RECONNAISSANCE
OFFICIELLE
Et
si on faisait le tour, depuis sa mort, de toutes les
reculades, les faux-fuyants, de toutes les occasions manquées ?...
RUE CELINE ?
"
Pas demain qu'ils me mettront une plaque ",
prophétise Céline dans D'un château l'autre. Une
" rue Céline " est encore plus hypothétique. Pareil
hommage publique pourrait-il être rendu ailleurs qu'en
France ?
En Italie, Francesco Caroleo Grimaldi, candidat de l'Alliance nationale
aux dernières élections européennes, a en tout cas
demandé que le nom de Céline soit donné à une rue de
Rome, à l'occasion du centenaire de la naissance de
l'écrivain.
(BC n° 144, septembre 1994).
**********************
De
janvier 1929 à décembre 1937, Céline travailla au
dispensaire municipal de Clichy, rue Fanny. Nous avons
appris qu'il y a quelques années,
un débat eut lieu au sein du conseil municipal de
Clichy-la-Garenne pour lui donner une nouvelle
dénomination.
Comme le docteur Louis Destouches y travailla durant huit années, il fut
naturellement question de lui donner ce nom. Vaines
tentatives : la mairie socialiste lui préféra le peintre
Chagall, d'où l'actuelle appellation " Centre de santé
Marc Chagall ".
(BC n°171, décembre 1996).
Nous pouvons constater
que près de 25 ans après, quelques nostalgiques,
admirateurs sans doute de l'écrivain ont laissé
subsister le pochoir à l'effigie de Céline sur le poteau
du 10 rue Fanny...
(Photos prises par Gérard Silmo, ce 16 mai 2020 en plein cœur du
confinement imposé par la pandémie).
**********************
LE MUSEE DE MEUDON ET CELINE.
Il
est bien loin le temps où le musée de Meudon tentait une
démarche auprès de Lucette Destouches pour consacrer
l'une de ses salles à Céline. Cela se passait en 1965.
Plus personne ne s'en souvient. Si vous avez la
curiosité de vous rendre sur le site internet de la
ville de Meudon, vous constaterez qu'il y est fait
mention des grandes figures qui y vécurent : de Rabelais
à Wagner en passant par Rodin ou Jean Arp. Céline, qui y
a habité dix ans, est mentionné une seule fois, presque
à la sauvette. Un journaliste du Monde relevait
récemment que la mairie, si prompte à célébrer les
grandes personnages du cru, omet systématiquement son
nom dans ses
brochures officielles. Certains admirateurs de
l'écrivain ont longtemps rêvé d'un musée. Il n'en est
évidemment plus question : " nous comptons à Meudon
une communauté juive et un environnement apaisé que l'on
souhaite préserver. " Dixit l'actuel maire, Denis
Larghero. Son prédécesseur, Hervé Marseille, avait
pourtant tenté de faire quelque chose : " Quand Mme
Destouches est devenue vraiment âgée, inquiet que la
villa soit rasée, j'ai contacté différentes autorités.
Toutes ont préféré détourner le regard. "
On comprend cet embarras : en 1992, Jack Lang, alors ministre de la
Culture, décida de classer la maison comme " lieu de
mémoire ". Le préfet de la région d'Île-de-France s'y
opposa catégoriquement. Le sujet paraîtra dérisoire à
certains. Au moins est-il révélateur.
A propos du classement de la maison, et des polémiques qui s'en suivirent,
un céliniste d'envergure relevait avec justesse que : "
la passion et le prêche moral qu'a mis en branle une
mesure d'ordre strictement culturel donnent une fois de
plus l'idée du chemin que la société actuelle a à
parcourir avant d'accepter Céline dans son patrimoine
artistique. "
Trente ans plus tard, la situation n'a pas évolué. Un universitaire s'est
penché sur la question lors d'un colloque relatif aux "
Figures et lieux patrimoniaux ". Son constat, on s'en
serait douté, est clair : l'inauguration d'un " lieu
Céline " est impossible. Il constate que l'écrivain fait
partie d'un " contre-patrimoine " hors du champ
républicain. " Il relève des " grandes figures
symboliques " dans le sens où il jouit d'une forte
reconnaissance mais celle-ci est doublement polarisée :
elle est positive en littérature, et négative en
politique, à la différence des figures patrimoniales
simples qui ne connaissent qu'une reconnaissance
positive dans les deux domaines. " Et d'ajouter :
" C'est cette reconnaissance paradoxale qui explique les
confusions dont il fait l'objet, la volonté de le
patrimonialiser mais aussi l'impossibilité pratique de
passer à l'acte. "
C'est la raison pour
laquelle, lors des " Célébrations nationales " de 2011,
certains avaient pensé substituer le terme " commémorer
" à " célébrer ". Il faut bien reconnaître que, dans le
cas de Céline, même commémorer s'avère exclu.
M.L.
(Editorial du Bulletin célinien, version numérique expédié aux abonnés
durant le confinement, n° 430, du mois de juin 2020).
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OPPROBRES.
Le savez-vous ? Il
existe une " rue Staline " dans l'Aisne et plusieurs "
rues Lénine " un peu partout en France. Quant aux " rues
Louis Aragon ", qui chantait dans les années trente " le
Guépéou nécessaire de France ", elles sont légion. Mais
ce n'est assurément pas demain la veille qu'il y aura
une rue Céline...
En octobre dernier, le maire de Camaret-sur-Mer (Finistère) eut l'idée de
dénommer un modeste chemin communal " rue
Louis-Ferdinand Céline ". L'adjoint au maire a aussitôt
annoncé qu'il voterait contre cette proposition. Le
maire s'est incliné et une autre dénomination a été
choisie. Coïncidence : c'est à Camaret que se trouvait
jusqu'il y a peu une plaque apposée sur une maison où se
rendait fréquemment Céline avant l'exil. Elle
appartenait à la mère de l'épouse de Henri Mahé. C'est à
la demande du peintre que la décision d'apposer cette
plaque fut votée en 1968 par la municipalité (de
gauche). Afin de ne pas être importunés (?) par des
céliniens, les nouveaux
propriétaires ont décidé de
l'enlever. De telle sorte qu'à notre connaissance il
n'existe en France aucune rue ni plaque rappelant le
souvenir de l'auteur du Voyage au bout de la nuit.
Exception faite naturellement de routes ou chemins
privés.
Ce qui s'est passé à Camaret
rappelle les remous suscités il y a trente ans par
l'initiative du conseil municipal de Montpon-Ménestrol
(Dordogne) qui avait également pris la décision de
donner le nom de Céline à une rue de la commune. Là, ce
sont les protestations d'un comité d'anciens combattants
qui firent capoter le projet.
En 1985, la Préfecture de Paris retira sans aucune explication
l'autorisation qu'elle m'avait accordée pour
l'apposition d'une plaque commémorative rue Girardon.
Rebelote sept ans plus tard lors d'une nouvelle
tentative, cette fois en collaboration avec
l'association " La Mémoire des lieux " dirigée par Roger
Gouze, beau-frère du Président de la République d'alors.
En raison de pressions diverses, cette association me
communiqua de manière lapidaire que l'apposition de la
plaque était remise sine die.
La tentative de faire apposer une plaque sur le domicile qu'occupa, au
mitan des années vingt, le docteur Louis Destouches à
Champel dans la banlieue de Genève se heurta cette fois
au refus du propriétaire suite aux échos parus dans la
presse.
Au début des années 90, la décision de classer la maison de Meudon comme "
lieu de mémoire " fut prise par le ministre de la
Culture avec l'appui de plusieurs écrivains dont
Sollers, Rinaldi et Gracq. Suite aux protestations du
CRIF, ce fut, cette fois, le préfet de la région
d'Ile-de-France qui décida de ne pas donner son aval au
projet.
Plus récemment, un autre ministre de la Culture décida, suite aux
protestations d'une association analogue, de retirer
Céline des " Célébrations nationales ". Il y avait été
inscrit pour le 50e anniversaire de sa mort.
Heureusement le ridicule ne tue pas : à la même époque, le maire de
Strasbourg décida, suite aux protestations d'un
administré, de retirer une citation de Céline
(extraite de Rigodon)
qui avait été apposée sur la porte des toilettes de la
nouvelle médiathèque.
Il existe paradoxalement des
céliniens qui se réjouissent de cette série de
rebuffades, estimant que cela montre à l'envi que Céline
est un écrivain vivant. Quant à la villa " Maïtou ", on
sait qu'avant d'être vendue à terme
(à l'un des voisins)
avec droit d'usage d'habitation
(pour Lucette), le
Ministère de la Culture, pressenti, fit savoir qu'il ne
souhaitait pas l'acquérir. La " Direction des
Patrimoines " renchérit en soulignant que " Céline n'y a
vécu qu'une dizaine d'années ".
Stéphane Bern, chargé de mission dans ce domaine, estime, lui, qu'il faut
éviter que cette maison devienne " un lieu de pèlerinage
". Et c'est ainsi que rien ne se fera...
(Marc Laudelout, BC n° 426, février 2020).
******************
RECONNAISSANCE INDIRECTE.
Dans
Le Choc du Mois (juin 1993), Jean-Louis Tremblais
consacre un grand article à Raoul Marquis le secrétaire
de rédaction d'Euréka qui deviendra dans Mort
à crédit, le pittoresque Roger-Marin Courtial des
Pereires. Après avoir retracé l'existence de celui qui
signait Henry de Graffigny ses multiples ouvrages de
vulgarisation, l'auteur évoque sa postérité méconnue :
" Un hommage insolite et inconnu du grand public est rendu en
permanence à Graffigny et à Céline dans un haut lieu de
la " culture contemporaine ", le centre Georges
Pompidou. Chaque jour, des milliers de visiteurs
s'extasient devant l'horloge de Beaubourg qui fait le
décompte à rebours des secondes qui nous séparent de
l'an 2000. Ce qu'on ignore, c'est que cette invention
s'appelle le Génitron et que ses concepteurs
l'ont baptisé ainsi en pensant à Raoul Marquis.
Son inventeur, François
Scali, tombé littéralement amoureux du personnage de
Mort à crédit, a même correspondu avec Lucette
Destouches pour lui demander son accord. (...) Mieux
qu'un monument, cette horloge inutile perpétue la
mémoire de cet illustre inconnu qui fournit à Céline une
matière explosive pour ses pages les plus drôles. "
(BC n° 132, septembre 1993, p. 4).
****************
Bardamu agrégatif
Cela commence à se
savoir ! Ils ont craqué ! Les jurys d'agrégation ont
enfin mis un livre de Céline au programme : Voyage au
bout de la nuit. Ils n'ont pas osé laisser passer le
centenaire de l'écrivain en ignorant tout de son œuvre.
Chaque année depuis 1960 environ, le programme des trois agrégations
littéraires comporte une œuvre du vingtième siècle.
C'est une sorte de consécration officielle pour
l'auteur.
Vingt-huit écrivains ont ainsi défilé (Valéry quatre
fois : le record).
Bien entendu
les écrivains staliniens furent au programme dès
le concours de 1973 (Eluard) et 1989 (Aragon, l'année de
la chute de l'Empire qu'il avait si bien servi jusqu'au
bout - les jurys n'avaient pas prévu ça quand ils
fixèrent le programme en juin 1988) ; L'Espoir de
Malraux en 1980.
D'autres encore n'attendirent pas longtemps outre-tombe : Breton (1971),
Camus (1972), Montherlant (1974), Saint-John Perse
(1977), Giono (1978), Sartre (1983), Char (1990), Gracq
(1982), Senghor (1987) et Ionesco (1992) ont même été
canonisés de leur vivant, pour des œuvrettes bien
mineures.
Contre Céline, en revanche, le barrage était solide. Rappelez-vous la
Sorbonne des années cinquante : aux abords, les
militants du Part faisaient la loi ; dans sa chaire, Mme
Claude-Edmonde Magny comparait Mort à crédit, ces
" six cents pages de boue " (sic), aux " insipides
natures mortes ou canaux de banlieue à la Foire aux
croûtes de Montparnasse " ; à la bibliothèque, Mme Marix-Spire
interdisait l'entrée du moindre livre de Céline.
Peut-on espérer, maintenant qu'une brèche est ouverte, pour Drieu, Marcel
Aymé, Chardonne, Morand ?...
Tout doucement !... comme disait Ferdinand (c'est le titre qu'il avait
d'abord prévu pour Mort à crédit). C'est pas
demain la veille...
C.D.
(BC n° 141, juin 1994).
****************
QUAND CELINE ETAIT RENIE ou LES
EFFETS d'une CONSPIRATION du SILENCE.
L'histoire littéraire attestera la réalité du purgatoire
dans lequel Céline fut relégué durant une dizaine
d'années.
L'article de Pierre Monnier constitue un document irréfutable puisqu'il se
fonde sur un ouvrage publié en 1956 par... l'éditeur de
Céline !
L'intérêt des recherches bibliographiques est au moins de mettre à jour
l'inconsistance de la réception critique de livres aussi
importants que Féerie pour une autre fois, Normance,
et même Entretiens avec le Professeur Y.
En fait, il aura fallu attendre la parution de D'un château l'autre,
en 1957, et les efforts de Roger Nimier visant à secouer
l'apathie de la presse pour que Céline retrouve enfin
l'attention des critiques.
M.L.
***
Il m'arrive de susciter des sourires indulgents quand je
dis que Céline a été délibérément rejeté de la
littérature française pendant treize ans, entre 1944 et
1957. Le tapage fait aujourd'hui autour de son nom, les
colloques et les débats, tenus entre des murs recouverts
de documents iconographiques, reproductions de lettres,
de manuscrits, de témoignages, etc... donnent à penser
que sa célébrité n'a connu aucune éclipse depuis 1932.
Eh bien non !
Dans les années qui ont suivi la guerre, Céline a été exclu du panthéon
littéraire, et jugé, sauf pour une minorité de
maniaques, comme un mauvais écrivassier d'une époque
révolue, un besogneux de l'avant-guerre, démodé et
oublié à juste titre. Et puisque - je vous vois venir -
vous demandez des preuves en ricanant, je vais vous en
livrer une.
En 1956, paraît
aux éditions Gallimard une enquête présentée par Raymond
Queneau, de l'Académie Goncourt, et intitulée : " Pour
une bibliothèque idéale ". Voici les premières lignes de
l'avant-propos :
" Nous avons adressé à deux cents écrivains ou personnalités diverses un
texte d'enquête accompagné d'une sorte de mémorandum
destiné à faciliter pratiquement les réponses. Nous
voulions établir en commun une sorte de " bibliothèque
idéale ", c'est-à-dire dresser la liste de cent ouvrages
que " tout homme honnête " se devrait d'avoir lu (...) "
Il s'agit ici de littérature et de philosophie, de
poésie et " culture générale ", non de science ".
De format classique, le livre compte 317 pages. Y figurent toutes les
réponses de ceux qui ont accepté le jeu, plus une
vingtaine de lettres d'auteurs qui disent pourquoi ils
le refusent.
Le mémorandum
envoyé, en deux fois, aux personnes interrogées,
comptait 3500 noms d'œuvres
de tous pays. Raymond Queneau précise : " Sur les deux
cents destinataires de ces fascicules et de cette
enquête, une quarantaine répondit de façon positive, à
peu près autant de façon négative, et le reste ne
répondit pas ".
A chacun il était demandé d'établir une liste de cent ouvrages. Il
s'agissait, on l'a compris, de dresser le palmarès des
100 chefs-d'œuvre les plus
cités.
Voici les noms des quarante et un qui ont accepté de dresser une liste :
Alexandre Arnoux (116 titres), Gérard Bauer (190 titres), André Billy (167
titres), Henri Bosco (297 titres), André Breton (112
titres), Pierre Brisson (138 titres), Roger Caillois
(106 titres), Jean Cocteau (353 titres, dont La
difficulté d'être), René-Louis des Forêts (100
titres), Bernard Dorival (123 titres), Marcel Duhamel
(101 titres), Raymond Dumny (145 titres), Paul Eluard
(99 titres), Lucien Fabre (117 titres), Georges Huisman
(105 titres), Georges Izard (102 titres), D.H.
Kahnweiller (179 titres), Joseph Kessel (99 titres),
Michel Leirin (203 titres), Léon Lemonnier (118 titres),
Marguerite Liberaki (100 titres), Armand Lunel (206
titres), Pierre Mac Orlan (102 titres), André Maurois
(153 titres), Jean Meckert (90 titres), Robert Merle
(102 titres), Henry Miller (99 titres), Marianne Moore
(112 titres), Paul Morand (135 titres), Maurice Nadaud
(60 titres), Benjamin Péret (114 titres), Gaëtan Picon
(121 titres), Francis Poulenc (128 titres), Frédéric
Prokosch (138 titres), Raymond Queneau (99 titres), Jean
Rostand (101 titres), Denis de Rougemont (99 titres),
Jules Roy (99 titres), Georges Simenon (52 titres),
Jules Supervielle (296 titres), Edmond Vermeil (123
titres).
Au classement
général, Shakespeare arrive en tête devant la Bible.
Suivent dans l'ordre : Proust, Montaigne, Rabelais,
Baudelaire, Pascal, Molière, Rousseau, Stendhal, Platon
et les grands auteurs classiques sur lesquels tout le
monde est à peu près d'accord... Parmi eux, figurent
aussi des auteurs du XXème siècle : Joyce avec Ulysse
à la 33ème place, Lorca, 68ème avec Poèmes,
Malraux, 69ème avec La condition humaine, Valéry
75ème et 79ème avec Poèmes et Variétés,
Kafka 83ème avec Le Procès, Apollinaire 85ème
avec Calligrammes, Gide 86ème avec Journal,
Conrad 91ème avec Lord Jim, Claudel 94ème avec
Théâtre, Bernanos 100ème avec Journal d'un curé
de campagne.
Raymond Queneau précise dans sa conclusion que plus de mille cinq cent
titres ont été cités. " C'est-à-dire, ajoute-t-il, qu'il
y a peu d'oubli ".
En ce qui concerne Céline, Voyage au bout de la nuit est cité 9
fois par Henri Bosco, Louis-René des Forêts, Marcel
Duhamel, Pierre Mac Orlan, Jean Meckert, Robert Merle,
Henry Miller, Gaëtan Picon, Raymond Queneau. Maurice
Nadeau cite Céline sans précision.
Et c'est tout.
Mort à crédit n'est pas cité une seule fois, ni Guignol's band,
ni Féerie pour une autre fois. Ni bien évidemment
Bagatelles pour un massacre, ni L'Ecole des
cadavres, ni Les Beaux draps, ni La vie et
l'œuvre de Semmelweis.
on lit au dos du
livre : " Les soixante personnalités qui ont répondu à
l'enquête de Raymond Queneau, soit en envoyant des
listes complètes, soit en expliquant pourquoi ils
n'envoyaient pas de liste, forment un " éventail
intellectuel très large ". On y relève les noms d'hommes
appartenant à des familles spirituelles aussi éloignées
que Paul Claudel et Georges Simenon, Jean Rostand et
Gaston Bachelard, Paul Eluard et Henry Miller, Francis
Poulenc et André Maurois ".
Cela se passe en 1955.
Pierre MONNIER
PS. Quelques
instants après avoir terminé cette note, je m'apprêtais
à feuilleter Paris-Match (numéro 1579, du 31 août
1979), et je fus alléché par le grand titre de la
couverture : " Nos années 50. Lettres et arts. Il y
avait encore des géants ".
Ah ! me dis-je avec la promptitude naïve des purs prêts à trouver le bien
partout comme d'autres y trouvent le mal. Sans doute
aura-t-on redonné sa place à Céline... Jugez donc !
Vingt pages sont consacrées aux écrivains et artistes, dont les
œuvres ont honoré un
prestigieux demi-siècle de vie intellectuelle en France.
Ceux qui sont morts célèbres aux environs de 1950, ceux
dont la gloire éclairait les années d'après-guerre.
Vingt pages.
Il y a Camus, Claudel, Boris Vian, Beauvoir, Montherlant, Léautaud,
Isidore Isou, Sartre, Gide, Colette, Minou Drouet,
Prévert, Queneau, Merleau-Ponty, Malraux, Françoise
Sagan, Lévi-Strauss, Raymond Aron, Maurois, Giono,
Anouilh, Mauriac, Cocteau, Beckett, Ionesco... Il y a
aussi des étrangers : Faulkner, Hemingway, Caldwell, Dos
Passos, Vittorini, Pavese, Moravin...
Et Céline ?
Céline n'est pas nommé.
Je suppose que pour faire leur inventaire, les rédacteurs de
Paris-Match ont compilé un nombre respectable de
revues, de journaux et d'hebdomadaires des années 50...
Alors évidemment, les pauvres, ils n'ont pas trouvé le nom de Céline.
(BC n° 10, juin 1983, p. 5).
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REHABILITER CELINE
C'est dans les années 1980 que Céline est consacré,
à l'égal de Proust, comme le monument de la littérature
française du XXe siècle. Une réhabilitation au prix du
refoulement de son antisémitisme.
Par Philippe Roussin
En juin 1957, Céline sort de l'ombre où il était
relégué depuis la Libération, à la faveur de la parution
de D'un château l'autre, chronique de la vie des
Français exilés à Sigmaringen, dans le sud de
l'Allemagne, où ont trouvé refuge en 1944-1945, autour
de Pétain et de Laval, de nombreux journalistes et
écrivains compromis par quatre ans de collaboration,
dont Rebatet et lui-même.
Le scandale du livre replace son auteur sous les feux de l'actualité. Il
a droit à une longue interview dans " Lectures pour tous
", première émission littéraire de la télévision
française, et à un grand entretien de Madeleine Chapsal
dans L'Express, titré " Voyage au bout de la
haine... avec L.-F. Céline ". Retiré à Meudon, il se
présente comme un proscrit, se décrit comme " un
styliste " avant tout et s'efforce de minorer
l'importance de ses pamphlets antisémites parus entre
1937 et 1941.
La réhabilitation sera lente,
Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit,
les deux romans de l'avant-guerre, paraissent en un
volume dans la " Bibliothèque de la Pléiade ", en 1962.
Mais les années 1960, celles du gaullisme et des prix
Nobel de littérature décernés à Camus (1957), et Sartre
(1964, il le refuse) puis à Beckett (1969), ne sont
guère propices à un retour en grâce de Céline.
Tout change au cours de la décennie suivante. L'histoire de la guerre et
de la droite que le gaullisme avait permis d'écrire dans
les termes d'un " nationalisme honorable " (Michel
Foucault) prend fin. En 1973, La France de Vichy
de Robert O. Paxon (Seuil) démontre la collaboration de
l'Etat français avec l'occupant, et en particulier son
rôle actif dans la rafle des Juifs de France. En 1974,
trois ans après Le Chagrin et la Pitié où
témoignent à visage découvert des collaborateurs,
sortent Lacombe de Louis Malle, portrait d'un
jeune paysan devenu milicien, et Portier de nuit
de Liliana Cavani.
C'est dans ce climat intellectuel et politique nouveau, plus propice à la
redécouverte des comportements des collaborateurs qu'à
la valorisation des héros de la Résistance, que l'œuvre
de Céline, sortant de la marginalité, va être
progressivement réinsérée puis venir se placer au centre
du paysage littéraire français. Les trois romans de la
trilogie allemande, D'un château l'autre, Nord et
Rigodon, paraissent, en 1974 dans un deuxième
volume de " La Pléiade ".
Les anciennes avant-gardes
littéraires de la décennie précédente, Tel Quel
en particulier, la revue fondée en 1960 par Philippe
Sollers et Jean-Edern Hallier, jouent un rôle décisif
quand, d'un même mouvement, elles se détournent de la
politique et hissent la littérature française au rang
d'un absolu. Elles redécouvrent puis revendiquent leur
champion incontesté : " On ne peut pas juger un
écrivain avec la morale ", déclare alors Philippe
Sollers, prenant le contre-pied des thèses exposées par
Sartre au sortir de l'Occupation, dans Qu'est-ce que
la littérature ?
De très nombreux articles et études critiques, qui font alors
autorité paraissent au tournant des années 1980 (Julia
Kristeva), Pouvoirs de l'horreur, Essai sur
l'abjection, 1980 ; Philippe Muray, Céline,
1981). L'image de l'écrivain en sort profondément
changée : le maudit est devenu un " romancier génial
" (Philippe Muray), dont le style oral et populaire
a révolutionné la littérature, un grand écrivain qui
s'inscrit dans la tradition de la prose française des
siècles passés : auteur d'avant-garde et grand classique
tout à la fois.
Au travers de la grille de
lecture fournie par la psychanalyse, l'antisémitisme est
interprété comme un " délire ", tandis que les pamphlets
participeraient, eux, de la " beauté sauvage " du style
de l'écrivain : " Contradictoires sans doute,
emportés, délirants si l'on veut, les pamphlets de
Céline [...], malgré la stéréotypie des thèmes,
prolongent la beauté sauvage de son style " (Julia
Kristeva).
Cette réévaluation à la hausse aboutit à ériger l'œuvre
de Céline en référence majeure et incontournable pour le
XXe siècle. Elle entraîne, de proche en proche, un
réaménagement spectaculaire du canon, de la hiérarchie
et des valeurs littéraires. Céline est hissé au niveau
de Proust, auteur phare des écrivains du nouveau roman
et de critiques comme Barthes. L'histoire de la
littérature française du XXe siècle semble un temps
pouvoir se construire autour de la comparaison et de
l'opposition entre les deux romanciers : celui de la
phrase longue et du récit, celui de la langue populaire
; le Juif dreyfusard et l'antisémite.
Avec le retour du réalisme et l'apparition de la banlieue dans la
littérature, le style oral de Céline est beaucoup imité,
au point de paraître comme une norme d'écriture pour la
littérature contemporaine. Son influence est moindre
aujourd'hui.
Cette reconnaissance littéraire
s'est accompagnée de la consécration éditoriale avec la
publication, dans la " Bibliothèque de la Pléiade ", de
deux nouveaux volumes de romans en 1988 et en 1993,
suivis d'un volume de lettres en 2009. L'écrivain
appartient désormais au panthéon littéraire français.
L'Education nationale a ratifié cette
situation : en 1993, elle a inscrit, pour la première
fois, Voyage au bout de la nuit au programme de
l'agrégation de littérature française.
La patrimonialisation a suivi : en 2001, le manuscrit du roman s'est
vendu, à Paris, 11 millions de francs (1,67 millions
d'euros). La Bibliothèque nationale de France a fait
jouer son droit de préemption.
La réhabilitation de Céline a été parachevée et amplifiée par une
médiatisation incontestable du personnage et par une
diffusion de son œuvre dans
le public qui déborde les limites du seul champ
littéraire. On dispose aujourd'hui de plus de dix
biographies de l'écrivain. Parmi celles qui font
référence, citons la biographie, en trois volumes
(1977-1985), de l'avocat François Gibault, exécuteur
testamentaire de Céline et proche de sa veuve, Lucette
Destouches, ainsi que celle d'Henri Godard, parue en
2011, désormais disponible dans la collection de poche "
Folio ". Trois de ses romans ont été illustrés en bande
dessinée par Tardi.
Céline est aussi devenu un
auteur pour acteurs, régulièrement présent au théâtre.
Le succès immense et inattendu des lectures de Fabrice
Luchini ne s'est pas démenti depuis 1986. Il a inspiré
Denis Podalydès (qui a enregistré l'intégralité du
Voyage en 16 CD en 2003), Guillaume Gallienne,
Jean-François Balmer, Rodolphe Dana, Denis Lavant, qui a
incarné Céline au cinéma en 2016. En 2011, Lorant
Deutsch a joué dans Paris Céline, un documentaire
dont Patrick Buisson était le scénariste.
Outre son style, Céline a beaucoup d'atouts dans son jeu pour devenir un
auteur du patrimoine : il n'était pas un homme de
lettres qui vivait de ses rentes ; c'était un médecin de
banlieue qui a exposé le tragique de la vie et a
traversé deux guerres mondiales ; il est sulfureux ; il
est parvenu à se faire passer pour un proscrit.
Mais comme l'ont montré les polémiques qui, en 2011, ont entouré la "
célébration " du cinquantenaire de la mort de
l'écrivain, inscrite puis retirée du " Recueil des
célébrations nationales ", puis l'émotion suscitée au
début de cette année par l'annonce d'une réédition
scientifique des pamphlets antisémites chez Gallimard,
la réhabilitation littéraire a ses limites.
L'actualité de Céline
aujourd'hui n'est plus seulement d'ordre littéraire,
comme c'était encore le cas dans les années 1980. Elle
est d'ordre politique. Elle résonne avec le retour des
démons xénophobes et de l'antisémitisme en France et en
Europe. L'antisémitisme est l'impensé historique et
politique de la réhabilitation littéraire. Celle-ci
s'est faite au prix d'une lecture des pamphlets qui a
résolument fait fi des travaux des historiens et qui a
ignoré leur nature profondément politique, comme leur
réception dans le contexte de la France de la fin des
années 1930 et de l'Occupation.
(L'Histoire, n° 453, novembre 2018).
****************************
Voyage au
bout du monde.
Voici une photo de Voyage au bout de
la nuit prise à la bibliothèque municipale d'Ushuaïa,
ville la plus australe du monde...
Merci à Charles-Louis Roseau.
(Le Petit Célinien, 5 juin 2011).
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COMITES D'ACCUEIL AFFECTUEUX... en ISRAEL
SEULEMENT.
J'entends
comme ça à la radio le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv
pour accueillir leurs braves frères juifs qui leur
arrivent de partout, de Patagonie, en Alaska, de
Montreuil à Capetown, tous si persécutés, pantelants,
héros du travail, du défrichage, du marteau, de la
banque et faucille... le mal qu'ils se donnent à
Tel-Aviv pour recevoir leurs frères dispersés ! Comités
affectueux d'accueil, larmes à gogo, gerbes d'azalées,
dons en nature, espèces, orphéons, baisers... merde ! si
ça se passe p as du même ici !...
" Ah, te voici immonde !... arrive qu'on t'achève ! " parents, amis,
tribunaux, bourreaux, si tous s'y mettent ! et hardi
!... " si on te fera payer de revenir ! d'oser ! que les
boches t'ont pas fini ! damné !... " vous arracher le
rien de bout de viande qui peut vous pendre encore à
l'os... tout ce que le Comité des " Français de souche "
peut pour vous... je sais ce que je cause... je dis que
ce pays d'Israël est bien une vraie patrie d'accueil et
que la mienne est toute charognerie... parole d'engagé
volontaire, mutilé 75 p. 100, médaillé militaire et
tout... en plus, vous me permettez, j'ajoute, écrivain
styliste du tonnerre, preuve comme je suis absolument de
la " Pléiade " tels La Fontaine, Clément Marot, du
Bellay et Rabelais donc ! et Ronsard !... vous dire si
je suis un peu tranquille, que dans deux, trois siècles
j'en aiderai à passer le bachot...
(Rigodon, Folio, octobre 1988, p. 292).
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DES COPIEURS : JOURNALISTES et ECRIVAINS.
Les
titres de Céline ont donné lieu à de nombreuses
réutilisations, parfois très tôt après leur apparition.
On ne compte plus, dans la presse d'hier et
d'aujourd'hui, les " Voyage au bout ", les " Bagatelles
" ou les " Féerie pour... "
D'un château l'autre, qui n'est pas porteur d'un sens nihiliste ni
agressif, ni particulièrement " poétique " a rencontré
un succès peut-être encore plus grand. Un relevé
systématique n'étant guère envisageable, des sondages
effectués périodiquement suffisent à montrer la
pérennité du phénomène de réemploi. A une série notée
dans les années 1979-80, j'ai ajouté quelques exemples
repérés en 1986-87.
Titres d'articles consacrés à Céline : " D'un voyou l'autre " (Minute,
4 février 1981), éventuellement enrichi d'un amalgame :
" D'un rigodon l'autre " (Figaro Magazine, 3 mars
1979), ou titres de sujets très divers :
" D'un dimanche l'autre " (Le Figaro, 15 avril
1979) ; " D'un regard l'autre " (Ibid., 26 juillet 1979)
; " D'un mouchoir l'autre " (Le Journal du Dimanche, 12
août 1979) ; " D'un esprit l'autre " (Ibid., 9 sept.
1979) ; " D'un ravaudage l'autre " (Le Point, 2 juin
1980) ; " D'un goulag l'autre " (Nouvel Observateur, 28
juin 1980) ; " D'un entrechat l'autre " (Nouvelles
Littéraires, 25 décembre 1980) ; " D'un maniérisme
l'autre " (Le Monde, 30 avril 1987).
Titres de rubriques : Le Nouvel Observateur
intitule sa chronique littéraire " D'un auteur l'autre
". A la radio également : " D'une oreille l'autre ", "
D'une Ecole de Vienne l'autre ", émissions de
France-Musique ; et à la télévision : " D'un fléau
l'autre : les poumons " (d'après Le Monde, 9
juillet 1980 ) ; " D'une perturbation, l'autre " (A2,
incrustation du bulletin météo du 26 octobre 1986 à
20h30) - on notera la disjonction introduite par la
virgule, qui existe chez Céline.
Les occurrences orales de ce tour syntaxique sont plus difficiles à
collecter et sans doute plus rares, mais elles existent
: " D'un dépôt l'autre, le trafic varie... " (bulletin
d'information de France-Musique, 6 janvier 1987).
Il arrive, à l'oral comme à l'écrit, que la construction célinienne soit
incorporée à la partie rédactionnelle de l'information :
la chronique boursière du Quotidien de Paris du
17 janvier 1980 commence par : " D'un record, l'autre "
(avec à nouveau la disjonction par la virgule).
Dans l'écriture à support
non-journalistique, sans parler des écrivains qui
s'avouent volontairement ou non héritiers de Céline, on
rencontre la construction en titre de chapitre ou de
paragraphe : " D'un siècle l'autre " (Jean Borzic,
traducteur de R. Shattuck, Les Primitifs de
l'avant-garde, 1974) ; " D'un camp l'autre " (Henry
Rousso, Un Château en Allemagne, 1980). Ici la
référence à Céline est évidente puisqu'il s'agit d'un
ouvrage consacré à Sigmaringen).
Parfois enfin dans le cours du texte : " D'une ville l'autre, Stendhal
file " (Présentation de Stendhal, Voyage dans le Midi
de la France, rééd. de 1979).Ce qui est surtout
retenu est la structure syntaxique de l'énoncé : d'un
SN l'autre, et des dizaines d'autres exemples le
confirmeraient, sous la plume d'écrivains et
journalistes si divers et dans des contextes si variés
qu'on ne saurait affirmer qu'ils font tous
volontairement référence à Céline.
(Jean-Paul Louis, Colloque International de Paris, 20-21 juin 1986).
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Il en faudra du temps... qui sait ?...
Reconnaissance ... reconnaissance officielle ...
Un jour , un jour peut-être ... Qui donc dévoilera
cette plaque ?...
Ah ! ... je le vois bien ricaner alors. Et
nous avec...
Sacré Ferdine !
* Juillet 1961 : La télévision française ne programme pas
le reportage prévu sur la mort de Céline dans ses "
Actualités ".
* Janvier 1985 : La
Préfecture de Paris annonce sans aucune explication au
directeur du Bulletin célinien que l'arrêté
autorisant l'apposition d'une plaque commémorative est
retiré. En novembre de l'année précédente, le
Bulletin célinien fort de l'autorisation de la
Préfecture avait lancé une souscription auprès de ses
abonnés pour l'apposition d'une plaque rue Girardon à
Montmartre. L'initiative rencontra un écho très
favorable. Parmi les souscripteurs : Michel Audiard,
Pierre Gripari, Jean Guenot, Maurice Bardèche et Louis
Nucéra.
* Mars 1987 : Le Conseil
municipal de Montpon-Ménestrel (Dordogne), qui avait
pris la décision en septembre 1986, de donner le nom de
Céline à une rue annule cette décision suite aux
protestations d'un comité d'anciens combattants.
* Février 1992 : Avec l'appui
de plusieurs écrivains français (Philippe Sollers,
Angelo Rinaldi, Julien Gracq etc.) le Ministère de la
Culture avait décidé de classer la maison de Céline à
Meudon comme " lieu de mémoire ". Suite aux
protestations du CRIF, le préfet de la région
d'Ile-de-France décide de ne pas donner son aval.
* Mars 1992 : Nouvelle
tentative du Bulletin célinien pour faire apposer
une plaque commémorative à Montmartre, cette fois avec
l'association " La Mémoire des lieux ", dirigée par
Roger Gouze, beau-frère du Président de la République.
L'association donne suite à ce projet avec enthousiasme.
Deux mois plus tard, elle communique lapidairement au
directeur du BC que l'apposition de la plaque " est
remise sine die ".
* Septembre 1993 : En
prévision du centenaire de la naissance de Céline, le
directeur du BC avait proposé à La Poste française
d'éditer un timbre à l'effigie de l'écrivain. Réponse de
G. Lacassagne, alors chef du Département Production : "
Le choix extrêmement difficile qui a dû être opéré en
raison du très grand nombre de demandes présentées
concernant des commémorations et de la nécessaire
limitation des émissions, n'a pas permis à la Commission
des programmes philatéliques de retenir le timbre auquel
vous portez intérêt ". A un journaliste du Monde
(15 octobre), il confiera qu'en réalité le refus
était dû à la crainte d'un " tollé ".
* Janvier 2011 : Le Ministre
de la Culture retire Céline des " Célébrations
nationales " de l'année 2011 suite à des pressions de
l'association juive FFDJF.
* Octobre 2019
: Conseil municipal de Camaret-sur-Mer, le maire
François Sénéchal propose de dénommer un chemin communal
" rue Ferdinand Céline ". L'adjoint au maire Alain
Nédélec s'y oppose. Le maire proposera 4 autres noms
dont 3 artistes. Le Conseil retiendra celui de feu
Joseph Pennec. (Ouest-France, La matinale, Newletter,
19/10/2019).
Est-il
vraiment si difficile, (impossible ?...) de proposer la
moindre avenue, boulevard, place, rue, square à l'auteur
français du XXe siècle le plus lu, le plus traduit dans
le monde ?... La République se déshonorerait-elle ?...
Le communautarisme fait-il la loi dans notre beau pays
?...
D'ailleurs... si
l'on devait bannir, exclure, expurger des lieux
officiels, les auteurs qui pensaient (ou agissaient)
mal, il faudrait penser à : " Gide, le pédophile
Nobel ; Genet, le pédé ami des terroristes ; Henry Miller, le misogyne sénile ;
Georges
Bataille, l'extatique à tendance fasciste ; Antonin Artaud, l'antisocial frénétique ;
Jean-Paul Sartre, le bénisseur des goulags ; Louis
Aragon, le faux hétérosexuel chantre du KGB ; Ezra
Pound, le traître à sa patrie mussolinien chinois ;
Hemingway, le machiste tueur d'animaux ; William Faulkner, le négrier alcoolique ;
Nabokov,
l'aristocrate papillonaire pédophile ; Voltaire,
le hideux sourire de la raison dénigreur de la Bible et
du Coran totalitaire en puissance ; le marquis de Sade,
le nazi primordial ; Dostoïevski, l'épileptique
nationaliste ; Flaubert, le vieux garçon haïssant
le peuple ; Baudelaire, le syphilitique lesbien ;
Marcel Proust, l'inverti juif intégré ; Drieu La
Rochelle, le dandy hitlérien ; Morand,
l'ambassadeur collabo ; Shakespeare, l'antisémite
de Venise ; Balzac, enfin, le réactionnaire
fanatique du trône et de l'autel ".
(Céline
l'infréquentable, entretien avec Jean-Pierre Martin et
Philippe Sollers in Alain Finkielkraut, Ce que peut la
littérature, Gallimard, folio, 2008).
Pas mal vu
?... Non ?...
Mais... LUI... Louis-Ferdinand, là où il est... Et
bien... il doit bien se marrer... n'est-ce pas !...
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CELINE, " HOMME
D'EXCEPTION "
Privé de ses Célébrations
nationales en 2011, Céline semble de nouveau toléré par
les autorités françaises. Son nom figure en effet depuis
cette année 2014 dans la catégorie " Hommes et femmes
d'exception " du site France.fr, un site des plus
officiels puisqu'édité par le Service d'information du
Gouvernement.
www.france.fr
(Rétrospective 2014, www.lepetitcelinien.com).
*********************
QUEL LIVRE A
CHANGE VOTRE VIE ?
Quel livre a changé
votre vie ? C'est la question qu'a posé
François BUSNEL
aux téléspectateurs de la Grande Librairie. Plus de 6
000 personnes ont participé à l'enquête lancée en
octobre sur Internet.
Les résultats ont été dévoilés lors de l'émission diffusée sur France 5
le 11 décembre 2014. Céline, avec Voyage au bout de
la nuit, arrive en 3ième place derrière
Saint-Exupéry et Camus.
Extrait de cette émission (cliquez sur François Busnel), où les invités
(Jean d'Ormesson, Boris Cyrulnik, Amélie Nothomb, Erik
Orsenna, Jean Teulé, Marie-Hélène Lafon) évoquent
Céline.
Classement complet : 1 - " le
petit Prince " Antoine de Saint-Exupéry ; 2 - "
L'étranger " Albert Camus ; 3 - " Voyage au bout de la
nuit " ; 4 - " L'écume des jours " Boris Vian ; 5 - " A
la recherche du temps perdu " Marcel Proust ; 6 - " Le
Grand Meaulnes " Alain Fournier ; 7 - " L'alchimiste "
Paulo Coelho ; 8 - " Belle du seigneur " Albert Cohen ;
9 - " Cent ans de solitude " Gabriel Garcia Marquez ; 10
- " Les Fleurs du Mal " Charles Baudelaire ; 11 - " La
Peste " Albert Camus ; 12 - " Harry Potter J.K. Rowling
; 13 - " 1984 " George Orwell ; 14 - " Le monde selon
Garp " John Irving ; 15 - " Crime et Châtiment " Fiodor
Dostoïevski ; 16 - " Le seigneur des Anneaux " J.R.R.
Tolkien ; 17 - " Le Parfum " Patrick Süskind ; 18 - " Le
journal d'Anne Frank " Anne Frank ; 19 - " Madame Bovary
" Gustave Flaubert ; 20 - " Les Misérables " Victor
Hugo.
(Le Petit Célinien, samedi
13 décembre 2014).
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EN PLEIADE DE SON
VIVANT, A SIX MOIS PRES
En février 1962,
Gallimard sort le premier tome du " pléiadeux
semi-vivant "...
Entrer dans La
Pléiade n'est rien. Mais y entrer de son vivant, voilà
la consécration suprême... Même s'il méprisait les
honneurs, Céline l'avait bien compris. A la fin des
années 1950, seule une poignée d'écrivains avaient eu
droit à ce rare privilège : André Gide, Paul Claudel,
André Malraux et Henry de Montherlant *.
Ce sont surtout ces deux derniers noms qui excitent la
jalousie de Céline. Que " Dur-de-mèche " et "
Buste-à-pattes ", comme il surnommait Malraux et
Montherlant, y aient accédé et pas lui
ne laissait pas de l'exaspérer.
Voilà ce qu'il maugréait en feuilletant le catalogue de La Pléiade : "
Vous y avez sûrement noté que je suis pudiquement omis,
alors que Malraux et Montherlant... Je suis fixé, une
fois de plus. "
Cette " injustice " va être
finalement réparée en 1959. Le 2 juin de cette année-là,
Céline signe avec Gallimard un contrat prévoyant
l'entrée de Voyage au bout de la nuit et Mort
à crédit dans la prestigieuse collection. L'auteur
touchera 4 % du prix de vente et aura droit à cinq
exemplaires gratuits. " Evidemment 4 p.100 c'est se
foutre des muses... les auteurs de La Pléiade ne vont
pas se plaindre ils sont tous morts... sauf deux...
trois ", bougonne-t-il. Gaston Gallimard, heureux de ce
contrat, confie à l'écrivain Lucien Rebatet : " Je suis
ravi pour tous ceux que cela va embêter... "
Le professeur Jean A.
Ducourneau, meudonnais lui aussi, sera chargé d'établir
l'édition. Céline racontera l'une de leurs séances de
travail dans la dernière page de Rigodon. "
Ducourneau ! Lui, c'est du sérieux... il vient pas pour
rien... tout de suite nous tombons d'accord... ah encore
quelques petits doutes... ça y est !... à peine un
accent... une virgule... il se faut se méfier des
correcteurs... "
Avec son sens de la prémonition habituel, l'écrivain se décrit alors en "
pléiadeux semi-vivant ". On ne saurait mieux dire.
Céline s'éteint en juillet 1961. Il n'aura jamais eu "
son " Pléiade entre les mains. Le volume sort en février
1962. Depuis, trois autres tomes de romans sont venus
s'ajouter à ce premier, et un cinquième - sa
correspondance - est en préparation.
* Depuis, Saint-John
Perse, Julien Green,
Marguerite Yourcenar, René Char, Eugène Ionesco, Julien
Gracq, Nathalie Sarraute et Claude Lévi-Strauss ont eu
droit à cet honneur.
(Jérôme Dupuis, Lire, H.S n°7, juin 2008).
**********************
MEDAILLES MILITAIRES.
Le 24 novembre 1914, le général
Joffre attribuait la médaille militaire au maréchal des
logis Destouches Louis. Voici ce que précisait sa
citation : " En liaison entre un régiment d'infanterie
et sa brigade, s'est offert spontanément pour porter
sous un feu violent un ordre que les agents de liaison
de l'infanterie hésitaient à transmettre. A porté cet
ordre et a été grièvement blessé au cours de sa mission.
"
Il sera décoré ensuite de la croix de guerre. Plusieurs photos montrent
Céline, au retour du front, arborant ses médailles.
Elles ont aujourd'hui rejoint la collection de François
Gibault.
(J. Dupuis, Lire H.S. n°7, juin 2008).
* " [Au Val-de-Grâce] C'est dans
cette salle, aux sous-offs, que le sergent Lardiller,
qui n'avait plus qu'un bras et plus du tout de mâchoire,
m'a décerné ma médaille militaire dans mon lit, au nom
de Joffre, décret signé de Bordeaux. Je l'ai là encore
en prison, ce décret, avec moi. C'est le seul papier que
l'on m'a laissé. "
(Maudits soupirs pour une autre fois, L'Imaginaire, Gallimard, avril
2007).
*************************
EXCLUSIF. Le
manuscrit du " Voyage au bout de
la nuit " publié !
Le manuscrit du
chef-d'œuvre
du XXe siècle n'avait jamais été
montré. Une maison d'édition en
propose une somptueuse version
originale en tirage limité.
C'est
un événement éditorial ! Le manuscrit original de l'un
des plus grands romans du XXe siècle va être édité en
tirage limité par
les éditions des
Saints-Pères.
À part quelques chercheurs, peu de personnes ont eu la
chance de voir ce document unique. Il a pourtant fait
couler beaucoup d'encre ! En premier lieu, celle de son
auteur :
Louis-Ferdinand
Céline,
qui écrit son Voyage au bout de la nuit entre
1928 et 1931.
Il faut imaginer un
bloc de presque mille pages raturées, pesant au final
plus de 4 kilos, pour prendre la mesure de ce trésor
littéraire... Une fois qu'il l'a terminé, Céline le
confie à une dactylographe, qui le corrige au crayon
rouge : on retrouve ainsi quelques points
d'interrogation devant certains mots d'argot ou
certaines tournures de phrase qu'elle ne comprend pas.
A-t-elle conscience qu'elle travaille sur l'un des
chefs-d'œuvre du siècle ?
Un texte vendu 10 000 francs en 1943...
En
1943, Céline ressort le manuscrit de l'un de ses tiroirs
et décide de le vendre au marchand d'art Étienne Bignou
contre 10 000 francs et un petit tableau de Renoir. On
aurait aimé assister à la transaction. Des rumeurs
racontent que Céline a transporté son manuscrit dans une
brouette... À partir de là, plus personne n'est capable
de dire ce qu'il devient. On perd sa trace et on finit
par croire qu'il a été perdu. Ou volé.
Mais soixante ans plus tard, le manuscrit du Voyage au bout de la
nuit réapparaît mystérieusement. Le célèbre libraire
Pierre Bérès prétend l'avoir retrouvé chez un
collectionneur anglais, qui insiste pour conserver
l'anonymat.
Cette réapparition
fait beaucoup de bruit,
et le manuscrit est mis aux enchères en 2001 à Drouot.
Plusieurs
personnalités
assistent à la vente, comme Fabrice Luchini,
venu voir à quoi ressemble la version manuscrite de ce
grand texte... " C'est une émotion puissante ",
déclare-t-il alors, extatique. Les offres sont
nombreuses et atteignent des montants faramineux. Mais
la BNF
fait jouer son droit de préemption et l'obtient pour
1,67 million d'euros (12 millions de francs). Un record
mondial qui sera battu quelques mois plus tard par le
rouleau de Sur la route de Jack Kerouac.
... et valorisé 1,67 million d'euros en 2001 ! en 2001 ! en 2001 !
Le Voyage au bout de la nuit
est depuis conservé dans un coffre. C'est à l'initiative
des éditions des
Saints-Pères
que le manuscrit sort enfin de l'ombre. Cette petite
maison d'édition, spécialisée dans la publication de
manuscrits rares, a en effet décidé d'éditer mille
exemplaires numérotés de ce bijou et de les mettre en
vente sur Internet. Vous pourrez enfin vous promener
dans les coulisses de l'écriture célinienne et faire
mille trouvailles... Ainsi, sur telle page, on tombe sur
cette phrase de Céline, raturée puis corrigée, qui
devient sous nos yeux la célèbre sentence : "
L'amour,
c'est l'infini mis à la portée des caniches... "
François Gibault,
exécuteur testamentaire du célèbre écrivain, décrit un
manuscrit " admirable " rendu encore plus exceptionnel
par le fait qu'avant de le vendre à Bignou " Céline a
réécrit quelques pages manquantes sur du papier de 1943.
Cela fait du texte une œuvre d'art sans équivalent ! "
La
sortie officielle est annoncée pour le 2 juin, mais il
se pourrait qu'à cette date tous les exemplaires soient
déjà vendus. Les passionnés ont donc intérêt à le précommander dès
aujourd'hui.
Bonne nouvelle : pour se le procurer, ils n'auront pas
besoin de disposer de 10 000 francs et d'un petit
tableau de Renoir ! Un peu moins de 200 euros
suffiront... Mais une brouette leur sera peut-être
nécessaire pour transporter ce magnifique objet jusqu'à
leur bibliothèque... Car il sera fatalement aussi
volumineux qu'impressionnant.
(Le Point.fr , Jérôme Béglé, 12/05/2014).
***********************
La chronologie débutera donc dès... 1914.
Florent MORESI nous explique ici le
résultat des ses recherches au sujet de la fameuse page
de "
L'Illustré National "...
" Pourquoi " L'Illustré National "
consacra-t-il une gravure en couleurs, et ce un an
après, à une action somme toute assez courante dans ces
mois de guerre ? Telle est la question posée par M.
Bordet à la fin de son article intitulé " Céline n'a
jamais fait la une de L'Illustré National ", paru
dans le n° 3/4 de la Revue Célinienne.
Je
ne pense pas, comme le suggère M. Bordet, que le père de
Céline soit intervenu auprès des Editions Tallandier
pour faire paraître cet article. La réalité doit être
plus simple. Pour la cerner, il nous faut revenir sur
les combats de cette période de la guerre, appelée " La
Bataille des Flandres " dans le deuxième tome du "
Panorama de la guerre " (Ed. Tallandier), et sur la
participation du 12ème régiment de Cuirassiers à cette
bataille.
On
sait (cf. sur ce point la meilleure référence qui soit à
l'heure actuelle : " Le Temps des espérances "
par François Gibault, Ed. Mercure de France) que le 1er
octobre 1914, le 12ème régiment de Cuirassiers prenait
le train à Sorcy Saint Martin pour arriver, le 4
octobre, à Armentières. De cette ville commence, pour le
12ème Cuirassiers, la bataille des Flandres. Ce sont
ensuite des combats incessants : le 5 octobre 1914, à
Comines (que F. Gibault donne comme étant le
Noirceur-sur-la-Lys du " Voyage "), le 10 octobre
à Biez et à Neuve-Chapelle, le 15 octobre à Houdeghem,
le 19 octobre à Stadenberg et à Poelkapelle, le 22
octobre à Bixchoote, puis, du 25 au 27 octobre 1914
(jour où Céline fut blessé) encore à Poelkapelle.
Poelkapelle avait donc été perdu le 19 octobre, et il
s'agissait, pour le 66ème régiment d'Infanterie, de
reprendre ce lieu, avec le soutien du 125ème régiment
d'Infanterie, régiment complémentaire rattaché à la
division.
Arrivés à ce stade, reprenons le texte de la citation du
maréchal des logis Destouches : " Le maréchal des logis
Destouches, du 12ème régiment de Cuirassiers, a reçu la
médaille militaire pour s'être offert spontanément
(alors qu'il était en liaison entre un régiment
d'Infanterie et sa brigade) pour porter, sous un feu
violent, un ordre que les agents de liaison d'Infanterie
hésitaient à transmettre. Après avoir porté cet ordre,
il fut malheureusement grièvement blessé au retour de sa
mission. " Nous pouvons remarquer que le régiment de
Céline est un élément d'une brigade qui est, comme on
sait, formée de deux
régiments. Suivant mon hypothèse, cette brigade comprend
le 66ème régiment d'Infanterie et le 12ème Cuirassiers.
Pour " L'Illustré National ", il s'agit d'honorer les
héros de la Bataille des Flandres. Le fameux numéro 52
comporte en première page une illustration de la légende
suivante : " Une surprise déjouée. - Le soldat
réserviste Papin, du 125ème régiment d'Infanterie
(NDLR : c'est moi qui souligne), étant sorti la nuit de
sa tranchée, distingua dans l'obscurité un groupe ennemi
qui s'avançait baïonnette au canon. Il n'hésita pas,
bien que désarmé, à se jeter sur le premier allemand, le
terrassa en donnant l'alarme à sa compagnie, qui,
prévenue à temps, détruisit le détachement ennemi ". Tel
est donc le fait d'armes à l'actif du 125ème régiment
d'Infanterie engagé dans cette bataille des Flandres
lors de l'attaque pour la reprise de Poelkapelle.
Reste
la brigade constituée, à mon avis, du 66ème régiment
d'Infanterie et du 12ème Cuirassiers. L'Infanterie ayant
eu sa part de gloire dans la revue (puisque le 125ème
régiment y a les honneurs de la première page de
couverture), il s'agit d'honorer légitimement toutes les
armes. Pour le 12ème Cuirassiers, ce sera
le fait d'armes du maréchal des logis Destouches qui
sera mis en valeur : nous le trouvons reproduit en
dernière page de couverture de ce n° 52. A mon avis, ce
fait d'armes avait cinquante pour cent de chances de
figurer en première page !
Ce
n° 52 de " L'Illustré National " a donc
une unité historique et tient compte du chatouilleux
point d'honneur de chaque arme de l'armée française.
Dans cette hypothèse, l'intervention du père de Céline
n'était nullement nécessaire pour que celui-ci figure en
couverture de ce n° 52. " (BC n°1, 1er trim. 1982)
************************
*
Nos amis Florent MORESI et Michel POIRIER s'efforcent
depuis plusieurs mois d'obtenir une " rue
Louis-Ferdinand Céline " à Saint-Pierre,
chef-lieu des îles françaises de
Saint-Pierre-et-Miquelon, où Céline se rendit en 1938.
Jusqu'ici le Conseil municipal s'est prononcé
négativement, malgré l'avis favorable du Maire, M. Pen,
et son adjoint, M. Poulet.
Dans
une lettre adressée à M. POIRIER, ce dernier souligne
que cette démarche " mérite d'autant plus d'être prise
en considération qu'elle rentre dans le cadre de la
diversification des activités saint-pierraises,
notamment dans le domaine d'une certaine forme de
tourisme à base de francophonie. Or, Céline est un des
écrivains français les plus connus et étudiés à
l'étranger. " Affaire à suivre. "
(BC n°90, février
1990).
***********************
CELINE A LA TELEVISION.
A
l'occasion du centenaire de la naissance de Céline, la
chaîne franco-allemande Arte a diffusé le 23 mai, à 23
heures, l'émission Portrait de Louis-Ferdinand
Céline, qu'elle a coproduite avec la Sept. C'est une
seconde diffusion, la chaîne câblée l'ayant déjà
programmée, il y a cinq ans.
Cette émission de Yves Kovacs a été réalisée dans la série Les
mémorables grâce aux archives de l'INA. Au sommaire
figurent les deux seuls entretiens filmés de Céline. Le
premier fut enregistré par Jean Prat en 1957 dans les
studios de la R.T.F. à l'occasion de la parution de
D'un château l'autre pour la légendaire émission de
Pierre Dumayet, Lectures pour tous.
Le second fut enregistré en 1959 (et non en 1961, comme erronément
indiqué par la presse) à Meudon, au domicile de
Céline, par Louis Pauwels, grand admirateur de
l'écrivain.
Il
est à relever que cet entretien, filmé par Yvan Jouannet,
ne fut pas diffusé à l'époque suite à une intervention
du MRAP et de l'Association des Anciens Combattants de
la Résistance. L'émission se termine par un extrait de
l'émission Les chemins de Céline que
Charles Chaboud réalisa en 1971 pour la série " Le
fond et la forme " et qui ne fut jamais diffusée
dans son intégralité. Seule la partie consacrée à
l'exode de Céline à Sigmaringen est reprise dans cette
émission.
On y voit la veuve de Céline, Lucette Destouches, revenir par le train
sur les lieux qu'elle et son mari connurent en 1945. Une
séquence fut, paraît-il, également tournée au Danemark.
Jamais diffusée donc.
Dans son livre Bal à Korsör (Sur les traces de L.-F.
Céline), Claude Duneton raconte comment échouèrent
ses tentatives de réaliser un film similaire au Danemark
pour la télévision française. Le moins que l'on puisse
dire est que celle-ci a le plus souvent boudé Céline et
ce pour des raisons qui ne sont pas, on s'en doute,
liées à son talent littéraire aujourd'hui... unanimement
reconnu, jusqu'en Israël.
Si
l'interview effectuée par Louis Pauwels ne fut pas
diffusée à l'époque, il s'en fallut de peu pour que la
précédente, réalisée par Dumayet, ne le fut pas non
plus. La programmation de l'émission suscita, en effet,
la protestation d'un conseiller général auprès du préfet
de la Seine.
En 1959, la présentatrice Jacqueline Caurat aurait même reçu un "
blâme de principe " pour avoir prononcé le nom de Céline
à l'antenne. Et, en juillet 1961, à la mort de Céline,
la télévision française ne programma pas le reportage
initialement prévu dans ses " Actualités ".
Depuis, la télévision française n'a diffusé (outre un
Apostrophes spécial et - tumultueux - en 1977) que
deux émissions entièrement consacrées à Céline. La
première (Bibliothèque de poche) en 1969 due à
Michel Polac et Yannick Bellon, la seconde (Une
légende, une vie) en 1976 due à Claude-Jean
Philippe.
C'est peu pour un écrivain qui, nonobstant les préventions
légitimes que suscite une partie de son oeuvre, est
considéré comme l'un des plus grands du siècle. M.L.
(BC n° 142, juillet 1994).
**********************
*
La-haut sur la Butte
de
Claude DUBOIS.
Là-haut
sur la Butte, aujourd'hui, une partie de la rue Norvins
a été rebaptisée place Marcel Aymé. Une statue
représente le
"
Passe-Muraille ", une plaque est fixée sur l'immeuble de
Marcel. Lui qui vouait une si sincère amitié à Gégène et
à Ferdine, nul doute que cet honneur à sens unique l'eût
scandalisé ! C'est " place Marcel Aymé-Gen-Paul et
Louis-Ferdinand-Céline " qu'en toute justice posthume
elle devait s'appeler !
Sur
la vieille maison retapée de Gégène, rien. Quant à
Céline, un projet de plaque en sa mémoire a été
catégoriquement repoussé, il y a quelques années.
Célébrer le scandaleux Céline, vous n'y pensez pas !...
Eh bien, une main amie, une nuit de brouillard sûrement,
a dessiné sur l'entrée du 4, rue Girardon le visage de
Ferdine au pochoir.
Quelques
mots mentionnent qu'il a vécu ici entre 1940 et 1944.
Hommage anonyme, clandestin, qui aggrave encore le
ridicule de ne pas honorer celui que, près de trente ans
après sa mort, d'aucuns vouent aux pires gémonies, mais
que d'autres, dur comme fer, jugent le plus grand
écrivain français du siècle.
(BC n°92, avril 1990).
**********************
Voyage
au bout de la nuit
figure parmi les dix livres du XXème siècle que les
lecteurs de " L'Evènement du jeudi ", les
auditeurs de France-Culture et d'autres lecteurs votant
par minitel tiennent pour cardinaux, ceux dont ils
pensent qu'ils doivent être transmis en priorité aux
générations futures.
Les autres titres étant " A la recherche du
temps perdu, L'étranger, La condition humaine, La peste,
Mémoires d'Hadrien, La nausée, Le petit Prince, L'écume
des jours et Tristes tropiques. "
(BC n° 99, déc. 1990).
***********************
MAISON
de CELINE - Mesure de classement
supprimée !
" Nous vous
l'annoncions en avril dernier : la maison de Céline
classée " monument historique " par le Ministère de la
Culture. Une fois encore, il faut déchanter. Face à la
pression de certain " lobby " puissant, le projet est
purement et simplement retiré.
Ça
a débuté comme ça. Lang, il n'avait jamais rien dit.
Rien. C'est Angelo Rinaldi qui l'a fait agir. Angelo, un
critique, un esthète aussi, un artiste...
Arrêtons-là
ce mauvais pastiche et rétablissons la chronologie.
Rinaldi, redouté critique littéraire à L'Express,
dont le style précieux - il est aussi romancier -
s'apparente davantage à Proust qu'à Céline, n'en a pas
moins pour ce dernier une fervente admiration, ayant
toujours su discerner les vraies valeurs littéraires. Il
s'inquiète du sort qui pourrait advenir à la Villa
Maïtou, sise dans le Haut-Meudon, après la mort de
la veuve de l'écrivain aujourd'hui octogénaire. Il
décide de réunir un petit groupe d'écrivains (dont
Julien Gracq et Philippe Sollers) et de saisir, après
accord de Lucette Destouches, le ministre compétent pour
qu'il fasse quelque chose. Il pense que, paradoxalement,
seul un gouvernement de gauche aurait dans ce domaine
les coudées franches pour intervenir.
Au départ, ce
n'est pas mal vu car, aussitôt sollicité, aussitôt fait.
Lang ne demeure pas passif et agit. Certes, il est
difficile de classer cette maison pour son intérêt
architectural. Construite à l'époque de Louis-Philippe,
elle est somme toute bien banale et guère unique en son
genre. Deux pavillons du même style la jouxtent sur ce
chemin qui surplombe la route des Gardes, à Meudon. Le
ministre de la Culture décide alors de faire porter son
inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments
historiques. Le motif est simple : conserver ce lieu
de mémoire (formule malheureuse, on le verra !)
puisque c'est là que Céline, après son retour d'exil,
vécut ses dix dernières années de 1951 à 1961.
Rien là de très
surprenant : cette bâtisse fait bien partie de ce que
l'on appelle l'histoire littéraire, d'autant
qu'elle est également le lieu où se passent plusieurs
scènes de la trilogie D'un château l'autre, Nord et
Rigodon.
Dans la
chronologie, les choses se passent de manière un peu
plus complexe. Au début de cette année, la direction du
Patrimoine (qui relève directement de Lang) transmet le
dossier à une commission qui porte le joli nom de
Coréphaé (en clair, Commission régionale pour le
patrimoine historique, architectural et étymologique).
Cette instance, regroupant une trentaine d'élus, de
fonctionnaires et d'érudits, décide de convoquer
l'auteur de la requête, le sieur Rinaldi, pour
l'interroger sur le sujet. Ensuite, des débats
difficiles (dixit l'un des commissaires) ont pour
résultat, le 30 janvier 1992, d'inscrire la maison de
Céline à l'Inventaire des monuments historiques en
question.
Et, début février,
la Commission vote pour l'inscription, répondant
ainsi au vœu du ministre. Le
14 février, le Département de l'information et de la
communication de son ministère diffuse un communiqué de
presse signalant les différents monuments que cette
Commission a souhaité classer. Coïncidence : parmi
ceux-ci figure également la Tour aux figures (Isssy-les-Moulineaux)
de Jean Dubuffet, grand admirateur et défenseur de
Céline. Mais la presse concentre une série d'articles
détaillés sur le classement de la maison de Meudon.
Ainsi peut-on y découvrir ces titres : La maison de
Céline classée " lieu de mémoire " (Le Parisien,
22 février 1992) ou Voyage au bout de la maison de
Céline. Son pavillon de Meudon classé monument
historique (France-Soir, 24 février). Par
ailleurs, un grand article illustré de photographies,
La " case " de Louis-Ferdinand Céline, paraît sur
papier glacé dans le premier numéro du prestigieux
Fouquet's Magazine. Bref, divers journalistes
estiment l'information intéressante et la développent.
On interroge François Gibault, conseil de la veuve de
Céline, qui déclare qu'elle est fort satisfaite de cette
décision car désormais on ne pourra plus toucher à la
maison sans autorisation. Lui-même se déclare ravi
également, précisant que lorsqu'il y aura de gros
travaux à faire, l'Etat devra dans une certaine mesure
participer financièrement à ces réfections. Les
céliniens, eux aussi, sont heureux car ils se mettent à
espérer que cette maison classée pourrait
ultérieurement se transformer en un musée Céline.
Bref, tout le monde semble bien content de cette
initiative.
Plus exacte et
surtout plus circonspecte - on ne louera jamais assez la
circonspection des Belges ! - La Libre Belgique
(27 février), elle, avait titré Va-t-on classer la
maison de Céline ? La prudence était, en effet, de
mise car ce mini-tapage médiatique allait alerter
d'autres personnes qui, elles, ne seront pas du tout
satisfaites de cette décision. Ainsi, dès le mois
suivant, le CRIF (Conseil représentatif des institutions
juives de France) décide-t-il de partir en guerre
(c'est l'expression utilisée dans la presse) contre le
ministre de la Culture qui avait pourtant été bien
diplomate en faisant connaître cette décision de
classement. N'avait-il pas tenu à préciser qu'il voulait
rendre hommage à l'auteur d'œuvres
universellement reconnues mais absolument pas à ses
positions politiques dont la France a beaucoup souffert,
ajoutant qu'il ne rendait pas hommage aux idées
collaborationnistes et antisémites de Céline mais à son
génie littéraire. Rien n'y fait.
C'est comme
lieu de mémoire que la maison de Céline sera classée,
avait assuré le Ministre. Nous n'avons pas la même
conception de la transmission de la mémoire,
réplique ledit CRIF. On assiste alors à une véritable
mobilisation d'un groupe de pression qui démontre
magistralement sa rapidité d'exécution, sa cohérence, sa
force et... son efficacité. Sa presse emboîte le pas.
Ainsi, le 13 avril, Joseph Choukroun, titulaire de la
chronique Massalia Hébraïca du quotidien
marseillais Le Méridional fait chorus. Même chose
pour le mensuel Information juive (mars 92) où
Gérard Bloch ne craint pas d'écrire : M. Lang a-t-il
perdu la mémoire ? A quand le transfert des cendres de
l'émule de Julius Streicher au Panthéon, accompagné
d'une haie de S.S. la
torche et le fouet à la main ? On en est là.
Pourtant, Angelo
Rinaldi, peu suspect de complaisance à l'égard de l' "
idéologie célinienne ", avait bien spécifié à l'agence
Reuter qui l'interrogeait, que l'opération
consistait
simplement à classer le lieu de travail d'un écrivain
et qu'on s'en tient à la littérature. Encore
une fois, rien n'y fait. La cause est désormais
entendue. D'autant que la fameuse Coréphaé déjà citée ne
dispose que de pouvoirs consultatifs et que, pour être
effective, la mesure doit être signée par le préfet de
région d'Ile-de-France. Or, celui-ci n'est autre que
Christian Sautter, socialiste de l'espèce radicale et,
dans ce domaine, sensiblement moins accommodant que son
camarade-ministre. Aussi sera-t-il aisément sensible aux
arguments des représentants de la communauté
juive qui ne manquent pas de le saisir de cette affaire.
Gagné ! Il leur
écrit, selon Le Canard enchaîné (6 mai 1992) ceci :
Marqué par la lecture de Bagatelles pour un massacre, je
puis vous assurer que
j'exclus d'apposer ma signature au bas d'un tel texte,
allant même jusqu'à évoquer, ô lyrisme, les valeurs
éternelles de la République
qui ont été bafouées par des hommes tels que Céline.
Fermez le ban !
Face à cet
intransigeant fonctionnaire, que peut faire Jack Lang,
aujourd'hui vice-Premier ministre, chargé de la Culture,
de l'Education et de la Communication ? Légalement, il
peut seul décider d'un " classement " pur
et simple de la maison de Céline. Mais, les choses et
les hommes étant ce qu'ils sont, le ministre a sagement
choisi de battre en retraite. Depuis, ses conseillers
ont, paraît-il, multiplié les coups de fil aux
associations protestataires afin de les apaiser en leur
confirmant que le projet était retiré et qu'il fallait
avant tout éviter les malentendus.
Moralité : il se
confirme donc bien qu'il est tout à fait impossible de
rendre un modeste hommage public à Céline dans son pays
même s'il s'agit en l'occurrence d'un auteur
universellement reconnu, pour reprendre l'expression
officielle. Et s'il vous prend l'envie de fouler le sol
d'une rue Céline, sachez que c'est en Suisse qu'il
faudra vous rendre. Encore ne s'agit-il que d'une rue
ainsi dénommée au Salon du livre de Genève. Initiative
téméraire tout de même. A quand sa suppression ? "
(Marc Laudelout, BC n°117, juin 1992).
*********************
UNE LETTRE de Nicole DEBRIE à Jack LANG...
Monsieur le Ministre,
Tous
les lecteurs de Céline avaient appris avec intérêt le
courage intellectuel dont vous aviez fait preuve en
acceptant de classer la maison de Céline comme " lieu de
mémoire " d'un grand écrivain.
Nous avons été
très contrariés d'apprendre que votre projet n'avait
plus de suite et que certaines associations avaient
protesté contre cette décision d'ordre culturel.
Relisant certains
textes de Céline (...), je trouve un texte tout à fait
dans l'esprit de notre auteur dans D'un château
l'autre (Gallimard, coll. Blanche, p.14) : "...
pas demain qu'ils me mettront une plaque, avec garde
champêtre et mairie libre " ici fut dévalisé... ".
Céline parle de son appartement de Montmartre. Je trouve
l'idée très drôle et vous la livre telle que : puisqu'on
ne peut assurer matériellement le souvenir de l'auteur
de Voyage au bout de la nuit, pourquoi ne pas
saisir sa suggestion et assurer le souvenir de ceux qui
l'ont pillé ? Cela serait très drôle.
En vous assurant
de tout mon respect, je vous prie de croire, Monsieur le
Ministre, à l'expression de mon plus profond dévouement.
Nicole DEBRIE.
(dans le
BC n°120 de sept. 1992)
********************
PLAQUE... HOMMAGE.
A
notre connaissance, le seul hommage public rendu à
Céline se trouve en Bretagne, à Camaret-sur-Mer
(Finistère), sous la forme d'une plaque apposée sur la
maison de Madeleine Drévilon, la seconde épouse du
peintre Henri Mahé, où Céline et Lucette furent
accueillis durant l'occupation :
" L.-F. CELINE,
médecin et écrivain français (1894-1961), a séjourné
dans cette maison ".
C'est à la demande
d'Henri Mahé, auteur de Ma brinquebale avec Céline, que
cette plaque fut apposée en 1968 par la mairie de
Camaret-sur-Mer. La maison est sise route des Quatre
Vents, dominant le port.
(Le Bulletin
célinien n°122, novembre 1992).
LES PLAQUES...
A
deux reprises, Le Bulletin célinien a vainement
tenté de faire apposer une plaque commémorative rue
Girardon, à
Montmartre.
Ce qui n'est pas possible à Paris l'est manifestement en
province. Depuis plusieurs années, il existe une plaque
à Camaret sur la façade d'une maison où il arrivait à
Céline de séjourner l'été.
Désormais, il
existe une plaque dans une autre ville bretonne :
Monfort-sur-Meu. Elle est due à l'initiative du
Professeur Charles-Antoine Cardot. C'est en 1924 que
le jeune Louis-Ferdinand Destouches remplaça son père,
le docteur Charles-Henri Cardot. La plaque est apposée
sur la façade de la bâtisse familiale : " Dans cette
maison, en mai-juin 924, remplaçant le Dr Cardot, le Dr
Destouches (futur Céline) a exercé la médecine ".
Autre hommage, non
officiel, que celui d'une " Rue Louis-Ferdinand Céline "
initiée - évidemment sans l'aval des autorités
municipales - par un fervent célinien, Léon Chicot,
dans le village de Tréjouls, en Quercy blanc
(Tarn-et-Garonne). Voir photo.
(BC n°269, nov. 2005).
Louis-Ferdinand
Céline en Guyane française
Présence de Céline, à Maripasoula en Guyane française,
par la création de cette plaque sur une voie privée
appartenant à Richard Gras (voie enregistrée
régulièrement au cadastre).
(Le Petit Célinien, lundi 5 septembre 2011).
*******************
UN TIMBRE CELINE
Tant d'écrivains
français ont l'honneur d'avoir leur effigie sur les
timbres-postes. Pourquoi celui-ci ne serait-il pas
réservé à l'un des plus prestigieux de ce siècle ?
L'année du centenaire de la naissance de Céline
serait-elle l'opportunité bienvenue ?
Aussitôt pensé,
aussitôt fait. Le 11 avril, le vibrionnant directeur du
Bulletin célinien, Marc Laudelout, en fait la suggestion
à la Poste française (Service d'ingénierie des
timbres-postes). La réponse ne se fait pas trop attendre
: le 30 avril, M. G. Lacassagne, chef du département
Production, lui répond de la manière la plus
administrative qui soit :
Monsieur le
Directeur,
Par lettre du 11
avril dernier, vous avez signalé l'intérêt que
présenterait l'émission d'un timbre-poste pour marquer
en 1994 le centenaire de la naissance de l'écrivain
Louis-Ferdinand Céline.
Les émissions de
timbres-postes français sont groupées en programmes
annuels dont la composition est fixée au cours de
l'année précédant celle de leur exécution, après avis de
la Commission des programmes philatéliques chargée
d'opérer une sélection parmi toutes les suggestions
recues.
Votre proposition,
dont il a été pris note, sera examinée dans le courant
de l'année lors de l'élaboration du programme définitif
de 1994. (...) Si une décision favorable intervenait, je
vous en informerais aussitôt. "
Ne voyant rien
venir et 1994 approchant à grands pas, M. Laudelout
réitère sa demande en novembre dernier. La réponse du
même M. Lacassagne, est naturellement conforme à ce qui
était prévisible :
" Je vous donne
l'assurance que votre proposition a bien été examinée
par la Commission des programmes philatéliques qui s'est
réunie au mois de juin dernier pour donner son avis sur
l'ensemble du programme de 1994.
Le choix
extrêmement difficile qui a dû être opéré en raison du
très grand nombre de demandes présentées concernant des
commémorations et de la nécessaire limitation des
émissions, ne lui a malheureusement pas permis de
retenir le timbre auquel vous portez intérêt. "
Signe des temps :
en 1994, la Poste française imprimera un timbre à
l'effigie de Coluche sacré grand personnage de cette fin
de siècle. Céline, lui, est encore jugé trop sulfureux
pour recevoir l'imprimatur du cachet de la Poste. Devant
ce dédain, l'obstiné directeur du Bulletin décide de ...
créer lui-même un timbre-poste. "
(Sophie Clerbois, BC
n°137, fév. 1994).
*******************
BARDAMU AGREGATIF
Cela
commence à se savoir ! Ils ont craqué ! Les jurys
d'agrégation ont enfin mis un livre de Céline au
programme : Voyage au bout de la nuit. Ils n'ont
pas osé laisser passer le centenaire de l'écrivain en
ignorant tout de son œuvre.
Chaque année,
depuis 1960 environ, le programme des trois agrégations
littéraires comporte une œuvre
du vingtième siècle. C'est une sorte de consécration
officielle pour l'auteur. Vingt-huit écrivains ont ainsi
défilé (Valéry quatre fois : le record). Bien entendu,
les écrivains staliniens furent au programme dès le
concours de 1973 (Eluard) et 1989 (Aragon, l'année de la
chute de l'Empire qu'il avait si bien servi jusqu'au
bout - les jurys n'avaient pas prévu ça quand ils
fixèrent le programme en juin 1988) ; L'Espoir de
Malraux en 1980.
D'autres encore
n'attendirent pas longtemps outre-tombe : Breton (1971),
Camus (1972), Montherlant (1974), Saint-John Perse
(1977), Giono (1978), Sartre (1983), Char (1990), Gracq
1982), Senghor (1987) et Ionesco (1992) ont même été
canonisés de leur vivant, pour des
œuvrettes bien mineures.
Contre Céline, en
revanche, le barrage était solide. Rappelez-vous la
Sorbonne des années cinquante aux abords, les militants
du Parti faisaient la loi ; dans sa chaire, Mme
Claude-Edmonde Magny comparait Mort à crédit, ces
" six cents pages de boue " (sic), aux " insipides
natures mortes ou canaux de banlieue à la Foire aux
croûtes de Montparnasse " ; à la bibliothèque, Mme Marix-Spire
interdisait l'entrée du moindre livre de Céline.
Peut-on espérer,
maintenant qu'une brèche est ouverte, pour Drieu, Marcel
Aymé, Chardonne, Morand ? Tout doucement !... comme
disait Ferdinand (c'est le titre qu'il avait d'abord
prévu pour Mort à crédit). C'est pas demain la
veille...
(C.D. BC n°141, juin 1994).
*******************
Passage
Choiseul, à Paris, un petit
panneau indique désormais que Offenbach et Céline ont
respectivement habité aux numéros 64 et 67.
Rappelons qu'en
1985 la Préfecture de Paris s'était opposée à une plaque
commémorative à Montmartre en raison des pressions
qu'elle avait dû subir suite à l'initiative du
Bulletin célinien.
(BC n°172, janv. 1997).
*******************
DEUX
POIDS et DEUX MESURES !
Dans
le Figaro Magazine du samedi 10 mai 1997, accolé à
l'article signé François Taillandier : " Aragon aux cent
visages ", figure un articulet intitulé " Le Moulin ",
portant les initiales F.N. Nous y apprenons que le
sauvetage du moulin de Villeneuve (la dernière demeure
de Louis et Elsa) fut entrepris dès 1985. Il ne fut
possible que grâce à la générosité de Jean Ristat,
exécuteur testamentaire d'Aragon, et à la collaboration
des éditions Gallimard, du ministère de la Culture, de
la BN, du Parti communiste, des Bâtiments de France, des
collectivités de la région, du village de Saint-Amoult.
Une association
1901 fut fondée, qui devait préparer une fondation Elsa
Triolet-Aragon. Elle travaille depuis douze ans sous la
présidence d'Edmonde Charles-Roux, et son conseil
d'administration compte ou a compté Pierre Seghers,
Antoine Vitez, Roland Leroy et Jack Ralite, Jean
d'Ormesson et Jean Dutourd, Jean Levaillant et André
Still. "
Or, tâchons de ne
point oublier, la dernière demeure de Céline, l'un des
plus grands écrivains français (et occidental du XXème
siècle, d'après de nombreuses personnalités littéraires
étrangères de plusieurs pays), n'a même pas été inscrite
à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques,
malgré l'intervention du vice-premier Ministre, chargé
de la Culture, de l'Education et de la Communication :
Monsieur Jack Lang. Il est donc permis de s'étonner que
la mémoire du couple le plus célèbre de la Littérature
française de ce siècle (pardon à Monsieur " l'agité du
bocal " et à sa compagne !), durant ce même temps, ait
été si somptueusement honorée par d'aussi illustres
écrivains, journalistes, hommes politiques de ce pays,
et aussi copieusement financée par des organismes
nationaux de premier plan.
Est-ce parce que Louis Aragon, ce monument de la
littérature de notre pays, s'est plu dans l'un de ses
livres, Traité de style, à écrire " J'ai bien
l'honneur, chez moi, dans ce livre, à cette place, de
dire très consciemment : je conchie l'armée française
dans sa totalité ", " Tout ce qui est français me
répugne à proportion que c'est français ", " Je suis
revenu d'URSS et je n'étais plus le même homme (...)
l'homme que j'ai été m'apparaît comme un homme des
ténèbres. " " J'appelle la terreur soviétique du fond de
mes poumons ", " Je chante la Guépéou nécessaire à la
France " ?
Est-ce
pour cette raison que cet écrivain est porté au pinacle
? Pourquoi donc, après un tel parcours, une vie
exemplaire aussi sublime, ce chantre de la Guépéou ne
repose-t-il pas au Panthéon, aux côtés de Malraux, ce "
Saint Bernard de la croisade anti -fasciste ", ou bien
figure au fronton de notre Littérature, tout proche de
Sartre pour lequel " qui n'est pas communiste n'est
qu'un chien. "
D'autre part,
comment se fait-il que l'illustre maison Gallimard, l'un
des phares de l'édition française qui a vaillamment
participé à cet immense feu d'artifice financier et
publicitaire, ait oublié le jugement sévère porté par
son grand patron Gaston Gallimard sur l'écrivain Aragon
: " Il n'a aucune personnalité, il a toujours suivi
quelqu'un : Drieu, Breton ou (petit sourire) Staline ",
et son épouse Elsa pour la bonne et juste cause.
Et pendant ce
temps-là, Louis-Ferdinand Céline, qui les dépasse tous
d'une tête, une vraie celle-là, continue d'être
diabolisé et occulté autant qu'il est possible de
l'être. Etonnamment, il garde une solide avance dans
l'illustre édition en parchemin.
Cette fin de
siècle lamentable aura eu tout de même le mérite de nous
éclairer tous les jours sur " les vraies valeurs. " En
effet, tous les hommes en bonnes places, nous répètent à
longueur de jour et de profession de foi, que les leurs
ne sont pas les mêmes que celles d'un grand nombre de
leurs concitoyens, tout en se gardant bien entendu, de
les énumérer et nous en donner le détail.
A la page 94, dans
l'article qui précède, de François Taillandier, " Aragon
aux cent visages ", ce journaliste s'est plu, en
revanche, à ressasser et à ânonner après mille autres :
" Céline antisémite. " C'est vrai, il était farouchement
contre les fauteurs de guerre. Mais au juste,
devons-nous comprendre (dans le langage de ces champions
de l'amalgame), qu'il y aurait entre celui-ci et
ceux-là, un rapport de cause à effet ? Ou bien une
opposition irréductible ?
Le grand homme de
Monsieur Taillandier l'avait pourtant averti : " J'ai
gâché ma vie. " Mais, au milieu de ce concert de
louanges et de complicités, il n'a pas dû entendre, ou
comprendre ce qu'il lui disait.
Amis de la
Littérature, puisque vos médias vous incitent depuis
soixante ans à ne pas apprécier, à ne pas aimer Céline,
ne pensez-vous pas que c'est précisément une raison bien
suffisante pour le lire, et ce entièrement ? Puis, si
vous le pouvez, oubliez le. "
Jacques CARLON.
(BC n°178,
juillet-août 1997).
********************
VENTE EXCEPTIONNELLE,
LE
MANUSCRIT DE VOYAGE AU
BOUT DE LA NUIT.
Le mardi 15 mai 2001, à Drouot-Montaigne,
c'est la foule des grands jours. On se presse pour
assister à une mise aux enchères exceptionnelle de 303
manuscrits et lettres autographes, parmi lesquels
quelques raretés signées Artaud, Balzac, Bartok,
Baudelaire, Beethoven ou Bergson.
Dans la salle, de nombreux visages
connus, dont celui de Fabrice Luchini, venu surtout pour
le clou de la séance, le manuscrit du Voyage au bout
de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline,
œuvre dont il sait de
nombreux passages par cœur.
Quelques
jours plus tôt, l'acteur a pu consulter, avec émotion,
les 876 feuillets sortis de son étui-boîte en peau de
porc fauve où il repose depuis des années. Et en réciter
de mémoire certains passages, les comparant avec ce
premier jet. Mais cet amateur de Céline a prévenu : il
n'ira pas au-delà de 4 millions de francs, " sinon, ma
femme me tuerait ". Il sera vite largué.
L'expert Pierre
Berès, qui dit opérer pour le compte d'un collectionneur
anglais anonyme, lit un bref descriptif du trésor
retrouvé. Dans l'assistance, certains le soupçonnent
d'être lui-même le propriétaire de ce manuscrit dont la
trace avait été perdue des dizaines d'années plus tôt.
On connaît le début de l'histoire. En 1943, Céline,
fauché et conscient que l'Allemagne allait perdre la
guerre, cherche des fonds pour organiser sa fuite. Il
vend la première version du Voyage - il en existe
une seconde, toujours dans la nature, plus proche de
celle qui fournira la base de l'édition, en 1932, par
Denoël - à Etienne
Bignou, un célèbre marchand de tableaux de la rue La
Boétie, pour, dira-t-il, " 10 000 francs et un petit
Renoir ". Tandis que Céline, la ceinture lestée
d'or, parcourt l'Allemagne en ruine, direction le
Danemark, le manuscrit, lui, disparaît. Il ne refait
surface qu'en 2000, quand Berès le montre à l'un de ses
confrères, Thierry Bodin, avec lequel il organisera
cette fameuse vente à Drouot-Montaigne.
Une
écriture impatiente.
Les
enchères démarrent à 3,5 millions de francs. Au début,
elles grimpent par paliers de 100 000 francs. Mais,
bientôt, on passe au demi-million, puis au million :
8..., 9... A 10, niveau du dernier record enregistré -
celui du Procès, de Kafka, chez Sotheby's, en
1988 - l'ambiance devient carrément électrique ; on
apprendra par la suite que deux amateurs se sont tiré la
bourre jusqu'au bout.
A 11 millions, le
marteau de Me Picard s'abaisse. C'est ce moment que
choisit le représentant de la Bibliothèque nationale de
France pour indiquer que celle-ci choisit d'exercer son
droit de préemption. Sous les applaudissements. Avec les
frais, le prix du manuscrit s'élève à 12 184 040 francs,
une somme qui pourra être libérée grâce à la
contribution du Fonds du patrimoine du ministère de la
Culture et au mécénat de Nahed Ojjeh, veuve du
richissime Akram Ojjeh.
Le 18 mai, le
Voyage (HA 0108, soit la huitième acquisition de l'année
2001) rejoint les collections de la BNF, où il est
dûment folioté, puis séparé en deux volumes. Enfin, les
restaurateurs vont pouvoir intervenir.
Première
constatation, le manuscrit est en bon état et ne
nécessitera pas de nombreuses restaurations. Les papiers
utilisés par Céline sont de qualité. Qu'ils soient
quadrillés ou non, lignés ou non, les feuillets,
utilisés parfois recto verso, portent souvent des
filigranes où l'on peut lire des marques comme "
Ministre/Archives Paris " ou " Bank/Paper/J. Daguerre ".
" Certains feuillets, précise Marie-Laure Prévost,
conservateur général au département des manuscrits,
proviennent de blocs-notes, et certains ont été arrachés
plus que détachés. Cela traduit peut-être une rapidité
ou une impatience de l'écriture. " Impatience qui
explique vraisemblablement aussi l'absence quasi totale
d'accents ou, fréquente, de points sur les " i ".
Les précieux
feuillets filent ensuite vers l'atelier de restauration,
où ils sont pris en charge par l'une des 30 employés de
ce service, Josiane Drakides : " Ils ne présentaient pas
de dégradations importantes, précise-t-elle. Il fallait
seulement effectuer des remises à plat de certains
d'entre eux et réparer des déchirures sur les bords
grâce à un papier japon très fin et de la colle
d'amidon, ce qui a permis de les consolider. " Vient
alors la phase délicate du montage des documents, au
cours de laquelle différentes techniques sont utilisées.
Les feuillets étant d'une faible épaisseur, la
difficulté majeure fut d'adapter un papier de montage
suffisamment fin, 30 grammes de teinte crème, pour
conserver le même niveau d'épaisseur. Le format du
volume a été déterminé en adoptant les dimensions du
feuillet le plus haut et le plus large.
Dernier acte,
enfin, la reliure et la dorure, pour lesquelles d'autres
restaurateurs sont sollicités. Le choix sera celui d'une
pleine peau maroquin marron. Les pages de garde sont
peintes en un camaïeu de bruns sur papier Canson ocre
orangé, marbré avec un grand peigne semé de taches
marron et noires et moucheté à l'or. La dorure, simple
et soignée, fait figurer au dos les mentions " Céline "
et " Voyage au bout de la nuit ". Sur la couverture est
tracé un simple filet d'encadrement à la feuille d'or.
Cette première
version du Voyage passionne déjà les chercheurs,
parmi lesquels Henri Godard, célinien de renom,
responsable de l'édition de Céline dans la Pléiade.
D'abord, la célèbre séquence d'ouverture, telle qu'on la
connaît aujourd'hui, est très différente de celle qu'on
découvre dans ce manuscrit. Dans le roman définitif,
Bardamu est un anarchiste anti-guerre qui, en
contradiction avec ses convictions, va s'engager sur un
coup de tête, en voyant passer un régiment. Au cours de
cette scène, c'est lui qui dit " je ". Mais le manuscrit
révèle que Céline n'était pas parti sur cette base.
C'était l'interlocuteur de Bardamu, Arthur Ganate,
conformiste bon teint, qui rapportait la scène, lui qui
disait " je " et lui encore qui, logiquement,
s'engageait. " Ce bouleversement effectué par Céline va
avoir un effet puissant sur le roman, analyse Henri
Godard. Cela crée, un effet de porte-à-faux, Bardamu
étant à la fois l'affranchi et le cave, celui à qui on
ne la fait pas et celui à qui on la fait. Cette
oscillation se perpétue jusqu'à la fin du roman. "
Henri Godard note
également l'apparition tardive, dans ce manuscrit, du
nom de Robinson, qui viendra au final remplacer ceux
d'une série d'autres personnages antérieurs, Merluret,
Lacombe, Vassous, Tourman. Enfin, le discours pacifiste
de Princhard sera élagué, et sa tirade sur les "
patries-galère " sera mise dans la bouche de Bardamu dès
la scène d'ouverture.
Le manuscrit du
Voyage n'a pas encore révélé tous ses secrets. Il
attend sagement ses exégètes sous la cote définitive
26970 et 26071 NAF (Nouvelles Acquisitions françaises),
rangé entre celui de Colline, de Giono, et les quatre
volumes de la correspondance reçue par Alexandre
Denuelle (1818-1879), architecte, peintre, décorateur,
membre de la commission des Monuments historiques. Il y
a fort à parier que les lettres reçues par le beau-père
d'Hippolyte Taine couleront sur leur étagère des jours
plus tranquilles que les 876 feuillets de son sulfureux
voisin pour l'éternité. "
(Thierry Gandillot,
l'Express, 12 août 2005, BC n°269, nov. 2005).
********************
*
Frédéric MITTERRAND évoque l' " affaire Céline "
par David ALLIOT.
Ministre
de la culture depuis 2009, Frédéric MITTERRAND
s'est retrouvé au coeur de la polémique sur
l'inscription de Céline dans le volume des "
Célébrations nationales ". Dans son dernier livre,
Le Désir et la chance, publié aux Editions
Robert Laffont, il évoque, dans un style original et non
dénué de charme, les coulisses de l'affaire vue depuis
la rue de Valois.
"
Dans l'affaire Céline, on m'a donc aussi reproché d'être
intervenu après que la commission des célébrations
nationales eut donné son avis et l'eut inscrit dans un
catalogue ; dont acte, j'aurais dû réagir plus vite,
avant la publication du recueil des célébrations , qui
n'avait pas suffisamment retenu mon attention. Mais en
l'occurrence, l'émotion suscitée par cette
inscription était à la fois considérable et légitime. Et
tout indiquait qu'elle ne s'éteindrait pas, et serait
finalement dommageable à l'image même de l'écrivain.
L'inévitable agitation aurait certainement braqué la
lumière sur ce qu'il y avait d'odieux dans son oeuvre,
qu'il aurait été anormal de réduire à ses écrits
antisémites.
Durant les heures qui ont précédé la décision de retirer
Céline des célébrations nationales, quand bien même sa
place dans la littérature française et l'édition de son
oeuvre dans la Pléiade valent bien toutes les
célébrations officielles, j'avais relu Bagatelles
pour un massacre, dans l'une de ces éditions pirates
que l'on peut se procurer assez facilement. Cette
relecture a emporté ma décision, d'autant plus que cet
écrit avait été réédité pendant la guerre, en pleine
occupation nazie.
Bien plus tard, en relisant la remarquable interview
accordée par le professeur Godard dans le numéro spécial
de Télérama consacré à Céline, une coïncidence
des dates m'a frappé. Mon grand-père maternel, qui avait
été à peu près l'exact contemporain de Céline, et que
j'aimais pour son charme, sa profonde culture littéraire
et son humour, était un antisémite presqu'aussi
vitupérant et en tous cas aussi abominablement viscéral
que Céline lui-même, et, pour le coup, cette part de sa
personnalité m'avait toujours été insupportable. Il
n'est pas impossible qu'en retranchant Céline des
célébrations nationales, j'ai aussi voulu retrancher
quelque chose de ma mémoire personnelle, où son attitude
ravageait encore une part des souvenirs que j'avais de
lui. Je me suis rendu compte de cet aspect inconscient
de ma démarche que bien plus tard ; mais il est probable
qu'il a joué un rôle dans ma décision. " (Le Désir et
la chance, Editions Robert Laffont, 357 p, 21 €, Céline
Spécial l'insoumi n° 4, février-mars 2012).
*************************
"
(...) Si l'on en croit M. Klarsfeld, Céline est indigne
d'être célébré par la République. Mais M. Klarsfeld
oublie que cela a déjà été fait. En 2001, c'est la
Bibliothèque nationale de France qui a préempté le
manuscrit de Voyage au bout de la nuit. Ce sont
également de nombreuses institutions publiques ou
para-publiques qui accueillent ou favorisent les divers
colloques et manifestations consacrés à l'écrivain.
Dans ce cas, il faut aller au bout de la logique de M.
Klarsfeld. Faut-il alors détruire les manuscrits qui
dorment dans les collections publiques ? Fallait-il
interdire le colloque qui eut lieu à la BPI du Centre
Georges Pompidou (établissement public) ? Faut-il
interdire à M. Luchini de produire ses lectures de
Céline dans des théâtres publics, ou subventionnés par
l'Etat ? Faut-il interdire les textes de Céline dans les
manuels scolaires ?
M.
Klarsfeld s'érige en censeur. M. Klarsfeld décide ce qui
doit être célébré ou pas. C'est donc M. Klarsfeld qui
décide ce que les Français doivent faire ? Si l'on en
croit ses déclarations , il faudra attendre " plusieurs
siècles " avant de pouvoir célébrer Céline ! Diantre !
C'est M. Klarsfeld qui fixe également la levée de
l'opprobre. Puisque M. Klarsfeld régente les Lettres
françaises, nous attendons de savoir quel sort sera
réservé au très stalinien Louis Aragon (que les
idées antisémites de Céline n'ont pas toujours dérangé),
à Marcel Jouhandeau, auteur d'écrits
condamnables, à Paul Morand qui n'avait que
mépris pour le peuple d'Israël, au très antisémite
Voltaire qui doit sa fortune à la traite négrière, à
Hergé dont certains dessins n'ont pas toujours été
exemplaires, à Georges Simenon, qui ne passe pas
pour un grand philosémite.
La
liste n'est pas exhaustive, et l'on pourrait rajouter le
très antisémite Théophile Gautier, célébré lui
aussi en 2011... M. Klarsfeld à la mémoire sélective,
mais avant de libérer les étagères de ma bibliothèque,
j'attends de recevoir ses consignes de lecture. En 2011,
le plus grand écrivain français du XXe siècle ne sera
pas honoré dans son propre pays. Il n'y a qu'en France
que l'on voit ça. " (David Alliot, Le Monde.fr, 27
janvier 2011).
*********************
Paris Céline. Un
film de
Patrick
BUISSON.
Où comment on peut être l'une des éminences grises de
l'Elysée et rendre un fort bel hommage à Louis-Ferdinand
Céline.
Patrick
BUISSON n'est pas seulement le " monsieur sondage "
ou la " conscience de droite " du président de la
République. Le conseiller de Nicolas Sarkosy est aussi
un journaliste et un historien - auteur, entre autres
ouvrages, des deux tomes de 1940-1945, Années
érotiques (Albin Michel). Le chemin parcouru en
quarante ans par l'ancien responsable de la FNEF (La
Fédération nationale des étudiants de France) à la
faculté de Nanterre est un bel exemple de continuité du
combat métapolitique : adepte d'un gramscisme de droite,
il sait qu'il n'existe pas de victoire politique sans
imprégnation culturelle préalable.
Directeur de la
chaîne de télévision câblée Histoire, Patrick BUISSON
vient de terminer son premier film. Il s'agit d'un
documentaire intitulé " Paris Céline " consacré
au souvenir de l'auteur du Voyage au bout de la nuit,
qui sera diffusé pour la première fois le mardi 13
décembre prochain sur Histoire.
Le 21 novembre,
pour l'avant-première, plusieurs centaines de
personnalités se pressaient au cinéma Gaumont Capucines,
à une encablure de l'Opéra, à Paris. On y trouvait des
politiques : le ministre des Transports Thierry Mariani,
chef de file de la Droite populaire, les anciens
ministres chiraquiens Hervé Gaymard et Frédéric de
Saint-Sernin, ou l'ancien député européen Paul-Marie
Coûteaux, devenu porte-parole de Marine Le Pen. Côté
journalistes, Etienne Mougeotte, patron du " Figaro
", naviguait entre les membres de sa rédaction et
d'anciens collègues de BUISSON à " Valeurs
actuelles ", " Spectacle du monde " ou " Minute " -
tels Bruno Larebière, ancien rédacteur en chef de "
Minute " devenu conseiller en communication, ou
Emmanuel Ratier.
La salle
accueillait également le gratin célinien : l'avocat
François Gibault ou Marc Laudelout, directeur du "
Bulletin célinien ".
(Sarkozyste et célinien,
Minute n° 2541, 7 décembre 2011, dans le Petit Célinien,
9 déc. 2011).
*********************
Philippe MURAY
" Le nom de Céline appartient à la littérature,
c'est-à-dire à l'histoire de la liberté. Parvenir à l'en
expulser afin de le confondre tout entier avec
l'histoire de l'antisémitisme, et ne plus le rendre
inoubliable que par là, est le travail particulier de
notre époque, tant il est vrai que celle-ci, désormais,
veut ignorer que l'Histoire était cette somme d'erreurs
considérables qui s'appelle la vie, et se berce de
l'illusion que l'on peut supprimer l'erreur sans
supprimer la vie.
Et, en fin de
compte, ce n'est pas seulement Céline qui sera liquidé,
mais aussi, de proche en proche, toute la littérature,
et jusqu'au souvenir même de la liberté. "
(La
citation de mois, Bulletin célinien, mars 2011).
********************
Céline toujours indésirable à Montmartre
" On se
souvient qu'à deux reprises le BC a vainement tenté de
faire apposer une plaque commémorative au numéro 4 de la
rue Girardon, à Montmartre. La première tentative
remonte à 1985, la seconde à 1992. Les choses
auraient-elles changé ? Apparemment non. Le journaliste
Jean-Laurent POLI, par ailleurs citoyen montmartrois, en
a récemment fait l'expérience.
Une première
lettre, adressée à un adjoint au maire du XVIII° s'est
heurtée à une réaction franchement hostile. Un deuxième
courrier, adressé à une conseillère municipale, est
demeuré sans suite alors que l'édile, agrégée de
lettres, se dit passionnée par Céline. Pour J.-L. POLI,
" l'absence d'une plaque au carrefour-Junot est une
aberration, une forme de négation de l'histoire. "
C'est affirmé par quelqu'un qui est loin d'être un
admirateur inconditionnel de Céline. Ainsi peut-il
se targuer d'avoir collaboré au documentaire de Serge
Moati, " La haine antisémite dans le monde ", diffusé
sur TF1 en 1993.
Dans un article
bien documenté, il évoque la vie de Céline dans ce
quartier pittoresque de Paris. Il le présente
plaisamment comme un " notable " qui fréquente les "
figures " de Montmartre : Gen Paul et Marcel Aymé. "
Chaque dimanche matin se joignent à eux le comédien Le
Vigan, acteur surdoué capable d'incarner une " chaise "
mais à la réputation de " fêlé " qui n'aurait jamais
laissé passer la lumière. L'acteur habite à deux pas,
rue Simon Dereure. Il y a aussi Ralph Soupault le
dessinateur au verbe haut et à la mauvaise réputation
qui illustrera plusieurs fois les habitués du banc "
Junot ". A l'heure de l'apéritif la petite bande se
retrouve au " Taureau " ou au " Maquis ", un bistrot
tenu par une ancienne actrice du muet et où venait jadis
Poulbot...
Céline plutôt
taciturne interroge avec intérêt d'Esparbès, un
spécialiste de l'histoire napoléonienne. L'ascète Céline
(il ne boit pas une goutte) parle peu, écoute, se
nourrit des potins en médecin de quartier ou prolonge
des débats linguistiques sur l'argot populaire qu'il
transcendera dans ses romans. Sauvage, timide, Céline
est toujours prêt à rendre service sur le plan médical.
Quand il revient du dispensaire en moto, les passants de
l'avenue Junot regardent amusés le docteur Destouches et
ses " ficelles ". A cause de sa blessure au bras (Céline
a été médaillé en 14), il accroche autour de son cou
tous ses objets (gants, serviettes, manuscrits etc.)
avec des bouts de ficelle ... pour ne rien perdre. " On
s'y croirait.
Jean-Laurent
POLI prépare d'ailleurs un livre sur le Montmartre de
Céline. Nul doute qu'il y soulignera le fait que Céline
y demeure persona non grata près de 70 ans après
avoir quitté les lieux.
Dans son
article, il rappelle d'ailleurs que si Marcel Aymé et
Gen Paul ont chacun leur plaque, " Céline, lui, est
resté tabou : devant le 4 de la rue Girardon ou devant
le 98 rue Lepic, rien ne signale son existence. "
(Marc
Laudelout, BC n° 332).
*********************
Cinquantenaire.
Le 1er juillet 2011, face à la tombe de Céline,
François GIBAULT, le président de la Société des
Etudes céliniennes, improvisa une brève allocution dont
nous reproduisons ici la transcription.
Vous
savez qu'il n'y a pas eu de célébration
nationale pour le cinquantenaire de la mort de Céline.
Certains ont critiqué la décision du ministre. Moi,
j'estime que Céline n'a pas besoin de célébration
nationale. Il est célébré par vous aujourd'hui, ses
admirateurs. Il est célébré dans le monde entier par ses
lecteurs. On vend tous les ans 50 000 exemplaires de
Voyage au bout de la nuit en France sans parler des
traductions. C'est le plus bel hommage que l'on puisse
rendre à Louis-Ferdinand Céline. Il n'avait donc pas
besoin d'honneurs officiels. Ce n'était pas un homme
d'Académie, ce n'était pas un homme de prix.
Ce
n'était pas un homme pour les honneurs. Mais je rappelle
tout de même que la République française a honoré Céline
en lui décernant la Croix de Guerre et la Médaille
militaire. C'est le plus bel honneur qu'on pouvait lui
rendre et c'est un honneur dont il était très fier.
La Société
d'Etudes céliniennes se devait de vous rassembler
aujourd'hui et de fleurir la tombe de Louis-Ferdinand
Céline qui est incontestablement pour vous tous
certainement, le plus grand écrivain français du XX°
siècle. Nous honorons aujourd'hui un romancier
extraordinaire qui a bouleversé la langue française, qui
a inventé un style, ce dont il était aussi très fier, et
qui a marqué à jamais les lettres françaises. La Société
d'Etudes céliniennes va, elle aussi, bientôt fêter son
anniversaire. Elle aura trente cinq ans le 26 juillet
prochain. Elle a été créée le 26 juillet 1976. C'est une
société qui rassemble environ 80 chercheurs du monde
entier : professeurs, étudiants, admirateurs tout
simplement et qui étudie l'œuvre de Louis-Ferdinand
Céline. Tous les deux ans, à la suite de colloques, nous
approfondissons la connaissance de l'homme et de l'œuvre.
Cette société a été présidée brièvement d'abord, par
Philippe Alméras qui est un célinien mais un célinien
sans complaisance. Elle a été présidée ensuite par André
Lwoff, prix Nobel de médecine, membre de l'Académie
française, puis par Gérald Antoine, actuellement membre
de l'Institut, membre de l'Académie des Sciences morales
et politiques, et puis par moi depuis. C'est vous dire
que c'est une société entièrement apolitique qui admire
l'écrivain et le romancier que fut Céline.
Voilà les
quelques mots que je voulais vous dire. Je voudrais que
l'on associe aujourd'hui à la mémoire de Céline sa fille
Colette avec laquelle il eut des rapports parfois
difficiles. Elle est décédée il y a un mois environ, et
je sais que, malgré les évènements et les difficultés
avec son père, elle l'aimait profondément. C'est la
raison pour laquelle je voulais l'associer à cet
hommage.
Et puis, bien
sûr, je voulais dire que Lucette Destouches, la veuve de
Céline, est avec nous par la pensée. Elle sait que nous
nous réunissons aujourd'hui sur la tombe de son mari.
Dans quelques jours elle entrera dans sa centième année.
Elle m'a prié de vous remercier et je vous demande tous
d'avoir une pensée émue pour elle. Depuis la mort de
Céline, elle a été une veuve admirable qui a
magnifiquement défendu l'œuvre de son mari.
(Bulletin
célinien, septembre 2011).
********************
"
Quand la municipalité de Meudon inaugurera-t-elle le
square Louis-Ferdinand Céline sur les hauteurs de sa
commune ? "
Tel est
le titre de la communication que Rémi ASTRUC a présentée
lors du colloque " Figures et lieux patrimoniaux en
questions " qui s'est tenu en septembre (2011) à
Maubuisson (Val d'Oise).
" On sait que Céline, de retour en France et pour
échapper aux questions qui fâchent sur son passé se
réfugiait derrière une parade qui consistait à mettre
l'accent sur son style et non sur ses idées. Pour ceux
qui continuaient à vouloir l'interroger sur la
politique, il balayait la question d'une phrase : " Ces
gens sont lourds ". Et il n'avait sans doute pas tout à
fait tort dans le sens où il est effectivement dans la
nature de la politique d'être " lourde " alors qu'on
peut penser que la littérature s'efforce dans la mesure
du possible d'être " légère ". Ce qui explique pourquoi
l'entente entre les deux domaines paraît si difficile et
que peu de grands écrivains ont réussi à maintenir un
peu de cette légèreté qui faisait la qualité de leur
oeuvre.
La lourdeur de
la polémique sur la célébration de Céline est née d'une
double incompréhension et d'une certaine naïveté de la
part de ses acteurs principaux (en particulier Frédéric
Mitterrand): celle d'avoir cru que la littérature était
séparée du politique et pouvait être préservée de la
politique parce qu'elle était précisément littérature.
Or la littérature n'est pas, n'a pas vocation à être une
école de vie publique, mais bien plutôt l'expression
d'une pensée originale et individuelle. Ensuite,
celle d'avoir cru que la sphère politique (surtout
peut-être en espace démocratique) pouvait être
accueillante au génie littéraire, c'est-à-dire
reconnaissante de ce don sans retour qu'est l'œuvre
d'art. La politique ne célèbre en effet que ce qui
l'arrange, or la littérature - quand elle est de qualité
- n'arrange personne en soi, elle a plutôt tendance au
contraire à déranger, et c'est exactement ce que l'on
attend d'elle.
C'est pourquoi,
si Céline est " infréquentable ", il ne faudrait pas
oublier (c'est l'erreur d'Henri Godard) que la sphère
politique est naturellement le monde du conflit, des
pressions, des tractations, des compromissions et du
consensus et que pour cela elle est à jamais
infréquentable à la singularité littéraire. Comment
Céline, cet asocial, cet être anti-social même puisqu'il
s'est souvent présenté comme fondamentalement
anarchiste, c'est-à-dire littéralement en marge des
pouvoirs et les niant, aurait-il pu être récupéré
par ceux-ci pour servir à leurs fins de construction de
la société ?
Son anarchisme
qui est un individualisme radical, pas plus que son aura
dans la population, ne sauraient être en mesure de
servir à l'édification de l'espace commun et de la vie
publique. En revanche, et c'est cela qu'il importe de
reconnaître à défaut de le célébrer, ce que les œuvres
de Céline ont apporté et qui se révèle fondamental pour
la pensée en général est une force destructrice
du social (que certains comme Julia Kristeva ont appelé
" l'abject "), une force qui se révèle paradoxalement
essentielle à la connaissance de cette société humaine
que cherchent précisément à construire la politique et
les hommes politiques. "
(Rémi Astruc, Céline et la
question du patrimoine, BC n°335).
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