LA MESSE CHEZ
GEGENE.
Sur la Butte, Céline
retrouve aussi ses vieux amis : le peintre Gen Paul,
dont l'atelier est en contrebas de son domicile,
l'acteur Le Vigan qui loge juste à côté, Marcel Aymé, en
voisin, avenue Junot, le dessinateur Ralph Soupault...
Le dimanche matin, ce petit monde se réunit dans
l'atelier de Gen Paul et fait renaître, pour quelques
heures, l'esprit frondeur montmartrois.
Au milieu de ces amis et d'une faune interlope, dans un bric-à-brac
indescriptible, on parle de tout et de rien en toute
liberté, comme le raconte Pierre Vals, un témoin de
l'époque : " Gen Paul - Gégène pour les intimes -
recevait des amis en qui il avait confiance [il fallait
se méfier de la Gestapo], le dimanche matin dans son
atelier au 2 de l'avenue Junot. Nous appelions ces
réunions " la messe chez Gégène ".
En fait c'était Céline qui prêchait. Et Gen Paul servait la messe. Céline
discourait dans son langage si particulier, Gégène
approuvait tout en regrettant que Céline tienne le "
crachoir ". " Si on enregistrait ce mec, disait Gen
Paul, on aurait un bouquin de plus en librairie. "
Chaque dimanche,
Ferdinand demandait qu'il y ait un invité surprise,
quelqu'un qui avait vécu une aventure étonnante, en
langage célinien " un branque " qui dise des choses
vraies, mais aussi des conneries. C'était quelquefois un
ouvrier de travail obligatoire en Allemagne, un
spécialiste du marché noir, ce marchand de vin qui
vendait aux Allemands une affreuse piquette qu'il
appelait " pommero" en changeant les étiquettes.
L'invité le plus pittoresque, ce fut le petit homme qui ressemblait au "
Topaze " de Marcel Pagnol qui a réussi à vendre à
l'état-major allemand qui manquait de bois de chauffage,
cinq hectares de la forêt de Fontainebleau. Il a
falsifié le cadastre, fait un piquetage en forêt sur la
parcelle avec des pancartes " Propriété privée ". Il
s'est fait passer pour le propriétaire après la visite
sur place des acheteurs. Il les a traités royalement
dans une auberge du " marché noir " des environs, muni
d'un confortable chèque en acompte. Il a disparu après
nous avoir raconté son exploit et le bois n'a jamais été
livré.
Après ces réunions
dominicales, Céline rentrait chez lui rue Girardon. Nous
allions, Gen Paul, Zavaroni et Soupault, à la recherche
d'un steak-frites, denrée très rare à Montmartre, avant
de nous séparer. Gen Paul, imitant Céline, nous
demandait de ne pas oublier un " connard " pour le
dimanche suivant. "
Parfois, à défaut de " steak-frites ", les complices se retrouvent Au
Rêve, un bistrot du " bas Montmartre ", sis 89, rue
Caulaincourt, et qui existe encore aujourd'hui, zinc et
ambiance garantis d'époque.
(David Alliot, Le Paris de Céline, Editions Alexandrines, janvier 2017,
p.84).
Devant l'entrée principale, les
édiles ont placé une borne informative :
" Histoire de Paris. Passage Choiseul.
Prolongement de la rue de Choiseul, le passage Choiseul est
ouvert en 1824 par l'architecte Tavernier sur les
terrains des banquiers Mallet qui portaient les hôtels
de Gesvres, de Ratepon et du contrôle général où se
trouvait l'administration de la Loterie.
L'entrée du passage, rue Saint-Augustin, est un corps de logis de l'hôtel
de Gesvres, construit vers 1655 par Lepautre, transformé
en maison de jeu célèbre sous la Régence. Au 23 du
passage se trouvait durant un siècle la librairie
d'Alphonse Lemerre, éditeur des poètes parnassiens.
Jacques Offenbach entrait par le 73 dans son théâtre des
Bouffes-Parisiens, et l'enfance de Louis-Ferdinand
Céline s'écoula au 67 puis au 64. "
Le passage est le plus long des passages couverts à
Paris avec une longueur de 190 m pour une largeur de 3,7
m. Il consiste en une enfilade d'arcades sur pilastres
au niveau du rez-de-chaussée. Le dernier et l'entresol
sont occupés en majorité par des boutiques tandis que
les premier et second étages sont plutôt résidentiels.
Il est couvert d'une verrière ayant été remplacée vers
1907. Celle-ci fait l'objet d'une
rénovation-restauration en 2012 par l'architecte Jean
Frédéric Grevet et le Cabinet ID-wad avec les deux
marquises situées aux extrémités du passage.
Les lampes à gaz qui éclairaient autrefois le passage ont été remplacées
par des arceaux garnis d'ampoules.
Le passage Choiseul, ainsi que le passage Sainte-Anne,
avec leurs façades intérieures et leurs toitures sur rue
des immeubles 23 rue Saint-Augustin, 40 rue des
Petits-Champs, 6 à 46 rue Dalayrac et 59, 61 rue
Sainte-Anne, sont inscrits au titre des monuments
historiques par arrêté du 7 juillet 1974.
Progressivement tombé en désuétude, le passage Choiseul
a connu une explosion de sa fréquentation au début des
années 1970 quand le couturier Kenzo y ouvrit une
boutique branchée. Sa fréquentation qui avait reculé
depuis le déménagement du couturier place des Victoires
s'est relativement stabilisée depuis lors, mais est
tributaire des heures de bureaux, le passage étant peu
fréquenté ou fermé en dehors de ces horaires.
Le théâtre des Bouffes-Parisiens possède sa sortie secondaire dans le
passage et contribue depuis son ouverture en 1857 à
l'animation du passage.
Le passage est ouvert du lundi au samedi de 8h à 20h.
LES BOUFFES-PARISIENS.
" On peut dire que j'ai assisté à la fin des
chansons. Au début, avant la guerre de 14, chaque fois
qu'il entrait une arpette
ou
une midinette au début du passage, elle commençait à
chanter. Elle chantait pendant toute la durée du
passage.
Et puis, après 14, on n'a plus chanté dans le passage. C'est un signe des
temps. C'est tout ce qu'on avait comme distraction, la
chanson des petits apprentis et des midinettes. "
(Interview avec P. Dumayet, Cahiers Céline 2).
"
Dans ce Paris d'avant-guerre, la chanson est partout :
dans les rues, les cafés-concerts et les cabarets. Elle
est la référence majeure, le trésor ambulant de la
culture populaire. Romances, chansons comiques ou
patriotiques, réalistes ou grivoises, elle est, comme la
langue française, le signe d'appartenance à une
communauté de pensée, de ressenti, de vécu. "
(Paris-Céline, Patrick Buisson).
Fragson
Valse brune
Aristide Bruant
L'EXPOSITION UNIVERSELLE de 1900.
C'est la cinquième exposition universelle organisée à
Paris après celle de 1855, 1867,1878 et celle de 1889.
Elle se veut manifestation emblématique de la Belle
Epoque, avec comme thème " Le Bilan du siècle ".
Inaugurée par le président Emile Loubet la veille, elle ouvre ses portes
le 15 avril, se termine le 12 novembre et aura accueilli
plus de 50 millions de visiteurs.
Répartie sur deux sites :
- 112 hectares du Champ-de-Mars et de la colline de
Chaillot, d'une part, à l'esplanade des Invalides et le
cours la Reine au niveau de la place de la Concorde,
d'autre part, en passant par les rives de la Seine.
- 104 hectares au Bois de Vincennes pour l'expo sur
l'agriculture, les maisons ouvrières, les chemins de
fer, les concours sportifs.
Dix fois plus étendue que celle de 1855, elle comporte 136 entrées et
accueille 83 000 exposants dont 45 000 étrangers. Elle
se veut l'expo du " Progrès en marche ".
Elle va hériter de nombreuses constructions qui sortent de terre :
- la grande Roue de Paris, d'un diamètre de 100 m,
installée rue de Suffren.
- la " rue de l'Avenir ", avec le fameux trottoir
roulant, le clou de l'exposition.
- le métropolitain, avec la première ligne de métro de
Paris (Porte de Vincennes-Porte Maillot) inaugurée le 19
juillet.
- la fontaine lumineuse et l'usage de l'électricité la
nuit.
- le globe Céleste.
- de nouvelles gares : gare d'Orsay, de Lyon, des
Invalides.
- la projection des films des frères Lumière sur écran
géant.
- le Petit et Grand Palais, construits sur l'emplacement
de l'ancien Palais de l'Industrie et des Beaux-arts.
Le
petit Louis, bientôt âgé de sept ans sera marqué pour
longtemps par ce gigantisme et la diversité des
attractions qui s'offrent à lui.
"
[...] nous étions encore bien jeune, mais nous avons
gardé le souvenir quand même bien vivace, que c'était
une énorme brutalité. [...] Des gens interminables
défilant, pilonnant, écrasant l'Exposition, et puis ce
trottoir roulant qui grinçait jusqu'à la galerie des
machines, pleine, pour la première fois, de métaux en
torture, de menaces colossales, de catastrophes en
suspens. La vie moderne commençait. "
(Hommage à Zola,
Cahiers Céline 1).
Avec
son père, ils l'ont visité l'Expo du Progrès... Et
comment qu'ils l'ont apprécié... Et quel retour au
passage !...
"
Papa il racontait les choses avec les quinze-cents
détails... des exacts... et des moins valables... Ma
mère elle était contente, elle se trouvait
récompensée... Pour une fois, Auguste était tout entier
à l'honneur... Elle en était bien fière pour lui... Il
plastronnait. Il installait devant tout le monde... Des
bobards... elle se rendait bien compte... Mais ça
faisait partie de l'instruction ... Elle avait pas
souffert pour rien... Elle s'était donnée à quelqu'un...
A un esprit... C'est le cas de le dire. Les autres
pilons, ils demeuraient la gueule ouverte...
Ça c'était de l'admiration.
"
"
Papa leur en foutait du mirage au fur et à mesure,
absolument comme on respire... Y avait magie dans notre
boutique... le gaz éteint. Il leur servait à lui tout
seul un spectacle mille fois étonnant comme quatre
douzaines d'Expositions... Seulement il voulait pas du
bec !... Rien que des bougies !... Les petits tôliers
nos amis, ils amenaient les leurs de calebombes, du fond
de leurs soupentes. Ils sont revenus tous les soirs pour
écouter encore papa et toujours ils en redemandaient...
" (Mort à crédit).
Le globe Céleste
Lancers de ballons bois de Vincennes
La grande Roue
Tour Eiffel
Le Métropolitain
Le trottoir roulant
VAL-DE-GRÂCE.
En octobre 1914, volontaire pour
assurer une liaison risquée dans le
secteur de Poelkapelle dans les Flandres, entre le 66e
et le 125e régiments d'infanterie, le Maréchal des Logis
Destouches est blessé au bras droit.
Renvoyé à l'arrière, c'est près d'Ypres, après avoir refusé l'amputation
que lui proposait le médecin-major que vont débuter ses
pérégrinations hospitalières.
Le 29 octobre, un médecin extrait la balle qui s'était logée dans
son bras droit. Il reste à l'hôpital d'Hazebrouck tout
le mois de novembre.
En décembre, le cuirassier Destouches est transféré au Val-de-Grâce
à Paris. C'est dans la cour de cet hôpital qu'il reçoit,
d'un aîné, la médaille militaire qui lui avait été
décernée le 24 novembre, avant de recevoir la croix de
guerre avec étoile d'argent.
C'est également au Val-de-Grâce que le convalescent se lie d'amitié avec
son voisin de chambre, le sergent Albert Milon, blessé à
la poitrine dès les premières hostilités.
Le 27 décembre, Louis-Ferdinand Destouches est transféré dans un
hôpital situé boulevard Raspail où il refuse une
nouvelle intervention chirurgicale. On l'adresse alors à
l'hospice Paul Brousse de Villejuif. Là, il consent à se
faire opérer du bras.
Val-de-Grâce décembre 1914
1914 Val-de-Grâce
CLICHY-LA-GARENNE.
Il s'en est passé des évènements dans la vie de "
Louisfé " entre la convalescence rue Marsollier, chez
ses parents, après sa dernière opération et son arrivée
à Clichy-la-Garenne.
Un premier mariage à Londres, son expédition africaine au Cameroun, ses
baccalauréats, puis ses études de médecine à Rennes, un
second mariage, la mission à la fondation Rockefeller en
Bretagne et son séjour à Genève à la Société des
Nations...
36 rue d'Alsace
Cabinet rue d'Alsace
En rentrant de Genève, le docteur Destouches s'installe,
le 14 novembre 1927, avec Elizabeth Craig dans un trois
pièces, au 1er étage du 36 rue d'Alsace. Il ouvre un
cabinet de " Médecine Générale, maladie des enfants ".
Sa voisine de palier Jeanne Carayon écrit :
" Pourtant, cet appartement-ci trouve le moyen d'offrir de l'imprévu, la
salle d'attente n'en paraît pas une. Au-dessus de la
baie vitrée, contre la plinthe, une longue caisse d'où
sortent des touffes de soucis, artificiels en quelque
sorte sans l'être, tant ils savent bien évoquer un
jardin.
Peu de meubles : ils n'attirent pas l'attention qui va
toute aux murs, où sont accrochés des masques, des
objets comme les " coloniaux " en rapportent d'Afrique.
Une statue de bois - africaine aussi sans doute - posée
à même le sol, avance une main. " C'est le geste des
Dieux : ils font la quête " assure doucement le docteur
qui vient d'entrer. " (Jeanne Carayon, Le docteur écrit
un roman, Cahiers de l'Herne).
Son cabinet n'est pas très rémunérateur, grâce à ses
nombreux appuis (le docteur Rajchman, le professeur
Bernard notamment), Destouches trouve un emploi qui
l'amène à abandonner sa clientèle rue d'Alsace. La
direction de la médecine d'hygiène populaire propose au
Dr Destouches une vacation quotidienne de médecine
générale, au tout nouveau dispensaire de Clichy, situé
10 rue Fanny.
Il accepte et fait partie ainsi de l'équipe fondatrice du dispensaire de
la ville, jusqu'à son départ le 31 décembre 1937, année
de la parution de Bagatelles pour un massacre.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé, Destouches
n'était pas le médecin chef de Clichy, même s'il
convoita le poste.
Dans ce dispensaire travaillait une douzaine de
médecins, avec à leur tête, le docteur Grégoire Ichok.
Celui-ci fut mal aimé de la plupart des médecins et ses
relations avec Destouches iront en se détériorant.
Ce dispensaire est un des premiers à offrir des consultations et examens
gratuits. C'est bien là que le docteur Destouches fera
la véritable découverte de la misère des banlieues.
Il y travaillera neuf ans, à compter de vingt-deux
heures de consultation par semaine payées 2000 Francs
par mois (précise F. Balta dans sa thèse), laissant le
souvenir d'un médecin enthousiaste, généreux, de " bon
diagnostic " mais utilisant peu de médicaments.
En parallèle avec ses activités au dispensaire, le docteur Destouches va
publier des articles dans des revues spécialisées dans
l'hygiène et la médecine sociale, au laboratoire de la
Biothérapie fondé par le pharmacien Charles Weisbram en
1921 et dirigé par Abraham Alpérine.
Il sera conseiller médical, rédacteur
publicitaire (pour le dentifrice Sanogyl),
visiteur médical, à domicile ou à l'hôpital, médecin
d'entreprise et touchait mille francs par mois.
Ne s'arrêtant pas là, le docteur Destouches travaille à
partir de 1930 chez un autre pharmacien Gallier, 38
boulevard du Montparnasse. Il y mit au point deux
produits pharmaceutiques : la Kidoline, une huile
nasale contre le coryza du nourrisson et la
Basodowine, un médicament pour lutter contre les
règles douloureuses, commercialisé de 1933 à 1971.
Il se livrait lui-même au démarchage, prenant des rendez-vous, allant de
ville en ville, montant les étages...
Robert Gallier le recommanda à son confrère René Arnold, directeur des
laboratoires Cantin à Palaiseau. Pour les laboratoires
Cantin, le docteur Destouches met au point un comprimé
contre la toux, le Nican, à base de serpolet et
de coquelicot.
Insomniaque depuis la guerre, il invente aussi le Somnothryl,
médicament contre l'insomnie dont il vante les mérites
dans " La Revue médicale de l'Est ". A ces
nombreuses activités, s'ajoute une consultation au
dispensaire Marthe Brandes, tenu par des religieuses
dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
"
Régulièrement, quelques visiteurs s'aventurent
jusqu'à Clichy et viennent sonner au 36 rue d'Alsace,
pour voir à quoi ressemble l'endroit dans lequel le
docteur est devenu écrivain.
Au cœur de cette banlieue parisienne, juste
derrière le périphérique, la mémoire de Céline survit
malgré l'histoire. Sans doute lui est-on reconnaissant
d'avoir métamorphosé ce monde en un symbole que toute la
littérature s'est aujourd'hui approprié... " (David
Desvérité, BC n° 196).
MONTMARTRE.
Il va falloir quitter Clichy. Au dispensaire, la
municipalité communiste et le médecin chef d'origine
lituanienne ne goûtent pas les prises de position du
médecin Louis-Ferdinand Céline, tout auréolé de gloire
qu'il soit, depuis son Renaudot pour le Voyage au bout de la nuit.
Le climat est malsain. A Clichy, près du dispensaire, on se tue. Les
ouvriers de l'usine de bougies des quais de Clichy sont
en grève, occupent l'usine et l'entreprise refuse
d'appliquer les avancées du Front populaire. Le fils du
patron qui avait été trésorier de la section locale des
Croix de Feu, force les grilles et provoque une
fusillade qui fait plusieurs blessés et un mort parmi
les ouvriers. C'est dans cette violence ambiante que
Céline publie, au retour d'un voyage en URSS, son
premier pamphlet anti soviétique : Mea culpa, le
28 décembre 1936.
Et mieux, à quelques jours de la sortie de son délire antisémite
Bagatelles pour un massacre, le 28 décembre 1937, il
donne sa démission à la municipalité de Clichy.
Le 11 décembre 1937, Céline quitte définitivement le
dispensaire de Clichy. Pour la dernière fois, le 10, il
emprunte le chemin qu'il suivait depuis huit ans, pour
rejoindre son appartement du 98 rue Lepic à Montmartre
qu'il occupait depuis août 1929.
C'est au 98 rue Lepic que le manuscrit du Voyage au bout de la nuit
a été achevé, dans un appartement composé de deux
pièces, au fond d'une cour, sous les toits.
Appartement
98 rue Lepic
Moulin de la Galette
Montmartre... Céline y vécut de 1929 à 1944 quasiment.
Il y trouve les artistes bohèmes, et la faune
demi-mondaine qui tournent autour de la Butte...
Céline a ses habitudes dans les bistrots du coin. Au Pigall's Café,
il rédige sa correspondance sur du papier à en-tête. Il
fréquente Chez Manière le café-tabac-restaurant,
et retrouve chez Janie Pomme, Chez Pomme rue
Lepic, le plus célèbre bistrot de la Butte de
l'avant-guerre, tous ceux qui comptent à Montmartre.
Au Rêve, 95 rue Caulaincourt, se retrouvaient
Céline, Marcel Aymé et Gen Paul.
Chez Pomme
Au Rêve
L'Européen
Céline adopte d'autant plus facilement Montmartre que
l'adolescent truculent et itinérant était de toute
évidence fait pour se faire adopter par cet espace
urbain.
A Montmartre, où l'on vit défiler au début de ce siècle l'avant-garde de
l'époque - cubistes, fauves, abstraits, membres de
l'école de Paris et leurs défenseurs littéraires -,
succède à partir des années trente la Rive gauche :
celle-ci devient le quartier d'élection des peintres et
des poètes, le lieu privilégié des écrivains et des
intellectuels, et va le rester pendant plus de vingt
ans.
La Rive gauche leur offre les divertissements des cafés de
Saint-Germain-des-Prés (Deux Magots, Flore, brasserie
Lipp), des galeries et des théâtres (Vieux Colombier),
leur assure l'activité intense des maisons d'édition (La
Nouvelle Revue Française, Grasset et Rieder) et des
revues (Voilà, Marianne, La Revue universelle, La Revue
critique) concentrées à Saint-Germain-des-Prés ; elle
assure même à l'intérieur du quartier Latin, qui
regroupe les établissements d'éducation les plus
prestigieux (Sorbonne, Ecole normale), la reproduction
de la génération suivante, celle qui prendra le relais
de ses aînés.
Alors donc que
Montparnasse devient le pôle d'attraction des
intellectuels, le milieu bohème montmartrois est
constitué par une catégorie professionnelle toute
différente. La vie de bohème, dont Pierre Mac Orlan,
Roland Dorgelès et Francis Carco ont contribué à forger
l'identité précise, y est essentiellement animée par la
population des illustrateurs et caricaturistes, des
chanteurs et des acteurs de spectacles, dont les
habitués du " salon " de Gen Paul constituent un
échantillon représentatif. Nicholas Hewitt donne des
précisions sur les caractéristiques communes des ces
bohèmes montmartrois : ils sont tous des anciens
combattants (Céline, Gen Paul, Marcel Aymé, Mac Orlan,
Gus Bofa, Roland Dorgelès, Président de l'Association
des Ecrivains Anciens Combattants), revenus pacifistes
des champs de bataille mais qui n'en restent pas moins
cocardiers : " Pour s'être permis une innocente
plaisanterie, Pascin fut rossé de belle façon par le
graveur Daragnès. Haïssant la guerre, ils en parlaient
sans cesse, très fiers du courage qu'ils avaient montré,
de l'astuce qui leur avait permis de survivre. "
(N.Hewitt, Images of Montmartre in French writing, La
Bohème réactionnaire 1920-1960).
Une tendance
politique réactionnaire se forme parmi eux. La bohème de
la Butte " comme village essentiellement représentatif
d'une France profonde en lutte avec le cosmopolitisme
croissant de la Rive gauche ", n'est pas exempte de
racisme, voire d'antisémitisme. Le caricaturiste Géo Sim
commente le passage du peintre Modigliani de Montmartre
à Montparnasse en ces termes : " Un soir de beuverie
au Lapin A. Gill, complètement écœuré, il abandonnera la
Butte comme la plupart des métèques ; ne cachant point
son origine israélite, il s'en ira rejoindre les "
Bicots du Montparno ". (Nicholas Hewitt, Le
Montmartre de Céline, p.107).
***
Elizabeth n'est pas
du type farouche, cette magnifique rousse le suit dans
les bordels, accepte de coucher avec des inconnus pour
satisfaire celui qui se veut " voyeur ".
" Le soir, il l'entraîne dans des soirées où la fantaisie joue aux
quilles avec les tabous en compagnie d'une petite bande
d'artistes pétulants que la nuit transforme en noceurs
éméchés.
Ils sont des habitués des spectacles de Charles Dullin à l'Atelier, vont
applaudir Isadora Duncan aux Folies-Bergère. Mais la
taule préférée de Ferdine c'est L'Européen, un ancien
café-concert devenu " music-hall " en 1925. Située à
deux pas de la place Clichy, la salle accueille tous les
genres de spectacles que Céline affectionne
particulièrement.
A l'affiche de l'Européen se succèdent les animateurs de revues comme
Fragson, Dearly, Mayol ou encore son ami Max Revol pour
lequel il composera deux chansons " Règlement " et " A
nœud coulant " et les grands noms de la chanson
populaire tels Fréhel, Damia ou le fantaisiste Georgius,
l'immortel auteur du " Lycée Papillon " et de " La plus
bath des javas " qui mélange avec bonheur la loufoquerie
cinoque et la parodie surréaliste. "
(Paris-Céline,
Patrick Buisson).
Louis
emmène aussi Elizabeth " l'Impératrice
" sur la " Malamoa " la péniche d'Henri MAHÉ,
où son portrait trône dans le salon. Celui-ci, livre un
très beau témoignage en forme de portrait de la danseuse
:
" Elizabeth Craig... Lili... De grands yeux verts
cobalt... Un petit nez fin... Une bouche rectangulaire
sensuelle... De longs cheveux or roux tombent en boucle
sur les épaules... De petits seins fermes et
arrogants... Le cul aussi bien haut !... Des jambes de
danseuse... A s'en faire un collier...
(...) Elle ne marche pas, elle glisse, très droite. Sa petite tête fière
ne bouge pas. S'écroule la terre !... Elle ne parle pas,
elle murmure, alors ses yeux et ses paupières
tressaillent. Dans la rue, elle est souvent suivie,
accostée. Flegmatique, sans même un regard, elle dit
simplement : " C'est cent francs ! " Radical ! "
Henri MAHÉ raconte aussi dans La Brinquebale avec Céline, "
Qu'elle n'accordait ses faveurs qu'aux vieux amis et aux
jeunes amies de Louis, si ça amusait Louis. " Et ça
l'amusait souvent.
Henri MAHÉ,
marié à Rennes en 1927 avec Maguy Malosse est breton
comme Louis, il vit un temps à Montmartre, puis achète
une péniche en 1928, La Malamoa, qu'il amarre
quai de Bourbon. C'est la vie de bohème. Maguy pratique
le piano cinq heures par jour, Henri peint et
apprend l'accordéon.
La péniche se déplace à Croissy-sur-Seine en 1929. En septembre, Louis
Destouches fait la connaissance de MAHÉ.
Le peintre a 22 ans, manie l'argot de Bruant, décore une
maison close, le 31 Cité d'Antin. Une carrière de
peintre mondain s'offre à lui. On s'amuse bien sur la
péniche.
Céline est devenu l'écrivain le plus courtisé de la
République des Lettres. Ses rares interventions dans la
presse font sensation comme son " Pour tuer le
chômage, tueront-ils les chômeurs ? " publié à
l'issue d'un voyage en Allemagne.
"
Notre première rencontre ? De sa voix graillonnante : "
L'Art aux chiottes !... les artistes, c'est des
révolutions en puissance... (...) Des roses au
cimetière, à quoi ça sert ? à la branlette de l'asticot
! (...) Tous les jours nous déjeunions ensemble, soit au
claque, avec les filles, soit... au Café de la Paix !...
Nous dînions tous les soirs Chez Manière, rue
Caulaincourt, avec le précieux Giraudoux... (...) Quand
Abel Gance nous rencontrait, il ne manquait jamais de
dire : " Tiens ! Voilà Verlaine et Rimbaud ! " Te casse
pas la tête, les gens n'entravaient rien à notre
délire...
On pouvait prendre comme sujet un petit pois, " C'est un légume bien
tendre ", et rouler pendant une heure sur ses propriétés
gastronomiques, sensuelles, politiques et
philosophiques... l'auditoire n'aurait pu placer un blady mot... souriant à retardement à notre musique
abstraite... "
(Extraits, lettres de Mahé à Eric Mazet).
Leur
amitié allait durer vingt ans. MAHÉ
décore de fresques le
cinéma Rex en 1932, Le Balajo en 1936, le
Moulin Rouge en 1951.
Mahé sur La Malamoa
Henri Mahé
31 Cité d'Antin
Gen PAUL, un autre
formidable personnage, authentique enfant de la Butte,
encore plus délirant que Mahé, va pénétrer fortement
dans la vie de Céline.
Eugène PAUL est installé depuis 1929 au 98 rue Lepic, à quelques
pas de la place du Tertre. Sa vie présente de nombreux
points de convergence avec celle de Louis Destouches. Il
a devancé l'appel au 111e régiment de chasseurs, blessé
lui aussi au front en 1915, il est amputé de la jambe
droite. Ils sont de la même génération, Gen PAUL
a vu le jour le 2 juillet 1895 ici même, à deux pas, au
96 de la rue Lepic. La mère de Céline était dentellière,
celle d'Eugène, brodeuse.
Le peintre et l'écrivain partagent le même goût pour les danseuses. La
rencontre a eu lieu rue de Douai, au studio de danse
Wacker. Ils y passent des après-midi complètes. Assis
contre le mur, Louis à admirer l'anatomie des
ballerines, Eugène à repérer de futurs modèles...
Celui-ci voulait peindre, celui-là masser...
" Mais où il était plus drôle alors je dis plus drôle
du tout, juste le rabâcheur fatiguant, enfin je trouve,
c'est quand il se plaignait des mignonnes, qu'elles
étaient cruelles avec lui !... qu'elles le boudaient
!... excétera !... alors qu'elles raffluaient, pardon
!... qu'elles priaient qu'il leur fasse poser ! qu'il en
refusait !... et des gratuites !... et de ces chouettes
! de ces roulées ! A la vôtre ! Je veux qu'il avait le
goût spécial, plutôt des chétives, des cracheuses, des "
à jour des côtes "...
S'il s'occupait des costaudes, des resplendissantes, des belles muscles
c'est qu'il me voyait dans les danseuses... ça
l'irritait... les belles santés !... mais quand même
qu'est ce qu'il se régalait ! et pas des goyots, des
beautés fraîches ! et de bonnes familles ! parfaitement
nourries...
(...)
Il pouvait me reprocher mes yeux ! mes mains
branleuses... Ah le bandit !... des pucelles plein son
divan, parfaitement aimables et à poil... et pas des
petites gredines morveuses pouilleuses ! Ah pas du tout
!... Instruites ! Bonnes manières ! Avec femme de
chambre, autos, chevaux !... et en temps de guerre ! Au
fou rire des sottises du Jules ! tortillantes !
pâmées ! et de ces tailles longues, souples, nerveuses
!... de ces détentes !... j'appréciais n'est-ce pas en
médecin !... Des dermes
impeccables ! des plans de chair roses ou mats !... ces
jeunesses !... Poser pour Jules à 16 ans ! Je crois que
tous les lycées y
passaient... l'attirance de l'antre... Raspoutin ! Il
les punissait ! qu'elles étaient pas sages ! "
(Féerie
pour une autre fois).
Au milieu d'un amoncellement de chevalets, de bidons, de
matelas, de toiles inachevées, de cartons éventrés, de
palettes, sous des quantités de clairons, bugles,
trompettes accrochés aux murs, se retrouvent ceux du
lieu, Marcel Aymé, l'acteur Robert Le Vigan, Henri Mahé,
Daragnès le graveur, Ralph Soupault le dessinateur, et
les visiteurs du moment, Vlaminck, l'actrice Marie Bell,
le comédien Michel Simon, la chanteuse réaliste Damia...
" Vers 1937-1938, quand il commence à publier les
pamphlets, Mea culpa, Bagatelles pour un massacre,
L'Ecole des cadavres, il y a messe tous les dimanches et
même vêpres si l'assistance en redemande.
Le médecin de banlieue a viré prophète. Il a lâché le tweed anglais pour
une grosse canadienne doublée de peau de mouton. Il
arrive en moto, ses gants accrochés autour du cou par
une ficelle. Ce n'est plus un atelier mais une grotte.
Ça déborde sur le trottoir.
A l'affiche, il y a tous les cavaliers de l'Apocalypse :
les soviets, les juifs, les francs-macs, les anglishes...
tous faux-derches et cie.
Selon l'un des participants, " il prédisait pour la fin de l'été des
catastrophes, des guerres puantes, des coulées d'abcès
monstrueux crevant sur le monde. "
(Paris-Céline, Patrick
Buisson).
Atelier de Gen Paul
Au milieu des palettes
Le saxophoniste
Place du Tertre
Céline par Gen Paul
Le Voyage
Marcel
AYMÉ habite tout près,
rue Paul Féval. Après son service militaire il
s'installe dans le 18e arrondissement et ne le quittera
plus. Il exerce les métiers les plus divers, employé de
banque, agent d'assurance, journaliste, et il ne se
découvre aucun espèce de talent.
De santé fragile, touché en 1920 par la grippe espagnole, il
collectionne les cures et c'est à l'occasion d'une de
celles-ci qu'il commence à écrire. Brûlebois est
primé en 1926, La Table-aux-Crevés obtient le
Renaudot en 1929.
Il publie dans Gringoire, hebdomadaire de droite, dans Marianne
où Emmanuel Berl est rédacteur en chef. Classé à gauche
jusqu'au 4 octobre 1935 où il signe le " Manifeste
des intellectuels français pour la défense de l'Occident
et la paix en Europe " qui soutient Mussolini dans
la guerre italo-éthiopienne. C'est avant tout un pacifiste.
Il donne des romans et des nouvelles à des journaux
collaborationnistes : Je suis partout, La Gerbe.
Mais il ne sera pas placé sur la liste noire des
écrivains à la Libération car on ne trouve aucune trace
d'engagement politique dans ses écrits. Avec
Travelingue et La Carte ou Le Décret
(dans Le Passe-muraille), il a même plutôt raillé
le régime nazi.
Très affecté par les critiques, quand, en 1949, invité à
l'Elysée, on lui propose la Légion d'honneur, Marcel
AYMÉ refuse et écrit :
" Si c'était à refaire, je les mettrais en garde
contre l'extrême légèreté avec laquelle ils se jettent à
la tête d'un mauvais français comme moi et pendant que
j'y serais, une bonne fois, pour n'avoir plus à y
revenir, pour ne plus me trouver dans le cas d'avoir à
refuser d'aussi désirables faveurs, ce qui me cause
nécessairement une grande peine, je les prierais qu'ils
voulussent bien, leur Légion d'honneur, se la carrer
dans le train, comme aussi leurs plaisirs élyséens. "
(L'épuration et le délit d'opinion, dans Le Crapouillot,
avril 1950).
Grand auteur
Le Passe-muraille
Entre amis
Immense écrivain, il a été attaqué
surtout par ceux qui ne supportaient pas que ses romans
décrivent assez crûment la France des années quarante et
l'épuration. Celui qui met sur le même pied les
collaborateurs monstrueux et les revanchards sinistres,
qui décrit avec une exactitude désinvolte le marché
noir, les dénonciations, les règlements de comptes (Le
Chemin des écoliers, Uranus)...
Au vrai, ce ne sont pas ses écrits qui lui valurent
l'accusation de collaboration, mais la défense de ses
amis, Robert Brasillach en 1945, Maurice Bardèche en
1949 et Céline en 1950.
Le 8 mars 1951, profitant d'une représentation de Clérambard au
Danemark, Marcel AYMÉ
rendra visite à Céline dans la propriété de Me Mikkelsen
à Klarskovgraard.
Après la rue d'Alsace, la rue Marsollier dans le 2e
arrondissement, chez sa mère avec Lucette et le
dispensaire à Sartrouville Céline s'installe, en mars
1941 sur la Butte au 4 rue Girardon.
C'est Gen Paul qui a trouvé cet appartement, en face de son atelier au
5ième étage. Le Nord et l'Ouest de Paris du salon, le
Moulin de la Galette de la chambre, le Sacré-Cœur
de la cuisine, on peut trouver moins pittoresque...
" Gredin ! vous vous écrieriez !... il nous enfle !
le fripon nous erre !... sa trame ! la trame ! son
quiqui oui ! la corde ! et zoust ! son balcon ! il nous
fourvoye ! ce local ! au septième étage ! il demeurait
là !... l'insolence ! et ils l'ont pas suspendu ?...
La vue sur tout, sur tout Paris que vous me pardonnerez jamais ! - Le
fini traître ! c'est pas la peine ! au jugé ! la preuve
finale ! écrabouillante ! une vue pareille ! Il se
refusait rien ! Ah là là ! Ils l'ont pas pendu ! "
(Féerie pour une autre fois).
Un autre phénomène apparaît sur la Butte en 1934, au
12 de la rue Girardon, l'acteur Robert LE VIGAN.
Robert-Charles-Alexandre Coquillaud dit LE VIGAN
joue des quantités de petits rôles, interprète Molière
et Georges Bernard Shaw, rencontre Julien Duvivier qui
le fait jouer dans Les Cinq Gentlemen maudits.
Puis il tourne dans La Bandera, les Bas-Fonds et
le Quai des brumes qui le rendent célèbre.
Céline le rencontre après qu'il venait de jouer le
Christ dans Golgotha où il s'était fait arracher
8 dents et limer quelques autres pour mieux ressembler
au visage de celui-ci. Colette dira, après l'avoir vu
jouer que LE VIGAN était un acteur "
saisissant, immatériel, sans artifice, quasi céleste.
"
Entre les deux " monstres ", l'amitié s'installe, elle
sera scellée avec le chat Bébert acheté à La
Samaritaine, offert par LE VIGAN à Céline.
Quant à l'écrivain, il lui apportera une postérité qui
dépassera le succès du cinéma, avec la figure de " La
Vigue " magistralement évoquée dans D'un château
l'autre et Nord.
Golgotha
Les disparus de St Agil
La Bandera
PARIS
, L'OCCUPATION ALLEMANDE.
Les troupes allemandes occupent maintenant Montmartre.
On voit des quantités de " vert-de-gris ", appareils
photos en bandoulière, à la recherche de " saucisses "
(femmes à boches).
On ne célèbre plus la " messe chez Gégène " le dimanche. L'atelier
du peintre n'est plus fréquenté que par des amis sûrs.
Céline reçoit du courrier de la part de la Résistance,
des boîtes d'allumettes peintes en noir, avec une croix
blanche, autant de menaces de cercueil...
Du cinquième, Céline sait parfaitement ce qui se passe
juste à l'étage au-dessous. Il soignera même, un beau
jour, un résistant que lui amène Champfleury, torturé
par la Gestapo.
La ville de Paris est déclarée ville ouverte et va être occupée, de la
débâcle jusqu'au 25 août 1944. La vie quotidienne y est
plus difficile mais reste à peu près la même qu'avant la
guerre. Les salles de cinéma présentent des films à
succès, les salles de spectacle, les cabarets, les
restaurants, les théâtres restent ouverts. Le " tout-Paris " fréquente l'hôtel particulier de Sacha
Guitry. Le quartier de Montmartre va conserver sa
vocation touristique, 200 maisons closes environ
fonctionnent.
"
Vainqueurs dans une guerre facile, ayant conquis une
capitale sans ruines, les soldats allemands font du Gay
Paris un but d'excursion et dès la seconde semaine de
juillet 39, prennent le chemin du Lido, du Casino de
Paris, des Folies-Bergères, du Concert Mayol, de toutes
ces salles, qui par la plume et la cuisse prouvent
abondamment que " Paris reste toujours Paris ".
Gay Paris
Amour et sexe
L'occupation
Le Moulin Rouge
Studio 28
Les queues
Pour les grandes manœuvres
galantes, Paris est divisé en trois secteurs :
Montmartre, Montparnasse, Champs-Elysées... Lorsque tant
de Français ont faim et froid, dans ce cruel hiver 1941,
par exemple, certains journaux évoqueront sans dignité
ce club où, " les murs, rose et or, enclosent
précieusement une atmosphère tiède, où " le rayon du
projecteur sent l'orange cependant que le tintement de
la glace dans les seaux meuble les brefs silences de
l'orchestre... "
" Tous les jours comme avant-guerre, à l'heure de
l'apéritif, Jean d'Esparbès et moi-même retrouvions L.F.
Céline, Gen Paul et Le Vigan au Taureau ou au Maquis.
Le café était tenu par une actrice du cinéma muet, qui avait joué dans La
Loupiotte. Le dessinateur Poulbot s'y rendait
quelquefois, ainsi que le bougnat Madamour qui habitait
5 rue d'Orchampt. Je connaissais Jean d'Esparbès, un
ancien des Corps-Francs, mi anarchiste, mi bonapartiste,
un montmartrois cultivé, un poète et surtout un bon
peintre. Son " Buveur d'Absinthe " avait fait sa gloire
: à peine sec il était vendu.
Jean était entré au M.L.N. avec moi. Céline ne manquait jamais de lui
poser mille questions sur la légende impériale. Gen Paul
ne disait rien. Il avait deux passions : peindre et
boire. Anarchiste, il détestait les particules. Il ne
portait pas de décorations : sa jambe droite amputée
suffisait. Le Vigan était l'acteur du trio. Il jouait
aux illuminés en racontant sa vie. Toujours survolté, il
se faisait remarquer. Avec son amie Tinou, il
communiquait par gestes et signes cabalistiques,
hermétiques à autrui. Marcel Aymé venait parfois, mais
il pouvait rester des heures sans dire un mot. De son
voyage en Amérique, il n'avait envoyé aux copains que
des cartes postales représentant des cimetières, et il
avait tout dit. "
(Pierre Pétrovitch, Céline à Montmartre
sous l'Occupation, La Revue célinienne, 1981).
MONTMARTRE SOUS LES BOMBES.
2 heures du matin, le 22 avril 1944, les avions
anglais et américains bombardent le nord et le
sud-est de Paris. Est visé, le centre de chemins de fer
de La Chapelle. La cible est ratée et Montmartre, la
Butte sont dévastés : 259 morts avec plus de 200 blessés
uniquement pour le 18ième arrondissement.
Céline ne peut passer à côté d'un tel évènement...
" En arrière, Lili ! en arrière Trois pas avec elle,
arrière !... c'est des confettis qui crépitent ... pas
des confettis ordinaires !... le plancher hoque, gode...
un avion remonte juste hurlant du gouffre Marcadet...
ils rentrent chez eux direction nord !... entre le
Sacré-Cœur et le Beffroi...
le Beffroi " broum " ! des grandes messes !... des
enterrements d'archevêques !... broum !... aujourd'hui
on enterre tout le monde ! broum !... deux avions encore
jaillissent du fond Caulaincourt !... ils ont lâché une
marmite ! deux ! trois... elles éclatent en s'étalant
!... en flaque... brrrroum !... vous savez !... en mare
de mitraille qui s'étale... "
" Je lâche pas la rampe, je veux tout voir !... "
- Jamais on retrouver le Sacré-Cœur
! Je prédis ! alors un immeuble comme le nôtre !...
briques ! mosaïques !... ascenseur ! où qu'on ira ? même
d'une mine à certaine distance on volera aux cieux !
construction d'une époque légère !... même la façon que
les avions frisent, frôlent nos gouttières !... tout
tremble ! tuiles ! fondations ! assiettes ! alors ? j'ai
l'instinct que tout va être englouti ! belle aventure,
les catacombes ! et nous fonçons sans un pli ! des
fulgurations pareilles dépassent les moyens humains !
n'importe qui reste baba, s'attend au pire... bon ! Lili
aussi...mais je lui demande pas... un déluge remue ciel
et terre... c'est un spectacle et puis c'est tout... les
shrapnels piquent dans les brasiers, éclosent en bleu,
en jaune... en rouge...
- Tiens-moi ! elle me demande, tiens-moi ! "
(Féerie pour une autre fois).
Bien après la guerre et cet évènement, Céline va
utiliser tout son génie pour retracer ces moments
dantesques bien dignes de son talent. Le chroniqueur va
alors relier ceux-ci à ce qu'il estime la " trahison "
de Gen Paul. Le peintre s'était répandu en propos
acerbes contre lui, en répétant, qu'après la Libération,
il n'avait plus pu vendre une seule toile à cause de son
antisémitisme...
Dans son Féerie pour une autre fois, Céline va
représenter Gen Paul en affreux unijambiste, dans son
fauteuil à roulettes, au dessus du Moulin de la Galette,
en train de devenir le chef d'orchestre diabolique,
organisateur de ces déchaînements...
" ... c'est le Jules, je le jurerais sur la Foi !
c'est le Jules qu'est responsable de tout !... un
néfaste comme on en voit peu... artiste carabosse
lubrique !... il incante ! il incante, voilà ! il
incante sans cannes à présent !... par la force des
gestes ! il est placé, vous pensez !... tout au sommet
des incendies ! c'est miraculeux qu'il flanche pas,
qu'il crève pas enfin sa rampe... chavire pas au brasier
autour... tous les bosquets crépitent assez ! vert...
rouge... y a du surnaturel dans Jules, la façon qu'il
s'équilibre, redresse, surnage, roule et redéroule ! hue
! dia ! pivote ! pirouette !... ce qu'il faisait admirer
comme chefs-d'œuvre dans son
atelier, ses effets abracadabrants... enfin, d'après ma
jugeotte... c'était rien à côté de l'actuel ! de ce
qu'il nous faisait voir sur Paris ! la façon qu'il
tenait la tempête, qu'il barbouillait le ciel, bleu,
vert, jaune ! qu'il faisait éclater les geysers !... où
il voulait ! comme il voulait ! à la canne ! au geste
!... précipiter les aravions ! les charges qui
s'entrecroisaient !... et qu'il faisait sauter les
usines !... renverser les églises au ciel !... clochers
retournés ! "
(Féerie pour une autre fois).
Sacré Cœur
les ruines
Renault bombardé
Devant le Sacré Cœur
MEUDON.
Le
15 mars 1951, Tixier-Vignancour obtient la mainlevée du
mandat d'arrêt lancé contre Céline en 1945. Le 20 avril,
le Tribunal militaire amnistie Louis Destouches (et non
Louis-Ferdinand Céline).
Et
le 1er juillet 1951, Céline, Lucette et Bébert rentrent
en France. Ils seront restés six ans en exil au Danemark
et Céline aura fait dix-sept mois de prison.
Du 1er au 23, le couple Destouches séjourne chez Mr et Mme
Pirazzoli, Palais Bellevue, route de Garavan à Menton,
visite Albert Paraz en sana à Vence, et passe l'été chez
Paul Marteau à Nice.
En juillet, Céline signe un contrat avec les éditions
Gallimard. Il ne veut plus retourner à Montmartre, son
appartement est d'ailleurs occupé, depuis les premiers
jours de la Libération par le résistant Yves Morandat.
Un moment il sera tenté par Quimper et la Bretagne.
Lucette et lui veulent une maison pas chère, où ils
pourront loger toute leur ménagerie, assez vaste pour
pouvoir continuer à pratiquer la médecine et pour elle,
continuer à donner ses cours de danse.
Ils vont trouver un pavillon délabré, au 25 ter Route des
Gardes à Meudon, la villa " Maïtou ", dans le
département de la Seine-et-Oise. Ils y aménagent avec
Bébert en tête, les chats Thomine, Flûte et Mouchette et
leur chienne Bessy, beaucoup d'autres viendront
rapidement les rejoindre.
La villa " Maïtou " est une bâtisse style Louis-Philippe, vétuste,
humide, inhabitée depuis 10 ans, sans chauffage central.
Il va s'installer au premier où une pièce attenant au
bureau va lui servir de chambre à coucher. Au premier et
second étage, c'est le domaine de Lucette qui y donnera
ses cours de " danses classiques et de caractère " et où
il ne va jamais.
Cette maison a tout de même un grand intérêt : elle domine tout Paris,
Courbevoie où il a vu le jour, Puteaux, la Seine, vue
aérienne, un " haut balcon pour cracher sur le monde.
"
Céline ne va plus guère sortir de chez lui, entouré de
dogues, il est sur ses gardes. Le Parti communiste fait
appel à des manifestants pour protester contre sa
présence.
" Quand Henry ALBERT, le maire de Meudon, a compris
ce qui se passait, il s'est rendu sur les lieux et a
harangué la foule : " Cet homme que vous voulez chasser
de chez lui à cause de ses erreurs ou de son mauvais
jugement a déjà payé ses actes de sept années d'exil.
Il est maintenant de retour officiellement amnistié. Il a choisi de
résider dans cette ville. Tant que je serai maire il
pourra vivre ici s'il le veut. S'il faut la police pour
empêcher ce harcèlement, je suis prêt à l'appeler. Si
elle ne suffit pas, je ferai appel à la garde nationale.
Laissez cet homme en paix. Ils sont partis et ne sont
jamais revenus. "
(Grass Roots Resarch, revue
californienne, Recovering Literature, printemps 1985,
Stanford LUCE).
Au-dessus de tout Paris
Entouré d'animaux
S'il ne quitte pas Meudon, sauf pour aller chez son
dentiste, précisera le danseur Serge Perrault, qui
l'accompagne, beaucoup d'artistes, de journalistes, de
célébrités vont se déplacer et apporter à l'ermite une
autorité et une légitimité que d'aucuns croyaient
impossible. Le mur du silence sera bel et bien rompu...
Vont défiler : sa " payse " Léonie Bathiat,
l'inoubliable Arletty des Enfants du Paradis,
Robert Poulet, Marcel Aymé, Pierre Brasseur, Michel
Simon, Paul Chambrillon, Roger Nimier, Pierre Monnier,
Pierre Dumayet, Albert Paraz, André Parinaud, Alphonse
Boudard...
" La grille s'est ouverte. Poulet l'a poussée en même
temps que Céline la tirait. Le maître des lieux a fait
taire les molosses, en les engueulant, la voix rauque et
cassée. Je ne le quitte pas de l'œil
une seconde. Je suis en retrait. Je n'existe pas,
littéralement. Il n'y en a que pour Poulet. Bien sûr. De
grands amis. Ça se voit. Il
a souri à Poulet. Il lui a donné la main, à moi aussi,
mais comme ça, par hasard. Il doit pourtant se sentir
observé. Il s'en fout. Peut-être pas tant que ça. Je ne
sais pas. Il n'est pas à prendre avec des pincettes. Il
est couvert de peaux crues, sales. Des épaisseurs de
blousons et de chandails crasseux, troués, et des
écharpes, un foulard, qui pendent, non noués. Va comme
je te pousse. Il est courbé en deux. Il est cassé. Il
n'a plus que la peau sur la carcasse. Il a dû avoir une
terrible charpente, le cuirassier.
Les molosses me flairent, tournent autour de moi. Les pantalons sont
ignobles. Ils tiendraient debout tout seuls à force
d'être sales. On pense à un tas de choses. Du cuir. Ils
sont jaunes et luisants de crasse. Plus rien dedans. On
voit la boucle sur les reins, par-dessous les couches de
peaux crues qui flottent par devant. Un clochard. Un
berger.
(...) On était maintenant assis dans des osiers, sur le
gravier - ne disons pas la terrasse - derrière la villa.
Elle avait meilleure mine de ce côté-ci. Toujours le
désordre. Et les molosses. Des cages à oiseaux. Des
perchoirs et des séchoirs. Des chats. Du banal. Du
mortellement banal. Du cirque, style roulotte. Je ne
voyais que l'homme. Il parlait de ses nouilles qui
cuisaient. Puis il n'en a plus jamais parlé. Il ne s'est
pas levé, non plus, avant qu'on ne parte au bout d'une
heure. Il n'a plus rien dû en rester, de ses nouilles.
Madame n'était pas là. Elle était je ne sais où. A
Paris, sans doute. Mais elle donnait toujours des cours
de danse. Ah oui, il parlait aussi du voisin - un voisin
fort distant - qu'on ne voyait pas, à travers les
feuillages, et qui le persécutait à coups de radio, je
crois bien. Il avait la peau du visage luisante, Céline,
la peau qui brillait sur le front, aux tempes et aux
pommettes (larges, les pommettes), comme une peau trop
tendue. Satinée. Une peau de mineur qui est passé à la
douche, voilà. Il avait d'ailleurs une tête de mineur, à
la Constantin Meunier, une tête de Ch'timi ou de Borain.
Un Van Gogh, au fond. Un masque brutal. Des lèvres sans
dessin, sans ourlet, sans retroussis. Une bouche taillée
à la hache. C'est une peau que j'ai toujours vue aux
artérioscléreux.
" Oh, je vais crever cette fois, ici là, comme un chien ! J'suis fait,
mon vieux ! "
Il disait que la tension l'empêchait de dormir et qu'elle montait quand
il écrivait. Les nouilles. Il ne mangeait plus que des
nouilles. "
(Paul Werrie, Ecrits de Paris, juin 1965).
" Quel théâtre !
Il était grand.
Dans son jardin, sur la colline de Meudon, après son retour en 1952, il
semblait plus Breton que jamais, à la fois vieux
capitaine brisé par les embruns et veuf de ses illusions
englouties par la grande Tempête de l'Univers. Empaqueté
dans une cape de bure, appuyé, voûté sur une canne
quelconque, amaigri, les cheveux toujours coupés "
maison ", l'œil très bleu,
il
accompagnait les amis à mi-chemin, faisant " au-revoir "
de la main, le regard perdu vers quelque mélancolie.
La tristesse pourtant n'était pas son fort.
Plus que quiconque, il aimait rire, volontiers moqueur et d'abord de
lui-même. Dans ses propos les plus sérieux, se glissait
toujours une blague, un clin d'œil
qui ramenait le discours à son juste ton : celui du
climat éminemment relatif des entreprises humaines.
Parler, mimer une image verbale : grand plaisir pour lui, et pour les
visiteurs plus encore. Un après-midi, pour Marcel Aymé
et moi, il improvisa une fête du langage où tout était
dit et joué dans le mouvement d'une verve folle. Marcel
Aymé, muet comme il lui était habituel, le menton dans
la main, et moi de même, comblés tous deux de joyeuse
hardiesse et d'invention réjouissante.
Seule la douleur, fruit du mal de guerre, le rendait parfois
silencieux et solitaire, certains visiteurs prenant
cette infirmité pour une lubie.
Mais le reste du temps, quel théâtre ! Dans son propos comme au
fond de son œuvre, il
restait homme de spectacle. Son souci de fournir au
lecteur la matière même du langage réel, d'en transposer
le génie spontané, le " rendu émotif ", assure à cet
amoureux de la danse, une démarche parallèle à celle du
dramaturge. "
(Paul Chambrillon, Le Brigadier, octobre 1975)
Céline intente
un procès aux éditions Julliard qui viennent de publier
le Journal d'Ernst Jünger. L'écrivain s'estime diffamé
et Ernst Jünger reconnaît lui-même que son éditeur
français a effectué une modification de son texte (le
nom de " Merlin " est devenu " Céline "...).
Entre mars et mai 52 les éditions Gallimard réimpriment
toute l'œuvre de Céline hormis les pamphlets. Féerie
pour une autre fois est publié en juin. La critique
boude le nouveau roman de Céline et, à de rares
exceptions près (Gaëtan Picon, Maurice Nadeau, Roger
Nimier, Jean Paulhan et évidemment Albert Paraz), elle
demeure muette.
En janvier 1953, André Parinaud publie la première interview
de Céline depuis son retour d'exil. Cette initiative a
peu d'impact et Céline achève Normance, la
seconde partie de Féerie, publié en juin 1954 et
dont le succès reste aussi confidentiel.
La Nouvelle Revue Française édite en cinq
livraisons Entretiens avec le Professeur Y, qui
ne rallume toujours pas les passions des lecteurs.
Voyage est réédité en collection de poche et au "
Club du Meilleur Livre ". Cela offre à Céline
l'occasion de donner une longue interview, la première
d'une très longue série. Finalement, Entretiens avec
le Professeur Y paraît chez Gallimard en juin 1955.
A partir de 1956, les lecteurs de Céline se font plus nombreux,
grâce à la diffusion de Voyage en poche et à un
reportage publié dans Paris Match présentant
l'écrivain en compagnie de Michel Simon et d'Arletty à
l'occasion de l'enregistrement d'un disque.
Céline est en train de rédiger D'un château l'autre
et de plus en plus de journalistes viennent à Meudon
pour l'interviewer. Dans son pavillon, l'écrivain
cultive son décor et son personnage.
D'un château l'autre est édité en 1957 et Céline est
l'invité de Lecture pour tous, l'émission
télévisée de Pierre Dumayet. L'accueil de ce nouveau
roman est favorable. Quelques débats reprennent,
opposant les pros et les antis Céline. Il écrit alors
Vive l'amnistie, monsieur ! pour faire cesser les
polémiques.
Mort à crédit est publié en édition de poche, avec les
fameux blancs.
A partir de 1959, des universitaires commencent à s'intéresser de
près à Céline. Gallimard, en mai, réédite les ballets de
l'écrivain sous le titre Ballets sans musique sans
personne sans rien, illustrés par Éliane Bonabel.
L'équipe d'En français dans le texte enregistre
une émission télévisée à Meudon mais les protestations
habituelles en font interdire la diffusion.
En mai 1960 paraît Nord, la suite de
D'un château l'autre. Céline travaille sur plusieurs
projets, notamment l'adaptation cinématographique de
Voyage au bout de la nuit par Claude Autan-Lara et
son entrée dans la " Bibliothèque de la Pléiade "
pour laquelle il réécrit les passages censurés de
l'édition originale de Mort à crédit (il faut
noter que l'actuelle édition Folio reprend cette version
" remaniée " et aseptisée).
Céline entame également " Colin-Maillard " qui
deviendra Rigodon. Le 30 juin 1961 il a enfin
achevé la deuxième version de ce roman.
Le lendemain, le 1er juillet, à 18 heures, Louis-Ferdinand Céline
meurt d'une rupture d'anévrisme. Son décès ne sera
annoncé par la presse que le 4, après son inhumation au
cimetière de Meudon.
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