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                                                                                  RECONNAISSANCE OFFICIELLE

 

 

 

 Et si on faisait le tour, depuis sa mort, de toutes les reculades, les faux-fuyants, de toutes les occasions manquées ?...

 

 

         RUE CELINE ?

 " Pas demain qu'ils me mettront une plaque ", prophétise Céline dans D'un château l'autre. Une " rue Céline " est encore plus hypothétique. Pareil hommage publique pourrait-il être rendu ailleurs qu'en France ?
 En Italie, Francesco Caroleo Grimaldi, candidat de l'Alliance nationale aux dernières élections européennes, a en tout cas demandé que le nom de Céline soit donné à une rue de Rome, à l'occasion du centenaire de la naissance de l'écrivain.
 (BC n° 144, septembre 1994).


 

 

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   De janvier 1929 à décembre 1937, Céline travailla au dispensaire municipal de Clichy, rue Fanny. Nous avons appris qu'il y a quelques années, un débat eut lieu au sein du conseil municipal de Clichy-la-Garenne pour lui donner une nouvelle dénomination.
 Comme le docteur Louis Destouches y travailla durant huit années, il fut naturellement question de lui donner ce nom. Vaines tentatives : la mairie socialiste lui préféra le peintre Chagall, d'où l'actuelle appellation " Centre de santé Marc Chagall ".
   (BC n°171, décembre 1996).

 Nous pouvons constater que près de 25 ans après, quelques nostalgiques, admirateurs sans doute de l'écrivain ont laissé subsister le pochoir à l'effigie de Céline sur le poteau du 10 rue Fanny...
 (Photos prises par Gérard Silmo, ce 16 mai 2020 en plein cœur du confinement imposé par la pandémie).

 

 

 

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        LE MUSEE DE MEUDON ET CELINE.

  Il est bien loin le temps où le musée de Meudon tentait une démarche auprès de Lucette Destouches pour consacrer l'une de ses salles à Céline. Cela se passait en 1965. Plus personne ne s'en souvient. Si vous avez la curiosité de vous rendre sur le site internet de la ville de Meudon, vous constaterez qu'il y est fait mention des grandes figures qui y vécurent : de Rabelais à Wagner en passant par Rodin ou Jean Arp. Céline, qui y a habité dix ans, est mentionné une seule fois, presque à la sauvette. Un journaliste du Monde relevait récemment que la mairie, si prompte à célébrer les grandes personnages du cru, omet systématiquement son nom dans ses brochures officielles. Certains admirateurs de l'écrivain ont longtemps rêvé d'un musée. Il n'en est évidemment plus question : " nous comptons à Meudon une communauté juive et un environnement apaisé que l'on souhaite préserver. " Dixit l'actuel maire, Denis Larghero. Son prédécesseur, Hervé Marseille, avait pourtant tenté de faire quelque chose : " Quand Mme Destouches est devenue vraiment âgée, inquiet que la villa soit rasée, j'ai contacté différentes autorités. Toutes ont préféré détourner le regard. "
 
 On comprend cet embarras : en 1992, Jack Lang, alors ministre de la Culture, décida de classer la maison comme " lieu de mémoire ". Le préfet de la région d'Île-de-France s'y opposa catégoriquement. Le sujet paraîtra dérisoire à certains. Au moins est-il révélateur.
 A propos du classement de la maison, et des polémiques qui s'en suivirent, un céliniste d'envergure relevait avec justesse que : " la passion et le prêche moral qu'a mis en branle une mesure d'ordre strictement culturel donnent une fois de plus l'idée du chemin que la société actuelle a à parcourir avant d'accepter Céline dans son patrimoine artistique. "
 Trente ans plus tard, la situation n'a pas évolué. Un universitaire s'est penché sur la question lors d'un colloque relatif aux " Figures et lieux patrimoniaux ". Son constat, on s'en serait douté, est clair : l'inauguration d'un " lieu Céline " est impossible. Il constate que l'écrivain fait partie d'un " contre-patrimoine " hors du champ républicain. " Il relève des " grandes figures symboliques " dans le sens où il jouit d'une forte reconnaissance mais celle-ci est doublement polarisée : elle est positive en littérature, et négative en politique, à la différence des figures patrimoniales simples qui ne connaissent qu'une reconnaissance positive dans les deux domaines. " Et d'ajouter : " C'est cette reconnaissance paradoxale qui explique les confusions dont il fait l'objet, la volonté de le patrimonialiser mais aussi l'impossibilité pratique de passer à l'acte. "

 C'est la raison pour laquelle, lors des " Célébrations nationales " de 2011, certains avaient pensé substituer le terme " commémorer " à " célébrer ". Il faut bien reconnaître que, dans le cas de Céline, même commémorer s'avère exclu.

                          M.L.

 (Editorial du Bulletin célinien, version numérique expédié aux abonnés durant le confinement, n° 430, du mois de juin 2020).

 
 

 

 

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             OPPROBRES.

 Le savez-vous ? Il existe une " rue Staline " dans l'Aisne et plusieurs " rues Lénine " un peu partout en France. Quant aux " rues Louis Aragon ", qui chantait dans les années trente " le Guépéou nécessaire de France ", elles sont légion. Mais ce n'est assurément pas demain la veille qu'il y aura une rue Céline...
 En octobre dernier, le maire de Camaret-sur-Mer (Finistère) eut l'idée de dénommer un modeste chemin communal " rue Louis-Ferdinand Céline ". L'adjoint au maire a aussitôt annoncé qu'il voterait contre cette proposition. Le maire s'est incliné et une autre dénomination a été choisie. Coïncidence : c'est à Camaret que se trouvait jusqu'il y a peu une plaque apposée sur une maison où se rendait fréquemment Céline avant l'exil. Elle appartenait à la mère de l'épouse de Henri Mahé. C'est à la demande du peintre que la décision d'apposer cette plaque fut votée en 1968 par la municipalité (de gauche). Afin de ne pas être importunés (?) par des céliniens, les nouveaux
propriétaires ont décidé de l'enlever. De telle sorte qu'à notre connaissance il n'existe en France aucune rue ni plaque rappelant le souvenir de l'auteur du Voyage au bout de la nuit. Exception faite naturellement de routes ou chemins privés.

 Ce qui s'est passé à Camaret rappelle les remous suscités il y a trente ans par l'initiative du conseil municipal de Montpon-Ménestrol (Dordogne) qui avait également pris la décision de donner le nom de Céline à une rue de la commune. Là, ce sont les protestations d'un comité d'anciens combattants qui firent capoter le projet.
 En 1985, la Préfecture de Paris retira sans aucune explication l'autorisation qu'elle m'avait accordée pour l'apposition d'une plaque commémorative rue Girardon. Rebelote sept ans plus tard lors d'une nouvelle tentative, cette fois en collaboration avec l'association " La Mémoire des lieux " dirigée par Roger Gouze, beau-frère du Président de la République d'alors. En raison de pressions diverses, cette association me communiqua de manière lapidaire que l'apposition de la plaque était remise sine die.
 La tentative de faire apposer une plaque sur le domicile qu'occupa, au mitan des années vingt, le docteur Louis Destouches à Champel dans la banlieue de Genève se heurta cette fois au refus du propriétaire suite aux échos parus dans la presse.
 
 Au début des années 90, la décision de classer la maison de Meudon comme " lieu de mémoire " fut prise par le ministre de la Culture avec l'appui de plusieurs écrivains dont Sollers, Rinaldi et Gracq. Suite aux protestations du CRIF, ce fut, cette fois, le préfet de la région d'Ile-de-France qui décida de ne pas donner son aval au projet.
 Plus récemment, un autre ministre de la Culture décida, suite aux protestations d'une association analogue, de retirer Céline des " Célébrations nationales ". Il y avait été inscrit pour le 50e anniversaire de sa mort.
 Heureusement le ridicule ne tue pas : à la même époque, le maire de Strasbourg décida, suite aux protestations d'un administré, de retirer une citation de Céline
(extraite de Rigodon) qui avait été apposée sur la porte des toilettes de la nouvelle médiathèque.

 Il existe paradoxalement des céliniens qui se réjouissent de cette série de rebuffades, estimant que cela montre à l'envi que Céline est un écrivain vivant. Quant à la villa " Maïtou ", on sait qu'avant d'être vendue à terme (à l'un des voisins) avec droit d'usage d'habitation (pour Lucette), le Ministère de la Culture, pressenti, fit savoir qu'il ne souhaitait pas l'acquérir. La " Direction des Patrimoines " renchérit en soulignant que " Céline n'y a vécu qu'une dizaine d'années ".
 Stéphane Bern, chargé de mission dans ce domaine, estime, lui, qu'il faut éviter que cette maison devienne " un lieu de pèlerinage ". Et c'est ainsi que rien ne se fera...
 (Marc Laudelout, BC n° 426, février 2020).

                                                                                                                                                                   

 

 

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                  RECONNAISSANCE INDIRECTE.

 Dans Le Choc du Mois (juin 1993), Jean-Louis Tremblais consacre un grand article à Raoul Marquis le secrétaire de rédaction d'Euréka qui deviendra dans Mort à crédit, le pittoresque Roger-Marin Courtial des Pereires. Après avoir retracé l'existence de celui qui signait Henry de Graffigny ses multiples ouvrages de vulgarisation, l'auteur évoque sa postérité méconnue :
 " Un hommage insolite et inconnu du grand public est rendu en permanence à Graffigny et à Céline dans un haut lieu de la " culture contemporaine ", le centre Georges Pompidou. Chaque jour, des milliers de visiteurs s'extasient devant l'horloge de Beaubourg qui fait le décompte à rebours des secondes qui nous séparent de l'an 2000. Ce qu'on ignore, c'est que cette invention s'appelle le Génitron et que ses concepteurs l'ont baptisé ainsi en pensant à Raoul Marquis.

 Son inventeur, François Scali, tombé littéralement amoureux du personnage de Mort à crédit, a même correspondu avec Lucette Destouches pour lui demander son accord. (...) Mieux qu'un monument, cette horloge inutile perpétue la mémoire de cet illustre inconnu qui fournit à Céline une matière explosive pour ses pages les plus drôles. "
 (BC n° 132, septembre 1993, p. 4).

 

 

 

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                Bardamu agrégatif

Cela commence à se savoir ! Ils ont craqué ! Les jurys d'agrégation ont enfin mis un livre de Céline au programme : Voyage au bout de la nuit. Ils n'ont pas osé laisser passer le centenaire de l'écrivain en ignorant tout de son œuvre.
 Chaque année depuis 1960 environ, le programme des trois agrégations littéraires comporte une œuvre du vingtième siècle. C'est une sorte de consécration officielle pour l'auteur. Vingt-huit écrivains ont ainsi défilé (Valéry quatre fois : le record).
 Bien entendu
les écrivains staliniens furent au programme dès le concours de 1973 (Eluard) et 1989 (Aragon, l'année de la chute de l'Empire qu'il avait si bien servi jusqu'au bout - les jurys n'avaient pas prévu ça quand ils fixèrent le programme en juin 1988) ; L'Espoir de Malraux en 1980.
 D'autres encore n'attendirent pas longtemps outre-tombe : Breton (1971), Camus (1972), Montherlant (1974), Saint-John Perse (1977), Giono (1978), Sartre (1983), Char (1990), Gracq (1982), Senghor (1987) et Ionesco (1992) ont même été canonisés de leur vivant, pour des œuvrettes bien mineures.
 Contre Céline, en revanche, le barrage était solide. Rappelez-vous la Sorbonne des années cinquante : aux abords, les militants du Part faisaient la loi ; dans sa chaire, Mme Claude-Edmonde Magny comparait Mort à crédit, ces " six cents pages de boue " (sic), aux " insipides natures mortes ou canaux de banlieue à la Foire aux croûtes de Montparnasse " ; à la bibliothèque, Mme Marix-Spire interdisait l'entrée du moindre livre de Céline.
 Peut-on espérer, maintenant qu'une brèche est ouverte, pour Drieu, Marcel Aymé, Chardonne, Morand ?...
 Tout doucement !... comme disait Ferdinand (c'est le titre qu'il avait d'abord prévu pour Mort à crédit). C'est pas demain la veille...
                                                                                                                                                     C.D.
 (BC n° 141, juin 1994).


 

                                   

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         QUAND CELINE ETAIT RENIE ou LES EFFETS d'une CONSPIRATION du SILENCE.

  L'histoire littéraire attestera la réalité du purgatoire dans lequel Céline fut relégué durant une dizaine d'années.
 L'article de Pierre Monnier constitue un document irréfutable puisqu'il se fonde sur un ouvrage publié en 1956 par... l'éditeur de Céline !
 L'intérêt des recherches bibliographiques est au moins de mettre à jour l'inconsistance de la réception critique de livres aussi importants que
Féerie pour une autre fois, Normance, et même Entretiens avec le Professeur Y.
 En fait, il aura fallu attendre la parution de
D'un château l'autre, en 1957, et les efforts de Roger Nimier visant à secouer l'apathie de la presse pour que Céline retrouve enfin l'attention des critiques.
   M.L.

        ***
 

   Il m'arrive de susciter des sourires indulgents quand je dis que Céline a été délibérément rejeté de la littérature française pendant treize ans, entre 1944 et 1957. Le tapage fait aujourd'hui autour de son nom, les colloques et les débats, tenus entre des murs recouverts de documents iconographiques, reproductions de lettres, de manuscrits, de témoignages, etc... donnent à penser que sa célébrité n'a connu aucune éclipse depuis 1932.
 Eh bien non !
 Dans les années qui ont suivi la guerre, Céline a été exclu du panthéon littéraire, et jugé, sauf pour une minorité de maniaques, comme un mauvais écrivassier d'une époque révolue, un besogneux de l'avant-guerre, démodé et oublié à juste titre. Et puisque - je vous vois venir - vous demandez des preuves en ricanant, je vais vous en livrer une.

  En 1956, paraît aux éditions Gallimard une enquête présentée par Raymond Queneau, de l'Académie Goncourt, et intitulée : " Pour une bibliothèque idéale ". Voici les premières lignes de l'avant-propos :
 " Nous avons adressé à deux cents écrivains ou personnalités diverses un texte d'enquête accompagné d'une sorte de mémorandum destiné à faciliter pratiquement les réponses. Nous voulions établir en commun une sorte de " bibliothèque idéale ", c'est-à-dire dresser la liste de cent ouvrages que " tout homme honnête " se devrait d'avoir lu (...) " Il s'agit ici de littérature et de philosophie, de poésie et " culture générale ", non de science ".
 De format classique, le livre compte 317 pages. Y figurent toutes les réponses de ceux qui ont accepté le jeu, plus une vingtaine de lettres d'auteurs qui disent pourquoi ils le refusent.

 Le mémorandum envoyé, en deux fois, aux personnes interrogées, comptait 3500 noms d'œuvres de tous pays. Raymond Queneau précise : " Sur les deux cents destinataires de ces fascicules et de cette enquête, une quarantaine répondit de façon positive, à peu près autant de façon négative, et le reste ne répondit pas ".
  A chacun il était demandé d'établir une liste de cent ouvrages. Il s'agissait, on l'a compris, de dresser le palmarès des 100 chefs-d'œuvre les plus cités.
 Voici les noms des quarante et un qui ont accepté de dresser une liste :
 Alexandre Arnoux (116 titres), Gérard Bauer (190 titres), André Billy (167 titres), Henri Bosco (297 titres), André Breton (112 titres), Pierre Brisson (138 titres), Roger Caillois (106 titres), Jean Cocteau (353 titres, dont La difficulté d'être), René-Louis des Forêts (100 titres), Bernard Dorival (123 titres), Marcel Duhamel (101 titres), Raymond Dumny (145 titres), Paul Eluard (99 titres), Lucien Fabre (117 titres), Georges Huisman (105 titres), Georges Izard (102 titres), D.H. Kahnweiller (179 titres), Joseph Kessel (99 titres), Michel Leirin (203 titres), Léon Lemonnier (118 titres), Marguerite Liberaki (100 titres), Armand Lunel (206 titres), Pierre Mac Orlan (102 titres), André Maurois (153 titres), Jean Meckert (90 titres), Robert Merle (102 titres), Henry Miller (99 titres), Marianne Moore (112 titres), Paul Morand (135 titres), Maurice Nadaud (60 titres), Benjamin Péret (114 titres), Gaëtan Picon (121 titres), Francis Poulenc (128 titres), Frédéric Prokosch (138 titres), Raymond Queneau (99 titres), Jean Rostand (101 titres), Denis de Rougemont (99 titres), Jules Roy (99 titres), Georges Simenon (52 titres), Jules Supervielle (296 titres), Edmond Vermeil (123 titres).

  Au classement général, Shakespeare arrive en tête devant la Bible. Suivent dans l'ordre : Proust, Montaigne, Rabelais, Baudelaire, Pascal, Molière, Rousseau, Stendhal, Platon et les grands auteurs classiques sur lesquels tout le monde est à peu près d'accord... Parmi eux, figurent aussi des auteurs du XXème siècle : Joyce avec Ulysse à la 33ème place, Lorca, 68ème avec Poèmes, Malraux, 69ème avec La condition humaine, Valéry 75ème et 79ème avec Poèmes et Variétés, Kafka 83ème avec Le Procès, Apollinaire 85ème avec Calligrammes, Gide 86ème avec Journal, Conrad 91ème avec Lord Jim, Claudel 94ème avec Théâtre, Bernanos 100ème avec Journal d'un curé de campagne.
  Raymond Queneau précise dans sa conclusion que plus de mille cinq cent titres ont été cités. " C'est-à-dire, ajoute-t-il, qu'il y a peu d'oubli ".
 En ce qui concerne Céline, Voyage au bout de la nuit est cité 9 fois par Henri Bosco, Louis-René des Forêts, Marcel Duhamel, Pierre Mac Orlan, Jean Meckert, Robert Merle, Henry Miller, Gaëtan Picon, Raymond Queneau. Maurice Nadeau cite Céline sans précision.
  Et c'est tout.
 Mort à crédit n'est pas cité une seule fois, ni Guignol's band, ni Féerie pour une autre fois. Ni bien évidemment Bagatelles pour un massacre, ni L'Ecole des cadavres, ni Les Beaux draps, ni La vie et l'œuvre de Semmelweis.

  on lit au dos du livre : " Les soixante personnalités qui ont répondu à l'enquête de Raymond Queneau, soit en envoyant des listes complètes, soit en expliquant pourquoi ils n'envoyaient pas de liste, forment un " éventail intellectuel très large ". On y relève les noms d'hommes appartenant à des familles spirituelles aussi éloignées que Paul Claudel et Georges Simenon, Jean Rostand et Gaston Bachelard, Paul Eluard et Henry Miller, Francis Poulenc et André Maurois ".
  Cela se passe en 1955.
                                                                             Pierre MONNIER

 PS. Quelques instants après avoir terminé cette note, je m'apprêtais à feuilleter Paris-Match (numéro 1579, du 31 août 1979), et je fus alléché par le grand titre de la couverture : " Nos années 50. Lettres et arts. Il y avait encore des géants ".
  Ah ! me dis-je avec la promptitude naïve des purs prêts à trouver le bien partout comme d'autres y trouvent le mal. Sans doute aura-t-on redonné sa place à Céline... Jugez donc !
 Vingt pages sont consacrées aux écrivains et artistes, dont les œuvres ont honoré un prestigieux demi-siècle de vie intellectuelle en France. Ceux qui sont morts célèbres aux environs de 1950, ceux dont la gloire éclairait les années d'après-guerre.
 Vingt pages.
 Il y a Camus, Claudel, Boris Vian, Beauvoir, Montherlant, Léautaud, Isidore Isou, Sartre, Gide, Colette, Minou Drouet, Prévert, Queneau, Merleau-Ponty, Malraux, Françoise Sagan, Lévi-Strauss, Raymond Aron, Maurois, Giono, Anouilh, Mauriac, Cocteau, Beckett, Ionesco... Il y a aussi des étrangers : Faulkner, Hemingway, Caldwell, Dos Passos, Vittorini, Pavese, Moravin...
 Et Céline ?
 Céline n'est pas nommé.
 Je suppose que pour faire leur inventaire, les rédacteurs de Paris-Match ont compilé un nombre respectable de revues, de journaux et d'hebdomadaires des années 50...
  Alors évidemment, les pauvres, ils n'ont pas trouvé le nom de Céline.
  (BC n° 10, juin 1983, p. 5).

 

 

 

 

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          REHABILITER CELINE

 
C'est dans les années 1980 que Céline est consacré, à l'égal de Proust, comme le monument de la littérature française du XXe siècle. Une réhabilitation au prix du refoulement de son antisémitisme.
    
       Par Philippe Roussin

 
En juin 1957, Céline sort de l'ombre où il était relégué depuis la Libération, à la faveur de la parution de D'un château l'autre, chronique de la vie des Français exilés à Sigmaringen, dans le sud de l'Allemagne, où ont trouvé refuge en 1944-1945, autour de Pétain et de Laval, de nombreux journalistes et écrivains compromis par quatre ans de collaboration, dont Rebatet et lui-même.
  Le scandale du livre replace son auteur sous les feux de l'actualité. Il a droit à une longue interview dans " Lectures pour tous ", première émission littéraire de la télévision française, et à un grand entretien de Madeleine Chapsal dans L'Express, titré " Voyage au bout de la haine... avec L.-F. Céline ". Retiré à Meudon, il se présente comme un proscrit, se décrit comme " un styliste " avant tout et s'efforce de minorer l'importance de ses pamphlets antisémites parus entre 1937 et 1941.

 La réhabilitation sera lente, Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, les deux romans de l'avant-guerre, paraissent en un volume dans la " Bibliothèque de la Pléiade ", en 1962. Mais les années 1960, celles du gaullisme et des prix Nobel de littérature décernés à Camus (1957), et Sartre (1964, il le refuse) puis à Beckett (1969), ne sont guère propices à un retour en grâce de Céline.
  Tout change au cours de la décennie suivante. L'histoire de la guerre et de la droite que le gaullisme avait permis d'écrire dans les termes d'un " nationalisme honorable " (Michel Foucault) prend fin. En 1973, La France de Vichy de Robert O. Paxon (Seuil) démontre la collaboration de l'Etat français avec l'occupant, et en particulier son rôle actif dans la rafle des Juifs de France. En 1974, trois ans après Le Chagrin et la Pitié où témoignent à visage découvert des collaborateurs, sortent Lacombe de Louis Malle, portrait d'un jeune paysan devenu milicien, et Portier de nuit de Liliana Cavani.
  C'est dans ce climat intellectuel et politique nouveau, plus propice à la redécouverte des comportements des collaborateurs qu'à la valorisation des héros de la Résistance, que l'œuvre de Céline, sortant de la marginalité, va être progressivement réinsérée puis venir se placer au centre du paysage littéraire français. Les trois romans de la trilogie allemande, D'un château l'autre, Nord et Rigodon, paraissent, en 1974 dans un deuxième volume de " La Pléiade ".

  Les anciennes avant-gardes littéraires de la décennie précédente, Tel Quel en particulier, la revue fondée en 1960 par Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier, jouent un rôle décisif quand, d'un même mouvement, elles se détournent de la politique et hissent la littérature française au rang d'un absolu. Elles redécouvrent puis revendiquent leur champion incontesté : " On ne peut pas juger un écrivain avec la morale ", déclare alors Philippe Sollers, prenant le contre-pied des thèses exposées par Sartre au sortir de l'Occupation, dans Qu'est-ce que la littérature ?
 
De très nombreux articles et études critiques, qui font alors autorité paraissent au tournant des années 1980 (Julia Kristeva), Pouvoirs de l'horreur, Essai sur l'abjection, 1980 ; Philippe Muray, Céline, 1981). L'image de l'écrivain en sort profondément changée : le maudit est devenu un " romancier génial " (Philippe Muray), dont le style oral et populaire a révolutionné la littérature, un grand écrivain qui s'inscrit dans la tradition de la prose française des siècles passés : auteur d'avant-garde et grand classique tout à la fois.

  Au travers de la grille de lecture fournie par la psychanalyse, l'antisémitisme est interprété comme un " délire ", tandis que les pamphlets participeraient, eux, de la " beauté sauvage " du style de l'écrivain : " Contradictoires sans doute, emportés, délirants si l'on veut, les pamphlets de Céline [...], malgré la stéréotypie des thèmes, prolongent la beauté sauvage de son style " (Julia Kristeva).
  Cette réévaluation à la hausse aboutit à ériger l'œuvre de Céline en référence majeure et incontournable pour le XXe siècle. Elle entraîne, de proche en proche, un réaménagement spectaculaire du canon, de la hiérarchie et des valeurs littéraires. Céline est hissé au niveau de Proust, auteur phare des écrivains du nouveau roman et de critiques comme Barthes. L'histoire de la littérature française du XXe siècle semble un temps pouvoir se construire autour de la comparaison et de l'opposition entre les deux romanciers : celui de la phrase longue et du récit, celui de la langue populaire ; le Juif dreyfusard et l'antisémite.
  Avec le retour du réalisme et l'apparition de la banlieue dans la littérature, le style oral de Céline est beaucoup imité, au point de paraître comme une norme d'écriture pour la littérature contemporaine. Son influence est moindre aujourd'hui.

  Cette reconnaissance littéraire s'est accompagnée de la consécration éditoriale avec la publication, dans la " Bibliothèque de la Pléiade ", de deux nouveaux volumes de romans en 1988 et en 1993, suivis d'un volume de lettres en 2009. L'écrivain appartient désormais au panthéon littéraire français. L'Education nationale a ratifié cette situation : en 1993, elle a inscrit, pour la première fois, Voyage au bout de la nuit au programme de l'agrégation de littérature française.
  La patrimonialisation a suivi : en 2001, le manuscrit du roman s'est vendu, à Paris, 11 millions de francs (1,67 millions d'euros). La Bibliothèque nationale de France a fait jouer son droit de préemption.
  La réhabilitation de Céline a été parachevée et amplifiée par une médiatisation incontestable du personnage et par une diffusion de son œuvre dans le public qui déborde les limites du seul champ littéraire. On dispose aujourd'hui de plus de dix biographies de l'écrivain. Parmi celles qui font référence, citons la biographie, en trois volumes (1977-1985), de l'avocat François Gibault, exécuteur testamentaire de Céline et proche de sa veuve, Lucette Destouches, ainsi que celle d'Henri Godard, parue en 2011, désormais disponible dans la collection de poche " Folio ". Trois de ses romans ont été illustrés en bande dessinée par Tardi.

 Céline est aussi devenu un auteur pour acteurs, régulièrement présent au théâtre. Le succès immense et inattendu des lectures de Fabrice Luchini ne s'est pas démenti depuis 1986. Il a inspiré Denis Podalydès (qui a enregistré l'intégralité du Voyage en 16 CD en 2003), Guillaume Gallienne, Jean-François Balmer, Rodolphe Dana, Denis Lavant, qui a incarné Céline au cinéma en 2016. En 2011, Lorant Deutsch a joué dans Paris Céline, un documentaire dont Patrick Buisson était le scénariste.
  Outre son style, Céline a beaucoup d'atouts dans son jeu pour devenir un auteur du patrimoine : il n'était pas un homme de lettres qui vivait de ses rentes ; c'était un médecin de banlieue qui a exposé le tragique de la vie et a traversé deux guerres mondiales ; il est sulfureux ; il est parvenu à se faire passer pour un proscrit.
  Mais comme l'ont montré les polémiques qui, en 2011, ont entouré la " célébration " du cinquantenaire de la mort de l'écrivain, inscrite puis retirée du " Recueil des célébrations nationales ", puis l'émotion suscitée au début de cette année par l'annonce d'une réédition scientifique des pamphlets antisémites chez Gallimard, la réhabilitation littéraire a ses limites.

  L'actualité de Céline aujourd'hui n'est plus seulement d'ordre littéraire, comme c'était encore le cas dans les années 1980. Elle est d'ordre politique. Elle résonne avec le retour des démons xénophobes et de l'antisémitisme en France et en Europe. L'antisémitisme est l'impensé historique et politique de la réhabilitation littéraire. Celle-ci s'est faite au prix d'une lecture des pamphlets qui a résolument fait fi des travaux des historiens et qui a ignoré leur nature profondément politique, comme leur réception dans le contexte de la France de la fin des années 1930 et de l'Occupation.
 (L'Histoire, n° 453, novembre 2018).

 

 

 

 

 

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     Voyage au bout du monde.

 

 

    Voici une photo de Voyage au bout de la nuit prise à la bibliothèque municipale d'Ushuaïa,

   ville la plus australe du monde...

    Merci à Charles-Louis Roseau.

 

 

 
   
(Le Petit Célinien, 5 juin 2011).

 

 

 

 

 

 

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        COMITES D'ACCUEIL AFFECTUEUX... en ISRAEL SEULEMENT.

 J'entends comme ça à la radio le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour accueillir leurs braves frères juifs qui leur arrivent de partout, de Patagonie, en Alaska, de Montreuil à Capetown, tous si persécutés, pantelants, héros du travail, du défrichage, du marteau, de la banque et faucille... le mal  qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour recevoir leurs frères dispersés ! Comités affectueux d'accueil, larmes à gogo, gerbes d'azalées, dons en nature, espèces, orphéons, baisers... merde ! si ça se passe p as du même ici !...
 " Ah, te voici immonde !... arrive qu'on t'achève ! " parents, amis, tribunaux, bourreaux, si tous s'y mettent ! et hardi !... " si on te fera payer de revenir ! d'oser ! que les boches t'ont pas fini ! damné !... " vous arracher le rien de bout de viande qui peut vous pendre encore à l'os... tout ce que le Comité des " Français de souche " peut pour vous... je sais ce que je cause... je dis que ce pays d'Israël est bien une vraie patrie d'accueil et que la mienne est toute charognerie... parole d'engagé volontaire, mutilé 75 p. 100, médaillé militaire et tout... en plus, vous me permettez, j'ajoute, écrivain styliste du tonnerre, preuve comme je suis absolument de la " Pléiade " tels La Fontaine, Clément Marot, du Bellay et Rabelais donc ! et Ronsard !... vous dire si je suis un peu tranquille, que dans deux, trois siècles j'en aiderai à passer le bachot...
 (Rigodon, Folio, octobre 1988, p. 292).

 

 

 

 

 

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        DES COPIEURS : JOURNALISTES et ECRIVAINS.

 Les titres de Céline ont donné lieu à de nombreuses réutilisations, parfois très tôt après leur apparition. On ne compte plus, dans la presse d'hier et d'aujourd'hui, les " Voyage au bout ", les " Bagatelles " ou les " Féerie pour... "
  D'un château l'autre, qui n'est pas porteur d'un sens nihiliste ni agressif, ni particulièrement " poétique " a rencontré un succès peut-être encore plus grand. Un relevé systématique n'étant guère envisageable, des sondages effectués périodiquement suffisent à montrer la pérennité du phénomène de réemploi. A une série notée dans les années 1979-80, j'ai ajouté quelques exemples repérés en 1986-87.
  Titres d'articles consacrés à Céline : " D'un voyou l'autre " (Minute, 4 février 1981), éventuellement enrichi d'un amalgame : " D'un rigodon l'autre " (Figaro Magazine, 3 mars 1979), ou titres de sujets très divers :
 
" D'un dimanche l'autre " (Le Figaro, 15 avril 1979) ; " D'un regard l'autre " (Ibid., 26 juillet 1979) ; " D'un mouchoir l'autre " (Le Journal du Dimanche, 12 août 1979) ; " D'un esprit l'autre " (Ibid., 9 sept. 1979) ; " D'un ravaudage l'autre " (Le Point, 2 juin 1980) ; " D'un goulag l'autre " (Nouvel Observateur, 28 juin 1980) ; " D'un entrechat l'autre " (Nouvelles Littéraires, 25 décembre 1980) ; " D'un maniérisme l'autre " (Le Monde, 30 avril 1987).

 
Titres de rubriques : Le Nouvel Observateur intitule sa chronique littéraire " D'un auteur l'autre ". A la radio également : " D'une oreille l'autre ", " D'une Ecole de Vienne l'autre ", émissions de France-Musique ; et à la télévision : " D'un fléau l'autre : les poumons " (d'après Le Monde, 9 juillet 1980 ) ; " D'une perturbation, l'autre " (A2, incrustation du bulletin météo du 26 octobre 1986 à 20h30) - on notera la disjonction introduite par la virgule, qui existe chez Céline.
  Les occurrences orales de ce tour syntaxique sont plus difficiles à collecter et sans doute plus rares, mais elles existent : " D'un dépôt l'autre, le trafic varie... " (bulletin d'information de France-Musique, 6 janvier 1987).
  Il arrive, à l'oral comme à l'écrit, que la construction célinienne soit incorporée à la partie rédactionnelle de l'information : la chronique boursière du Quotidien de Paris du 17 janvier 1980 commence par : " D'un record, l'autre " (avec à nouveau la disjonction par la virgule).

 Dans l'écriture à support non-journalistique, sans parler des écrivains qui s'avouent volontairement ou non héritiers de Céline, on rencontre la construction en titre de chapitre ou de paragraphe : " D'un siècle l'autre " (Jean Borzic, traducteur de R. Shattuck, Les Primitifs de l'avant-garde, 1974) ; " D'un camp l'autre " (Henry Rousso, Un Château en Allemagne, 1980). Ici la référence à Céline est évidente puisqu'il s'agit d'un ouvrage consacré à Sigmaringen).
  Parfois enfin dans le cours du texte : " D'une ville l'autre, Stendhal file " (Présentation de Stendhal, Voyage dans le Midi de la France, rééd. de 1979).Ce qui est surtout retenu est la structure syntaxique de l'énoncé : d'un SN l'autre, et des dizaines d'autres exemples le confirmeraient, sous la plume d'écrivains et journalistes si divers et dans des contextes si variés qu'on ne saurait affirmer qu'ils font tous volontairement référence à Céline.
 (Jean-Paul Louis, Colloque International de Paris, 20-21 juin 1986).

 

 

 

 

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Il en faudra du temps... qui sait ?... Reconnaissance ... reconnaissance officielle ...

Un jour , un jour peut-être ... Qui donc dévoilera cette plaque ?...

Ah ! ... je le vois bien ricaner alors.  Et nous avec...

Sacré Ferdine !

 

 

* Juillet 1961 : La télévision française ne programme pas le reportage prévu sur la mort de Céline dans ses " Actualités ".

* Janvier 1985 :  La Préfecture de Paris annonce sans aucune explication au directeur du Bulletin célinien que l'arrêté autorisant l'apposition d'une plaque commémorative est retiré. En novembre de l'année précédente, le Bulletin célinien fort de l'autorisation de la Préfecture avait lancé une souscription auprès de ses abonnés pour l'apposition d'une plaque rue Girardon à Montmartre. L'initiative rencontra un écho très favorable. Parmi les souscripteurs : Michel Audiard, Pierre Gripari, Jean Guenot, Maurice Bardèche et Louis Nucéra.

* Mars 1987 : Le Conseil municipal de Montpon-Ménestrel (Dordogne), qui avait pris la décision en septembre 1986, de donner le nom de Céline à une rue annule cette décision suite aux protestations d'un comité d'anciens combattants.

* Février 1992 : Avec l'appui de plusieurs écrivains français (Philippe Sollers, Angelo Rinaldi, Julien Gracq etc.) le Ministère de la Culture avait décidé de classer la maison de Céline à Meudon comme " lieu de mémoire ". Suite aux protestations du CRIF, le préfet de la région d'Ile-de-France décide de ne pas donner son aval.

* Mars 1992 : Nouvelle tentative du Bulletin célinien pour faire apposer une plaque commémorative à Montmartre, cette fois avec l'association " La Mémoire des lieux ", dirigée par Roger Gouze, beau-frère du Président de la République. L'association donne suite à ce projet avec enthousiasme. Deux mois plus tard, elle communique lapidairement au directeur du BC que l'apposition de la plaque " est remise sine die ".  

* Septembre 1993 : En prévision du centenaire de la naissance de Céline, le directeur du BC avait proposé à La Poste française d'éditer un timbre à l'effigie de l'écrivain. Réponse de G. Lacassagne, alors chef du Département Production : " Le choix extrêmement difficile qui a dû être opéré en raison du très grand nombre de demandes présentées concernant des commémorations et de la nécessaire limitation des émissions, n'a pas permis à la Commission des programmes philatéliques de retenir le timbre auquel vous portez intérêt ". A un journaliste du Monde (15 octobre), il confiera qu'en réalité le refus était dû à la crainte d'un " tollé ".

* Janvier 2011 : Le Ministre de la Culture retire Céline des " Célébrations nationales " de l'année 2011 suite à des pressions de l'association juive FFDJF.

* Octobre 2019 : Conseil municipal de Camaret-sur-Mer, le maire François Sénéchal propose de dénommer un chemin communal " rue Ferdinand Céline ". L'adjoint au maire Alain Nédélec s'y oppose. Le maire proposera 4 autres noms dont 3 artistes. Le Conseil retiendra celui de feu Joseph Pennec. (Ouest-France, La matinale, Newletter, 19/10/2019).

 

 Est-il vraiment si difficile, (impossible ?...) de proposer la moindre avenue, boulevard, place, rue, square à l'auteur français du XXe siècle le plus lu, le plus traduit dans le monde ?... La République se déshonorerait-elle ?... Le communautarisme fait-il la loi dans notre beau pays ?...

 D'ailleurs... si l'on devait bannir, exclure, expurger des lieux officiels, les auteurs qui pensaient (ou agissaient) mal, il faudrait penser à : " Gide, le pédophile Nobel ; Genet, le pédé ami des terroristes ; Henry Miller, le misogyne sénile ; Georges Bataille, l'extatique à tendance fasciste ; Antonin Artaud, l'antisocial frénétique ; Jean-Paul Sartre, le bénisseur des goulags ; Louis Aragon, le faux hétérosexuel chantre du KGB ; Ezra Pound, le traître à sa patrie mussolinien chinois ; Hemingway, le machiste tueur d'animaux ; William Faulkner, le négrier alcoolique ; Nabokov, l'aristocrate papillonaire pédophile ; Voltaire, le hideux sourire de la raison dénigreur de la Bible et du Coran totalitaire en puissance ; le marquis de Sade, le nazi primordial ; Dostoïevski, l'épileptique nationaliste ; Flaubert, le vieux garçon haïssant le peuple ; Baudelaire, le syphilitique lesbien ; Marcel Proust, l'inverti juif intégré ; Drieu La Rochelle, le dandy hitlérien ; Morand, l'ambassadeur collabo ; Shakespeare, l'antisémite de Venise ; Balzac, enfin, le réactionnaire fanatique du trône et de l'autel ".
  (Céline l'infréquentable, entretien avec Jean-Pierre Martin et Philippe Sollers in Alain Finkielkraut, Ce que peut la littérature, Gallimard, folio, 2008).

 Pas mal vu ?... Non ?...

      Mais... LUI... Louis-Ferdinand, là où il est... Et bien... il doit bien se marrer... n'est-ce pas !...                                          


 

 

 



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    CELINE, " HOMME D'EXCEPTION "

 Privé de ses Célébrations nationales en 2011, Céline semble de nouveau toléré par les autorités françaises. Son nom figure en effet depuis cette année 2014 dans la catégorie " Hommes et femmes d'exception " du site France.fr, un site des plus officiels puisqu'édité par le Service d'information du Gouvernement. www.france.fr
 (Rétrospective 2014, www.lepetitcelinien.com).

 

 



 

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    QUEL LIVRE A CHANGE VOTRE VIE ?

  Quel livre a changé votre vie ? C'est la question qu'a posé François BUSNEL aux téléspectateurs de la Grande Librairie. Plus de 6 000 personnes ont participé à l'enquête lancée en octobre sur Internet.
  Les résultats ont été dévoilés lors de l'émission diffusée sur France 5 le 11 décembre 2014. Céline, avec Voyage au bout de la nuit, arrive en 3ième place derrière Saint-Exupéry et Camus.
  Extrait de cette émission (cliquez sur François Busnel), où les invités (Jean d'Ormesson, Boris Cyrulnik, Amélie Nothomb, Erik Orsenna, Jean Teulé, Marie-Hélène Lafon) évoquent Céline.

  Classement complet : 1 - " le petit Prince " Antoine de Saint-Exupéry ; 2 - " L'étranger " Albert Camus ; 3 - " Voyage au bout de la nuit " ; 4 - " L'écume des jours " Boris Vian ; 5 - " A la recherche du temps perdu " Marcel Proust ; 6 - " Le Grand Meaulnes " Alain Fournier ; 7 - " L'alchimiste " Paulo Coelho ; 8 - " Belle du seigneur " Albert Cohen ; 9 - " Cent ans de solitude " Gabriel Garcia Marquez ; 10 - " Les Fleurs du Mal " Charles Baudelaire ; 11 - " La Peste " Albert Camus ; 12 - " Harry Potter J.K. Rowling ; 13 - " 1984 " George Orwell ; 14 - " Le monde selon Garp " John Irving ; 15 - " Crime et Châtiment " Fiodor Dostoïevski ; 16 - " Le seigneur des Anneaux " J.R.R. Tolkien ; 17 - " Le Parfum " Patrick Süskind ; 18 - " Le journal d'Anne Frank " Anne Frank ; 19 - " Madame Bovary " Gustave Flaubert ; 20 - " Les Misérables " Victor Hugo.

  (Le Petit Célinien, samedi 13 décembre 2014).


 

 

 

 

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   EN PLEIADE DE SON VIVANT, A SIX MOIS PRES               

   En février 1962, Gallimard sort le premier tome du " pléiadeux semi-vivant "...

  Entrer dans La Pléiade n'est rien. Mais y entrer de son vivant, voilà la consécration suprême... Même s'il méprisait les honneurs, Céline l'avait bien compris. A la fin des années 1950, seule une poignée d'écrivains avaient eu droit à ce rare privilège : André Gide, Paul Claudel, André Malraux et Henry de Montherlant *. Ce sont surtout ces deux derniers noms qui excitent la jalousie de Céline. Que " Dur-de-mèche " et " Buste-à-pattes ", comme il surnommait Malraux et Montherlant, y aient accédé et pas lui ne laissait pas de l'exaspérer.
  Voilà ce qu'il maugréait en feuilletant le catalogue de La Pléiade : " Vous y avez sûrement noté que je suis pudiquement omis, alors que Malraux et Montherlant... Je suis fixé, une fois de plus. "

  Cette " injustice " va être finalement réparée en 1959. Le 2 juin de cette année-là, Céline signe avec Gallimard un contrat prévoyant l'entrée de Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit dans la prestigieuse collection. L'auteur touchera 4 % du prix de vente et aura droit à cinq exemplaires gratuits. " Evidemment 4 p.100 c'est se foutre des muses... les auteurs de La Pléiade ne vont pas se plaindre ils sont tous morts... sauf deux... trois ", bougonne-t-il. Gaston Gallimard, heureux de ce contrat, confie à l'écrivain Lucien Rebatet : " Je suis ravi pour tous ceux que cela va embêter... "

 Le professeur Jean A. Ducourneau, meudonnais lui aussi, sera chargé d'établir l'édition. Céline racontera l'une de leurs séances de travail dans la dernière page de Rigodon. " Ducourneau ! Lui, c'est du sérieux... il vient pas pour rien... tout de suite nous tombons d'accord... ah encore quelques petits doutes... ça y est !... à peine un accent... une virgule... il se faut se méfier des correcteurs... "
  Avec son sens de la prémonition habituel, l'écrivain se décrit alors en " pléiadeux semi-vivant ". On ne saurait mieux dire. Céline s'éteint en juillet 1961. Il n'aura jamais eu " son " Pléiade entre les mains. Le volume sort en février 1962. Depuis, trois autres tomes de romans sont venus s'ajouter à ce premier, et un cinquième - sa correspondance - est en préparation.
 
* Depuis, Saint-John Perse, Julien Green, Marguerite Yourcenar, René Char, Eugène Ionesco, Julien Gracq, Nathalie Sarraute et Claude Lévi-Strauss ont eu droit à cet honneur.
 (Jérôme Dupuis, Lire, H.S n°7, juin 2008).


 

 

 

 

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  MEDAILLES MILITAIRES.

 Le 24 novembre 1914, le général Joffre attribuait la médaille militaire au maréchal des logis Destouches Louis. Voici ce que précisait sa citation : " En liaison entre un régiment d'infanterie et sa brigade, s'est offert spontanément pour porter sous un feu violent un ordre que les agents de liaison de l'infanterie hésitaient à transmettre. A porté cet ordre et a été grièvement blessé au cours de sa mission. "

  Il sera décoré ensuite de la croix de guerre. Plusieurs photos montrent Céline, au retour du front, arborant ses médailles. Elles ont aujourd'hui rejoint la collection de François Gibault.
 (J. Dupuis, Lire H.S. n°7, juin 2008).

* " [Au Val-de-Grâce] C'est dans cette salle, aux sous-offs, que le sergent Lardiller, qui n'avait plus qu'un bras et plus du tout de mâchoire, m'a décerné ma médaille militaire dans mon lit, au nom de Joffre, décret signé de Bordeaux. Je l'ai là encore en prison, ce décret, avec moi. C'est le seul papier que l'on m'a laissé. "
 (Maudits soupirs pour une autre fois, L'Imaginaire, Gallimard, avril 2007).

 

 

 

 

 

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       EXCLUSIF. Le manuscrit du " Voyage au bout de la nuit " publié !
 
Le manuscrit du chef-d'œuvre du XXe siècle n'avait jamais été montré. Une maison d'édition en propose une somptueuse version originale en tirage limité.
 
C'est un événement éditorial ! Le manuscrit original de l'un des plus grands romans du XXe siècle va être édité en tirage limité par les éditions des Saints-Pères. À part quelques chercheurs, peu de personnes ont eu la chance de voir ce document unique. Il a pourtant fait couler beaucoup d'encre ! En premier lieu, celle de son auteur : Louis-Ferdinand Céline, qui écrit son Voyage au bout de la nuit entre 1928 et 1931.
 

  Il faut imaginer un bloc de presque mille pages raturées, pesant au final plus de 4 kilos, pour prendre la mesure de ce trésor littéraire... Une fois qu'il l'a terminé, Céline le confie à une dactylographe, qui le corrige au crayon rouge : on retrouve ainsi quelques points d'interrogation devant certains mots d'argot ou certaines tournures de phrase qu'elle ne comprend pas. A-t-elle conscience qu'elle travaille sur l'un des chefs-d'œuvre du siècle ?
 

     Un texte vendu 10 000 francs en 1943...
 

En 1943, Céline ressort le manuscrit de l'un de ses tiroirs et décide de le vendre au marchand d'art Étienne Bignou contre 10 000 francs et un petit tableau de Renoir. On aurait aimé assister à la transaction. Des rumeurs racontent que Céline a transporté son manuscrit dans une brouette... À partir de là, plus personne n'est capable de dire ce qu'il devient. On perd sa trace et on finit par croire qu'il a été perdu. Ou volé.

 

Mais soixante ans plus tard, le manuscrit du Voyage au bout de la nuit réapparaît mystérieusement. Le célèbre libraire Pierre Bérès prétend l'avoir retrouvé chez un collectionneur anglais, qui insiste pour conserver l'anonymat. Cette réapparition fait beaucoup de bruit, et le manuscrit est mis aux enchères en 2001 à Drouot. Plusieurs personnalités assistent à la vente, comme Fabrice Luchini, venu voir à quoi ressemble la version manuscrite de ce grand texte... " C'est une émotion puissante ", déclare-t-il alors, extatique. Les offres sont nombreuses et atteignent des montants faramineux. Mais la BNF fait jouer son droit de préemption et l'obtient pour 1,67 million d'euros (12 millions de francs). Un record mondial qui sera battu quelques mois plus tard par le rouleau de Sur la route de Jack Kerouac.

    ... et valorisé 1,67 million d'euros en 2001 ! en 2001 ! en 2001 !

 

Le Voyage au bout de la nuit est depuis conservé dans un coffre. C'est à l'initiative des éditions des Saints-Pères que le manuscrit sort enfin de l'ombre. Cette petite maison d'édition, spécialisée dans la publication de manuscrits rares, a en effet décidé d'éditer mille exemplaires numérotés de ce bijou et de les mettre en vente sur Internet. Vous pourrez enfin vous promener dans les coulisses de l'écriture célinienne et faire mille trouvailles... Ainsi, sur telle page, on tombe sur cette phrase de Céline, raturée puis corrigée, qui devient sous nos yeux la célèbre sentence : "

 L'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches... "

François Gibault, exécuteur testamentaire du célèbre écrivain, décrit un manuscrit " admirable " rendu encore plus exceptionnel par le fait qu'avant de le vendre à Bignou " Céline a réécrit quelques pages manquantes sur du papier de 1943. Cela fait du texte une œuvre d'art sans équivalent ! "


 La sortie officielle est annoncée pour le 2 juin, mais il se pourrait qu'à cette date tous les exemplaires soient déjà vendus. Les passionnés ont donc intérêt à le précommander dès aujourd'hui. Bonne nouvelle : pour se le procurer, ils n'auront pas besoin de disposer de 10 000 francs et d'un petit tableau de Renoir ! Un peu moins de 200 euros suffiront... Mais une brouette leur sera peut-être nécessaire pour transporter ce magnifique objet jusqu'à leur bibliothèque... Car il sera fatalement aussi volumineux qu'impressionnant.
 (Le Point.fr , Jérôme Béglé, 12/05/2014).

 

 

 

 

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  La chronologie débutera donc dès... 1914.  Florent MORESI  nous explique ici le résultat des ses recherches au sujet de la fameuse page de " L'Illustré National "...

" Pourquoi " L'Illustré National " consacra-t-il une gravure en couleurs, et ce un an après, à une action somme toute assez courante dans ces mois de guerre ? Telle est la question posée par M. Bordet à la fin de son article intitulé " Céline n'a jamais fait la une de L'Illustré National ", paru dans le n° 3/4 de la Revue Célinienne.

  Je ne pense pas, comme le suggère M. Bordet, que le père de Céline soit intervenu auprès des Editions Tallandier pour faire paraître cet article. La réalité doit être plus simple. Pour la cerner, il nous faut revenir sur les combats de cette période de la guerre, appelée " La Bataille des Flandres " dans le deuxième tome du " Panorama de la guerre " (Ed. Tallandier), et sur la participation du 12ème régiment de Cuirassiers à cette bataille.

  On sait (cf. sur ce point la meilleure référence qui soit à l'heure actuelle : " Le Temps des espérances " par François Gibault, Ed. Mercure de France) que le 1er octobre 1914, le 12ème régiment de Cuirassiers prenait le train à Sorcy Saint Martin pour arriver, le 4 octobre, à Armentières. De cette ville commence, pour le 12ème Cuirassiers, la bataille des Flandres. Ce sont ensuite des combats incessants : le 5 octobre 1914, à Comines (que F. Gibault donne comme étant le Noirceur-sur-la-Lys du " Voyage "), le 10 octobre à Biez et à Neuve-Chapelle, le 15 octobre à Houdeghem, le 19 octobre à Stadenberg et à Poelkapelle, le 22 octobre à Bixchoote, puis, du 25 au 27 octobre 1914 (jour où Céline fut blessé) encore à Poelkapelle. 

  Poelkapelle avait donc été perdu le 19 octobre, et il s'agissait, pour le 66ème régiment d'Infanterie, de reprendre ce lieu, avec le soutien du 125ème régiment d'Infanterie, régiment complémentaire rattaché à la division.

  Arrivés à ce stade, reprenons le texte de la citation du maréchal des logis Destouches : " Le maréchal des logis Destouches, du 12ème régiment de Cuirassiers, a reçu la médaille militaire pour s'être offert spontanément (alors qu'il était en liaison entre un régiment d'Infanterie et sa brigade) pour porter, sous un feu violent, un ordre que les agents de liaison d'Infanterie hésitaient à transmettre. Après avoir porté cet ordre, il fut malheureusement grièvement blessé au retour de sa mission. " Nous pouvons remarquer que le régiment de Céline est un élément d'une brigade qui est, comme on sait, formée de deux régiments. Suivant mon hypothèse, cette brigade comprend le 66ème régiment d'Infanterie et le 12ème Cuirassiers.

  Pour " L'Illustré National ", il s'agit d'honorer les héros de la Bataille des Flandres. Le fameux numéro 52 comporte en première page une illustration de la légende suivante : " Une surprise déjouée. - Le soldat réserviste Papin, du 125ème régiment d'Infanterie (NDLR : c'est moi qui souligne), étant sorti la nuit de sa tranchée, distingua dans l'obscurité un groupe ennemi qui s'avançait baïonnette au canon. Il n'hésita pas, bien que désarmé, à se jeter sur le premier allemand, le terrassa en donnant l'alarme à sa compagnie, qui, prévenue à temps, détruisit le détachement ennemi ". Tel est donc le fait d'armes à l'actif du 125ème régiment d'Infanterie engagé dans cette bataille des Flandres lors de l'attaque pour la reprise de Poelkapelle.

 Reste la brigade constituée, à mon avis, du 66ème régiment d'Infanterie et du 12ème Cuirassiers. L'Infanterie ayant eu sa part de gloire dans la revue (puisque le 125ème régiment y a les honneurs de la première page de couverture), il s'agit d'honorer légitimement toutes les armes. Pour le 12ème Cuirassiers, ce sera le fait d'armes du maréchal des logis Destouches qui sera mis en valeur : nous le trouvons reproduit en dernière page de couverture de ce n° 52. A mon avis, ce fait d'armes avait cinquante pour cent de chances de figurer en première page !

 Ce n° 52 de " L'Illustré National " a donc une unité historique et tient compte du chatouilleux point d'honneur de chaque arme de l'armée française. Dans cette hypothèse, l'intervention du père de Céline n'était nullement nécessaire pour que celui-ci figure en couverture de ce n° 52. " (BC n°1, 1er trim. 1982)

 

 

 

 

 

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 * Nos amis Florent MORESI et Michel POIRIER s'efforcent depuis plusieurs mois d'obtenir une " rue Louis-Ferdinand Céline " à Saint-Pierre, chef-lieu des îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon, où Céline se rendit en 1938. Jusqu'ici le Conseil municipal s'est prononcé négativement, malgré l'avis favorable du Maire, M. Pen, et son adjoint, M. Poulet.

 Dans une lettre adressée à M. POIRIER, ce dernier souligne que cette démarche " mérite d'autant plus d'être prise en considération qu'elle rentre dans le cadre de la diversification des activités saint-pierraises, notamment dans le domaine d'une certaine forme de tourisme à base de francophonie. Or, Céline est un des écrivains français les plus connus et étudiés à l'étranger. " Affaire à suivre. "
  (BC n°90, février 1990).

 

 

 

 

 

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     CELINE A LA TELEVISION.

 A l'occasion du centenaire de la naissance de Céline, la chaîne franco-allemande Arte a diffusé le 23 mai, à 23 heures, l'émission  Portrait de Louis-Ferdinand Céline, qu'elle a coproduite avec la Sept. C'est une seconde diffusion, la chaîne câblée l'ayant déjà programmée, il y a cinq ans.
 
  Cette émission de Yves Kovacs a été réalisée dans la série Les mémorables grâce aux archives de l'INA. Au sommaire figurent les deux seuls entretiens filmés de Céline. Le premier fut enregistré par Jean Prat en 1957 dans les studios de la R.T.F. à l'occasion de la parution de D'un château l'autre pour la légendaire émission de Pierre Dumayet, Lectures pour tous.
  Le second fut enregistré en 1959 (et non en 1961, comme erronément indiqué par la presse) à Meudon, au domicile de Céline, par Louis Pauwels, grand admirateur de l'écrivain.

  Il est à relever que cet entretien, filmé par Yvan Jouannet, ne fut pas diffusé à l'époque suite à une intervention du MRAP et de l'Association des Anciens Combattants de la Résistance. L'émission se termine par un extrait de l'émission  Les chemins de Céline que Charles Chaboud réalisa en 1971 pour la série " Le fond et la forme " et qui ne fut jamais diffusée dans son intégralité. Seule la partie consacrée à l'exode de Céline à Sigmaringen est reprise dans cette émission.
  On y voit la veuve de Céline, Lucette Destouches, revenir par le train sur les lieux qu'elle et son mari connurent en 1945. Une séquence fut, paraît-il, également tournée au Danemark. Jamais diffusée donc.

   Dans son livre Bal à Korsör (Sur les traces de L.-F. Céline), Claude Duneton raconte comment échouèrent ses tentatives de réaliser un film similaire au Danemark pour la télévision française. Le moins que l'on puisse dire est que celle-ci a le plus souvent boudé Céline et ce pour des raisons qui ne sont pas, on s'en doute, liées à son talent littéraire aujourd'hui... unanimement reconnu, jusqu'en Israël.

  Si l'interview effectuée par Louis Pauwels ne fut pas diffusée à l'époque, il s'en fallut de peu pour que la précédente, réalisée par Dumayet, ne le fut pas non plus. La programmation de l'émission suscita, en effet, la protestation d'un conseiller général auprès du préfet de la Seine.
   En 1959, la présentatrice Jacqueline Caurat aurait même reçu un " blâme de principe " pour avoir prononcé le nom de Céline à l'antenne. Et, en juillet 1961, à la mort de Céline, la télévision française ne programma pas le reportage initialement prévu dans ses " Actualités ".

  Depuis, la télévision française n'a diffusé (outre un Apostrophes spécial et - tumultueux - en 1977) que deux émissions entièrement consacrées à Céline. La première (Bibliothèque de poche) en 1969 due à Michel Polac et Yannick Bellon, la seconde (Une légende, une vie) en 1976 due à Claude-Jean Philippe.
   C'est peu pour un écrivain qui, nonobstant les préventions légitimes que suscite une partie de son oeuvre, est considéré comme l'un des plus grands du siècle. M.L.
  (BC n° 142, juillet 1994).
 

 

 

 

 

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 * La-haut sur la Butte  de Claude DUBOIS.

 Là-haut sur la Butte, aujourd'hui, une partie de la rue Norvins a été rebaptisée place Marcel Aymé. Une statue représente le " Passe-Muraille ", une plaque est fixée sur l'immeuble de Marcel. Lui qui vouait une si sincère amitié à Gégène et à Ferdine, nul doute que cet honneur à sens unique l'eût scandalisé ! C'est " place Marcel Aymé-Gen-Paul et Louis-Ferdinand-Céline " qu'en toute justice posthume elle devait s'appeler !

 Sur la vieille maison retapée de Gégène, rien. Quant à Céline, un projet de plaque en sa mémoire a été catégoriquement repoussé, il y a quelques années. Célébrer le scandaleux Céline, vous n'y pensez pas !... Eh bien, une main amie, une nuit de brouillard sûrement, a dessiné sur l'entrée du 4, rue Girardon le visage de Ferdine au pochoir.

 Quelques mots mentionnent qu'il a vécu ici entre 1940 et 1944. Hommage anonyme, clandestin, qui aggrave encore le ridicule de ne pas honorer celui que, près de trente ans après sa mort, d'aucuns vouent aux pires gémonies, mais que d'autres, dur comme fer, jugent le plus grand écrivain français du siècle.
 (BC n°92, avril 1990).

 

 

 

 

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 Voyage au bout de la nuit figure parmi les dix livres du XXème siècle que les lecteurs de " L'Evènement du jeudi ", les auditeurs de France-Culture et d'autres lecteurs votant par minitel tiennent pour cardinaux, ceux dont ils pensent qu'ils doivent être transmis en priorité aux générations futures.

  Les autres titres étant " A la recherche du temps perdu, L'étranger, La condition humaine, La peste, Mémoires d'Hadrien, La nausée, Le petit Prince, L'écume des jours et Tristes tropiques. "
   (BC n° 99, déc. 1990).

 

 

 

 

 

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      MAISON  de  CELINE  -  Mesure  de  classement  supprimée  !

 " Nous vous l'annoncions en avril dernier : la maison de Céline classée " monument historique " par le Ministère de la Culture. Une fois encore, il faut déchanter. Face à la pression de certain " lobby " puissant, le projet est purement et simplement retiré.

 Ça a débuté comme ça. Lang, il n'avait jamais rien dit. Rien. C'est Angelo Rinaldi qui l'a fait agir. Angelo, un critique, un esthète aussi, un artiste...

 Arrêtons-là ce mauvais pastiche et rétablissons la chronologie. Rinaldi, redouté critique littéraire à L'Express, dont le style précieux - il est aussi romancier - s'apparente davantage à Proust qu'à Céline, n'en a pas moins pour ce dernier une fervente admiration, ayant toujours su discerner les vraies valeurs littéraires. Il s'inquiète du sort qui pourrait advenir à la Villa Maïtou, sise dans le Haut-Meudon, après la mort de la veuve de l'écrivain aujourd'hui octogénaire. Il décide de réunir un petit groupe d'écrivains (dont Julien Gracq et Philippe Sollers) et de saisir, après accord de Lucette Destouches, le ministre compétent pour qu'il fasse quelque chose. Il pense que, paradoxalement, seul un gouvernement de gauche aurait dans ce domaine les coudées franches pour intervenir.

  Au départ, ce n'est pas mal vu car, aussitôt sollicité, aussitôt fait. Lang ne demeure pas passif et agit. Certes, il est difficile de classer cette maison pour son intérêt architectural. Construite à l'époque de Louis-Philippe, elle est somme toute bien banale et guère unique en son genre. Deux pavillons du même style la jouxtent sur ce chemin qui surplombe la route des Gardes, à Meudon. Le ministre de la Culture décide alors de faire porter son inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Le motif est simple : conserver ce lieu de mémoire (formule malheureuse, on le verra !) puisque c'est là que Céline, après son retour d'exil, vécut ses dix dernières années de 1951 à 1961.

 Rien là de très surprenant : cette bâtisse fait bien partie de ce que l'on appelle l'histoire littéraire, d'autant qu'elle est également le lieu où se passent plusieurs scènes de la trilogie D'un château l'autre, Nord et Rigodon.

 Dans la chronologie, les choses se passent de manière un peu plus complexe. Au début de cette année, la direction du Patrimoine (qui relève directement de Lang) transmet le dossier à une commission qui porte le joli nom de Coréphaé (en clair, Commission régionale pour le patrimoine historique, architectural et étymologique). Cette instance, regroupant une trentaine d'élus, de fonctionnaires et d'érudits, décide de convoquer l'auteur de la requête, le sieur Rinaldi, pour l'interroger sur le sujet. Ensuite, des débats difficiles (dixit l'un des commissaires) ont pour résultat, le 30 janvier 1992, d'inscrire la maison de Céline à l'Inventaire des monuments historiques en question.

 Et, début février, la Commission vote pour l'inscription, répondant ainsi au vœu du ministre. Le 14 février, le Département de l'information et de la communication de son ministère diffuse un communiqué de presse signalant les différents monuments que cette Commission a souhaité classer. Coïncidence : parmi ceux-ci figure également la Tour aux figures (Isssy-les-Moulineaux) de Jean Dubuffet, grand admirateur et défenseur de Céline. Mais la presse concentre une série d'articles détaillés sur le classement de la maison de Meudon. Ainsi peut-on y découvrir ces titres : La maison de Céline classée " lieu de mémoire " (Le Parisien, 22 février 1992) ou Voyage au bout de la maison de Céline. Son pavillon de Meudon classé monument historique (France-Soir, 24 février). Par ailleurs, un grand article illustré de photographies, La " case " de Louis-Ferdinand Céline, paraît sur papier glacé dans le premier numéro du prestigieux Fouquet's Magazine. Bref, divers journalistes estiment l'information intéressante et la développent. On interroge François Gibault, conseil de la veuve de Céline, qui déclare qu'elle est fort satisfaite de cette décision car désormais on ne pourra plus toucher à la maison sans autorisation. Lui-même se déclare ravi également, précisant que lorsqu'il y aura de gros travaux à faire, l'Etat devra dans une certaine mesure participer financièrement à ces réfections. Les céliniens, eux aussi, sont heureux car ils se mettent à espérer que cette maison classée pourrait ultérieurement se transformer en un musée Céline. Bref, tout le monde semble bien content de cette initiative.

 Plus exacte et surtout plus circonspecte - on ne louera jamais assez la circonspection des Belges ! - La Libre Belgique (27 février), elle, avait titré Va-t-on classer la maison de Céline ? La prudence était, en effet, de mise car ce mini-tapage médiatique allait alerter d'autres personnes qui, elles, ne seront pas du tout satisfaites de cette décision. Ainsi, dès le mois suivant, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) décide-t-il de partir en guerre (c'est l'expression utilisée dans la presse) contre le ministre de la Culture qui avait pourtant été bien diplomate en faisant connaître cette décision de classement. N'avait-il pas tenu à préciser qu'il voulait rendre hommage à l'auteur d'œuvres universellement reconnues mais absolument pas à ses positions politiques dont la France a beaucoup souffert, ajoutant qu'il ne rendait pas hommage aux idées collaborationnistes et antisémites de Céline mais à son génie littéraire. Rien n'y fait.

  C'est comme lieu de mémoire que la maison de Céline sera classée, avait assuré le Ministre. Nous n'avons pas la même conception de la transmission de la mémoire, réplique ledit CRIF. On assiste alors à une véritable mobilisation d'un groupe de pression qui démontre magistralement sa rapidité d'exécution, sa cohérence, sa force et... son efficacité. Sa presse emboîte le pas. Ainsi, le 13 avril, Joseph Choukroun, titulaire de la chronique Massalia Hébraïca du quotidien marseillais Le Méridional fait chorus. Même chose pour le mensuel Information juive (mars 92) où Gérard Bloch ne craint pas d'écrire : M. Lang a-t-il perdu la mémoire ? A quand le transfert des cendres de l'émule de Julius Streicher au Panthéon, accompagné d'une haie de S.S. la torche et le fouet à la main ? On en est là.

  Pourtant, Angelo Rinaldi, peu suspect de complaisance à l'égard de l' " idéologie célinienne ", avait bien spécifié à l'agence Reuter qui l'interrogeait, que l'opération consistait simplement à classer le lieu de travail d'un écrivain et qu'on s'en tient à la littérature. Encore une fois, rien n'y fait. La cause est désormais entendue. D'autant que la fameuse Coréphaé déjà citée ne dispose que de pouvoirs consultatifs et que, pour être effective, la mesure doit être signée par le préfet de région d'Ile-de-France. Or, celui-ci n'est autre que Christian Sautter, socialiste de l'espèce radicale et, dans ce domaine, sensiblement moins accommodant que son camarade-ministre. Aussi sera-t-il aisément sensible aux arguments des représentants de la communauté juive qui ne manquent pas de le saisir de cette affaire.

 Gagné ! Il leur écrit, selon Le Canard enchaîné (6 mai 1992) ceci : Marqué par la lecture de Bagatelles pour un massacre, je puis vous assurer que j'exclus d'apposer ma signature au bas d'un tel texte, allant même jusqu'à évoquer, ô lyrisme, les valeurs éternelles de la République qui ont été bafouées par des hommes tels que Céline. Fermez le ban !

  Face à cet intransigeant fonctionnaire, que peut faire Jack Lang, aujourd'hui vice-Premier ministre, chargé de la Culture, de l'Education et de la Communication ? Légalement, il peut seul décider d'un " classement " pur et simple de la maison de Céline. Mais, les choses et les hommes étant ce qu'ils sont, le ministre a sagement choisi de battre en retraite. Depuis, ses conseillers ont, paraît-il, multiplié les coups de fil aux associations protestataires afin de les apaiser en leur confirmant que le projet était retiré et qu'il fallait avant tout éviter les malentendus.

 Moralité : il se confirme donc bien qu'il est tout à fait impossible de rendre un modeste hommage public à Céline dans son pays même s'il s'agit en l'occurrence d'un auteur universellement reconnu, pour reprendre l'expression officielle. Et s'il vous prend l'envie de fouler le sol d'une rue Céline, sachez que c'est en Suisse qu'il faudra vous rendre. Encore ne s'agit-il que d'une rue ainsi dénommée au Salon du livre de Genève. Initiative téméraire tout de même. A quand sa suppression ? "
  (Marc Laudelout, BC n°117, juin 1992).

 

 

 

 

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   UNE LETTRE de Nicole DEBRIE à Jack LANG...

       Monsieur le Ministre,

    Tous les lecteurs de Céline avaient appris avec intérêt le courage intellectuel dont vous aviez fait preuve en acceptant de classer la maison de Céline comme " lieu de mémoire " d'un grand écrivain.

  Nous avons été très contrariés d'apprendre que votre projet n'avait plus de suite et que certaines associations avaient protesté contre cette décision d'ordre culturel.

  Relisant certains textes de Céline (...), je trouve un texte tout à fait dans l'esprit de notre auteur dans D'un château l'autre (Gallimard, coll. Blanche, p.14) : "... pas demain qu'ils me mettront une plaque, avec garde champêtre et mairie libre " ici fut dévalisé... ". Céline parle de son appartement de Montmartre. Je trouve l'idée très drôle et vous la livre telle que : puisqu'on ne peut assurer matériellement le souvenir de l'auteur de Voyage au bout de la nuit, pourquoi ne pas saisir sa suggestion et assurer le souvenir de ceux qui l'ont pillé ? Cela serait très drôle.

  En vous assurant de tout mon respect, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'expression de mon plus profond dévouement.

                                                               Nicole DEBRIE.          

   (dans le BC n°120 de sept. 1992)

 

 

 

 

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   PLAQUE... HOMMAGE.

 A notre connaissance, le seul hommage public rendu à Céline se trouve en Bretagne, à Camaret-sur-Mer (Finistère), sous la forme d'une plaque apposée sur la maison de Madeleine Drévilon, la seconde épouse du peintre Henri Mahé, où Céline et Lucette furent accueillis durant l'occupation :

 " L.-F. CELINE, médecin et écrivain français (1894-1961), a séjourné dans cette maison ".

 C'est à la demande d'Henri Mahé, auteur de Ma brinquebale avec Céline, que cette plaque fut apposée en 1968 par la mairie de Camaret-sur-Mer. La maison est sise route des Quatre Vents, dominant le port.

 (Le Bulletin célinien n°122, novembre 1992).

 

       LES PLAQUES...

 A deux reprises, Le Bulletin célinien a vainement tenté de faire apposer une plaque commémorative rue Girardon, à Montmartre. Ce qui n'est pas possible à Paris l'est manifestement en province. Depuis plusieurs années, il existe une plaque à Camaret sur la façade d'une maison où il arrivait à Céline de séjourner l'été.

 Désormais, il existe une plaque dans une autre ville bretonne : Monfort-sur-Meu. Elle est due à l'initiative du Professeur Charles-Antoine Cardot. C'est en 1924 que le jeune Louis-Ferdinand Destouches remplaça son père, le docteur Charles-Henri Cardot. La plaque est apposée sur la façade de la bâtisse familiale : " Dans cette maison, en mai-juin 924, remplaçant le Dr Cardot, le Dr Destouches (futur Céline) a exercé la médecine ".

 Autre hommage, non officiel, que celui d'une " Rue Louis-Ferdinand Céline " initiée - évidemment sans l'aval des autorités municipales - par un fervent célinien, Léon Chicot, dans le village de Tréjouls, en Quercy blanc (Tarn-et-Garonne). Voir photo.
 (BC n°269, nov. 2005).

 

 

 

 Louis-Ferdinand Céline en Guyane française

Présence de Céline, à Maripasoula en Guyane française, par la création de cette plaque sur une voie privée appartenant à Richard Gras (voie enregistrée régulièrement au cadastre).
 (Le Petit Célinien, lundi 5 septembre 2011).

 

 

 

 

 

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     UN  TIMBRE  CELINE

 Tant d'écrivains français ont l'honneur d'avoir leur effigie sur les timbres-postes. Pourquoi celui-ci ne serait-il pas réservé à l'un des plus prestigieux de ce siècle ? L'année du centenaire de la naissance de Céline serait-elle l'opportunité bienvenue ?

 Aussitôt pensé, aussitôt fait. Le 11 avril, le vibrionnant directeur du Bulletin célinien, Marc Laudelout, en fait la suggestion à la Poste française (Service d'ingénierie des timbres-postes). La réponse ne se fait pas trop attendre : le 30 avril, M. G. Lacassagne, chef du département Production, lui répond de la manière la plus administrative qui soit :

  Monsieur le Directeur,

 Par lettre du 11 avril dernier, vous avez signalé l'intérêt que présenterait l'émission d'un timbre-poste pour marquer en 1994 le centenaire de la naissance de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline.

 Les émissions de timbres-postes français sont groupées en programmes annuels dont la composition est fixée au cours de l'année précédant celle de leur exécution, après avis de la Commission des programmes philatéliques chargée d'opérer une sélection parmi toutes les suggestions recues.

 Votre proposition, dont il a été pris note, sera examinée dans le courant de l'année lors de l'élaboration du programme définitif de 1994. (...) Si une décision favorable intervenait, je vous en informerais aussitôt. "

  Ne voyant rien venir et 1994 approchant à grands pas, M. Laudelout réitère sa demande en novembre dernier. La réponse du même M. Lacassagne, est naturellement conforme à ce qui était prévisible :

 " Je vous donne l'assurance que votre proposition a bien été examinée par la Commission des programmes philatéliques qui s'est réunie au mois de juin dernier pour donner son avis sur l'ensemble du programme de 1994.

  Le choix extrêmement difficile qui a dû être opéré en raison du très grand nombre de demandes présentées concernant des commémorations et de la nécessaire limitation des émissions, ne lui a malheureusement pas permis de retenir le timbre auquel vous portez intérêt. "

  Signe des temps : en 1994, la Poste française imprimera un timbre à l'effigie de Coluche sacré grand personnage de cette fin de siècle. Céline, lui, est encore jugé trop sulfureux pour recevoir l'imprimatur du cachet de la Poste. Devant ce dédain, l'obstiné directeur du Bulletin décide de ... créer lui-même un timbre-poste. "
  (Sophie Clerbois, BC n°137, fév. 1994).

 

 

 

 

 

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   BARDAMU  AGREGATIF

 Cela commence à se savoir ! Ils ont craqué ! Les jurys d'agrégation ont enfin mis un livre de Céline au programme : Voyage au bout de la nuit. Ils n'ont pas osé laisser passer le centenaire de l'écrivain en ignorant tout de son œuvre.

 Chaque année, depuis 1960 environ, le programme des trois agrégations littéraires comporte une œuvre du vingtième siècle. C'est une sorte de consécration officielle pour l'auteur. Vingt-huit écrivains ont ainsi défilé (Valéry quatre fois : le record). Bien entendu, les écrivains staliniens furent au programme dès le concours de 1973 (Eluard) et 1989 (Aragon, l'année de la chute de l'Empire qu'il avait si bien servi jusqu'au bout - les jurys n'avaient pas prévu ça quand ils fixèrent le programme en juin 1988) ; L'Espoir de Malraux en 1980.

 D'autres encore n'attendirent pas longtemps outre-tombe : Breton (1971), Camus (1972), Montherlant (1974), Saint-John Perse (1977), Giono (1978), Sartre (1983), Char (1990), Gracq 1982), Senghor (1987) et Ionesco (1992) ont même été canonisés de leur vivant, pour des œuvrettes bien mineures.

  Contre Céline, en revanche, le barrage était solide. Rappelez-vous la Sorbonne des années cinquante aux abords, les militants du Parti faisaient la loi ; dans sa chaire, Mme Claude-Edmonde Magny comparait Mort à crédit, ces " six cents pages de boue " (sic), aux " insipides natures mortes ou canaux de banlieue à la Foire aux croûtes de Montparnasse " ; à la bibliothèque, Mme Marix-Spire interdisait l'entrée du moindre livre de Céline.

 Peut-on espérer, maintenant qu'une brèche est ouverte, pour Drieu, Marcel Aymé, Chardonne, Morand ? Tout doucement !... comme disait Ferdinand (c'est le titre qu'il avait d'abord prévu pour Mort à crédit). C'est pas demain la veille...
  (C.D. BC n°141, juin 1994).

 

 

 

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 Passage Choiseul, à Paris, un petit panneau indique désormais que Offenbach et Céline ont respectivement habité aux numéros 64 et 67.

 Rappelons qu'en 1985 la Préfecture de Paris s'était opposée à une plaque commémorative à Montmartre en raison des pressions qu'elle avait dû subir suite à l'initiative du Bulletin célinien.
   (BC n°172, janv. 1997).

 

 

 

 

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    DEUX POIDS et DEUX MESURES !

 Dans le Figaro Magazine du samedi 10 mai 1997, accolé à l'article signé François Taillandier : " Aragon aux cent visages ", figure un articulet intitulé " Le Moulin ", portant les initiales F.N. Nous y apprenons que le sauvetage du moulin de Villeneuve (la dernière demeure de Louis et Elsa) fut entrepris dès 1985. Il ne fut possible que grâce à la générosité de Jean Ristat, exécuteur testamentaire d'Aragon, et à la collaboration des éditions Gallimard, du ministère de la Culture, de la BN, du Parti communiste, des Bâtiments de France, des collectivités de la région, du village de Saint-Amoult.

 Une association 1901 fut fondée, qui devait préparer une fondation Elsa Triolet-Aragon. Elle travaille depuis douze ans sous la présidence d'Edmonde Charles-Roux, et son conseil d'administration compte ou a compté Pierre Seghers, Antoine Vitez, Roland Leroy et Jack Ralite, Jean d'Ormesson et Jean Dutourd, Jean Levaillant et André Still. "

 Or, tâchons de ne point oublier, la dernière demeure de Céline, l'un des plus grands écrivains français (et occidental du XXème siècle, d'après de nombreuses personnalités littéraires étrangères de plusieurs pays), n'a même pas été inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, malgré l'intervention du vice-premier Ministre, chargé de la Culture, de l'Education et de la Communication : Monsieur Jack Lang. Il est donc permis de s'étonner que la mémoire du couple le plus célèbre de la Littérature française de ce siècle (pardon à Monsieur " l'agité du bocal " et à sa compagne !), durant ce même temps, ait été si somptueusement honorée par d'aussi illustres écrivains, journalistes, hommes politiques de ce pays, et aussi copieusement financée par des organismes nationaux de premier plan.

  Est-ce parce que Louis Aragon, ce monument de la littérature de notre pays, s'est plu dans l'un de ses livres, Traité de style, à écrire " J'ai bien l'honneur, chez moi, dans ce livre, à cette place, de dire très consciemment : je conchie l'armée française dans sa totalité ", " Tout ce qui est français me répugne à proportion que c'est français ", " Je suis revenu d'URSS et je n'étais plus le même homme (...) l'homme que j'ai été m'apparaît comme un homme des ténèbres. " " J'appelle la terreur soviétique du fond de mes poumons ", " Je chante la Guépéou nécessaire à la France " ?

  Est-ce pour cette raison que cet écrivain est porté au pinacle ? Pourquoi donc, après un tel parcours, une vie exemplaire aussi sublime, ce chantre de la Guépéou ne repose-t-il pas au Panthéon, aux côtés de Malraux, ce " Saint Bernard de la croisade anti -fasciste ", ou bien figure au fronton de notre Littérature, tout proche de Sartre pour lequel " qui n'est pas communiste n'est qu'un chien. "

  D'autre part, comment se fait-il que l'illustre maison Gallimard, l'un des phares de l'édition française qui a vaillamment participé à cet immense feu d'artifice financier et publicitaire, ait oublié le jugement sévère porté par son grand patron Gaston Gallimard sur l'écrivain Aragon : " Il n'a aucune personnalité, il a toujours suivi quelqu'un : Drieu, Breton ou (petit sourire) Staline ", et son épouse Elsa pour la bonne et juste cause.

  Et pendant ce temps-là, Louis-Ferdinand Céline, qui les dépasse tous d'une tête, une vraie celle-là, continue d'être diabolisé et occulté autant qu'il est possible de l'être. Etonnamment, il garde une solide avance dans l'illustre édition en parchemin.

  Cette fin de siècle lamentable aura eu tout de même le mérite de nous éclairer tous les jours sur " les vraies valeurs. " En effet, tous les hommes en bonnes places, nous répètent à longueur de jour et de profession de foi, que les leurs ne sont pas les mêmes que celles d'un grand nombre de leurs concitoyens, tout en se gardant bien entendu, de les énumérer et nous en donner le détail.

 A la page 94, dans l'article qui précède, de François Taillandier, " Aragon aux cent visages ", ce journaliste s'est plu, en revanche, à ressasser et à ânonner après mille autres : " Céline antisémite. " C'est vrai, il était farouchement contre les fauteurs de guerre. Mais au juste, devons-nous comprendre (dans le langage de ces champions de l'amalgame), qu'il y aurait entre celui-ci et ceux-là, un rapport de cause à effet ? Ou bien une opposition irréductible ?

  Le grand homme de Monsieur Taillandier l'avait pourtant averti : " J'ai gâché ma vie. " Mais, au milieu de ce concert de louanges et de complicités, il n'a pas dû entendre, ou comprendre ce qu'il lui disait.

  Amis de la Littérature, puisque vos médias vous incitent depuis soixante ans à ne pas apprécier, à ne pas aimer Céline, ne pensez-vous pas que c'est précisément une raison bien suffisante pour le lire, et ce entièrement ? Puis, si vous le pouvez, oubliez le. " 

                                                                                                                                     Jacques CARLON.

  (BC n°178, juillet-août 1997).

 

 

 

 

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   VENTE EXCEPTIONNELLE,  LE MANUSCRIT DE VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT.

  Le mardi 15 mai 2001, à Drouot-Montaigne, c'est la foule des grands jours. On se presse pour assister à une mise aux enchères exceptionnelle de 303 manuscrits et lettres autographes, parmi lesquels quelques raretés signées Artaud, Balzac, Bartok, Baudelaire, Beethoven ou Bergson.

  Dans la salle, de nombreux visages connus, dont celui de Fabrice Luchini, venu surtout pour le clou de la séance, le manuscrit du Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, œuvre dont il sait de nombreux passages par cœur.

 Quelques jours plus tôt, l'acteur a pu consulter, avec émotion, les 876 feuillets sortis de son étui-boîte en peau de porc fauve où il repose depuis des années. Et en réciter de mémoire certains passages, les comparant avec ce premier jet. Mais cet amateur de Céline a prévenu : il n'ira pas au-delà de 4 millions de francs, " sinon, ma femme me tuerait ". Il sera vite largué.

 L'expert Pierre Berès, qui dit opérer pour le compte d'un collectionneur anglais anonyme, lit un bref descriptif du trésor retrouvé. Dans l'assistance, certains le soupçonnent d'être lui-même le propriétaire de ce manuscrit dont la trace avait été perdue des dizaines d'années plus tôt. On connaît le début de l'histoire. En 1943, Céline, fauché et conscient que l'Allemagne allait perdre la guerre, cherche des fonds pour organiser sa fuite. Il vend la première version du Voyage - il en existe une seconde, toujours dans la nature, plus proche de celle qui fournira la base de l'édition, en 1932, par Denoël - à Etienne Bignou, un célèbre marchand de tableaux de la rue La Boétie, pour, dira-t-il, " 10 000 francs et un petit Renoir  ". Tandis que Céline, la ceinture lestée d'or, parcourt l'Allemagne en ruine, direction le Danemark, le manuscrit, lui, disparaît. Il ne refait surface qu'en 2000, quand Berès le montre à l'un de ses confrères, Thierry Bodin, avec lequel il organisera cette fameuse vente à Drouot-Montaigne.

   Une écriture impatiente.

  Les enchères démarrent à 3,5 millions de francs. Au début, elles grimpent par paliers de 100 000 francs. Mais, bientôt, on passe au demi-million, puis au million : 8..., 9... A 10, niveau du dernier record enregistré - celui du Procès, de Kafka, chez Sotheby's, en 1988 - l'ambiance devient carrément électrique ; on apprendra par la suite que deux amateurs se sont tiré la bourre jusqu'au bout.

 A 11 millions, le marteau de Me Picard s'abaisse. C'est ce moment que choisit le représentant de la Bibliothèque nationale de France pour indiquer que celle-ci choisit d'exercer son droit de préemption. Sous les applaudissements. Avec les frais, le prix du manuscrit s'élève à 12 184 040 francs, une somme qui pourra être libérée grâce à la contribution du Fonds du patrimoine du ministère de la Culture et au mécénat de Nahed Ojjeh, veuve du richissime Akram Ojjeh.

 Le 18 mai, le Voyage (HA 0108, soit la huitième acquisition de l'année 2001) rejoint les collections de la BNF, où il est dûment folioté, puis séparé en deux volumes. Enfin, les restaurateurs vont pouvoir intervenir.

 Première constatation, le manuscrit est en bon état et ne nécessitera pas de nombreuses restaurations. Les papiers utilisés par Céline sont de qualité. Qu'ils soient quadrillés ou non, lignés ou non, les feuillets, utilisés parfois recto verso, portent souvent des filigranes où l'on peut lire des marques comme " Ministre/Archives Paris " ou " Bank/Paper/J. Daguerre ". " Certains feuillets, précise Marie-Laure Prévost, conservateur général au département des manuscrits, proviennent de blocs-notes, et certains ont été arrachés plus que détachés. Cela traduit peut-être une rapidité ou une impatience de l'écriture. " Impatience qui explique vraisemblablement aussi l'absence quasi totale d'accents ou, fréquente, de points sur les " i ".

 Les précieux feuillets filent ensuite vers l'atelier de restauration, où ils sont pris en charge par l'une des 30 employés de ce service, Josiane Drakides : " Ils ne présentaient pas de dégradations importantes, précise-t-elle. Il fallait seulement effectuer des remises à plat de certains d'entre eux et réparer des déchirures sur les bords grâce à un papier japon très fin et de la colle d'amidon, ce qui a permis de les consolider. " Vient alors la phase délicate du montage des documents, au cours de laquelle différentes techniques sont utilisées. Les feuillets étant d'une faible épaisseur, la difficulté majeure fut d'adapter un papier de montage suffisamment fin, 30 grammes de teinte crème, pour conserver le même niveau d'épaisseur. Le format du volume a été déterminé en adoptant les dimensions du feuillet le plus haut et le plus large.

 Dernier acte, enfin, la reliure et la dorure, pour lesquelles d'autres restaurateurs sont sollicités. Le choix sera celui d'une pleine peau maroquin marron. Les pages de garde sont peintes en un camaïeu de bruns sur papier Canson ocre orangé, marbré avec un grand peigne semé de taches marron et noires et moucheté à l'or. La dorure, simple et soignée, fait figurer au dos les mentions " Céline " et " Voyage au bout de la nuit ". Sur la couverture est tracé un simple filet d'encadrement à la feuille d'or.

 Cette première version du Voyage passionne déjà les chercheurs, parmi lesquels Henri Godard, célinien de renom, responsable de l'édition de Céline dans la Pléiade. D'abord, la célèbre séquence d'ouverture, telle qu'on la connaît aujourd'hui, est très différente de celle qu'on découvre dans ce manuscrit. Dans le roman définitif, Bardamu est un anarchiste anti-guerre qui, en contradiction avec ses convictions, va s'engager sur un coup de tête, en voyant passer un régiment. Au cours de cette scène, c'est lui qui dit " je ". Mais le manuscrit révèle que Céline n'était pas parti sur cette base. C'était l'interlocuteur de Bardamu, Arthur Ganate, conformiste bon teint, qui rapportait la scène, lui qui disait " je " et lui encore qui, logiquement, s'engageait. " Ce bouleversement effectué par Céline va avoir un effet puissant sur le roman, analyse Henri Godard. Cela crée, un effet de porte-à-faux, Bardamu étant à la fois l'affranchi et le cave, celui à qui on ne la fait pas et celui à qui on la fait. Cette oscillation se perpétue jusqu'à la fin du roman. "

 Henri Godard note également l'apparition tardive, dans ce manuscrit, du nom de Robinson, qui viendra au final remplacer ceux d'une série d'autres personnages antérieurs, Merluret, Lacombe, Vassous, Tourman. Enfin, le discours pacifiste de Princhard sera élagué, et sa tirade sur les " patries-galère " sera mise dans la bouche de Bardamu dès la scène d'ouverture.

  Le manuscrit du Voyage n'a pas encore révélé tous ses secrets. Il attend sagement ses exégètes sous la cote définitive 26970 et 26071 NAF (Nouvelles Acquisitions françaises), rangé entre celui de Colline, de Giono, et les quatre volumes de la correspondance reçue par Alexandre Denuelle (1818-1879), architecte, peintre, décorateur, membre de la commission des Monuments historiques. Il y a fort à parier que les lettres reçues par le beau-père d'Hippolyte Taine couleront sur leur étagère des jours plus tranquilles que les 876 feuillets de son sulfureux voisin pour l'éternité. "
   (Thierry Gandillot, l'Express, 12 août 2005, BC n°269, nov. 2005).

 

 

 

 

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  * Frédéric MITTERRAND évoque l' " affaire Céline " par David ALLIOT.

 Ministre de la culture depuis 2009, Frédéric MITTERRAND s'est retrouvé au coeur de la polémique sur l'inscription de Céline dans le volume des " Célébrations nationales ". Dans son dernier livre, Le Désir et la chance, publié aux Editions Robert Laffont, il évoque, dans un style original et non dénué de charme, les coulisses de l'affaire vue depuis la rue de Valois.

  " Dans l'affaire Céline, on m'a donc aussi reproché d'être intervenu après que la commission des célébrations nationales eut donné son avis et l'eut inscrit dans un catalogue ; dont acte, j'aurais dû réagir plus vite, avant la publication du recueil des célébrations , qui n'avait pas suffisamment retenu mon attention. Mais en l'occurrence, l'émotion suscitée par cette inscription était à la fois considérable et légitime. Et tout indiquait qu'elle ne s'éteindrait pas, et serait finalement dommageable à l'image même de l'écrivain. L'inévitable agitation aurait certainement braqué la lumière sur ce qu'il y avait d'odieux dans son oeuvre, qu'il aurait été anormal de réduire à ses écrits antisémites.

  Durant les heures qui ont précédé la décision de retirer Céline des célébrations nationales, quand bien même sa place dans la littérature française et l'édition de son oeuvre dans la Pléiade valent bien toutes les célébrations officielles, j'avais relu Bagatelles pour un massacre, dans l'une de ces éditions pirates que l'on peut se procurer assez facilement. Cette relecture a emporté ma décision, d'autant plus que cet écrit avait été réédité pendant la guerre, en pleine occupation nazie.

  Bien plus tard, en relisant la remarquable interview accordée par le professeur Godard dans le numéro spécial de Télérama consacré à Céline, une coïncidence des dates m'a frappé. Mon grand-père maternel, qui avait été à peu près l'exact contemporain de Céline, et que j'aimais pour son charme, sa profonde culture littéraire et son humour, était un antisémite presqu'aussi vitupérant et en tous cas aussi abominablement viscéral que Céline lui-même, et, pour le coup, cette part de sa personnalité m'avait toujours été insupportable. Il n'est pas impossible qu'en retranchant Céline des célébrations nationales, j'ai aussi voulu retrancher quelque chose de ma mémoire personnelle, où son attitude ravageait encore une part des souvenirs que j'avais de lui. Je me suis rendu compte de cet aspect inconscient de ma démarche que bien plus tard ; mais il est probable qu'il a joué un rôle dans ma décision. " (Le Désir et la chance, Editions Robert Laffont, 357 p, 21 €, Céline Spécial l'insoumi n° 4, février-mars 2012). 

 

 

 

 

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 " (...) Si l'on en croit M. Klarsfeld, Céline est indigne d'être célébré par la République. Mais M. Klarsfeld oublie que cela a déjà été fait. En 2001, c'est la Bibliothèque nationale de France qui a préempté le manuscrit de Voyage au bout de la nuit. Ce sont également de nombreuses institutions publiques ou para-publiques qui accueillent ou favorisent les divers colloques et manifestations consacrés à l'écrivain.

    Dans ce cas, il faut aller au bout de la logique de M. Klarsfeld. Faut-il alors détruire les manuscrits qui dorment dans les collections publiques ? Fallait-il interdire le colloque qui eut lieu à la BPI du Centre Georges Pompidou (établissement public) ? Faut-il interdire à M. Luchini de produire ses lectures de Céline dans des théâtres publics, ou subventionnés par l'Etat ? Faut-il interdire les textes de Céline dans les manuels scolaires ?

  M. Klarsfeld s'érige en censeur. M. Klarsfeld décide ce qui doit être célébré ou pas. C'est donc M. Klarsfeld qui décide ce que les Français doivent faire ? Si l'on en croit ses déclarations , il faudra attendre " plusieurs siècles " avant de pouvoir célébrer Céline ! Diantre ! C'est M. Klarsfeld qui fixe également la levée de l'opprobre. Puisque M. Klarsfeld régente les Lettres françaises, nous attendons de savoir quel sort sera réservé au très stalinien Louis Aragon (que les idées antisémites de Céline n'ont pas toujours dérangé), à Marcel Jouhandeau, auteur d'écrits condamnables, à Paul Morand qui n'avait que mépris pour le peuple d'Israël, au très antisémite Voltaire qui doit sa fortune à la traite négrière, à Hergé dont certains dessins n'ont pas toujours été exemplaires, à Georges Simenon, qui ne passe pas pour un grand philosémite.

  La liste n'est pas exhaustive, et l'on pourrait rajouter le très antisémite Théophile Gautier, célébré lui aussi en 2011... M. Klarsfeld à la mémoire sélective, mais avant de libérer les étagères de ma bibliothèque, j'attends de recevoir ses consignes de lecture. En 2011, le plus grand écrivain français du XXe siècle ne sera pas honoré dans son propre pays. Il n'y a qu'en France que l'on voit ça. " (David Alliot, Le Monde.fr, 27 janvier 2011).

 

 

 

 

 

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  Paris Céline. Un film de Patrick BUISSON.

Où comment on peut être l'une des éminences grises de l'Elysée et rendre un fort bel hommage à Louis-Ferdinand Céline.  

  Patrick BUISSON n'est pas seulement le " monsieur sondage " ou la " conscience de droite " du président de la République. Le conseiller de Nicolas Sarkosy est aussi un journaliste et un historien - auteur, entre autres ouvrages, des deux tomes de 1940-1945, Années érotiques (Albin Michel). Le chemin parcouru en quarante ans par l'ancien responsable de la FNEF (La Fédération nationale des étudiants de France) à la faculté de Nanterre est un bel exemple de continuité du combat métapolitique : adepte d'un gramscisme de droite, il sait qu'il n'existe pas de victoire politique sans imprégnation culturelle préalable.

 Directeur de la chaîne de télévision câblée Histoire, Patrick BUISSON vient de terminer son premier film. Il s'agit d'un documentaire intitulé " Paris Céline " consacré au souvenir de l'auteur du Voyage au bout de la nuit, qui sera diffusé pour la première fois le mardi 13 décembre prochain sur Histoire.

  Le 21 novembre, pour l'avant-première, plusieurs centaines de personnalités se pressaient au cinéma Gaumont Capucines, à une encablure de l'Opéra, à Paris. On y trouvait des politiques : le ministre des Transports Thierry Mariani, chef de file de la Droite populaire, les anciens ministres chiraquiens Hervé Gaymard et Frédéric de Saint-Sernin, ou l'ancien député européen Paul-Marie Coûteaux, devenu porte-parole de Marine Le Pen. Côté journalistes, Etienne Mougeotte, patron du " Figaro ", naviguait entre les membres de sa rédaction et d'anciens collègues de BUISSON à " Valeurs actuelles ", " Spectacle du monde " ou " Minute " - tels Bruno Larebière, ancien rédacteur en chef de " Minute " devenu conseiller en communication, ou Emmanuel Ratier.

 La salle accueillait également le gratin célinien : l'avocat François Gibault ou Marc Laudelout, directeur du " Bulletin célinien ".
  (Sarkozyste et célinien, Minute n° 2541, 7 décembre 2011, dans le Petit Célinien, 9 déc. 2011).

 

 

 

 

 

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  Philippe  MURAY

  " Le nom de Céline appartient à la littérature, c'est-à-dire à l'histoire de la liberté. Parvenir à l'en expulser afin de le confondre tout entier avec l'histoire de l'antisémitisme, et ne plus le rendre inoubliable que par là, est le travail particulier de notre époque, tant il est vrai que celle-ci, désormais, veut ignorer que l'Histoire était cette somme d'erreurs considérables qui s'appelle la vie, et se berce de l'illusion que l'on peut supprimer l'erreur sans supprimer la vie.

  Et, en fin de compte, ce n'est pas seulement Céline qui sera liquidé, mais aussi, de proche en proche, toute la littérature, et jusqu'au souvenir même de la liberté. "
  (La citation de mois, Bulletin célinien, mars 2011). 

 

 

 

 

 

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   Céline toujours indésirable à Montmartre

 " On se souvient qu'à deux reprises le BC a vainement tenté de faire apposer une plaque commémorative au numéro 4 de la rue Girardon, à Montmartre. La première tentative remonte à 1985, la seconde à 1992. Les choses auraient-elles changé ? Apparemment non. Le journaliste Jean-Laurent POLI, par ailleurs citoyen montmartrois, en a récemment fait l'expérience.

  Une première lettre, adressée à un adjoint au maire du XVIII° s'est heurtée à une réaction franchement hostile. Un deuxième courrier, adressé à une conseillère municipale, est demeuré sans suite alors que l'édile, agrégée de lettres, se dit passionnée par Céline. Pour J.-L. POLI, " l'absence d'une plaque au carrefour-Junot est une aberration, une forme de négation de l'histoire. "  C'est affirmé par quelqu'un qui est loin d'être un admirateur inconditionnel de Céline. Ainsi peut-il se targuer d'avoir collaboré au documentaire de Serge Moati, " La haine antisémite dans le monde ", diffusé sur TF1 en 1993.

  Dans un article bien documenté, il évoque la vie de Céline dans ce quartier pittoresque de Paris. Il le présente plaisamment comme un " notable " qui fréquente les " figures " de Montmartre : Gen Paul et Marcel Aymé. " Chaque dimanche matin se joignent à eux le comédien Le Vigan, acteur surdoué capable d'incarner une " chaise " mais à la réputation de " fêlé " qui n'aurait jamais laissé passer la lumière. L'acteur habite à deux pas, rue Simon Dereure. Il y a aussi Ralph Soupault le dessinateur au verbe haut et à la mauvaise réputation qui illustrera plusieurs fois les habitués du banc " Junot ". A l'heure de l'apéritif la petite bande se retrouve au " Taureau " ou au " Maquis ", un bistrot tenu par une ancienne actrice du muet et où venait jadis Poulbot...

  Céline plutôt taciturne interroge avec intérêt d'Esparbès, un spécialiste de l'histoire napoléonienne. L'ascète Céline (il ne boit pas une goutte) parle peu, écoute, se nourrit des potins en médecin de quartier ou prolonge des débats linguistiques sur l'argot populaire qu'il transcendera dans ses romans. Sauvage, timide, Céline est toujours prêt à rendre service sur le plan médical. Quand il revient du dispensaire en moto, les passants de l'avenue Junot regardent amusés le docteur Destouches et ses " ficelles ". A cause de sa blessure au bras (Céline a été médaillé en 14), il accroche autour de son cou tous ses objets (gants, serviettes, manuscrits etc.) avec des bouts de ficelle ... pour ne rien perdre. " On s'y croirait.

  Jean-Laurent POLI prépare d'ailleurs un livre sur le Montmartre de Céline. Nul doute qu'il y soulignera le fait que Céline y demeure persona non grata près de 70 ans après avoir quitté les lieux.

  Dans son article, il rappelle d'ailleurs que si Marcel Aymé et Gen Paul ont chacun leur plaque, " Céline, lui, est resté tabou : devant le 4 de la rue Girardon ou devant le 98 rue Lepic, rien ne signale son existence. "
  (Marc Laudelout, BC n° 332).           

     

 

 

 

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    Cinquantenaire.

  Le 1er juillet 2011, face à la tombe de Céline, François GIBAULT,  le président de la Société des Etudes céliniennes, improvisa une brève allocution dont nous reproduisons ici la transcription.

  Vous savez  qu'il n'y a pas eu de célébration nationale pour le cinquantenaire de la mort de Céline. Certains ont critiqué la décision du ministre. Moi, j'estime que Céline n'a pas besoin de célébration nationale. Il est célébré par vous aujourd'hui, ses admirateurs. Il est célébré dans le monde entier par ses lecteurs. On vend tous les ans 50 000 exemplaires de Voyage au bout de la nuit en France sans parler des traductions. C'est le plus bel hommage que l'on puisse rendre à Louis-Ferdinand Céline. Il n'avait donc pas besoin d'honneurs officiels. Ce n'était pas un homme d'Académie, ce n'était pas un homme de prix. Ce n'était pas un homme pour les honneurs. Mais je rappelle tout de même que la République française a honoré Céline en lui décernant la Croix de Guerre et la Médaille militaire. C'est le plus bel honneur qu'on pouvait lui rendre et c'est un honneur dont il était très fier.

  La Société d'Etudes céliniennes se devait de vous rassembler aujourd'hui et de fleurir la tombe de Louis-Ferdinand Céline qui est incontestablement pour vous tous certainement, le plus grand écrivain français du XX° siècle. Nous honorons aujourd'hui un romancier extraordinaire qui a bouleversé la langue française, qui a inventé un style, ce dont il était aussi très fier, et qui a marqué à jamais les lettres françaises. La Société d'Etudes céliniennes va, elle aussi, bientôt fêter son anniversaire. Elle aura trente cinq ans le 26 juillet prochain. Elle a été créée le 26 juillet 1976. C'est une société qui rassemble environ 80 chercheurs du monde entier : professeurs, étudiants, admirateurs tout simplement et qui étudie l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline. Tous les deux ans, à la suite de colloques, nous approfondissons la connaissance de l'homme et de l'œuvre. Cette société a été présidée brièvement d'abord, par Philippe Alméras qui est un célinien mais un célinien sans complaisance. Elle a été présidée ensuite par André Lwoff, prix Nobel de médecine, membre de l'Académie française, puis par Gérald Antoine, actuellement membre de l'Institut, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, et puis par moi depuis. C'est vous dire que c'est une société entièrement apolitique qui admire l'écrivain et le romancier que fut Céline.

   Voilà les quelques mots que je voulais vous dire. Je voudrais que l'on associe aujourd'hui à la mémoire de Céline sa fille Colette avec laquelle il eut des rapports parfois difficiles. Elle est décédée il y a un mois environ, et je sais que, malgré les évènements et les difficultés avec son père, elle l'aimait profondément. C'est la raison pour laquelle je voulais l'associer à cet hommage.

  Et puis, bien sûr, je voulais dire que Lucette Destouches, la veuve de Céline, est avec nous par la pensée. Elle sait que nous nous réunissons aujourd'hui sur la tombe de son mari. Dans quelques jours elle entrera dans sa centième année. Elle m'a prié de vous remercier et je vous demande tous d'avoir une pensée émue pour elle. Depuis la mort de Céline, elle a été une veuve admirable qui a magnifiquement défendu l'œuvre de son mari.
  (Bulletin célinien, septembre 2011). 

 

 

 

 

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 " Quand la municipalité de Meudon inaugurera-t-elle le square Louis-Ferdinand Céline sur les hauteurs de sa commune ? "

  Tel est le titre de la communication que Rémi ASTRUC a présentée lors du colloque " Figures et lieux patrimoniaux en questions " qui s'est tenu en septembre (2011) à Maubuisson (Val d'Oise).

   " On sait que Céline, de retour en France et pour échapper aux questions qui fâchent sur son passé se réfugiait derrière une parade qui consistait à mettre l'accent sur son style et non sur ses idées. Pour ceux qui continuaient à vouloir l'interroger sur la politique, il balayait la question d'une phrase : " Ces gens sont lourds ". Et il n'avait sans doute pas tout à fait tort dans le sens où il est effectivement dans la nature de la politique d'être " lourde " alors qu'on peut penser que la littérature s'efforce dans la mesure du possible d'être " légère ". Ce qui explique pourquoi l'entente entre les deux domaines paraît si difficile et que peu de grands écrivains ont réussi à maintenir un peu de cette légèreté qui faisait la qualité de leur oeuvre.

  La lourdeur de la polémique sur la célébration de Céline est née d'une double incompréhension et d'une certaine naïveté de la part de ses acteurs principaux (en particulier Frédéric Mitterrand): celle d'avoir cru que la littérature était séparée du politique et pouvait être préservée de la politique parce qu'elle était précisément littérature. Or la littérature n'est pas, n'a pas vocation à être une école de vie publique, mais bien plutôt l'expression d'une pensée originale et individuelle. Ensuite, celle d'avoir cru que la sphère politique (surtout peut-être en espace démocratique) pouvait être accueillante au génie littéraire, c'est-à-dire reconnaissante de ce don sans retour qu'est l'œuvre d'art. La politique ne célèbre en effet que ce qui l'arrange, or la littérature - quand elle est de qualité - n'arrange personne en soi, elle a plutôt tendance au contraire à déranger, et c'est exactement ce que l'on attend d'elle.

  C'est pourquoi, si Céline est " infréquentable ", il ne faudrait pas oublier (c'est l'erreur d'Henri Godard) que la sphère politique est naturellement le monde du conflit, des pressions, des tractations, des compromissions et du consensus et que pour cela elle est à jamais infréquentable à la singularité littéraire. Comment Céline, cet asocial, cet être anti-social même puisqu'il s'est souvent présenté comme fondamentalement anarchiste, c'est-à-dire littéralement en marge des pouvoirs et les niant, aurait-il pu être récupéré par ceux-ci pour servir à leurs fins de construction de la société ?

  Son anarchisme qui est un individualisme radical, pas plus que son aura dans la population, ne sauraient être en mesure de servir à l'édification de l'espace commun et de la vie publique. En revanche, et c'est cela qu'il importe de reconnaître à défaut de le célébrer, ce que les œuvres de Céline ont apporté et qui se révèle fondamental pour la pensée en général est une force destructrice du social (que certains comme Julia Kristeva ont appelé " l'abject "), une force qui se révèle paradoxalement essentielle à la connaissance de cette société humaine que cherchent précisément à construire la politique et les hommes politiques. "
  (Rémi Astruc, Céline et la question du patrimoine, BC n°335).