1933
Février
-
Publication
de « Pour tuer le chômage, tueront- ils les
chômeurs ? », à l’issue d’ un voyage en Allemagne.
-
Début de sa liaison avec
Evelyne Pollet, une romancière d'Anvers qui lui a
demandé de lire un des ses manuscrits.
Elizabeth " Lucie " Porquerol
publie dans Le Crapouillot un compte-rendu
élogieux de Voyage. Ils se rencontrent et
resteront en relations amicales jusqu'en 1934.
Mars
- Publication, le 16 mars 1933 de Qu’on s’explique
dans le journal Candide. Le prétexte est connu :
il s’agit des propos d’un agent forestier anonyme
rapportés dans L’Intransigeant du 4 mars et dans
lesquels cet honnête homme déclarait se constituer sa
propre bibliothèque anthologique personnelle à coups de
ciseaux impitoyables. Alméras : « Lui, best-seller de
l’année, l’auteur traduit dans toutes les langues,
n’est-il pas agressé par un obscur « agent forestier » ;
cette attaque aux ciseaux fait à Céline l’effet d’une
atteinte à son être : on veut sa mort et il
« s’explique »
-
Voyage est traduit en italien, en russe (par Elsa
Triolet et Louis Aragon) et en allemand.
- Le jury du prix Renaudot est
invité à déjeuner par Céline. Il fait la
rencontre d'Elie Faure.
Avril
- Céline fait la
connaissance d'Eugène Dabit.
Mai
- La traduction
de
Voyage en allemand est interdite. Séjour à Londres
pour la traduction anglaise ; au retour, il s'arrête
trois jours à Anvers (Evelyne Pollet).
- Céline a séjourné à Londres du 18 au 24 mai, entre les démarches
pour la traduction du roman, Céline a très certainement
rencontré Joseph Garcin.
Juin
- Il part seul pour Bâle,
Zurich, Innsbruck, Vienne.
- Rentré de Belgique, à Paris vers le 28 ou le 29 mai. Céline
va en Autriche le 6 juin, laissant Elizabeth à Paris
(elle partira quelques jours plus tard définitivement
pour les Etats-Unis).
- Le 8 juin, Elizabeth Craig
s'embarque et retourne aux Etats-Unis et ne
reviendra plus jamais vivre avec
Céline.
A Alphonse Juilland, qui le premier retrouva sa trace, elle déclara en mai
1988 : " Qu'elle n'avait jamais lu le Voyage,
qu'elle avait brûlé toutes ses lettres et qu'elle avait
longtemps hésité avant de rompre avec lui. Elle
craignait de vieillir auprès d'un homme qui adulait à ce
point la perfection physique chez les femmes. "
- Sur la route de l’Autriche, il s’arrête quelques jours à Bâle, Zurich et
Innsbruck.
- Il arrive à Vienne le 12 juin et retrouve Cillie Pam,
jeune Autrichienne juive rencontrée à Paris en septembre
1932, et Anny Angel.
Après l’Autriche, il se rend à Prague où il rencontre
la psychanalyste Annie Reich. Traduction du
Voyage
en
Tchèque.
Début de la rédaction de Mort à crédit.
- Il rentre à Paris entre le 25 et le 28 juin.
- Innsbruck : préface intitulée "
31 cité d'Antin ", pour un album de fresques d'Henri
Mahé destinées à un bordel situé à cette adresse.
Juillet-Septembre
- Il séjourne à Dinard à partir
de la fin juillet et jusqu’au 10 septembre environ.
-
Le 26 septembre : publication
de
L'Eglise chez Denoël. Voyage a dépassé les 50
000 .
Il propose à Denoël de faire illustrer Voyage au bout de la nuit
par Henri Mahé.
La mère de Mahé décède, il quitte les Beaux- Arts et le
couple décide de s’installer à Choisy-le-Roi. Tirée par
le remorqueur Le Pierrot, la péniche franchit les quatorze
écluses.
Octobre
- Le 1er octobre, Céline, sur les instances
de Lucien Descaves, l’un de ses supporters de l’académie
Goncourt, prononce le discours
d’usage à l’occasion de
la commémoration annuelle de la mort de Zola. L’ « Hommage
à Zola » a retenu l’attention de la critique.
Mahé précisera que c’est lors du discours de Médan qu’il
rencontre le Dr Clément Camus et que celui-ci lui évite
le service militaire. Ancien directeur du Service de
santé des étapes de l’armée, participe à la bataille de
France en mai 1940 et suit le repli des troupes jusqu’à
Carcassonne. Le Dr Camus, admirateur de Léon Bloy était
lié également à Gen Paul et Curzio Malaparte qui le
reçut à Capri. Céline et Camus se revirent souvent.
Céline est devenu en quelques mois l’écrivain le plus courtisé de
la République des Lettres. Ses rares interventions dans
la presse ont fait sensation, mais il n’avait pas encore
pris la parole en public. Si l’on croit Max Descaves, ce
sont les enfants d’Emile Zola qui souhaitent l’inviter
pour commémorer le 31e anniversaire de la
mort de leur parent. Lucien Descaves est chargé de
convaincre Céline, que cette proposition n’enchante
guère. Et l’écrivain ne peut rien refuser à celui qui
s’est démené pour lui obtenir le
Goncourt.
Dans une lettre au journaliste Léon Deffoux, Céline
livre le fond de sa pensée, le 9 septembre : « Hélas,
on m’a fait promettre il y a deux mois ce texte à
Marianne qui me relance depuis une année ! Je ne puis
me dédire sans muflerie !... Au surplus je suis un
détestable rédacteur ! J’aime mieux l’avouer ! mon tope
est d’une violence ! qui certes déplairait à L’œuvre
et je crains hélas aux amis de Zola ! Je m’exécuterais
comme promis, mais je crois que le plus sage est que
cela reste entre nous, entre amis. Non que j’abîme Zola,
évidemment, mais je me promène dans l’atroce et cela ne
plaira peut-être pas et manque peut-être d’opportunité.
Ce sens des nuances me fait défaut. Enfin j’ai bien
souffert et que ceci me compte au moins par
indulgence… »
Ceux qui attendaient des éloges à Zola en furent pour
leurs frais : « Aujourd’hui le naturalisme de Zola
avec les moyens que nous possédons pour nous renseigner,
devient presque impossible. On ne sortirait pas de
prison si on racontait la vie telle qu’on la comprend
depuis une vingtaine d’années. Il fallait à Zola déjà
quelque héroïsme pour montrer aux hommes de son temps
quelques gais tableaux de la réalité.
La réalité aujourd’hui ne serait permise à personne. […]
Nous voici parvenus au bout de vingt siècles de haute
civilisation et, cependant, aucun régime ne résisterait à deux mois de vérité. Je
veux dire la société marxiste aussi bien que nos
sociétés bourgeoises et fascistes. »
Le public sous le choc, le 3 octobre La Dépêche
de l’Ouest notait : « En un quart d’heure, la
civilisation moderne gisait à nos pieds, abattue,
fracassée, comme si, sur cette divine lumière de Médan,
sur les frondaisons vivantes et magnifiques, un ouragan
avait brusquement passé. Cela rappelait les pires
violences de Mirbeau et de Léon Bloy et mieux encore, le
Dictionnaire de l’homme sauvage de Papini et
Giulotti, où le bourgeois innommable, irregardable,
polypestilentiel est successivement accusé d’avoir
découronné les rois, ridiculisé les prêtres, mécanisé la
guerre, falsifié l’héroïsme, corrompu les juges,
ressuscité l’esclavage, déshonoré la liberté, remplacé
le soleil par la lumière électrique, les poètes par les
chauffeurs, les clochers par les tuyaux d’usines,
l’église par le cinéma, l’hostie par le chèque, le
couvent par la caserne et l’Evangile par le manuel du
parfait cuisinier. Le public venu là pour entendre
célébrer l’esprit de justice, l’amour de la vérité, le
courage civique, l’indépendance d’un grand écrivain, en
était baba. »
Dans son discours à Médan Céline a énoncé les
principaux traits de son œuvre romanesque. Les souvenirs
personnels, la mort, le pessimisme absolu, l’inéluctable
décadence, les totalitarismes, la folie du pouvoir, etc…
tout est annoncé.
Bardamu/Céline
ne parlera jamais plus en public. Il n’en ressentira pas
le besoin. Il a tout dit ce premier octobre 1933, à
Médan, dans le jardin d’Emile Zola.
Novembre
Compte-rendu
réticent d'Aragon sur L'Eglise dans Commune,
périodique de gauche.
1934
Avril
- La rencontre de Céline et de Gen Paul peut se
situer à cette période, puisque le 25 mai, Céline
propose à son éditeur américain de lui envoyer son
portrait gravé par « Gene Paul »
Les jeunes danseuses du Studio Wacker, 67 rue de Douai,
auront donc été les ambassadrices de leur amitié. Ils
étaient faits pour s’entendre : même si leurs origines
étaient différentes. Céline venait du Passage Choiseul,
avait reçu une éducation plutôt choyée, réussi à devenir
médecin, mais comme Gen Paul il n’était pas allé au
lycée, avait vécu de petits métiers, était épris du
parler parisien. Tous deux avaient vécu la guerre, son
horreur, ses mensonges, et dans leur chair autant que
dans leur âme en étaient revenus meurtris pour toujours.
Très vite une complicité s’instaura sous le mode de la
commedia dell’arte, car si Céline avait le sens
du théâtre, Gen Paul avait le sens du spectacle : ils
aimaient se déguiser, mentir, jouer et partageaient une
même attirance pour Karen Marie Jensen, une danseuse
danoise qui se produisait alors dans un cinéma de la
place Blanche et au Tabarin de Sandrini, sous la
protection d’Antoine Peretti.
Mai
-
Le 15, à Londres pour quinze jours.
Juin
-
Le 12 , Céline s’embarque sur le Champlain
pour les USA à la recherche d’Elizabeth, pour essayer de
la ramener. L'appelle aussi le lancement de l'édition
américaine du
Voyage.
New York, puis Los Angeles, où il retrouve son ami Jacques Deval le
célèbre dramaturge boulevardier, l'auteur de
Tovaritch
qui mène là-bas une vie fastueuse et hollywoodienne.
Céline songe aussi à nouer des contacts avec des agents ou des
producteurs pour une adaptation cinématographique de son roman. Ses
projets tombent à l'eau.
- Mais Elizabeth refuse catégoriquement, au désespoir de Céline. Il lui
proposera de renouer et de reprendre la vie commune. La rencontre est
tendue, pénible, inutile.
Désabusé, il retrouve Karen Marie Jensen à Chicago, il lui demande de
l'épouser, par dépit. La jeune femme refuse. Son amour-propre
atteint il va généraliser sa hargne sur tous les USA, il écrira le 7
février 1935 à Karen Marie :
" Je ne connais
rien de plus sinistre que l'Amérique ce pays absolument dépourvu de vie
profonde dès qu'on cesse de s'y exciter et qu'on commence à y réfléchir
[...] Une impuissance spirituelle inouïe. Un lyrisme de Galeries
Lafayette - des enthousiasmes d'ascenseurs. [...] Une nation de
garagistes ivres, hurleurs et bientôt complètement juifs.
"
Juillet
- Chicago, brouille
avec Karen Marie Jensen.
Août
- Fin août : retour sur le
Liberté, rencontre avec Louise Nevelson, sculpteur.
Novembre-Décembre
La
Belgique, Anvers, Evelyne Pollet.
Vraisemblablement vers cette
époque, l'acteur Robert Le Vigan rencontre Céline
dans le cercle d'amis montmartrois qu'il fréquente
régulièrement.
1935
Février
- Céline séjourne à Innsbruck puis à Vienne du 10 au 25 février.
Il retrouve en Autriche Cillie Pam et rencontre
vraisemblablement Heinrich Schitzzler à propos de la
mise en scène de L’Eglise. Il est exténué par la
rédaction de Mort à crédit.
- Céline et Mahé auraient rencontré Edith Piaf à ses
débuts en 1935, chez Louis Leplée, et se seraient même
cotisés pour lui acheter une robe décente.
Mars
- Deux jours à Anvers avec Evelyne Pollet.
- Le 29 mars, à la demande de Céline, Denoël lance une
souscription pour une édition du Voyage illustrée
de 40 lithographies en deux couleurs hors texte de Gen
Paul. Le projet n’aboutira pas faute de souscripteurs
mais sera repris plus tard.
Avril
-
Le 4, : Récital de Lucienne Delforge à la Salle Chopin
en présence de Céline. Au programme : Chopin, Fauré,
Ropartz, Debussy, Liszt, une ballade et deux études de
Chopin dont la Révolutionnaire.
Mai
- Le 3, : concert Salle Gaveau : Céline se présente à
Lucienne Delforge.
- Le 8, : concert de l’Orchestre philharmonique de
Vienne.
- Le 9, Céline écrit à Karen : « Gen Paul est
très amoureux de vous. Il est prêt à donner sa vie et
son œuvre et sa fortune. Il va même apprendre tout à
fait bien à jouer du piston pour vous séduire. Je suis
jaloux. »
- 13 et 15 mai : Céline offre à Lucienne Delforge des livres
et un tableau de Marie Laurencin.
- 25 et 26 mai : Lucienne Delforge et Céline passent le
week-end à Londres.
Juillet
- Le 4, : départ pour le Danemark par bateau
d’Anvers à 14h15. Dîner sur le bateau.
- Le 5, : Esbjaerg – le 6 : Copenhague : hôtel
d’Angleterre –
- le 7 : dîner Kursaal : Karen Marie Jensen. Pendant les
journées suivantes, rencontres avec Karen et nombreuses
promenades au port pour contempler le mouvement des
bateaux.
- Le 9 : déjeuner Bellevue – le 10 : déjeuner Lucullus
– le 12 : Tivoli – le 13 : Malmö, Suède -
le 14 : Bellevue Jardins, Tivoli - le 15 : Tivoli,
Lucullus - le 16 : 10h, départ de Copenhague. Midi
Warnemünde ferry-boat. Déjeuner sur le bateau. Départ
pour Berlin, arrivée 19h. Départ 22h wagon-lit pour
Munich.
- le 17 : changement de train à Munich.
Salzbourg, puis Badgastein. Hôtel Grüner Baum. Louis
poursuit Mort à crédit.
- le 27 : Salzbourg, Park Hôtel.
- le 28 et jours suivants : rencontre avec Cillie
Ambor, visites des musées, concerts, etc…
Août
- Le 2, : brusque départ de Céline pour Paris. Lucienne Delforge reste à Salzbourg jusqu’au 10.
Septembre
- Le travail que
lui demande son nouveau roman, d'abord intitulé " L'Adieu à Molitor "
puis " Tout doucement " et enfin Mort à crédit est colossal. Il va
s'installer pour l'automne et l'hiver à l'hôtel du
Pavillon Royal à Saint-Germain-en-Laye
afin d'avancer le manuscrit. Les après-midi il passe au
dispensaire de Clichy.
- Lucienne Delforge voit Céline parfois à
Saint-Germain-en-Laye où il s’est installé à la fin de
l’été.
Octobre
- Henri Mahé s’installe au Charonne’s Hôtel
chez Georges France pour exécuter les fresques de
l’aviso D’Iberville. Il lui confie également la
décoration du « bal
à Jo »
le Balajo, qui sera agrandi en 36.
Novembre
- Le 22, : Céline et Lucienne passent une soirée à
Londres où tous deux se retrouvent pour leur travail.
Elle est en route pour une tournée en Scandinavie :
parmi d’autres concerts, la réception au prix Nobel des
Joliot-Curie le 13 décembre.
C'est à la fin de l'année qu'il
fait la connaissance de Lucette Almanzor au cours de
danse de Mme d'Alessandri.
1936
Janvier
- Le 15, : déjeuner avec Lucienne à Saint-Germain.
- Le 20 : Céline et Lucienne visitent l’exposition de
peinture flamande à l’Orangeraie
Février
- Fin janvier à début février : tournée de Lucienne
Delforge en Europe centrale.
- 18 février : Lucienne rend visite à Céline malade.
Epuisé, amaigri, il est retourné rue Lepic. Entre cette
date et la fin mars, ils se revoient une vingtaine de
fois.
Mars
- Le 18, : récital de Lucienne Delforge salle Chopin.
- Le 27, : dernier dîner chez elle, elle note dans son
carnet que Céline « se sent seul », affirmant
qu’il « finira seul ». – le 29 : Ils déjeunent
ensemble chez Weber.
Mars-Avril
- En avril, déception provoquée par la rupture avec la
pianiste Lucienne Delforge, après une année de liaison
souvent difficile.
- Rétabli, il quitte
Paris pour l'hôtel Frascati au Havre où il
termine Mort à crédit. Le manuscrit de Mort à crédit, dont les épreuves sont corrigées
par Marie Canavaggia, est remis à Denoël. L'éditeur s'affole de
l'obscénité de certains passages et imprimera l'ouvrage en laissant des
blancs.
Mai
- Le 7, : Anvers, Evelyne Pollet.
-
Mort à crédit
sort en librairie le 12 mai,
neuf jours seulement après le deuxième tour des
élections législatives qui ont porté le Front populaire
au pouvoir. Céline et Gen Paul se rendent chez Lucien Descaves pour lui
apporter son exemplaire de luxe dédicacé et rehaussé en
couleurs. A cette occasion, Gen Paul griffonne un dessin
au crayon le représentant bras dessus bras dessous avec
Céline. Gen Paul a noté : « Grosse bouille et Popaul
allant présenter leurs devoirs à leur maître Descaves. »
Céline se plaint quelques jours après la mise en vente : "
On ne vend rien. Tout est à la politique
". Le roman devient l'objet d'un véritable scandale orchestré par la
critique et les publicitaires. Comme s'il s'agissait de
faire payer à l'auteur le succès de son premier roman. Les premières rancœurs
de Céline à l'égard des milieux littéraires surgissent.
La critique le blesse ou l'ignore et il en est très
affecté. Si bien que Robert Denoël, l'éditeur, dut
publier lui-même sa propre
Apologie de Mort à
crédit...
- Le 16, un portrait à la plume de Céline par Gen Paul est
publié dans Le Cri du jour. Le seul portrait à
l’huile de Céline par Gen Paul que nous connaissons, de
facture sage, non expressionniste est daté de 1936 (il
fera la couverture de Céline de Frédéric Vitoux,
Belfond, 1987, dans la revue Lire, hors- série
n°13, 2011 et dans
Le Figaro
hors- série Céline, 2011).
- Début mai, il est à Anvers où il retrouve Evelyne Pollet.
- Quelques jours plus tard, il repart pour l’Angleterre,
reverra Erika Irrgang avant de rentrer à Paris vers le
25. (Chatham, Londres, Cambridge).
- Le 24, : retour à Paris où il s'explique sur son usage
de l'argot.
Juin
- Inauguration du Balajo le 18 juin 1936.
- Au printemps, Céline rencontre Lucette Almanzor.
Sans doute est-ce au studio du professeur de danse
Blanche d’Alessandri Valdine, 21 rue Henri Monnier, que
Gen Paul fit remarquer à Céline la jeune Lucette
Almanzor qui revenait d’une tournée en Amérique : « D’abord
c’est Popol qui me l’a fait sortir de l’ombre – je ne la
voyais pas – c’est un enchanteur, magicien Popol »,
écrira Céline dans un de ses Cahiers de prison.
Juillet
- Le 23, de Saint-Malo,
Céline écrit à Gen Paul qui s’apprête à partir le 1er
août : « Te voici bientôt sur le départ… Amuse toi
bien. Vois surtout Sande (Margaret Sande danseuse
américaine au Radio City Music Hall de New York), de ma
part et les amis Bourgeois et Parker. Il est possible
que je me trouve au Havre à ton retour. Profite bien de
cette aventure.
J’attends avec impatience et grande
joie ton retour triomphal. Dessine-moi des danseuses au
Radio City. Ton vieux pote. Mes bonnes amitiés à ta
femme. Les amitiés aux potes – à Pepino – à Bonvilliers
– à tous les autres. » Céline a commencé la
rédaction de Bagatelles pour un massacre.
- Fin juillet, Céline part en URSS
à bord du Polaris via Helsinki, pour dépenser ses
droits d'auteur de Voyage au bout de la nuit
traduit par Elsa Triolet. Il séjourne à Leningrad.
Septembre
De Leningrad, il écrit à son ami Jean Bonvilliers sur une carte postale
datée du 4 : " Merde ! Si c'est ça
l'avenir il faut bien jouir de notre crasseuse
condition. Quelle horreur mes pauvres amis. La vie à
Gonesse prend une espèce de charme en comparaison. "
Et un mois plus tard (lettre du 15 octobre), à
Karen Marie Jensen : " J'ai été à Leningrad pendant
un mois. Tout cela est abject, effroyable,
inconcevablement infect. Il faut voir pour croire. Une
horreur sale, pauvre - hideux. Une prison de larves.
Toute police, bureaucratie et infect chaos. Tout bluff
et tyrannie. "
- Retour d'URSS par
Copenhague et Londres.
Décembre
- Le 2, : L'Eglise
est représentée au théâtre des Célestins à Lyon.
- Le 7, : " Secrets dans
l'île ", scénario, bref synopsis, est publié dans un recueil
collectif de textes de lauréats du prix Renaudot.
- Le 28,:
publication de Mea culpa, violemment
antisoviétique et le premier des ses pamphlets, suivi
de La vie et l'œuvre de Semmelweis.
- Sont annoncés à
paraître Casse-pipe et Honny soit, titre de
travail de Guignol's band.
1937
Février
- Céline séjourne à New York trois semaines du 8 au 25
février 1937.
- Mahé fait la connaissance de Gilbert Renault-Decker
lors du tournage de J’accuse d’Abel Gance, dont
il assure et finance les films. Entré dans la Résistance
en 1940, il deviendra secrétaire du général de Gaulle
sous le nom de « colonel Rémy ».
Mai
-
De Saint-Malo aux îles anglo-normandes : incident
de Jersey. Venu à la recherche d’un asile éventuel,
l’écrivain fut arrêté par la police à la suite des
mesures sévères instaurées à l’occasion du couronnement
de Georges VI afin de mettre hors d’état de nuire les
éventuels suspects. Une certaine tension
régnait côté britannique à l’approche du couronnement
prévu le 12 mai ; le comportement manifestement
paranoïaque dans lequel commençait à s’enfermer le
médecin a peut-être provoqué à Saint-Hélier un petit
incident et attiré l’attention des autorités de police
locale. En tout cas après un contrôle des papiers, le
couple fut arrêté. Le consul de France dut intervenir
afin que Céline puisse rentrer en France.
Céline est inquiet, entre ses peurs d’une Europe en guerre et les
pressions liées à ses activités littéraires, il cherche
une porte de sortie et cherche un point de chute :
« Ma vie devient très sportive. Elle consiste à bien
choisir le moment juste pour filer à l’étranger »
(lettre à Karen Marie, 15 mars 1937) et « le
temps n’est peut-être plus loin où il faudra fuir ou
crever » (à Karen Marie, 5 avril 1937).
Il commence par placer une partie de son argent dans diverses
banques européennes, puis poursuit une série de visites
de lieux de refuge possible. Avant
Saint-Pierre-et-Miquelon il va aller à Jersey, île
anglo-normande en compagnie de Lucette : « Je vais à
Jersey début mai voir un peu les choses, peut-être
acheter une petite maison. » (lettre à John Marks, avril
1937).
- Céline entame la rédaction de Casse-pipe,
dont la chronologie romancée fait suite à Mort à
crédit.
- Rédaction en six mois au Havre et à Saint-Malo, du deuxième et le plus
célèbre de ses pamphlets,
Bagatelles pour un massacre,
pacifiste, antisémite et antisoviétique. Persécuteur, il
s'imagina persécuté, et ce fut un fourre-tout haletant où s'exprime son
antisémitisme, son anticommunisme, son pacifisme, son goût des ballets
et de la danse, ses rejets
personnels, son hostilité admirative envers
l'Allemagne, son dégoût de l'homme, son dégoût de l'alcoolisme, son
humour, ses humeurs...
Voulait-il sauver la France, écrire un livre de
salubrité publique qui lui vaudrait l'estime et la reconnaissance de
tous... A Lucette, affolée du ton de ces pages qu'il lui lisait le soir,
il répondait qu'il cherchait à prévenir ce massacre que les Juifs
bellicistes préparaient pour se venger d'Hitler.
Décembre
- Le 10, le docteur
Destouches remet sa démission - démission acceptée le
lendemain par la municipalité. Céline a prit les
devants, en démissionnant du dispensaire de Clichy où il
exerçait depuis 1929. Il prétendra qu'il y avait été
obligé, victime d'un complot du Dr Grégoire Ichok, ce
juif naturalisé fraîchement qui disposait d'appuis
politiques importants.
" J'ai été chassé et dans quelles conditions infâmes ! de mon emploi
au dispensaire de Clichy, où j'étais médecin depuis 12
ans, à la suite de mon livre. Le directeur est in juif
lithuanien - naturalisé depuis 10 ans ". (Lettre au Dr
Strauss).
-
De même, il se voit contraint d'abandonner ses fonctions
au laboratoire de la " Biothérapie " dirigé par Abraham
Alperine.
- Le 28, : publication de
Bagatelles pour un massacre. Les polémiques sont
instantanées même si l'accueil reste plutôt tolérant avec un énorme,
considérable succès de
vente. On considère
alors ce pamphlet comme une farce (André Gide), comme un réquisitoire
naïf...
La bande-annonce est significative : " Pour bien rire dans les
tranchées ". Mais il précise, entre autre, la raison
de ses excès : " La guerre pour la bourgeoisie
c'était déjà bien fumier, mais la guerre maintenant pour
les Juifs ! Je peux pas trouver d'adjectifs qui soient
vraiment assez glaireux, assez myriakilogrammiques en
chiasse, en carie de charogne verdoyeuse pour vous
représenter ce que cela signifie : Une guerre pour la
joie des Juifs ! C'est vraiment bouffer leur gangrène,
leurs pires bubons. Je peux pas imaginer une humiliation
qui soye pire que de se faire crever pour les youtres,
je ne vois rien de plus ignoble, de plus infamant. [...]
que veulent-ils les Juifs ? par derrière leur baragouin
socialistico-communiste ? Leur carnaval démagogique ?
Toute cette escroquerie infernale ? que veulent-ils ?
Qu'on aille se faire buter pour eux, que ce soit nous
qu'on reprenne leurs crosses, qu'on aille, nous, faire
les guignols devant les mitrailleuses d'Hitler. "
Il faut préciser
qu'après le Front populaire, le premier gouvernement
avec Blum à sa tête, avant Munich et son " lâche
soulagement ", ce livre Bagatelles pour un massacre,
est bien en phase avec une grande partie de l'opinion
publique française. Léon Daudet écrira : " Un livre
doit correspondre à l'heure, ou partir vers les étoiles,
en abandonnant le temps présent éperdument. Le premier
cas est celui de Céline. Il a mis, comme on dit, dans le
mille et même, je crois, dans le cent mille. "
- Vie commune avec Lucette Almanzor.
1938
Janvier
- Anvers (Evelyne Pollet) et sans doute Amsterdam pour y
déposer de l'or dans une banque.
Avril
- Le 15, : Céline s’embarque à bord du cargo Le
Celte, chargé de 240 tonnes de charbon et produits
divers, de 22 hommes d’équipages et de quatre passagers,
dont lui. Un seul témoignage reste de cette traversée de
l’Atlantique qui va durer 11 jours, celui de la petite
Jeanne, alors âgée de 10 ans, qui se souvient de
l’illustre passager qu’elle appela « Monsieur » et qui
venait tous les jours la voir dans sa cabine.
- Céline débarque à Saint-Pierre-et-Miquelon le 26
avril, « l’île du bout du monde, des grands vents, de
l’océan, des brumes et de l’oubli. Territoire
romanesque, territoire célinien sauvage et désolé. »
Il s’installe à
l’Hôtel Robert. Il n’en repartira
que deux jours plus tard, le 28, à bord d’un vapeur
postal, Le Belle-Isle
qui l’amènera à Montréal.
Pourquoi passer deux jours dans ces îles
inhospitalières du bout du monde ? Les biographes sont
peu diserts à ce sujet et ne mentionnent les raisons que
pour Montréal et New York. A cette époque Céline se
trouve dans un état d’esprit bien particulier : il vient
de publier
Bagatelles pour un massacre, dans
lequel il dénonce véhémentement les va-t-en-guerre et
est dans l’angoisse d’une prochaine catastrophe qu’il
sent poindre.
La sortie du livre lui a valu de nombreuses critiques (toutes ne
seront pas mauvaises), et l'a forcé à démissionner de
son poste au dispensaire de Clichy. Il se sent
persécuté. Il écrit : à Robert Allerton Parker : « Je
pense me rendre bientôt dans quelques temps à NY mais
par Terre Neuve ou (St Pierre et Miquelon). Ne pense pas
que ma vie est très safe à Paris. » et au Dr Bécart :
« Je m’absente en lointain voyage pour 2 mois. En
revenant, si je reviens… Sans doute de grands
changements permettront de parler à coup sûr ! » à Evelyne Pollet : « Je serai bientôt, je le sens,
en exil quelque part… » (17 déc. 1937), et à Karen
Marie Jensen : « Je ne sais pas où aller non plus. Je
suis signalé et indésirable partout – même en Irlande. »
(Début 1938).
Mai
- Le 2, Céline écrit de Montréal à Gen Paul : « Dans
l’ensemble impression détestable. Jamais
encore la propagande juive n’a été si implacable,
vitupérante, insatiable. Aucun salut pour nous de ce
côté. Ils nous voient tous en guerre. Ils nous méprisent
comme des chiens et ne nous conçoivent qu’à la curée.
L’ensemble abject. Quant à Saint-Pierre et Miquelon, F 3
points aussi et puis juifs – au sommet forcément. Le
cercle se resserre. En vérité, je crois que l’Espagne
seule resterait un refuge. Tout le reste est cuit. »
Pour Montréal, c’est à titre personnel qu’il s’y
rend dans l’objectif d’en connaître un peu plus sur un
mouvement fasciste canadien dirigé par Adrien Arcand.
« Une visite sans tambours ni trompette, presque
incognito » dira Victor Barbeau qui réussira à le
débusquer, et à le traîner presque malgré lui à un dîner
d’une Société des écrivains du Canada français qu’il
anime.
Interrogé par le journal
La Presse, probablement
alerté par Barbeau, Céline confirmera très clairement
l’objet de sa visite montréalaise :
« J’ai rencontré
les chefs d’un parti fasciste à l’avenir duquel je
m’intéresse ».
- C’est ensuite New York où Céline se rend à titre
professionnel pour suivre la traduction américaine de
Mort à crédit. Mort à crédit s’appelait dans
son édition anglo-américaine traduite par John Marks,
Death on the Instalment Plan. C’est l’éditeur de
Boston « Little Brown and Co. » de même que celui du
Voyage, qui le publia outre-atlantique.
Il
ne semble pas que la présence de Céline aux Etats-Unis
ait puissamment contribué au lancement de l’ouvrage. New
York attirait l’écrivain pour aussi d’autres raisons,
les raisons habituelles, les mirages du music-hall, les
girls, les amis, l’oubli consolant que l’on trouve
toujours à s’immerger dans une grande ville étrangère.
- Il se rembarque sur le Normandie le 18 mai
1938. Lucette l’accueille le 23, au Havre où il séjourne
un peu moins d’une semaine.
- Eté : vacances à Dinard, Saint-Malo. En mai, du Havre où il rédige
son troisième pamphlet pacifiste et antisémite L’Ecole des cadavres,
Céline remercie Gen Paul et Peppino pour avoir sorti
Lucette d’une sombre affaire avec un professeur de
danses indiennes : « Mille bons affectueux mercis
pour le mal que tu t’es donné pour Pipe, avec son pied,
son partenaire, vols, viols, tueries, etc… ! »
- Il démissionne du dispensaire de
Clichy. L'écrivain est unanimement rejeté par la gauche
qui avait encensé le Voyage.
Juillet
- En juillet, dernière visite à Londres avec Henri Mahé.
Il parcourt la National Gallery, rend visite à son
éditeur anglais, et se promène sur les docks à la
recherche d'une amie perdue. Il rencontre Mosley, le
dirigeant fasciste, le temps d'une querelle. Il vérifie
surtout que son or est bien gardé à la Lloyds Bank, le
fait peser devant lui, et rencontre un dirigeant de la
Banque d'Angleterre, relation personnelle du temps de la
SDN.
Témoignage de Mahé : "
Nous rendîmes visite à l'un de ses copains, un des
trente gouverneurs de la Banque d'Angleterre, qu'il
avait connu à la SDN... Mais après cette courtoise
visite, quelle mouche avait bien pu le piquer ? Il avait
perdu confiance... [...] Il ramassa ses jetons et, me
plaquant là, courut les coffrer à Copenhague."
Céline
avait eu du flair ou avait été bien renseigné par son
ami anglais : le 5 septembre 1939, en Angleterre, l'or
réquisitionné fut saisi dans toutes les banques du
royaume.
A cette époque, Gen Paul vit un autre drame. Fernande est atteinte de
tuberculose. En juillet le couple se rend en Auvergne,
descend à l’hôtel Bergougnoux de Saint Saturnin par
Clermont-Ferrand. Pendant son repos, Gen Paul réalise
pour René Arnold, patron de Céline dans un laboratoire
pharmaceutique, des illustrations sur chaque page d’un
exemplaire sur papier Japon de Mort à crédit :
164 gouaches dont 15 pleine page hors-texte, et deux
dessins. Un chef-d’œuvre éblouissant de fraîcheur.
Des lingots d’or sont changés en pièces et placées à
Copenhague en 1938.
Septembre
- Il rentre à Paris au plus fort de la
crise de Munich.
Novembre
- Publication de
L’Ecole des cadavres.
Devant la guerre qui semble de plus en plus inéluctable, et son éditeur
qui ne cesse de lui réclamer un autre texte pour
exploiter le succès de Bagatelles, il a rédigé en
quelques semaines, lui qui travaille si lentement, un
autre pamphlet encore plus violent et antisémite.
" Moi je m'en fous énormément qu'on dise Ferdinand il est fol, il sait
plus, il débloque la vache, il a bu, son bagout vraiment
nous écœure, il a plus un
mot de raisonnable. "
La solution pour devancer le conflit qui couve, l'union des armées
franco-allemande :
" Union franco-allemande. Alliance franco-allemande. Armée
franco-allemande. C'est l'armée qui fait les alliances
solides. Sans armée franco-allemande les accords
demeurent platoniques, versatiles, velléitaires... assez
d'abattoirs ! Une armée franco-allemande d'abord ! Le
reste viendra tout seul. L'Italie, l'Espagne par-dessus
le marché, tout naturellement rejoindront la
Confédération. Confédération des Etats Aryens d'Europe.
Pouvoir exécutif : L'armée franco-allemande. "
Décembre
- Le 2, : il participe à une
réunion publique organisée par Darquier de Pellepoix,
dont les brochures antisémites lui ont fourni de la
documentation pour ses pamphlets.
1939
- Fin de la
correspondance avec Cillie Ambor qui
vient de quitter l'Europe pour échapper aux persécutions
antisémites et dont le mari est mort à Dachau.
Mai
- Deux faits vont contribuer à renforcer l'amertume
farouche de Céline : le décret Marchandeau et sa
polémique avec L'Humanité.
- En mai 1939, le
décret Marchandeau (du 21 avril) oblige Denoël à retirer de la vente les deux
pamphlets (Bagatelles et L'école). Céline est exclu de la vie littéraire.
Juillet
- D'autre part, une violente polémique avec
L'Humanité, déclenchée par un article de Lucien Sampaix dans le numéro du 9 juillet. Ce journaliste
accusait bonnement Céline d'espionnage et d'intelligence
avec l'ennemi et faisait état d'un plan d'action
antisémite mené de concert par Céline, Darquier de
Pellepoix et Otto Abetz... " Complot " qui cadrait mal
avec son individualisme forcené.
- Le 21, sa réponse parue dans Je suis partout : "
Mes livres
sont retirés de la circulation... Moi aussi ".
Alors que la
guerre menace, le pacte germano-soviétique bouleverse
les données politiques européennes. Le 23 août 1939, à
Moscou, au Kremlin, en présence de Staline, le ministre
des Affaires étrangères de l'URSS, Viatcheslav Molotov
et celui du IIIe Reich, Joachim Von Ribbentrop, signent
officiellement le Traité de non-agression entre
l'Allemagne et l'Union soviétique. Il entraîne
l'interdiction du Parti communiste français sous la IIIe
République, par les décrets Daladier.
-
Vacances d'été en Bretagne (surtout Saint-Malo).
Août
- Paris.
Septembre
- 1er septembre : c'est la déclaration de guerre. - Automne : Ouvre un cabinet médical à
Saint-Germain-en-Laye, 15 rue Bellevue. Cabinet qu'il
fermera quelques semaines plus tard. Il poste sa mère dans les rues de
la ville et lui fit distribuer des cartes de visite
imprimées à la hâte sur lesquelles on pouvait lire :
Dr Louis-F. Destouches
Lauréat de la Faculté de Médecine de Paris
Réformé militaire, Médaille militaire
Médecine générale
Consultation tous les jours de 1 à 3 h
Octobre
- Dans une lettre à Gen Paul du 4 octobre :
« ma mère bourdonne, elle
fait les rues avec les cartes… »
Il travaille
parallèlement au dispensaire de Sartrouville.
- Le 6, Fernande décède à Tresnay, dans la
Nièvre.
- La médecine libérale
n'étant pas faite pour lui, Céline est contraint, avec
Lucette qui partage sa vie, de retourner à Paris vivre
chez sa mère, 11 rue Marsollier.
Novembre
- Le 9, il est
réformé définitivement et déclaré invalide à 70 pour
100.
Décembre
- Le 11, bien que réformé, Céline s’embarque comme
médecin maritime sur le Chella un paquebot de la
compagnie Paquet, réquisitionné pour le transport de
troupes, pour le Maroc.
Satisfait de retrouver la rigidité de la vie militaire, le romancier
décrit scrupuleusement cet épisode dans ses échanges
épistolaires.
A Marie Canavaggia, le 15 :
« Me voici cherchant l’enrôlement
et l’ayant presque trouvé. »
1940
Janvier
- Le 3, il écrit à Gen Paul :
« J’ai reçu ma
commission d’officier de la marine militaire de 3e
classe temporaire. »
- Cette nouvelle expérience martiale fut brève. Dans
la nuit du 5 au 6, au large de Gibraltar, le
bateau éperonna un aviso britannique, bourré
d'explosifs, qui naviguait tous feux éteints. Le choc
fut terrible : en quelques minutes le navire de guerre,
s’enflamma et coula. Escale à Gibraltar puis retour à
Marseille. Fin de l'engagement du Dr Destouches.
Les rêves d’héroïsme du médecin romancier furent comblés. Dans les récits
qu’il fit de cet incident, le ton varie, tantôt exalté,
tantôt pompeux, mais toujours empreint de solennité et
de fierté qui rappellent les discours de Fernand
Destouches évoquant la conduite chevaleresque de son
fils en 1914.
- Par exemple ces lignes envoyées au Dr Camus le 9 janvier : « Militaire
comme tu me connais, tu ne seras pas surpris de me
savoir devenus (par commission) médecin de la marine de
guerre (1ère classe) et embarqué à bord d’un
paquebot armé. Superflu de te dire non plus que le
commandant est en tout point satisfait de mes services.
Vaillance et discipline, et toujours le premier. Ainsi
je voguais fort estimé sur les mers traîtresses quand
mon paquebot éventra l’autre nuit, en pleine vitesse, un
torpilleur anglais qui fit une de ces explosions qui
comptent dans la vie et la mort d’un navire, se coula
corps et biens en moins d’une minute. Inutile de te dire
encore que ton ami tout au cours de cette nuit fort
tragique, entre morts, noyades et blessés sut faire
honneur à ceux qui lui apprirent le métier des armes et
de manœuvre, et la vaillance, et discipline. A ce point
que je me demande si mes talents ne seront pas honorés,
en haut lieu. »
Mars
-
Céline est de nouveau sans travail, il va remplacer le
Dr Dubroca, médecin-chef au dispensaire de Sartrouville,
mobilisé.
Mai
- Le 10, : les
troupes allemandes envahissent le territoire français.
En six semaines, l'armée française reçoit la plus grande
humiliation de son Histoire.
Juin
- Le 10, la mairie de Sartrouville, cédant à la panique générale décide
d'évacuer une partie de la population. Elle organise une
colonne de réfugiés. Avec tout son service - et Lucette,
bien entendu - il est emporté par la marée de l'exode. Céline part dans une ambulance,
avec un chauffeur, un infirmier, deux infirmières dont
Lucette qui
pour
justifier sa place a revêtu un uniforme, une vieille
femme alcoolique et deux nouveau-nés.
Leur destination est Pressigny-les-Pins, près de
Montargis, où ils devaient se réfugier, mais rattrapés
par l'avancée allemande, ils sont obligés de continuer
vers l'ouest.
Le 15, ils sont à Gien, le 16, ils
assistent au bombardement de Cosne-sur-Loire,
parviennent à franchir le fleuve, mais perdent le reste
du convoi. Le 18, ils sont à Issoudun, l'infirmier n'est
plus là, les nourrissons sont confiés à l'hôpital, il
manque une infirmière. Le lendemain, le chauffeur
absent, Lucette prend le volant et leur périple prend
fin à La Rochelle.
" J'ai accepté pour rendre service de faire partie du convoi
d'évacuation de la mairie de Sartrouville - le 10 juin
[...] En cours de route j'ai donné mes soins à
d'innombrables blessés et malades. J'ai pu mettre en
lieu sûr à travers les bombardements 2 enfants d'un mois
- à Issoudun Cher. Enfin au cours d'un long et très
pénible périple (Sartrouville-La Rochelle) j'ai réussi à
sauver de la destruction l'ambulance de Sartrouville qui
m'avait été confiée et que j'ai pu ramener à la mairie.
[...] Je ne regrette rien. Curieux de nature et si j'ose
de vocation, j'ai été fort heureux de participer à une
aventure qui ne doit se renouveler j'imagine que tous
les 3 ou quatre siècles. " (F. Gibault, Délires et
persécutions).
Juillet
- Le 14, : retour à Sartrouville avec l'ambulance,
c'est une sorte d'exploit.
Incertitude sur ses fonctions au dispensaire.
Là, selon Lucette, Céline songea à s'embarquer pour l'Angleterre.
L'occasion lui était offerte. Il hésita mais y renonça
en songeant à sa mère qu'il ne voulait pas laisser seule
à Paris, en songeant aussi aux enfants qu'il avait
convoyés de Sartrouville jusque-là, et qu'il ne pouvait
abandonner. A quoi tient une destinée ? Céline en
Angleterre en 1940 ! Que d'orages lui auraient été sans
doute épargnés !...
" Si
j'avais su... Remarquez j'ai failli foutre le camp à La
Rochelle avec une ambulance de Sartrouville... Ils
voulaient me la calotter, l'armée voulait me la prendre
! Eh bien ! j'ai résisté, j'ai voulu la ramener, sans ça
je serais parti à La Rochelle, il y avait des départs
pour Londres... Surtout que je parle anglais comme le
français. [...] J'avais tout ce qu'il faut pour devenir
intéressant, quand je vois des baveux qui parlent
anglais comme des bêches !... j'avais le don. J'ai cédé
à la manie sacrificielle !... C'est du masochisme ! Je
suis victime d'un masochisme... Je serais resté
tranquille, j'aurais fait une glorieuse carrière. "
- Le désastre de
juin 1940 coupe la France en deux zones. L'une sous
administration allemande, l'autre, dite libre.
- Le 10
juillet, la République se saborde. L'Assemblée nationale
va donner " tout pouvoir au gouvernement de la
République, sous l'autorité du maréchal Pétain, à effet
de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle
Constitution de l'Etat français ". Et cela par 569 voix
pour, 8O contre et 20 abstentions.
La Constitution n'existera pas. Le lendemain, les deux chambres sont
renvoyées et ne seront ni réunies, ni consultées. L'Etat
français nouveau remplace la devise " Liberté, Egalité,
Fraternité " par " Travail, famille, Patrie ".
Ce qu'avait
prédit les pamphlets semble se réaliser. 100 000 morts
en six semaines, la " trahison " de l'Angleterre qui
rembarque ses troupes à Dunkerque et qui bombarde la
flotte française à Mers--el-Kébir, l'alliance " forcée "
avec l'Allemagne avec la politique de collaboration des
nouveaux maîtres...
Emile Brami écrit : " Céline avait d'avance désigné les responsables :
le gouvernement de Front populaire, les syndicats, le
Parti communiste, les francs-maçons et les Juifs. Dès
lors, il dépasse de beaucoup le statut d'écrivain, même
génial, pour devenir la référence suprême, le voyant, le
prophète, l'oracle devant lequel on se prosterne, et
qui, de temps à autre, laisse tomber quelques mots
d'autant plus précieux qu'ils sont rares. "
Désormais
et pour quatre ans, Céline donne la leçon. Il estime en
avoir gagné le droit par l'antériorité de son engagement
et il sera considéré comme un visionnaire.
Octobre
- Céline devient médecin au dispensaire de Bezons.
Céline n'est pas récompensé, le Dr Dubroca, redevenu civil, reprend son
travail. Le Dr Destouches est une nouvelle fois sans
situation. Un poste se libère à Bezons. Le médecin-chef
en poste, d'origine haïtienne, doit démissionner et se
conformer à la loi interdisant aux étrangers d'exercer
en France.
Céline se porte candidat : " Je trouve qu'il y a
un peu beaucoup de médecins juifs et maçons à Bezons -
en exclusivité par les temps actuels - Je trouve qu'il
serait harmonieux qu'un indigène de Courbevoie -
médaille militaire et mutilé de guerre - y trouve sa
place naturelle. "
Octobre-Novembre-Décembre
- Il
écrit " Notre Dame de la débinette " ou
Les
Beaux draps, son quatrième pamphlet.
- Décembre : trois après-midi de consultation par semaine
au dispensaire de Bezons (jusqu'à juin 1944).
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