mais aussi aux
conventions littéraires dont
l'académisme français du XXe
siècle marquait le triomphe.
Avec " cette merde " commence
non pas l' " accident du tout à
l'égout " dont parlait Gracq,
mais le branchement sur le grand
collecteur de l'âme humaine. Les
temps ont changé - mais pas le
goût ; or il est possible que "
cette merde " relève du goût
même. C'est un médecin qui
parle, et un médecin des
pauvres. La faute de goût érigée
en principe ? Non. C'est par son
vocabulaire que Céline déchire
la prose pompier de son temps,
et non par sa syntaxe, tout
juste tintinnabulante (et pas
aussi musicale qu'il le voulait,
et parfois même antimusicale au
possible). (Gallimard, 2010,
BC n °329). |
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Pierre Drieu La Rochelle |
(écrivain, romancier,
essayiste et journaliste
1893-1945) : " - (...)
Céline, lui, est bien équilibré.
Céline a le sens de la santé. Ce
n'est pas sa faute si le sens de
la santé l'oblige à voir et à
mettre en lumière toute la santé
de l'homme de notre temps. C'est
le sort du médecin qu'il est, du
psychologue foudroyant et du
moine visionnaire et
prophétisant qu'il est aussi ".
(...) Cette facette religieuse
de Céline, Drieu a peut-être été
le seul à la mettre en évidence.
" C'est un homme qui ressent les
choses sérieusement et qui, en
étant empoigné, est contraint de
crier sur les toits et de hurler
au coin des rues la grande
horreur de ces choses. Au Moyen
Age, il aurait été dominicain,
chien de Dieu ; au XVIe siècle,
moine ligueur : il est lié à la
totalité de la chose humaine,
bien qu'il ne la voie que dans
l'immédiat du siècle. "
(Article de la NRF, mai 1941,
Frédéric Saenen, BC n° 161, fév.
1996) |
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(Pierre Dominique, de son
vrai nom Dominique Luchini,
docteur en médecine, écrivain,
polémiste et journaliste
1889-1973) : " Les critiques
qui crièrent au grand écrivain
en 1932 furent des esprits
sagaces. Ils mesurèrent
exactement la puissance - la
force de frappe -, mais aussi la
grandeur, la hauteur de ton de
cet anarchiste supérieur.
Céline, c'est un homme seul, qui
grogne, qui gronde, qui insulte,
qui proteste, qui vitupère. Il
n'a personne derrière lui, ni
parti, ni confrérie, ni ligue,
ni église. Comme il parle
librement, il dit son fait à
tous les princes, à tous les
marchands, à tous les esclaves,
et il multiplie ainsi ses
ennemis. Il est brutal,
grossier, il appelle les gens et
les choses par leur nom ; il y a
en lui du carabin qui vous
envoie un morceau de macchabée
par la figure, histoire de
plaisanter. Ou histoire de se
défendre. "
(BC n°228, février 2002). |
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Rabelais |
(prêtre, médecin et écrivain, né
entre 1483 et 1494 mort en 1553)
: " De plus, Céline et Rabelais
sont des médecins. Ils sont très
proches des misères et des
souffrances de l'homme, de ses
faiblesses, et ils côtoient la
mort, découvrent l'humanité avec
ses peurs, ses angoisses et ses
craintes inavouées. Les deux
médecins s'efforcent de lever le
voile sur l'aspect de charnalité
des individus qui les entourent,
de dire la vérité sans fards, la
vérité toute nue, si laide
soit-elle. Et de crier, de
clamer haut et fort pour
choquer, réveiller les âmes
endormies ; péché de jeunesse,
d'une jeunesse étudiante un peu
folle qui prend contact avec la
mort et les souffrances du
monde, qui, pour les oublier,
les narguer, les éloigner, comme
pour les exorciser, s'en joue et
se fait un malin plaisir de les
étaler au grand jour pour les
rendre moins désagréables, plus
acceptables. "
(Bulletin de l'Association des
Amis de Rabelais, Tours, 1994).
* Etrange facétie du destin :
Céline vécut les dernières
années de sa vie à Meudon, là où
Rabelais finit la sienne comme
curé de l'église Saint-Martin).
(BC, oct. 1993). |
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Francine
Bloch interroge L-F Céline, 1959
- Ah bon ! Qu’est-ce que vous
étiez à la Société des Nations ?
-
Epidémiologiste, je cherchais
des petites bêtes. J’allais
chercher des… anophèles, mais je
suis licencié ès sciences
naturelles.
-
Ah oui…
- Ah mais, j’apprenais tout,
moi. Alors, j’apprenais les
sciences naturelles, alors
j’apprenais l’épidémiologie,
alors j’ai fait de
l’épidémiologie et alors c’était
pour la Société des Nations, on
m’avait mis là, la fondation
Rockefeller m’avait mis là, eux
m’avaient envoyé partout. Alors,
au Congo… et au Dahomey… et puis
au Nigéria pour la chasse à la
fièvre jaune qu’était pas encore
décidée à ce moment-là. Et puis,
j’ai fait ça pendant quatre ans.
Et puis en rentrant ben mais à
la Société des Nations on m’a
dit que je pouvais pas rester
parce que j’étais pas riche.
Fallait être riche pour être à
la S.D.N. C’est très gentil,
mais fallait beaucoup d’argent.
C’était bien payé, mais c’était
pas assez, fallait beaucoup
d’argent.
(Interview avec Francine BLOCH.
(Cahiers de la NRF, Céline et
l’actualité 1933-1961,
Gallimard, janvier 2003, p.441). |
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Pierre Jules Marie Raoul Néraud
Le Mouton de Boideffre,
diplomate, homme de lettres,
critique 1926-2002
: " Sans doute, pendant quelques
siècles, l'humanité s'est-elle
étourdie. Elle croyait à la
Science, au Progrès, à la
Gloire. Cherchant à rassembler,
à travers révolutions et
guerres, ses forces dispersées,
elle aspirait à l'unité. Céline
a peint, dans Semmelweis
- le moins connu et peut-être le
plus beau de ses livres - ces
noces énormes de l'homme et de
l'Histoire, le va-et-vient des
années 1789, toutes frontières
ravagées et confondues dans un
immense royaume de Frénésie, les
hommes voulant du progrès, et le
progrès voulant les hommes.
Vingt ans avant l'Homme
révolté de Camus, il
dénonçait l'utopie de cette
soi-disant libération :
l'Humanité s'ennuyait, elle
brûla quelques dieux, changea de
costume et paya l'Histoire de
quelques gloires nouvelles. "
(Sur la postérité de Céline,
Cahiers de l'Herne poche-club,
1968). |
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Pierre de Boisdeffre |
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" Soon be over... " |
" Il en faisait pas mal dans une
nuit des piqûres et des piqûres
!... chez les hommes et chez les
femmes... Il était tellement
miraux que je lui tenais sa
lanterne tout contre... juste
contre la fesse... qu'il enfonce
net son aiguille... pas à côté
ni de travers... Au bout d'une
quinzaine de jours que je
revenais voir la Joconde, on
était devenus comme copains,
c'est moi qui lui faisait ses
piqûres, au camphre, à la
morphine, à l'éther, l'usuel du
courant, c'est lui qui me tenait
la lanterne. Soon be over !...
Soon be over !... la
ritournelle. " Bientôt fini ! "
Je les ai tout de suite bien
réussies les piqûres avec ma
patte folle, c'est automatique
une patte folle, le malade sent
rien... un souffle... C'est
comme ça que j'ai débuté, un
petit peu ainsi clandestin au "
London Freeborn Hospital " avec
le docteur Clodovitz dans la
carrière professionnelle.
J'ai appris à dire tout comme
lui, tout de suite, partout,
Soon be over ! Ca va passer !
C'est devenu comme une habitude,
un tic, quelque sorte... Il s'en
est passé de mille couleurs
depuis le " Freeborn Hospital "
! de ci, de là, du bien, du mal,
de l'affreux aussi c'est
certain. Vous jugerez vous-même.
Sans idées aucunes...
arrêtées... simplement dans le
cours des choses... c'est déjà
beau !... Soon be over !... "
(Guignol's band, Folio,
1972, p. 128). |
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Jean Clair |
Pseudonyme de Gérard Regnier,
conservateur du patrimoine,
écrivain, essayiste, historien
de l'art, Académicien (2008)
: [...] " Céline, à l'autre
bord, du fond de ses banlieues
déglinguées, confessait sa
misère et hurlait sa peine.
Peine de classe inexpiable,
insondable, en laquelle je me
retrouvais mieux. Sans doute
savait-il lui ce dont il
parlait. Qui d'autre que lui
avait su parler de " la haine
qui vient du fond, qui vient de
la jeunesse, cette pitié
pudique, bravasse et juronnante
du toubib de quartier, qui
remplaçait la superbe bavarde du
soi-disant " Paysan de Paris ".
La vie des champs, ici, c'était
les banlieues, la zone, tout ce
qui restait des fortifs, là où
Rousseau allait herboriser, du
côté des Lilas et de
Romainville. Chez Céline aussi,
pourtant, je soupçonnais la
complaisance. Courbevoie,
Clichy-la Garenne et Bezons, les
grosses chaussures qui blessent
les pieds, les humiliations
quotidiennes, la violence, les
mots orduriers et les terrains
vagues, les dispensaires où
poireautaient des pauvres, plus
pauvres encore de ne pas savoir
dire ce qui les afflige, je
savais ça par cœur. "
(Jean Clair, Journal
atrabilaire, Gallimard, 2006, in
Petit Célinien, 13 nov. 2013). |
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NAISSANCE DE LA
VOCATION AU CAMEROUN ?
Peut-on affirmer que la
véritable vocation médicale de
Louis a pris naissance au
Cameroun ? Peut-être pas
cependant, les blessures
horribles des soldats de la
guerre de 14, le dévouement des
médecins militaires dans les
hôpitaux qu'il a pu admirer
pendant sa longue convalescence,
ont pu déjà faire naître en lui
ce besoin de " faire médecine ".
Trente ans plus tard, il ne
tarira pas d'éloge sur le
docteur Jalaguier qui, lui,
savait sauver des soldats que
l'on croyait perdus (Astraud,
2014).
Sa compassion africaine ne
serait alors qu'une forme
d'épanouissement d'une vocation
plus anciennement ancrée,
peut-être même dès l'enfance,
selon lui. Elle exprimera
cependant une première forme de
mise en pratique qui est
d'autant plus remarquable qu'à
cette époque, Louis Destouches
ne pouvait rêver à ces études
supérieures longues et coûteuses
qui étaient hors de sa portée,
compte-tenu de son niveau
d'études et de l'état de fortune
de ses parents. Et il en était
parfaitement conscient. Au
retour en France, son engagement
comme conférencier hygiéniste à
la fondation Rockefeller sera
une sorte de succédané ou de
pis-aller plus pragmatique. |
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Conférencier sur la tuberculose |
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Ainsi que le constate très
justement Buin (2009), " sa
médecine est un humanisme de la
misère, une démarche
compassionnelle - il déteste la
souffrance, la pauvreté -, un
infime rempart contre
l'inéluctabilité de la maladie
invalidante et de la mort ".
La commisération de Céline est
universelle comme l'affirme
Renard (2004), elle s'ouvre à
l'humanité presqu'entière dès
que celle-ci est représentée par
les " battus de la vie, les
enfants, les plus pauvres, les
plus misérables ".
Comme ses lettres permettent de
le constater, Louis a fini par
se doter d'une véritable
infirmerie de campagne,
infirmerie toute officieuse et
d'initiative personnelle qui
venait se substituer, et très
au-delà, à la maigre dotation de
la C.F.S.O. |
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Il veut toujours épater un peu,
surtout quand il écrit à Simone
Saintu, mais tout de même, il
doit s'improviser médecin, se
trouvant confronté à la
nécessité de soigner, de venir
en aide aux populations qui
vivent sur la plantation. "
Je fais de grandes quantités
d'injections d'Atoxil contre la
maladie du sommeil qui sévit
désastreusement dans la région,
ainsi que d'autres maladies qui
se manifestent chez les noirs
fréquemment et dégoûtamment
aigu, mais dont l'existence doit
être ignorée des jeunes
personnes ".
Il se pose même en petit Claude
Bernard des forêts équatoriales
: " J'emploie le reste de mon
temps à des recherches au
microscope... Je fais quelques
petites études sur les toxines
végétales et animales. Pour me
convaincre de visu de la
nocivité des alcools je fais sur
les singes de petites
expériences "... |
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Au même moment, il commande
encore à son père tout un
arsenal pharmaceutique et
infirmier : dans sa liste à la
Prévert, figure en tête un
drapeau tricolore. Pour le coup,
c'est le papa aux grosses
moustaches qui a dû être content
! Ce papa qui sera son
correspondant familial de plus
en plus exclusif :
interlocuteur, témoin, et
éventuellement secours. Le point
d'orgue est atteint le 21
octobre où une longue liste de
demande d'achats additionne
produits chimiques,
pharmaceutiques, verreries de
laboratoire et même un bistouri
à deux tranchants.
(Pierre Giresse, Céline en
Afrique, Du Lérot éditeur,
janvier 2019, p. 114). |
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A CLICHY
Médecin
forçat !
Au 36 rue d'Alsace, à Clichy,
les consultations ont lieu tous
les jours de 13h30 à 15 heures,
les mardis et vendredis de 21
heures à 22 heures, ce qui
laisse au docteur Destouches du
temps pour se rendre à Paris,
fréquenter des laboratoires ou
pour écrire. " Chimiste le matin
" dira Mahé en évoquant son ami.
De bonne heure, le docteur
Destouches se rend certains
matins à l'Institut
prophylactique, 36 rue d'Assas,
fondé en 1916 grâce à la
générosité du millionnaire
américain Frank Jay Gould, et
dirigé par le docteur Arthur
Vernes, pour lutter contre les
maladies vénériennes. Arthur
Vernes (1879-1976) publiera en
1935 S.O.S. pour la défense
de la race, préfacé par
Alexis Carrel.
Le docteur Destouches travaille
également le matin au 38
boulevard Montparnasse, Paris
XVe, à la rédaction de
publicités pharmaceutiques pour
le laboratoire de Romuald
Gallier, un pharmacien, un
ancien de 14, membre du conseil
d'administration de la
Biothérapie, qui a mis au point
l'Arthémapectine Gallier, contre
les hémorragies, et la Kidoline,
contre le coryza aigu du
nourrisson. Victor Vasarely
réalisait pour lui des dessins
publicitaires. |
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A la fin de l'année (1928),
Louis Destouches entre au
service de la Biothérapie, 140
bis rue Lecourbe, laboratoires
spécialisés dans les vaccins et
la pâte dentifrice. Il y restera
jusqu'à la publication de
Bagatelles pour un massacre,
mais dès avril 1933, son
activité y sera réduite. La
Biothérapie est dirigée par deux
Israélites, Charles Weisbrem et
Abraham Alpérine, qui se
connaissaient depuis la Russie
et la révolution. Pour 1000
francs par mois, le docteur
Destouches est employé comme
médecin de l'entreprise, mais
surtout comme rédacteur médical.
Il s'occupe de la publicité du
dentifrice Sanogyl et les
vaccins du " chercheur maison ",
Alexandre Besredka.
Sans doute Louis et Elizabeth
accueillirent-ils après les
fêtes de Noël la petite Colette,
âgée maintenant de 8
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ans. Le 1er janvier 1929, Louis
Destouches entrera au
dispensaire municipal de Clichy,
lors de son inauguration, pour
une vacation quotidienne de 17
heures à 18h30, au 10 rue Fanny.
La direction en avait été
confiée en septembre au docteur
Grégoire Ichok. Louis Destouches
entamait un nouvel épisode de sa
vie romanesque dans la médecine
sociale d'un dispensaire de
banlieue communiste.
(Céline en son temps,
Spécial Céline n° 14, Eric Mazet,
automne 2014, p. 34). |
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A
SIGMARINGEN
" Pour Céline et le docteur
Jacquot, le travail ne manquait
pas à Sigmaringen, avec le froid
de l'hiver, les logements
précaires, la nourriture
insuffisante dont ce fameux
Stammgericht prodigieusement
laxatif, la promiscuité de tous
ces jeunes paramilitaires,
l'hygiène plus que douteuse...
Grippes, phtisies, otites se
succédaient sans parler des poux
et des puces, de la gale et de
toutes les maladies vénériennes
possibles. |
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Céline se rendait à l'ancien
couvent Fidelis
transformé en une maternité qui
ne désemplissait pas.
Il tenait sa consultation près
du Danube, l'après-midi, dans le
cabinet d'un dentiste allemand
qui avait été mobilisé.
Il distribuait à tour de bras
les certificats de complaisance
pour ne pas renvoyer sur le
front les jeunes recrues de la
Légion Charlemagne promis à une
mort presque certaine et à une
défaite de toute façon
inéluctable.
Le soir, il recevait encore
dans sa chambre d'hôtel
transformée en salle de soin."
(Château et prison,
Sigmaringen, Poésie française,
wikipoemes.com). |
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Le
médecin de Meudon
... En même temps un dévouement
aux humbles, tout en discrétion.
" Personne ne savait en
dehors d'une infime minorité que
Céline donnait des
consultations. Ses patients
logeaient au Bas-Meudon, ils
étaient démunis, il les visitait
en catimini. "
Les vrais céliniens
apprécieront à leur juste mesure
les lignes que Serge Perrault
consacre à la rencontre fortuite
qu'il fit du docteur Destouches
(Céline de mes souvenirs, du
Lérot, 1992), en visite : "
Grosse surprise ! Un Céline
rasé, costumé, cravaté. Du
jamais vu depuis longtemps. Du
rarissime ! " (...) " Pas
de bonjour ! Pas de regard ! Il
est gêné par cette rencontre.
"
Et pour cause. Revêtu de son
unique tweed anglais, il allait
" en se cachant " voir une
concierge qui se mourait d'un
cancer. " Il la soignait
comme il pouvait, pour pas un
sou, bien entendu. En plus, elle
l'engueulait. Elle trouvait
qu'il la guérissait pas assez
vite. "
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En fait Céline attendit quelque
peu avant de demander sa
réinscription à l'ordre des
médecins de Seine-et-Oise auquel
il appartint de nouveau à
compter du 16 septembre 1953. Il
était surnommé le " médecin
des pauvres " atteste Carole
Rider-Melk ; on savait qu'il
soignait sans demander un sou,
en outre il avait en horreur les
formulaires de la sécurité
sociale qu'il ne remplissait
jamais ". Ce que l'intéressé
confirme : " Je me suis fait
plus de tort jamais prendre un
rond aux malades que Petiot de
les faire cuire au four. " (D'un
château l'autre, p.9).
(Eric Verneuil, BC, n° 146,
novembre 1994). |
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MAIS
AUSSI...
JE BOIRAI TOUT
CE QUE VOUS VOULEZ... |
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Et j'ouvrais la porte... Car il
me déguisait souvent en
infirmier pour qu'on fasse la
route ensemble, consultations
terminées... Cette fois, c'est
un clochard...
- Ah ! toi ! Alors là, c'est
vrai ! Toi !... T'as sûrement
mal à l'estomac !...
Le titubant, pénible, pâteux...
- Oui !... docteur !... c'est
pas le manque d'éducation...
Mais c'est l'estomac...
Et, dans un rot retentissant, il
éjecte un jet de vin rouge sur
le carrelage.
- Mais, tu ne bois plus !
- Non !... docteur !...
- Pas plus de quatorze litres
par jour ?
- Oui !... docteur !... Pas plus
!... mais c'est pas le manque
d'éducation...
- Je sais ! je sais ! C'est pas
le manque d'éducation, mais
c'est le gosier !
- Oui !... Le gosier, docteur
!... C'est ça !... Le gosier
!... C'est moi le chauffeur de
la chaudière !... A l'usine !...
- Ah !...
Et Louis devient subitement
grave et tendre :
- Alors ! Tu veux quinze jours
de perm ? |
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Oui, pas plus de quatorze litres
docteur !... |
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Je boirai tout ce que vous
voulez docteur !... |
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Deuxième giclée de vin rouge
!... Et dans un hoquet :
- Oui !... docteur !... quinze
jours !... Quinze nuits !...
- Tu les as, si tu me jures de
boire ça !
- Je jure !... docteur !...
Et il s'écroule sur son cul...
Je le relève, aidé par
l'infirmière (qui me prend pour
un étudiant en médecine 3e
année) et le docteur Destouches
rédige l'ordonnance : - Un
litre H2O par repas !... Le
potard
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connaît la formule !... Bois ça
! Duconneau !... Et t'as quinze
jours de congé !...
- Alors, là !... C'est juré,
monsieur le docteur !... Je
boirai tout ce que vous voulez
!... Quitte à en crever que je
vous dis !... Car... moi !...
c'est plutôt le rouge !... la
boisson !... Merci !... mon
docteur !...
Et
brusquement, raide comme un
piquet, la tête haute, le regard
droit, tel un Légionnaire, il
claque les talons, nous salue
militairement et sur un
demi-tour impeccable nous
quitte... A nouveau titubant,
graillonnant... : Tiens !
Voilà du boudin ! Voilà du
boudin !...
(Henri Mahé, La Brinquebale avec
Céline, Ecriture, 2011, p.30). |
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- Cher Maître,
dit Roger Nimier, j'ai le
plaisir de vous présenter mon
frère de lait, Jean Namur, qui
vous admire énormément.
- Ah, répond Céline
en ricanant, vous êtes venu
voir la vedette !
- Cher Maître,
reprend Nimier, c'est au
médecin que j'aimerais
m'adresser... Il s'agit d'un mal
assez particulier...
- Ah oui ?
fait Céline, toujours intéressé
par un cas médical qui se
présente. De quoi
souffre-t-il ?
- Et bien voilà. Ce pauvre Jean
est gravement atteint
d'onanisme... Pouvez-vous faire
quelque chose pour lui ?
- Combien de fois par jour ? Au
moins dix fois, dites-vous ?
Oui, c'est vraiment abusif. Il
faut agir au plus vite. Un
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Le farceur, Roger Nimier |
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instant...
Emmitouflé dans trois épaisseurs
de laine et de drap, le cou
entouré d'un foulard d'un blanc
douteux, Céline s'extrait de son
fauteuil d'osier, chasse au
passage deux chats endormis sur
une table, fait crier le
perroquet qui a fourré son bec
dans une boîte de sardines,
enfonce le bras dans un mur de
papiers et revient, tenant à la
main son Vidal, dont il
feuillette les pages.
- Voilà... Onanisme... Avez-vous
des tremblements ?
Namur prend un air modeste et
s'apprête à répondre mais Nimier
le devance :
- Oui, absolument. Le pauvre
Jean est pris, par moments, de
terribles tremblements.
- Je vais vous faire une
ordonnance. Ne vous inquiétez
pas,
le rassure Céline, d'une voix
très douce, comme chargée
d'affection. |
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Par moments, oui, de terribles
tremblements... |
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Vous commencerez par vous
tremper trois fois par jour les
parties dans l'eau froide,
ensuite vous appliquerez
l'onguent que je vais vous
indiquer et vous prendrez
pendant trois mois des pilules,
extrêmement efficaces.
Le plus, Nimier fait le
pèlerinage de Meudon, le
dimanche, en compagnie de Marcel
Aymé et d'Antoine Blondin. Cette
fois, privé de voiture, il a
demandé à Namur de le conduire,
le chargeant d'apporter un pot
de confiture d'orange
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dont Céline est friand, et c'est
sans doute en chemin que lui est
venue l'idée de cette
mystification, dont son ami
Namur, qui en a l'habitude, va
faire les frais. Une autre fois,
ce sera mon tour, m'attribuant
un priapisme persistant, certes
flatteur, mais dont il décrivit
au docteur Destouches, plus
connu sous le nom de
Louis-Ferdinand Céline, le
caractère extrêmement
douloureux, avec un accent de
sincérité comme seul le mensonge
le plus énorme savait lui en
inspirer.
(Christian Millau, Au galop des
hussards, dans le tourbillon
littéraire des années 50, Ed. de
Fallois, 1999.
ET
SURTOUT...
Corniauds vous
avez tout gaffé !
Vous
avez pas traqué le vrai monstre
! le Céline, bouzeux il s'en
fout ! Même que vous seriez plus
hanteurs tracassiers, assoiffés,
mille fois, que toute l'espèce
d'Afrique, d'Asie, chacals,
Amérique réunis, condors et
dragons, il s'en gode ! C'est le
Docteur Destouches qu'est
sensible ! Vous y auriez
effleuré le Diplôme, c'était du
finish et la mort ! Mais là de
cette tracasserie d'ombre,
piteuserie d'hallali de fantôme,
dépècerie de Lune
m'outragerai-je ?
Que je vous fouetterais tout ça
plutôt ! que ça poulope encore
plus oultre ! plus nombre !
ahane au spectre ! pisse, sue du
sang, plus braillards ! dérate à
la charge de pas moi ! A la Lune
! hyéneuse ! Que ça soye encore
plus fumant, râlant, enragé !
Ecumez ! Ventremer ! Le cor ! Au
cor ! que je vous en sonne ! et
de la trompette ! et l'olifant ! |
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[...] Et votre Diplôme ?
Ils me l'ont laissé les
scélérats ! Ils me l'ôtaient je
vous parlerais plus... Je serais
à l'action l'heure actuelle ! le
grand Soulèvement !... vous
voyez pas les Ombres d'Honneurs
? L'Armée française, la grande,
la garance, la 14 ! ... Ils
m'infligeaient le final affront
je retournais l'Europe à la
charge ! Je culbutais les fiotes
! le vide général à ma voix !
les Steppes ! Moscou à la main !
et préservant tout ! clochetons
! Kremlin ! le reste ! brûlant
rien ! juste au pompon ! à la
tactique ! le cœur ! l'uniforme
! vous auriez vu ce travail
s'ils m'avaient froissé mon
Diplôme ! Ils peuvent un peu
bénir le Ciel ! Ils me
rejetaient dans le camp
extrémiste !
(Féerie pour une autre fois,
Gallimard, Folio n° 918, avril
1985, p. 38). |
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