CÉLINE
ET LES ARTISTES
*
AIMABLE (Aimable PLUCHARD,
accordéoniste qui a enregistré plus de 10
000 titres, 1922-1997): " C'est un fort bel
album qu'Alphonse Boudard et Marcel Azzola
consacrent à la Valse musette et l'Accordéon
(Bals et
Guinguettes). Né à Vienne vers 1830,
l'accordéon a séduit le monde entier et
connu la consécration des surnoms : piano à
bretelles, boîte à frissons, etc... Avec ce
ton familier qui lui est propre, Alphonse Boudard raconte cette saga où la littérature
française a sa part.
De Pierre Mac Orlan à
Francis Carco en passant par Céline dont on
connaît les deux chansons " Règlement
" et " A noeud coulant ". On sait que
c'est à Paul Chambrillon que l'on doit ses
enregistrements. C'est en 1955 qu'il
enregistra Céline à son insu alors qu'il
venait de lui suggérer d'interpréter ces
deux compositions. Dans cet ouvrage, Boudard
révèle que c'est le célèbre AIMABLE
qui se chargea d'accompagner Céline à
l'accordéon lors du " rerecording ". Deux
photos (dont une, superbe, de Céline
souriant en compagnie de Michel Simon et
Arletty) illustrent cette évocation. "
(Céline
et Aimable, BC n° 193, déc. 1998).
*
Lucette ALMANZOR
(future Mme
Destouches, danseuse étoile) : " (...) J'ai
une petite grâce à demander à
Monsieur
Rouché. Puis-je avoir l'audace de solliciter
votre favorable appui ? Il s'agit d'une
petite danseuse qui veut réintégrer l'Opéra -Comique
après une tournée en Amérique. Cette petite
s'appelle Lucette ALMANZOR, 3 ans
de
conservatoire, 3 ans d'opéra-comique -
danseuse 1re catégorie (24 ans) - et
Syndiquée. Il s'agit d'un petit coup de
pouce en somme qui la replace dans le
personnel et dans l'emploi. Vous voyez que
je m'intéresse bien aux arts. Par le petit
côté aussi bien que par le grand.
Mais comme je suis
impertinent ! J'arrive chez vous sans coup
férir ! Je vous demande à présent de
protéger mes créatures ! La honte me
recouvre ! Enfin je sollicite en même temps
votre indulgence, toute votre indulgence
!... Je voulais voir Ramon avant mon départ.
L'aiguillage vers la NRF prend tournure. Je
pousse, croyez-le. J'en ai soupé de ma
galère. Elle n'est que trous ! (...) très
affectueusement et amicalement / (...) la
petite s'appelle Lucette ALMANZOR,
108 boulevard Berthier. "
(Lettre à
Jeanne Fernandez, août 1936, Lettres Pléiade
2010).
* Roy
ANDERSSON (réalisateur suédois, reconnu
pour ses cadrages fixes et ses plans
séquences tournés en studio) : " Mon roman
favori dans l'histoire de la littérature,
c'est Voyage au bout de la nuit. On
m'a proposé d'en faire l'adaptation et
Gallimard avait obtenu l'autorisation des
ayants droit. Mais je n'ai pas pu trouver
l'argent pour cette énorme production. Il
fallait en outre résoudre le problème de la
langue.
Pour moi il ne pouvait être tourné qu'en
français, ce qui rendrait le projet encore
plus difficile à financer. C'était il y a
vingt ans ; aujourd'hui, j'ai définitivement
renoncé.
(Roy Andersson, Propos recueillis par Michel Ciment, Positif n° 652, mai
2015).
* Thierry ARDISSON
(animateur et producteur de cinéma et de
télévision français) : " L'adjectif
célinien va-t-il entrer dans le
dictionnaire, à l'instar de dantesque,
kafkaïen ou courtelinesque ?
On peut l'imaginer lorsqu'on lit dans la
presse qu'un directeur d'une chaîne de
télévision française a demandé à l'un de ses
animateurs, Thierry ARDISSON, de
revoir la copie de son émission jugée par
lui " trop célinienne ".
Et le journaliste de
préciser : " Traduisez : trop
intellectuelle et quelque peu décadente
" (!)
(BC n° 125, février 1993, p.3).
*
ARLETTY
(Louise Bathiat, actrice de cinéma,
théâtre, opérette, 1898-1992)
:
Lorsqu'on demande à ARLETTY
pourquoi elle se met dans un pareil cas
pour Céline, elle rétorque :
" Parce qu'il est de Courbevoie, comme
moi, qu'c'est un gars d'la laïque, et
qu'il a un style qui m'boul'verse.
Céline c'est un pote ". Et d'ajouter
pour dissiper toute équivoque : " Les gens
? j'les em... Quand ils m'demandent de
dire que le Gorgonzola est le meilleur
des fromages, j'le dis. Alors ? j'peux
dire que Ferdinand y sait écrire. Et
puis m... comme on dit dans le monde,
j'fais c'qui m'plaît ".
(Juvénal, 26
novembre 1948).
*
Junie ASTOR née Rolande Risterucci
(comédienne, 1911-1967): " Je t'ai vue
passer aux actualités ces jours-ci. Toute à
la gloire et sophistiquée au possible et
combien exclusive ! Tout ce qui s'est
produit depuis Hollywood me paraît à peine
réel... Et puis mariée et tout ! Fine comme
tu es tu devrais jouer de grands rôles
dans le monde nouveau où d'extraordinaires
aventures vont sûrement se dérouler. Où la
coulisse va réclamer de sérieux
tempéraments.
Mignonnes à vos pièces
! Je te téléphonerai un matin vers 11 h (je
ne l'ai pas, ou au bistrot) en allant voir
Denoël qui demeure par chez toi. Je
passerai, il faudrait une chaise à porteur.
Tout devient ardu à crever. Surtout que le
tantôt je fais 4 h de médecine à Bezons, tu
sais ce que cela veut dire - et aller et
revenir !... / A toi bien affectueusement, / L.F. Destouches. / 4 rue Girardon. Ne donne
pas mon adresse ni pour or ni pour argent ?
Je ne te reverrais jamais. "
(Lettre du
Mi-avril 1942, Lettres, Pléiade 2010)
*
Alexandre ASTRUC (réalisateur,
scénariste, écrivain): " J'étais fasciné par
une description publiée dans
les Cahiers de l'Herne. Céline y
parle de Zola et décrit les stands de
l'Exposition de 1900. A travers des images
fulgurantes, prises la caméra au poing,
Céline montre que la défaite est déjà là. Le
bal de la technique annonce la boucherie de
1914 ! "
(Propos recueillis par Valérie
Marchand, le Magazine Grand Prix, mai-juin
1996, dans L'Année Céline 1996).
*
Michel
AUDIARD (dialoguiste, scénariste et
réalisateur de cinéma 1920-1985) : "
Voyage au cinéma ? Dès 1933, une option
est donnée à Abel Gance, Céline de son
côté
se démène : il contacte un réalisateur
allemand, Carl Junghaus, puis demande à sa
maîtresse américaine, Elizabeth Craig de
sonder Hollywood. En vain. Peu avant sa
mort, en 1960, un espoir, à nouveau se
dessine. Un scénario est écrit pour Claude
Autan-Lara. Mais celui-ci se dégonfle " pour
des motifs pas très concluants ", écrit
Céline à Roger Nimier qui, chez Gallimard,
est en quête d'un producteur. Il propose
Louis Malle, qui ne donne pas suite.
AUDIARD, qui a connu Céline dont il est
un disciple fervent, reprend le flambeau en
1964.
Bardamu sera joué par Belmondo, qui amène Jean-Luc Godard dans le projet.
AUDIARD envisage un film de quatre
heures. Dix ans plus tard, il dira à la
télévision française : " Quand j'étais
jeune, j'embêtais les producteurs, je les
traitais de n'importe quoi parce qu'ils ne
faisaient pas le Voyage... Depuis
j'ai compris... Un type qui s'y attaquerait
serait ridiculisé pour la postérité. C'est
un trop grand livre, c'est tout. "
(BC, juin 2005).
* " Le père Céline, on lui doit tout. Sans lui, aucun auteur actuel
n'écrirait, ou alors comme Duhamel. Mais
là-dessus, personne ne moufte, jamais. On
n'admet pas. A la mort de Louis-Ferdinand,
il y a eu dans les journaux des interviews
charmantes. Tous les esthètes à combines y
sont allées de leur couplet. Dans le genre
surpris :
- Céline... auteur important, certes... conduite déplorable sous
l'occupation... mais romancier puissant, il
faut reconnaître... trivial, mais
puissant... Une influence sur mon œuvre,
dites-vous ?... Non. Non. Vraiment je ne
vois pas. Ce que j'écris est tellement
différent...
D'ailleurs,
d'une manière générale, à la mort de Céline,
la presse française s'est gentiment
déshonorée. Les quotidiens de Paris ont
annoncé la chose sur une petite colonne
honteuse en cinquième page. Et avec des
réserves sur la moralité du défunt, des
pudeurs ultimes. Côté hebdo nouvelle vague,
pas mal non plus. La disparition d'Ernest
Hemingway (oui, grand écrivain, merci, je
sais) ayant tragiquement coïncidé avec celle
de Céline, c'est naturellement l'Ernest
qu'on nous a placardé en couverture.
Et encore un coup de pot qu'il n'y ait pas eu de décès concomitant chez
les Zoulous ou chez les Balubas, car c'est
pour le coup que l'on nous aurait refilé ça
en quadrichromie à la façade des kiosques.
(Michel Audiard, Paris-Match, 1965).
* Jacques
AUDIARD (cinéaste) : " Jeune, j'ai lu
D'un Château l'autre, de Céline, dans
lequel l'écrivain raconte les tribulations
des fidèles du maréchal fuyant en Allemagne.
Je n'y comprenais rien ! Pourquoi ? Parce
que mes manuels scolaires ne racontaient pas
ça et qu'ils présentaient la France en lutte
pendant la guerre, toute une France
résistant aux nazis. "
(Le Soir, Bruxelles, 22 mai 1996).
* Hugues AUFRAY
(auteur-compositeur-interprète, guitariste
et sculpteur) : " Un autre jour, c'est
Hugues AUFRAY qui téléphone à Frédéric
Vitoux pour solliciter une visite auprès de
Lucette. Ce dernier en parle à son amie, qui
accepte avec enthousiasme.
C'est ainsi que
l'interprète de Dis-moi, Céline,
accompagné par Frédéric Vitoux a pu prendre
la route de Meudon et rencontrer la veuve de
son écrivain favori.
(David Alliot, Madame Céline, Tallandier, janvier 2018, p.312).
* Claude
AUTANT-LARA (réalisateur de cinéma,
1901-2000) : " Des pressions ont été
exercées auprès du cinéaste Claude
AUTANT-LARA afin qu'il ne cite pas
Céline dans son discours de réception à
l'Institut de France. Cette tentative de
censure s'est naturellement soldée par un
échec, ce qui n'étonnera pas ceux qui
connaissent le caractère indomptable du
réalisateur de La Traversée de Paris.
"
Ce
discours, paru sous le titre Le bateau
coule, se termine par la citation de
Céline : " Il faut tout dire, tout. Oublier,
se taire, c'est trahir. "
(National-hebdo, 2-10 mai 1989).
* Charles
AZNAVOUR (né Chahnour Vaghinag
Aznavourian, auteur-compositeur, interprète,
acteur, 1924-2018)) : " Je lis environ 100 livres par
an. Je lis vite, je lis beaucoup. Et
je relis beaucoup, parce que j'ai lu des
choses dont je n'ai pas gardé un vrai
souvenir. Parmi mes relectures préférées,
beaucoup de Louis-Ferdinand Céline, bien
sûr, et beaucoup de Dos Passos. Je trouve
qu'il y a une lointaine parenté entre eux :
c'est la même époque, c'est la guerre et
c'est la dépression. Et puis ce sont des
gens qui ont transformé l'écriture dans leur
pays respectif. Après Céline, un certain
nombre d'auteurs français ont parus désuets.
"
(La Presse, Montréal, 6 août 1995).
* " Je
lis, pour la troisième fois, le monument de
Céline (Voyage). Mon écrivain
préféré, avec Dos Passos. "
(Nice-Matin interview 31 juillet 2000, L'Année Céline 2000, Du Lérot).
* " En
1959, Céline déclarait : " ... vous ne
pouvez pas lutter contre AZNAVOUR :
il a la midinette pour lui ! " Et parmi ces
midinettes, Céline aurait certainement été
surpris de trouver sa propre femme qui
accueilli dans sa demeure, et par deux fois,
le chanteur, qui n'a jamais caché
l'admiration qu'il portait à l'écrivain. En
effet, Charles AZNAVOUR avait demandé
à François Gibault de rencontrer Lucette
Destouches l'année de son centenaire. Malgré
un agenda surchargé, un rendez-vous est fixé
: " L'évènement eut lieu route des Gardes à
Meudon, le 12 janvier 2012, à l'heure du
déjeuner, en présence de deux ou trois
armoires à glace, et de Marie-Ange David,
suivi, début août 2012, d'une seconde
visite, à laquelle assistait Véronique
Robert.
Quel
bonheur que ces rencontres ! Lucette était
aux anges et Charles, dont la joie de
vivre est communicative, sous le charme de
la centenaire, et frappé par la présence
invisible de Céline qui a marqué à jamais
cette maison où il écrivit D'un château
l'autre, Nord et Rigodon, et dans
laquelle il s'est éteint le 1er juillet
1961. AZNAVOUR-Céline, le choc a été
fort, la maison en résonne encore. " On
ignore toutefois si le " Grand Charles " et
Lucette ont poussé la chansonnette...
(Véronique Robert-Chovin, Lucette Destouches, Epouse Céline, dans
Madame Céline, David Alliot, Tallandier,
janvier 2018, p.329).
* "
Elle a eu la visite surprise de Charles
AZNAVOUR et de Fred Mella, un ancien
compagnon de la chanson. Ils sont arrivés
vers midi et tout de suite ils lui ont
entonné à deux voix, en français et en
anglais, Joyeux anniversaire. Ça lui
a fait plaisir, elle adore les chansons.
Souvent elle chante. "
(Véronique Robert-Chovin, Lucette Destouches, Epouse Céline, p.14).
* Le
BALAJO : " Le 7 juin 1991, Le BALAJO
a fêté ses 55 ans. Cet illustre bal-musette
fut inauguré le 18 juin 1936 en présence de
Mistinguett et de Céline, l'ami d'Henri
Mahé, décorateur de la superbe salle en
forme de goélette. Dans une brillante
allocution, le journaliste et chroniqueur
Claude Dubois évoqua Céline et Mahé avant de
donner le micro à Jo Privat et son
accordéon.
* Jean-François BALMER
(acteur suisse, cinéma, théâtre et
télévision) : " Seul en scène, il interprète
avec générosité le personnage de Bardamu,
héros de Voyage au bout
de la nuit. Vêtu d'un manteau militaire,
Jean-François BALMER sert le pauvre
bougre traumatisé avec la générosité et la
détermination qu'on lui connaît. Il lui
prête sa gouaille et ses accents avec un
naturel déconcertant, même si on le devine
parfois hésitant. La faute à un emploi du
temps chargé : les tournages de Mort d'un
président, une fiction pour France 3 où
il joue Pompidou, Boulevard du Palais, la
série de France 2, et Henri IV, la
pièce de Daniel Colas, le comédien n'a eu
que trois semaines pour répéter le
spectacle.
Conscient de ses
lacunes, il a salué avec une modestie
louable le " talent " du public. Fort de son
expérience et de son aura, il réussit à nous
embarquer aux côtés de Bardamu dans
l'horreur de la guerre, " une formidable
erreur ", où le personnage sauve ses "
tripes ", mais reste " marqué à la tête pour
toujours ". Magnifiquement éclairé par
Thierry Wilmort, les traits de
Jean-François BALMER se confondent
souvent avec ceux de Bardamu, bouleversé par
l'absurdité de l'existence. Marchant dans
ses pas, l'acteur nous entraîne à la
rencontre de vrais personnages populaires,
comme son fameux ami Robinson ou la gentille
prostituée Molly qui tentera de lui redonner
goût à la vie. On suit Jean-François
BALMER jusqu'au bout du voyage, avec un
mélange d'admiration et le désir de
l'encourager à aller de l'avant. "
(Nathalie Simon, Le Figaro, 4-4-2011).
* Brigitte BARDOT
(actrice de cinéma, chanteuse, militante de
la cause animale) : " Une rumeur a répandu
la (fausse) information selon laquelle
Lucette Almansor aurait décidé que désormais
les droits d'auteur de Céline iront à la
fondation animalière de Brigitte BARDOT.
Ce qui a suscité cette
interrogation amusée du Canard enchaîné
(11 décembre 90) : " L'heureuse
bénéficiaire va-t-elle débaptiser sa
Fondation BB pour l'appeler Fondation
Bébert, du nom du célèbre chat de Céline ?
".
(BC n°114, mars 1992).
* Emily BARNETT
(réalisatrice, scénariste) : " Si la dualité
célinienne continue d'émouvoir autant, c'est
donc peut-être qu'elle se joue ailleurs
qu'entre le romancier génial et l'affreux
bonhomme dont l'œuvre
dégage encore une forte odeur de soufre.
Céline, jeune, parfois enfantin, poli,
désiré et désirable, tel donc qu'il se
dessine à travers une intime correspondance
de cinq décennies, héberge en lui la fureur
et l'angélisme, la violence et la pureté.
Tout cela fondu dans un
même magma, à la source duquel se tient
l'innocence trahie - la croyance originelle
dans une forme d'amour et de fusion avec
l'humanité, piétinée à jamais par le trauma
des tranchées. "
(Les Inrocks.com, 21 novembre 2009).
* Alain BARRIERE (né
Bellec) :
" Personne ne partage
Le voyage au bout de la nuit
On est seul et sans âge
Et jamais l'horizon ne luit... "
(Le Voyage, 1971).
*
Guy BEDOS (humoriste, acteur et
scénariste 1934-2020) : " La revue Médias
publie un entretien avec l'amuseur Guy
BEDOS qui, pendant des années, a caché
que ses parents - son beau-père et sa mère -
ne pensaient pas comme lui. Depuis quelques
temps, il ne craint plus de raconter :
" Parmi les livres
qu'on trouvait à la maison, Bagatelle
(sic) pour un massacre ou l'école des
cadavres de Céline. Depuis, je me suis
mis à Céline, mais je me contente de Mort
à crédit et du Voyage au bout de la nuit
illustrés par Tardi qui, lui, n'est pas
suspect de penchants néo-nazis. "
(Ma vie avec les médias, Médias, n°17, été 2008).
* Nicolas BEDOS
(dramaturge, metteur en scène, scénariste,
réalisateur, acteur et humoriste) : " Oui,
je lis des livres tombés dans l'oubli, comme
ceux de Drieu la Rochelle. Fabrice Luchini
dit que je tiens un discours de gauche, mais
que j'ai une bibliothèque de droite. Le "
moi " est souvent expulsé chez les grands
écrivains de gauche comme Sartre, bâtisseurs
d'œuvres.
La littérature de
droite, elle, ne craint pas de raconter des
histoires sentimentales, autobiographiques.
J'aime le style de Paul Morand, de
Louis-Ferdinand Céline. Je suis plus diverti
par une histoire déchirante de Jacques
Chardonne que par L'Être et le Néant.
(Le Bien public, 3 novembre 2013, propos recueillis par Nathalie
Chifflet).
* Marie BELL née
Marie-Jeanne Bellon (tragédienne et
comédienne, 1900-1985) : " Chère Marie, - Ne
te désiste pas toi aussi ! Je compte plus
sur ton cœur que
sur les paroles des hommes... Un coup
d'avion ! un coup d'aile ! et que je
t'embrasse - ! Zoulou semble défaillir
finalement... Depuis 3 ans on crève d'être à
sec des brises natales !... Tu penses ! Tu
ne verras pas des gens tristes ne redoute
rien ! Pleins d'histoires marrantes au
contraire et je t'assure bien inédites !
Et puis aucun risque je
t'affirme - Il y a des touristes français
plein les rues de Copenhague. Je te cèderai
mon lit s'il le faut j'irai recoucher en
prison pour te faciliter les choses... au
pire ! Mais l'Hôtel d'Angleterre et sa
réputation mondiale sont là pour un coup
j'imagine ! N'attends pas les froids... Bien
entendu je ne dirai rien de ta venue, et tu
sais que je peux me taire - autant que je
t'aime. Ce n'est pas peu dire - Ton fidèle
et bien affectueux. - Ferdinand. "
(Lettres 2009, à Marie Bell, le 8 juillet 1947).
* Monica BELLUCCI
(actrice de cinéma italienne) : " L'été
avait commencé en fanfare pour Ferdinand,
quand Monica BELLUCCI avait répondu à
Madame Figaro : " Mon écrivain
préféré, en France ? Louis-Ferdinand Céline
! "
(Robert Le Blanc, Présent, 7 oct.2006).
*
Jean-Paul BELMONDO (acteur de cinéma,
comédien ) : " En 1963, Michel Audiard
caressa l'espoir d'arriver à une conclusion
favorable. L'espoir seulement... Brouillé
avec Jean Gabin, il n'était plus question de
lui parler de ce Voyage au bout de la
nuit. Qu'à cela ne tienne. Michel avait
un autre acteur sous la main, une vedette
tout à
fait épatante qui, elle aussi, avait
lu Céline dans son adolescence :
Jean-Paul BELMONDO. Et celui-ci lui
amena un cinéaste parfait pour recréer
l'univers de Céline : Jean-Luc Godard. Aussi
étrange que cela puisse paraître, l'union
entre le pape de la Nouvelle Vague et
le symbole du cinéma de papa fut consommée :
ils acceptèrent de construire ensemble
l'adaptation du roman.
(Philippe Durant, Michel Audiard, la vie d'un expert, 2001
*
" Mes auteurs de
toujours s'appellent Léautaud, Céline dont
j'ai lu et relu Voyage au bout de la nuit
et Rigodon. "
(Entretiens avec Irène Dervize, Télé-7-jours, 12-18 déc. 1998,
L'Année Céline 1998, Du Lérot.)
* Bertrand
BLIER (cinéaste, écrivain) : " Je
lis Céline pour la mauvaise humeur, les
autres pour la joie. Faut dire que les gens
de mauvaise humeur, c'est quand même
nettement plus rigolo que les souriants, non
?
La mauvaise humeur
c'est le carburant de l'artiste. C'est ce
que j'admire chez Céline, cette mauvaise
humeur chronique. Il y a deux personnes qui
me remontent le moral quand ça va mal :
Céline et Orson Welles. "
(Charlie Hebdo, 18 août 1993).
* Gus BOFA (né
Gustave Blanchot, illustrateur et
affichiste, 1883-1968) : " La découverte
parallèle de Céline s'exprime plus vertement
que celle de Gide. Elle est aussi
plus
totale et définitive. Ecœuré
de l'Etat bourgeois, Céline a voulu croire
au communisme russe. Déçu à nouveau sa haine
et son dégoût du monde occidental se
doublent désormais d'une haine et d'un
dégoût semblable pour l'URSS. Il exprime ce
double sentiment - à son ordinaire - par un
feu d'artifice d'imprécations choisies,
pleine de force et de couleur, qui étant
cette fois admirablement en situation,
prennent toute leur valeur littéraire. Le
morceau me paraît atteindre au chef-d'œuvre
du genre et mérite de figurer dans les
anthologies.
Au point de vue
critique, on pourrait trouver à y reprendre.
Il détaille et précise mal ses griefs et ses
reproches. Mais il n'est pas dans la nature
de Céline de spéculer, non plus que dans
celle d'une mitrailleuse de faire des
cartons à la foire. Parmi les éclats de
tonnerre de son style, on discerne à peu
près la solution que Céline propose au
problème social. Il voudrait abattre
sommairement la moitié des humains, et
massacrer sans façon l'autre moitié. Ce
remède, radical au moins en ce qui concerne
le chômage, me semble mériter d'être
longuement posé. "
(Critique de Mea culpa, le Crapouillot, 15 février 1937).
* Yves BOISSET
(réalisateur, incarne un cinéma de gauche) :
" La femme flic " : ce film offre la
curiosité de présenter une longue scène où
un " docteur Godiveau ", vieux médecin sans
clientèle, à la tenue débraillée, dont la
grille de jardin grince quand on sort de
chez lui, tenant des propos racistes et
antisémites, jadis " collabo " et " épuré ",
accusé pour faire bon poids de pédophilie et
de meurtre, appelle son chat " Gallimard ".
(La femme flic, 1979, 30 avril 1995, 20h50, France 2, Année Céline
1995).
*
Eliane BONABEL
(illustratrice et dessinatrice, 1920-2000) :
" Accompagnée par son oncle Charles Bonabel
au dispensaire de Clichy, Eliane BONABEL
fait la connaissance du docteur Destouches à
l'âge de 9 ans. Lors d'une visite chez les
Bonabel, Louis-Ferdinand demande à la jeune
Eliane ce qui la passionne. Elle
répond : " le dessin ". Il insiste pour voir
ses croquis et lui demande de dessiner son
portrait qu'il lui achète. Une vocation est
née ! Elle deviendra à la fin des années 30
une dessinatrice très connue.
De Céline, Eliane
BONABEL dira plus tard : " J'ai beaucoup
voyagé, fréquenté de nombreux milieux,
rencontré énormément de monde, Céline est
pourtant, sans la moindre discussion
possible, l'être le plus étonnant, le plus
attachant que j'ai eu la chance de croiser
dans ma vie. Je n'ai connu personne ayant
une vision aussi juste, une analyse aussi
rapide du monde qui l'entourait. "
(franceartdiffusion.com, 2010).
*
Michel BOUQUET (acteur
français) : lit Louis-Ferdinand Céline dans
Voyage au bout de la nuit en 1965.
Dans l'émission " Les blessés " du 18
décembre 1965.
Emission du magazine
mensuel de la Première Guerre Mondiale
proposée et animée par Pierre Sipriot,
réalisée par Philippe Guinard.
(Le Petit Célinien, 1er août 2014).
* Emmanuel BOURDIEU
(scénariste, dramaturge, réalisateur et
philosophe, fils du sociologue Pierre
Bourdieu): " Nous avons pensé qu'il fallait
renoncer à la ressemblance physique, se
concentrer sur une autre forme de vérité.
Avec Denis, nous avons travaillé sur les
changements d'humeur de Céline, qui passe
d'une colère horrible à une expression
délicate puis grivoise, qui fait preuve
d'une énergie colossale alors qu'il
s'effondre physiquement. Il est à cette
époque quelqu'un d'extrêmement
fragile,
et Lucette tente de le défendre contre
lui-même. Seulement il ne peut s'empêcher de
mordre la main qui lui est tendue, il est
possédé par le démon de l'antisémitisme.
Lucette tente de le
mettre en scène, mais le comédien Céline est
incapable de résister aux pulsions qui le
portent à saboter le spectacle, alors il
ressort toujours les mêmes numéros, souvent
pas très bons. Au fil de son existence, il a
adopté différentes postures : Céline pur
artisan de la littérature, Céline paria. Je
ne pouvais pas entrer dans le film grâce à
Céline, qui me tient à distance tant par son
génie littéraire que par ses idées
abominables.
C'est Milton Hindus qui
me donne l'accès : lui aussi admire
l'écrivain, lui aussi est confronté à cette
dualité. Lorsqu'il lit quelques lignes de "
Bagatelles pour un massacre ", il est
bouleversé par leur beauté, mais il sait que
l'homme suinte un fiel ignoble. La plupart
des céliniens ont été très injustes avec
Hindus, dont la correspondance et les choix
littéraires montrent qu'il ne s'est pas
trompé.
Les idées de Céline étaient d'une grande bêtise. Quand il caricature la
danse juive, il est juste stupide. Il se
comporte comme un gamin incapable de penser.
Mais il est un des plus grands écrivains du
siècle. "
(Céline crève l'écran, film d'Emmanuel Bourdieu, l'Obs, 3 au 9 mars
2016).
* Georges BRASSENS
(poète, auteur-compositeur, interprète,
1921-1981) : " Je n'admire pas forcément des
gens admirables. Selon les circonstances ça
peut-être Camus ou le balayeur du coin. Mais
le plus grand écrivain du siècle, pour moi,
c'est Céline. "
(Paris-Presse, 1967).
* " Merci, cher
ami, pour ce livre remarquable que vous
consacrez à Ferdinand Céline. Je suis en
train de le lire avec délectation. Merci
pour l'honneur - le trop grand honneur - que
vous me faites en m'apparentant à ce grand
bonhomme. Je souhaite à cet ouvrage tout le
retentissement qu'il mérite et je vous prie
d'accepter mon
amitié. Georges Brassens. "
(Lettre à Pierre Monnier du mercredi 27 février 1980 à la réception de
Ferdinand furieux).
* C'est dans son
livre Ferdinand furieux que Pierre
Monnier trace un parallèle entre Georges
BRASSENS et Céline : " Même amour de la
vie dans ses manifestations les plus
humbles, les plus " quotidiennes ", même
scepticisme à l'égard des idées, des
idéologies, des grands problèmes, même
sensibilité, même sympathie pour les petites
gens, même admiration pour l'héroïsme
discret, secret, de ceux qui ne paraissent
jamais, même sens de la dignité cachée, de
la vraie grandeur enfouie... même
enracinement au sol natal, même fierté
aristocratique et populaire, même
scepticisme affiché, même indulgence
camouflée, même indifférence à certaines
valeurs surfaites et même attachement à
d'autres plus simples, les sabots d'Hélène
et la tendresse de Molly.
Enfin le style, les
archaïsmes, les idiotismes français,
quelquefois la langue verte... Qu'il
s'agisse de la prose de Céline, ou des vers
de BRASSENS, on assiste à l'éclosion
d'un vocabulaire d'essence traditionnelle,
populaire, riche en sève et très souvent à
la limite de la désuétude. L'un et l'autre
éternisent des mots que l'on jugerait
démodés ou incongrus sans le raffinement et
l'habileté avec lesquels ils sont imbriqués
dans la phrase... [...] Céline et
BRASSENS ne se sont jamais rencontrés.
On peut supposer qu'ils auraient eu des goûts et des dégoûts communs. A
coup sûr une même passion pour la langue
française dans sa branche " mâle et débridée
" comme l'avait dit Léon Daudet à la
parution de Voyage. "
(BC n° 122, novembre 1992).
* Arno BREKER
(sculpteur allemand, 1900-1991) : " Avant la
guerre je lui trouvais toujours une grande
élégance. C'est seulement après celle-ci
qu'il prit cette allure de bohémien du XIXe
siècle. Comme on le sait, il était entouré
d'une quantité de chats et de chiens, et il
vivait dans une grande bâtisse un peu
délabrée, à Meudon. C'est
là
que j'allai le voir, encore peu de temps
avant sa mort, en 1961.
L'atmosphère de sa
maison était typiquement française. Les
meubles et les objets qu'il avait autour de
lui se distinguaient par un air
d'immuabilité tant ils semblaient figés sur
place depuis des décennies. La poussière et
la patine du temps s'étaient mis à les
couvrir d'un étrange silence.
Cette après-midi là, Céline me regarda longuement dans les yeux, parla
très peu, sembla véritablement avoir tout
dit dans ses livres. Les quelques mots qu'il
prononça eurent trait à l'existence humaine,
à son passage sur terre, à l'éternité.
Quand je pris congé Céline me dit : " Ce n'est pas un adieu, nous nous
reverrons. " Lui prenant les mains, je lui
réponds, ému. " Mon cher, mon grand ami,
espérons. "
(Hommage à L-F. Céline, La Revue célinienne, 1983).
* Aristide BRUANT
(chansonnier, romancier 1851-1925) : "
Figure montmartroise, il crée son propre
cabaret en 1885 " Le Mirliton ". Homme de
théâtre, spécialiste de l'argot, auteur d'un
Dictionnaire français argot du XXe siècle
(1901) - il est surtout connu pour ses
chansons. Il se présente aux législatives en
1898 comme " socialiste, patriote et
antisémite ", et ne fut pas élu. Céline, qui lui vouait
une grande admiration, prétend avoir connu
l'homme " un petit peu ", et définit son
propre style en référence à l'argotier
BRUANT : " ce que faisait BRUANT en couplets
je le fais en simili prose et sur 700 pages.
Si je devais appartenir à une lignée elle
serait strictement française diantre !... Tallemant ?...
BRUANT... peut-être ? " (Gaël Richard, Dictionnaire des personnages, Du Lérot 2008).
" Je donnerais tous les
Proust de la terre et d'une autre encore
pour " Brigadier vous avez raison ", pour
deux chansons d'Aristide ", écrira Céline
dans Bagatelles. " Si vous rencontrez
les Chansons d'Aristide Bruant
je serais bien heureux de les avoir, elles
me ravissent toujours. J'ai connu l'homme un
petit peu ", écrira-t-il à Marie Canavaggia
le 18 juin 1947. Et à Paraz le 10 septembre
1949 : " Ce que faisait Bruant en
couplets je le fais en simili prose sur 700
pages... " Aucune communication savante n'a
encore été publiée sur les rapports de
Céline et Bruant. " Y soufflait
quèqu'chose... on ne sait d'où/C'état ni du
vent ni d'la bise/ça glissait entre l'col et
l'cou/Et ça glaçait sous not'chemise ".
Le chansonnier
montmartrois, à la silhouette immortalisée
par Toulouse-Lautrec, s'était présenté en
1898 aux élections législatives sous
l'étiquette " républicain, socialiste,
patriote et antisémite ". Sa profession de
foi, affichée sur tous les murs de
Belleville : " Tous les ennemis de la
féodalité capitaliste et de la juiverie
cosmopolite voteront pour le poète
humanitaire, le glorieux chantre de
Belleville. " Il ne fut pas élu. En 1923, il
se produisit une dernière fois à l'Empire où
le jeune Destouches a pu écouter ses
chansons.
(Eric Mazet, Céline avant Céline, Spécial Céline n°15, hiver 2014,
p.33).
* Carla BRUNI
(Carla,Gilberta Bruni Tedeschi, mannequin,
auteur, compositrice, interprète, mariée au
président de la République Nicolas Sarkozy)
: Dans un livre consacré au couple
présidentiel, on découvre qu'il y a quelques
années : " Carla BRUNI rendit visite
à Meudon chez Lucette Destouches en
compagnie de son ami
d'alors, Patrick
Besson, et de François Gibault.
(Carla et Nicolas, Ed. Scali 2008).
* Philippe
Vecchi, dans sa rubrique de l'Obs Télé de la
semaine, nous rapporte les propos de Carla
BRUNI (Sarkozy) parus dans VSD. L'épouse
présidentielle y parlait de Louis-Ferdinand
Céline. Elle indiquait que Céline " était
dans la poésie " et comparable à
Houellebecq, car ces deux là donnent " dans
le romantisme et la douceur " au point
d'aboutir à quelque chose de " presque
intolérable de beauté. "
(Lyon 6 sept. 2008, blog de Jean-Yves Sécheresse).
* " Autre
visiteur célèbre, qui prit le chemin du 25
ter, Mme Carla BRUNI - pas encore
Sarkozy - qui se rend à Meudon dans la
voiture du célèbre avocat pour dîner avec
Lucette. François Gibault et quelques amis
sont témoins de cette effusion : " Les deux
femmes qui se sont jetées dans les bras
l'une de l'autre, comme de vieilles amies,
et ne se sont pas quittées de la soirée,
jacassant comme des pies. "
(Interview de J.F. Stévenin dans Télérama H.S. 2011, in David Alliot,
Mme Céline, Tallandier, janvier 2018,
p.327).
* CABU
(Jean Cabut dit CABU, caricaturiste,
dessinateur de presse, auteur de bandes
dessinées, né le 13 janvier 1938 assassiné
le 7 janvier 2015 au journal
Charlie-Hebdo) : le célinien peut
légitimement se demander ce que vient faire
un hommage au célèbre dessinateur dans son
mensuel préféré. La réponse est simple ; à
ma demande CABU a réalisé des
caricatures de Céline, publiées dans deux de
mes ouvrages. Le premier en 2006, dans mon
Céline, la légende du siècle, le deuxième en
2011
dans mon Céline, idées reçues sur un auteur
sulfureux.
Lors de notre première rencontre, je lui explique quel genre de dessin je
souhaite obtenir. Dans un premier temps
CABU est dubitatif. Céline, ce n'est pas
son auteur
préféré. Certes, il avait lu naguère
Voyage au bout de la nuit, et Mort à
crédit, mais il était gêné par ses
écrits antisémites et l'aspect ratiocineur
du personnage. Mais comme CABU était
tout sauf sectaire, il me questionna
longuement sur le personnage, sa vie, ses
romans, et me demanda de lui envoyer des
textes. Au moment de partir, il me dit : "
Repasse dans deux mois, je vais voir ce que
je peux faire. "
A l'entrevue suivante,
il était en train de terminer le deuxième
dessin : " Je t'en ai fait deux, comme ça tu
choisiras le meilleur ". Tout en achevant
son crobard, on évoqua Céline ensemble.
CABU m'avoua avoir redécouvert avec
beaucoup de plaisir " l'arrivée à New York "
(ville qu'il adorait) dans Voyage, et
qu'il avait été très ému par les premières
lignes de la préface de Bezons à travers
les âges :" C'était un poète ton Céline.
A sa façon, certes, mais un poète quand
même. "
Il m'avoua également
qu'il avait longuement hésité avant
d'accepter de les faire : " Tu peux dire
pourquoi un auteur qui écrit de si belles
choses peut aussi vociférer des horreurs
pareilles. " Et CABU de terminer le
dessin : " Tu vas me faire virer du
Canard avec des trucs pareils " me
reprocha-t-il, avec un grand sourire et un
clin d'œil.
C'était ça CABU. "
(David Alliot, BC n°371, février 2015).
* Adry de CARBUCCIA
(belle-fille du Préfet de Police de Paris
Jean Chiappe, épouse d'Horace de Carbuccia,
productrice de film, 1900-1994) : " Au
milieu des diplomates
en vestons noirs ou en uniformes de gala,
l'arrivée d'Allemagne de Céline et de Gen
Paul, vêtus comme des demi- clochards, ne
passe pas inaperçue. Sous les
lustres
de cristal, on sert un excellent repas. Puis
le ministre Schleier passe à l'attaque :
pourquoi ne lit-on pas plus souvent
d'articles du grand écrivain ? - Trêve de
pommade, s'écrie brusquement Céline. J'ai
fait de l'antisémitisme lorsque c'était mal
vu... je retire mes billes. Le ministre
s'étrangle à demi, évoque la politique
grandiose du führer. Céline le coupe : Tout
va de travers depuis que votre singe a
clamecé. Nouveau sursaut de Schleier : "
Vous insinuez que notre führer est mort ? -
Je ne parle pas du ballot qui est en place,
un bon à rien à ce qu'il semble. L'autre
était un as, mais vous savez qu'il est dans
la tombe depuis longtemps... Vous avez fait
le mauvais choix avec ce bon à rien, ça va
être la catastrophe.
Plus personne ne mange
ni ne boit. Céline baisse la voix pour une
confidence : - Il veut quand même être
agréable à ces gens qui l'ont bien nourri :
Vas-y Gen Paul, fais leur voir ce que tu
sais faire. Gen Paul sort de sa poche une
petite moustache, la colle sous son nez,
rabat une mèche sur son front, et se met à
proférer des sons gutturaux. Bravo Gen, tu
n'as jamais été meilleur... "
(Du tango à Lily Marlène, Ed. France-Empire, avril 1987).
* Frank CASTORF
(metteur en scène allemand ) : " Quand il
arrive en Allemagne, pays qu'il connaissait
bien, il le scrute comme dans une
vivisection. Il opère en quelque sorte le
nerf à vif, et c'est très douloureux, pour
tous ceux qui l'entourent mais aussi
naturellement pour lui-même car lui aussi se
fait bombarder, ou contrôler par les SS. Il
en profite pour exprimer sa haine
pathologique envers tous, dont Hitler qu'il
détestait et qui était pour lui probablement
pire que les Juifs ".
Il se meut dans un environnement antisémite, qui n'est pas
l'antisémitisme des nazis, mais beaucoup
plus largement du racisme pur et simple, que
partageaient beaucoup de gens à l'époque.
Cela m'intéresse de
voir comment on peut " opérer " sans
scrupule comme le fait le docteur
Destouches. Albert Döblin, médecin lui
aussi, le critiquait en disant que Céline
était un homme qui décrit les évènements du
monde sans cœur
et avec beaucoup de cynisme. On peut aussi
faire référence à Dostoïevski lorsqu'il
aborde la question de l'exil.
Céline était un artiste dans une situation extrême, comme beaucoup
d'écrivains dans les années 30-44, mais à la
différence de beaucoup d'autres il s'est mis
en scène et stylisé comme un marginal, et ce
jusqu'à sa mort, de manière très consciente.
Le principal but de mon travail est
d'essayer de transposer de manière adéquate
le roman biographique de cette Allemagne à
feu et à sang, dans une adaptation pour le
théâtre. Voilà ce qui m'intéresse. "
(Présentation de Nord au festival d'Avignon, 6-8 juillet 2007, propos
recueillis par J.F. Perrier, BC n°289).
* Bernard CAVANNA
(compositeur de musique) : " Entre 1995 et
2003, Ars Nova a joué une vingtaine
de fois ma pièce Messe, un jour
ordinaire, avec des ensembles vocaux
professionnels mais aussi amateurs. Je
voulais absolument créer A l'agité du
bocal avec eux.
Comment
vous est venue l'idée de mettre en musique A
l'agité du bocal de Céline ?
BC : J'avais au départ un peu de méfiance vis-à-vis de Céline, toujours
très sulfureux. Je suis venu à ses écrits
relativement tard, vers l'âge de 40 ans. Le
premier texte que j'ai lu était A l'agité
du bocal et j'ai ensuite lu pratiquement
tous ses textes pour essayer de cerner le
personnage, au-delà de son antisémitisme.
J'ai choisi de transformer A l'agité du
bocal en un style musical. Ce texte, qui
est une réponse à Sartre accusant Céline
d'avoir touché de l'argent des Allemands,
est une suite d'invectives. Il me paraissait
important que la douleur de Céline puisse
transparaître, que cette
œuvre ne se
limite pas à être drôle ou violente.
Pour quel
effectif avez-vous écrit ?
BC : J'ai souhaité
distribuer le texte à trois ténors : un
léger, montant jusqu'au contre-ut, un
presque verdien et un plus proche de la voix
de baryton. J'utilise ces trois voix
séparément ou simultanément, pour retrouver
une certaine forme de démesure. L'ensemble
comprend 18 musiciens, avec une couleur de
foire, de cirque. J'utilise notamment deux
cornemuses écossaises, un orgue de barbarie,
un cor de chasse...
(Propos recueillis par Antoine Pecqueur, Ars Nova, octobre 2012).
* Erik CHARRIER
(artiste peintre, Exposition " Des couleurs
pour Mort à crédit ", 40 huiles sur toile du
19 mai au 11 juin 2016) : " Adolescent, je
refusais de lire Céline. Pas faute d'y avoir
été invité. Mon voisin, ami d'enfance devenu
sympathisant du Gud, se montrait insistant,
endoctrinant. Deux raisons suffisantes pour
bouder l'écrivain. Je me devais d'ignorer ce
personnage raciste et pourvoyeur de haine. A
la trentaine, Jean-Pierre, mon pote
libertaire-communiste, éclectique, curieux,
chic type, prince de la tolérance et de la
rigolade m'adjura : " Toi, tu dois lire ça.
C'est, de loin, le meilleur du XXe ! "
Alors j'ai lu. Une
fois, puis deux. Alors j'ai ri, alors j'ai
plongé dans le puits de lucidité du
misanthrope de Courbevoie, du passage
Choiseul, de la butte Montmartre, de
Sigmaringen, de Klarskovgaard, de Meudon.
Alors j'ai relu, trois fois puis quatre. De
ces mots des images prenaient corps, de ses
phrases, de ses halètements, de ses pleurs,
ma terre (mon argile) s'est reformée,
remodelée. Je vis depuis sur une planète
mikado où se mêlent au génie, à la folie de
Céline, les pinceaux, le cœur et les pleurs
de l'observateur que je suis. "
(Erik Charrier, http://charrier-celine.weebly.com/.)
* Pierre CHENAL
(Pierre Cohen, réalisateur de films,
1903-1990) : " Je déjeune en 1985, avec
Pierre CHENAL. Il me raconte qu'il a lu
le Voyage au bout de la nuit dès sa
parution, en 1932. Son ami, le comédien
Robert Le Vigan, un pote de Louis-Ferdinand,
lui arrange un rendez-vous avec l'écrivain.
CHENAL voit déjà le film, il bande à
mort. Dès l'entrée, Céline gronde contre les
" youpins qui tiennent tout, y compris le
cinéma français " (ça annonce France la
Doulce de Paul Morand, Gallimard, 1934).
CHENAL la ferme.
Puis Céline désigne du
doigt son propre nez. Moi, CHENAL,
les youtres, je les renifle. Et de loin,
j'ai le pif pour ça. CHENAL explose :
" Céline, je m'appelle Cohen et je t'emmerde
". Il s'est levé et on n'en a plus parlé, du
film.
(Emile Brami, Céline et le cinéma, Les tentatives d'adaptation, Etudes
céliniennes n°4, 2009).
* Louis CHERVIN
(peintre de la Marine, montmartrois,
1905-1969) : " A Montmartre il connaît tout
le monde. Il fréquente particulièrement Gen
Paul et André Utter, le mari de Suzanne
Valadon, mais aussi Le Vigan, Marcel Aymé et
Céline qu'il a probablement rencontré chez
Gen Paul. Louis-Ferdinand Céline a donné à
CHERVIN le
surnom
de Chaunard, comme le Schaunard des
Scènes de la vie de Bohème. C'est sous
ce nom de Chaunard, mais aussi de Blérois,
que CHERVIN apparaît dans la version
B de Féerie pour une autre fois,
texte préparatoire au livre publié en 1952.
Céline écrit dans cet
ouvrage que chez Blérois/CHERVIN, "
toute la France y monte, l'étranger aussi...
ça les attire la Maison rose (où CHERVIN
habite avec sa femme, sa mère et son
frère)... c'est comme un bonbon pour les
mouches... ils arrivent là-dessus par
ribambelles, caravanes, cousins, cousines,
grand-mères, touristes, des huit points de
l'horizon... Blérois les attend, il leur
refile ses aquarelles... Ils repartent
heureux. Il travaille pas mal Blérois, enfin
dans son genre, dans le vif, troussé,
pittoresque... y a de la couleur, du tour de
main, ça égaye une salle-à-manger... ça peut
s'offrir, c'est frais à l'œil,
c'est une fleur qui dure en somme, en forme
de souvenir... "
(André Galland, BC n°224, oct. 2001).
* Maurice CHEVALIER (né
Maurice Auguste Chevalier, chanteur, acteur, écrivain, parolier, danseur,
imitateur et comique français, 1888-1972) : " Le 24 mars 1930, 65 rue Réaumur,
est inauguré le dispensaire Maurice CHEVALIER, créé avec les fonds
recueillis par l'artiste en Amérique. Céline dédicacera un exemplaire de
Voyage à Maurice CHEVALIER, " notre compagnon de route, bien
amicalement ". La Madelon de Voyage doit-elle son prénom au succès de
la chanson interprétée en 1918 par le chanteur ? Maurice CHEVALIER avait
fait la campagne de 1914 au 31e régiment d'infanterie et avait été grièvement
blessé.
Pendant l'Occupation allemande, maréchaliste au départ, il
vivra avec Nita Raya et protègera les parents de celle-ci, chantera une fois en
Allemagne dans le stalag où il avait été retenu prisonnier en 14, ce qui poussa
Pierre Dac à l'accuser de collaboration et lui valut d'être condamné à mort par
le journal Life Certaines chansons prêtaient à confusion, comme Ca
sent si bon la France et La Chanson du maçon. A la Libération, il
sera défendu par le Parti communiste et par Aragon lui-même. En 1946, il
commencera la publication de ses mémoires sous le titre Ma route, mes
chansons. "
(Eric Mazet, Spécial Céline N° 15, Céline en son temps 1930, p.12).
* Maurice CHEVALIER débarque aussi en rade de Tunis avec
Nita Raya pour présenter leur tour de chant dans un cinéma-music-hall. (...) La
conversation s'aiguille sur la littérature. On parle de Céline. CHEVALIER,
comme il dit lui-même, " n'a pas beaucoup d'éducation ", mais en revanche, il a
de la finesse et de l'intuition. La verve célinienne l'épate ; il dit des choses
justes et pertinentes sur l'impression de rogne que donne tout d'un coup
l'auteur du Voyage au bout de la nuit. " On sent qu'il serre les
mâchoires, qu'il s'emballe et qu'il ne s'arrêtera plus. La compagnie est divisée
sur ce sujet. En général les femmes réprouvent le langage de cet écrivain et
poussent des cris effarouchés.
Mais Maurice ne se laisse pas impressionner par les
arguments adverses. S'il s'agissait de Proust, passe encore. Mais la verve
populaire, l'argot usuel ou imaginaire, ça le connaît. Il est de la partie et il
défend très bien son opinion contre les assauts féminins.
(Céline dans Candide 1937-1944, La ville, Maurice Chevalier déjeune
chez Annibal, 10 mars 1938).
* José CORREA
(peintre, illustrateur et écrivain français)
: " Mes premières lectures après la BD :
Camus, cette lumière d'Afrique du Nord qu'il
me semblait
reconnaître.
Puis Giono, Miller, Vian, Poe, Beckett...
Epoque où je lisais goulûment. Céline
n'était pas présent dans mon entourage. Son
nom sonnait vieux,
pour les vieux... Un truc sur la guerre,
encore... La couve d'un Livre de Poche.
Reconnu au premier coup d'œil, un dessin de
Fontanarosa. La même patte que celle pour
L'Etranger de Camus. Mélancolie noire
qui en disait plus qu'une simple
illustration pour livre de poche. Céline :
Voyage au bout de la nuit. Evidemment
troublé par cette lecture. Pas saisi sur
l'instant l'énorme de l'œuvre. Au premier
regard, les mots, les phrases ne
s'enfilaient pas comme ce que je connaissais
déjà. Sans vouloir déchiffrer, je
m'attardais sur l'esthétique de chaque page.
Comme la visite d'un musée. Profiter de
chaque œuvre. Tout était différent : les
espaces, le rythme, une vraie partition.
Beau comme une partition.
Et je ne sais pas lire
la musique. La France en plein. Celle où
j'avais débarqué ma valise pleine de soleil.
L'atmosphère de ces familles glauques que
j'avais ressentie quelques années plus tôt à
l'écoute de Ces gens-là, la chanson
de Brel Tout y était. Aucune lumière, aucune
illusion. Ca se bouscule. Le tumulte jusque
dans ses silences. Avec des VZZZ ! des BROUM
! dans des bulles BD. Violence d'un enfant
qui raconte sa guerre. Au fil des lectures
se dessinait un homme assis. Sentinelle qui
voyait venir de loin avec une conscience
aiguë de l'humanité. Malin, geignard,
révolté toujours. Mais assis... "
(Spécial Céline, février-mars-avril 2013, propos recueillis par E. Cian-Grangé,
in D'un lecteur l'autre, Krisis, 2019, p.
251).
* Jean COSMOS
(de son vrai nom Jean Gaudrat, scénariste,
adaptateur de pièces de théâtre, écrivain) :
" Sont inadaptables, à mon avis, les
œuvres
littéraires très achevées. Proust, c'est pas
très facile. Céline, je ne vois pas comment
c'est possible. Ou alors, il faut que Godard
s'en empare. Mais comme sa propre grammaire,
ses propres tics, l'emporteront dans la
matière cinématographique sur ceux de
Céline, on verra du Godard.
Céline, il fait
vraiment partie des gens dont je pense que
le cinéma ne peut leur rendre qu'un seul
service : projeter aux entractes des cartons
" Lisez Céline " . Mais pas l'adapter ".
(Première, novembre 1996, Année Céline 1996, Du Lérot).
*
Elizabeth CRAIG
(la dédicataire du Voyage)
: " Il y a près de soixante dix ans, elle a
vécu une passion exceptionnelle avec un
homme qui privé de sa présence et de
sa
grâce, n'aurait peut-être pas écrit le
Voyage et réduit à l'insignifiance
d'immenses pans de la littérature
contemporaine (ce qu'on lui pardonne encore
moins que sa prétendue collaboration ou "
intelligence avec l'ennemi ").
Quelle femme, cette Elizabeth CRAIG ! Quel magnétisme. Elle a été
toutes les femmes dont Céline parle et
qu'elle n'aime pas... Avec quelque chose en
plus. Elle a été Lola, elle a été Molly, et
toutes les autres. Aujourd'hui elle a
quelque chose de la mère Henrouille, même
vitalité, même optimisme, même mépris de la
mort... 53 ans plus tard, à 86 ans
Elizabeth CRAIG reste encore intensément
liée à la littérature moderne, elle demeure
le témoin du mécanisme de la création
littéraire chez Céline. "
(Jean Monnier, Elizabeth Craig raconte
Céline, BLFC, 1988).
* Bernard CUPILLARD
: " En novembre le comédien Bernard
CUPILLARD a donné une lecture de
Casse-pipe à Givors, à l'Auditorium de
la Médiathèque municipale Max-Pol Fouchet.
La presse en a écrit ceci : " Pendant une heure trente l'acteur a réussi
à faire vivre sous nos yeux le " 17ème
régiment de cavalerie lourde ", nous
restituant à merveille cette langue très
forte qui dépeint la guerre dans ce qu'elle
a de physique, de violent et d'absurde.
Le public a tout
simplement été subjugué par cette lecture
qui témoignait d'une intelligence rare du
texte. "
(Le Dauphiné libéré, 5 décembre 1993).
*
DALIDA (Yolanda Cristina Gigliotti dite
DALIDA, 1933-1987, chanteuse et actrice
française) : " Si l'immeuble de la rue Lepic
est encore debout, l'appartement dans lequel
Céline a écrit Voyage au bout de la nuit et
quelques autres ouvrages n'existe plus en
tant que tel. Selon Laurent Simon, il aurait
été fusionné avec celui du quatrième étage
et l'ensemble racheté par... DALIDA, qui
vécut dans ce vaste duplex dont une entrée
privative donnait sur le 11 bis, rue d'Orchampt.
Si ce détail est à
vérifier, cet étrange télescopage artistique
entre le plus grand écrivain du XXe siècle
et la mythique chanteuse des années
1970-1980, ne laisse pas indifférent.
(David Alliot, Le Paris de Céline, Editions Alexandrines, janvier 2017,
p.118).
*
Rodolphe DANA
(comédien et metteur en scène coauteur
en 2002 du collectif Les Possédés) :
" C'est avant tout la découverte d'un style
qui m'a profondément marqué, jeune lecteur.
Je ne pensais pas qu'on avait le droit
d'écrire comme ça, avec cette brutalité
là... [...] Il écrit à un moment où la
littérature française ronronne. Après lui,
plus rien ne sera pareil. [...] Céline,
c'est quelqu'un qui a écrit ce qu'il a vécu,
tout se confond dans son écriture, le fond
et la forme, ce qui fait que quand je lis
son œuvre, j'ai
envie de la lire à haute voix. C'est ça
aussi qui m'a plu, ce n'est pas une écriture
qui s'apitoie.
C'est l'écriture d'un
homme qui est en révolte contre la
manipulation de cette Première Guerre
mondiale, d'un homme qui découvre
l'exploitation, l'esclavage en Afrique, la
naissance de l'industrialisation à New York,
du travail à la chaîne... Il est cet enfant
innocent plongé dans un monde coupable et
qui essaie de se débattre avec ça. "
(Julie HO HOA, La Montagne, 10 mars 2014, in Rétrospective du Petit
Célinien 2014).
* Jean-Gabriel DARAGNES (peintre,
illustrateur, imprimeur, 1886-1950) : " Il
n'y a pas de place dans notre société pour
ceux qui ne veulent pas jouer au jeu
que notre civilisation nous impose. C'est
pourquoi Céline, qui n'a pas voulu et ne
veut pas prendre place dans ce concert
absurde s'est heurté à une justice qui
rebondit sur un dossier vide, mais ne veut
pas tolérer tant d'indépendance.
Il est certain qu'un
des plus grands écrivains actuels, peut-être
le plus grand depuis Proust est menacé dans
sa santé, dans sa vie, dans son
œuvre pour avoir
été en rébellion contre une époque qui ne
tolère pas la liberté de penser. Quels
remords pour ceux qui auront frappé un homme
accablé sous les plus abominables menaces.
(Le Libertaire, 27 janvier 1950).
* Marcel DELANNOY
(compositeur, symphonie, ballet,
opéra-comique, opérette, concerto, chant,
musique de film, 1898-1962) : " Mon cher
DELANNOY, / Ne pourriez-vous pas une
bonne fois pour toutes penser français en
même temps que musique ? et laisser
Stravinski aux juifs et les moujicks nom de
dieu ! et tant pis pour vous ! / C'est à
vous d'en avoir ! Dépêchez-vous ! / Bien
cord / LF Céline /
Quand aurez-vous les
tripes racistes ? Délarbinisez-vous, foutre
! / Préparez-vous un concerto pour Litvinoff
?
(1938-1941), l'emportement verbal et la thématique obsessionnelle,
typiques de l'époque de L'Ecole des cadavres
et des années qui ont suivi, nous permettent
de proposer cette datation approchée, Année
Céline 1998).
*
Stanislas de la TOUSCHE (acteur,
comédien) : " Le président Sarkozy n'était
pas là. Pas plus que son ministre de la
culture Frédéric Mitterrand. Mais faute de
commémoration officielle, une soixantaine de
" céliniens " ont tenu à participer à une
cérémonie officieuse sur la tombe de
Louis-Ferdinand Céline, au cimetière de
Meudon, en ce 1er juillet 2011, cinquantième
anniversaire de la disparition de l'auteur
de Voyage au bout de la nuit.
A la sortie du cimetière, quelques proches se sont retrouvés dans le
jardin du 25ter, route des Gardes, le
pavillon où Céline vécut les dix dernières
années de sa vie et où réside toujours
Lucette. A travers la vitre de ce qui fut
jadis le bureau du génial romancier, on
devine, dans une grande cage, un perroquet,
Toto (qui a succédé au célèbre Toto évoqué
par Céline dans ses derniers livres).
Et puis soudain, alors
que chacun bavarde une coupe de champagne à
la main, monte du jardin la silhouette de...
Céline ! Même coiffure, même gibecière en
bandoulière, même traits émaciés.
L'assistance est saisie. L'homme s'approche
: " Bonjour, Stanislas de la Tousche, je
suis comédien, je vais présenter un
spectacle autour de Louis-Ferdinand Céline à
Avignon, en juillet. "
Nous aurons donc vu le fantôme de Louis Destouches à Meudon. Cela vaut
toutes les commémorations officielles. "
(Jérôme Dupuis, L'Express, 1er juillet 2011, à 16h).
* Lucienne DELFORGE
(pianiste internationale, écrivain,
1909-1987) : " Lucienne DELFORGE
était au centre de toutes les manifestations
mondaines. Pianiste, mais
aussi nageuse, escrimeuse, ancien capitaine
d'une équipe de basket-ball, critique
musicale, conférencière, écrivain, cette
femme avait toujours été d'une activité
prodigieuse. "
(François Gibault, Céline, Cavalier de l'Apocalypse, 1981).
* Dans son "
Céline, le voyeur voyant ", Buchet-Chastel,
1973, Erika Ostrovsky a tracé un parallèle
entre Lucienne et la Nora de Mort
à crédit : " Même Lucienne,
aux mains magiques, aussi douée sur le
clavier que sur les pics montagneux (...)
perfection de l'art et la grâce du corps et
dont le portrait (bien que prénommée Nora)
illuminerait le sombre manuscrit qu'il
écrivait alors : " Ils étaient terribles ces
doigts... Nora, elle jouait toujours son
piano en nous attendant... Elle chantait
même un petit peu... à mi-voix... Elle
s'accompagnait... un murmure... une petite
romance... On attendait qu'elle interrompe,
qu'elle chante plus du tout, qu'elle ferme
son clavier... "
(BC, n°249, janvier 2004).
* Gérard DEPARDIEU
(comédien) : " C'est Michel Audiard qui
a redonné sa chance à Jean Carmet. C'était
en 1969 ou 1970. Audiard, ça ne pouvait pas
mieux tomber
pour
lui. Ils étaient de la même race. Eux
partis, c'est une certaine France qui
disparaît, à mi-chemin des photos de
Doisneau et des romans de Céline. "
(Paris-Match, 5 mai, 1994).
* Vos auteurs
préférés ?
Céline et Marcel Aymé. Je pense qu'ils représentent l'esprit de tous les
Français. Ce que l'on n'ose pas dire.
L'écriture de Céline, c'est la ponctuation.Ça
s'écoute, c'est de l'oreille. Ce qui
m'intéresse dans le cinéma, c'est que je ne
décide de rien. Je ne sais pas comment on va
réagir avant et après l'action. L'acteur qui
est dans la lumière attaque toujours trop
tôt. Moi, d'abord, je sens, renifle.
J'attends les silences pour intervenir. "
(Extrait d'interview par Anthony Palou, Le Figaro, 28/03/2011).
* Franck DESMEDT
(comédien, directeur de théâtre et metteur
en scène, nominé Molière en 2016, Molière du
meilleur second rôle en 2018) : " L'amour
c'est l'infini mis à la portée des
caniches... " Chef-d'œuvre
de fulgurances, le voyage est une
véritable dissection sans concession de
l'âme humaine ; une recherche absolue de la
vérité faite de chair, de miasmes et de
sang.
Descendre dans l'âme.
Descendre toujours plus bas, toujours plus
profondément pour que, dans le noir absolu,
surgisse une lumière, douce, pénétrante,
inattendue... Voilà le pari de cette mise en
scène. "
En dépit de tous ces obstacles, Franck DESMEDT l'a fait !
Amoureux de Céline, il a lu et relu sa prose
rageuse et tragique pour en extraire un suc
aussi noir que brillant. L'espace d'une
heure sur la scène du théâtre de la Huchette.
(Théâtre de la Huchette, Voyage au bout de la nuit, Syma News, sept.
2018).
* Lorant DEUTSCH
(de son vrai nom Laszlo Matekovics, acteur
et écrivain) : " Dans un livre à paraître le
3 septembre prochain, Patrick Buisson et
Lorant DEUTSCH nous ferons revivre le
Paris de Louis-Ferdinand Céline. Classé en
catégorie " beaux livres " l'ouvrage
retracera, selon l'éditeur Albin Michel, "
les parcours insolites d'un
des plus grands écrivains du XXe siècle. Des
images rares ou inédites, des vues
contemporaines, des anecdotes surprenantes
et des citations choisies font revivre tout
un Paris disparu, ses figures, ses décors,
ses personnages et son langage. "
Infatigable arpenteur de la ville lumière, passager clandestin de ses
mondes souterrains, Céline est un romancier
de la modernité urbaine.
Cet album part à la
découverte de " son " Paris : au Passage
Choiseul, la Belle époque s'offre en
spectacle au jeune Louis-Ferdinand... A
Clichy, la banlieue " paillasson " aux
portes de la capitale, le docteur Destouches
fait son premier voyage au bout de la
misère... A Montmartre, poulbots, peintres,
écrivains et comédiens sont le théâtre
d'inspiration de Céline...
A Meudon enfin, l'écrivain maudit se retranche à la villa Maïtou avec son
perroquet et ses chiens, tel un clochard
misanthrope. Le DVD (Paris Céline) à
l'origine de ce livre était sorti en avril
dernier. Après Métronome, Lorant
DEUTSCH remet ça avec cette fois une
autre vision de la ville lumière, celle de
Céline. De quoi faire à nouveau rugir les
élus du Parti de Gauche ?
(Christophe Lings, Le Bréviaire des Patriotes, 18 juin 2012).
* Jacques DEVAL
(dramaturge et scénariste 1895-1972) : " La
rumeur courait depuis des décennies
Louis-Ferdinand Céline aurait
joué dans un film de l'entre-deux guerre.
Mais les recherches étaient restées vaines.
Jusqu'à ces derniers jours, où, tard au
Cinéma de Minuit sur France 3, un
célinien physionomiste croit identifier
l'auteur du Voyage au bout de la nuit
dans Tovaritch un film de Jacques
DEVAL sorti en 1935. Identification
confirmée par Marc Laudelout : c'est bien
Céline qui apparaît quelques secondes dans
l'une des premières scènes du film où on le
voit sortir d'une épicerie.
Jacques DEVAL,
célèbre auteur de théâtre des années trente,
un temps installé aux USA était un grand ami
de Céline, lequel habitera chez lui à
Beverly Hills en 1934, à l'époque où il
tentait de faire adapter le Voyage
par Hollywood. Cette apparition à l'écran
est donc un clin d'œil
amical. "
(BC n°316, février 2010).
* Léa DRUCKER
(actrice française) : " Je ne suis pas une
menteuse, mais je dissimule. Si, il y a une
chose sur laquelle je mens : quand on parle
d'un livre que je n'ai pas lu, je fais
semblant. Ça
vient d'un complexe lié au fait de ne pas
avoir fait beaucoup d'études. pendant des
années j'ai prétendu avoir lu Voyage au
bout de la nuit.
Lorsque je l'ai
finalement fait, ça été pour moi un
évènement majeur. Mais je me souviens de
moi, dans des dîners : " Ah oui, Voyage
au bout de la nuit ! "
(Léa Drucker, Marie Claire, 7 février 2018, dans Spécial Céline n°28,
avril-mai-juin 2018).
* Jean DUBUFFET
(peintre, sculpteur et plasticien 1901-1985)
: " Je ne sais si Céline ressent ou non de
la méfiance pour les juifs et de l'estime
pour les Allemands (il
ne serait pas le seul) ni si de telles
opinions se trouvent dans ses écrits - ses
très admirables écrits - clairement
énoncées. Je voudrais qu'on ait, dans notre
pays, quand on éprouve de la méfiance ou de
l'estime pour qui que ce soit, le droit de
le dire. Céline est un des plus merveilleux
poètes de notre temps. L'exil très pénible
auquel l'ont obligé depuis tant d'années des
factions françaises est tout à fait
affligeant. Il faut y mettre fin. Il faut
l'absoudre complètement, lui ouvrir grands
tous les bras, l'honorer et le fêter comme
un de nos plus grands artistes et un des
plus fiers et incorruptibles types de chez
nous. Nous n'en avons plus tant. "
(Le Libertaire, 20 janvier 1950, Année Céline 1992).
* " Je tiens Céline
pour un génial inventeur, un poète...
d'ampleur considérable, pas seulement à mes
yeux le plus important de notre temps, mais
de plusieurs siècles qui forment les temps
modernes, une des plus grandes charnières de
l'histoire de l'écrire. "
(Cahiers de l'Herne n° 5, 1965).
* André DUNAND :
" André DUNAND, qui n'a pas vocation
littéraire, ne s'y est pas trompé, en
cherchant l'émotion avant tout : le
Voyage est poème autant
qu'épopée
où l'on pleure et l'on rit comme au
cinéma, où la poésie ne s'oppose au réel
mais chante la vie de tous les jours.
L'émotion n'est pas un sentiment mièvre pour
Céline, mais ce qui nous transporte au cœur
même de la vie. L'ultime étape du pèlerinage
de DUNAND est New York, cette ville "
raide à faire peur " comme le pratique,
l'or, la logique.
Le spectacle s'achève
sur l'évocation de la tendre Molly, et
André DUNAND a le bon goût de ne pas
parler à sa place, laissant le spectacle
libre d'imaginer la voix de ce rare idéal
féminin : " La vie vous force à rester
beaucoup trop souvent avec des fantômes.
Pour la quitter il m'a fallu certes bien de
la folie et d'une sale et froide espèce.
" Comment mieux exprimer que Céline était de
ces hommes pour qui vivre sans misère
constitue une trahison, pour qui les hommes
ont plus la couleur de leurs songes que de
leurs idées ? "
(Eric Mazet, l'Extraordinaire épopée de Louis-Ferdinand Bardamu, Le
Roseau Théâtre, 27 février au 5 mai 1990).
* Pierrette DUPOYET
: Pierrette DUPOYET a su éviter les
écueils. Elle nous explique - en femme, en
mère - l'erreur des hommes, avec émotion,
conviction. Voix dramatique, voix
pathétique, elle communique espérance et
désespoir. Seule face au monde elle devient
Semmelweis cherchant à démasquer la
mort. Pierrette
DUPOYET danse la ronde infinie de la
mise au monde. Extrême pudeur, énorme
présence. Quelle trouvaille que ce cordon
ombilical qui n'en finit pas de sortir de
son ventre !
En donnant une voix et
des gestes aux mots, Pierrette DUPOYET
sut faire partager l'admiration de Céline
pour l'intuition de Semmelweis. Et
les applaudissements enthousiastes nous le
prouvèrent après la conclusion dite par
Daniel Ivernel : " Demain l'audace bruyante,
vite épuisée, ne sera plus d'aucun prix, il
faudra pour être vraiment fort respecter la
vie, et c'est, en réalité, le propre des
femmes qui anticipent dans le monde actuel
les destinées de l'avenir. " Leçon qui
n'avait pas été oubliée. " La femme est
l'avenir de l'homme... "
(Eric Mazet, Semmelweis, Avignon, 1991).
* Jacques DUTRONC
: " Ma première grande découverte a été
Céline, Mort à crédit et Voyage au
bout de la nuit, mais aujourd'hui
encore, je suis incapable d'expliquer mon
engouement pour ces livres. "
(Lire, janvier 1984).
* J'ai découvert
Céline avec Voyage au bout de la nuit
ou Mort à crédit, je ne me souviens
plus. Je l'ai lu pour la première fois à
Saint-Cast, en Bretagne. Un mec m'avait filé
ça à lire, parce que je ne lisais pas
grand-chose. Alors lorsqu'on ne lit pas
grand-chose, justement, ça rentre dans la
gueule. La
ponctuation, déjà... Et par la suite, sa
femme danseuse, Lucette m'a écrit. Elle
m'envoyait régulièrement des cartes postales
pour me dire que j'étais le seul acteur
capable de jouer son mari si un jour un film
se faisait.
Je ne l'ai jamais
rencontrée, je ne suis jamais allé à Meudon
! Plus tard, elle ne pouvait plus écrire,
donc c'était ses copines, qui devaient avoir
90 ans, qui rédigeaient ses lettres pour
elle. J'étais très flatté, mais rien ne
s'est fait. Je ne vois d'ailleurs pas trop
comment il serait possible d'adapter un
livre de Céline au cinéma.
(Le Figaro-Magazine, vendredi 17 et samedi 18 novembre 2023)).
* Pierre DUVERGER
(photographe, acteur, éditeur, 1920-1992) :
" On doit à ce grand professionnel les plus
belles photographies couleur de Céline. " Je
l'ai rencontré j'avais une vingtaine
d'année, en 1943, au marché aux poissons de
St-Malo. Requis, la même année pour le STO,
c'est grâce à Céline que j'y échappa. En
quelques jours, j'avais des papiers tout ce
qu'il y a en règle qui me permirent de
rester à Montmartre jusqu'à l'arrivée des
alliés. Je lui dois une grande
reconnaissance mais je ne suis pas le seul.
"
L'homme était courageux
et ferme dans ses convictions : il raconte
les propos tenus par Céline, dans sa
cuisine, à Meudon, alors qu'il l'aidait à
éplucher des pommes de terre : " Dans
quelques générations, la France sera
complètement métissée, et nos mots ne
voudront plus rien dire. Que ça plaise ou
non, l'homme blanc est mort à Stalingrad. "
(Photo Duverger, BC janvier 2004).
* Julien DUVIVIER
(réalisateur, scénariste et producteur
français des plus importants, 1896-1967) : "
Nous apprenons sans enthousiasme que le
Voyage au bout de la nuit, de Céline
serait porté à l'écran. Il semble bien même
que la chose ne fasse plus de doute. Alors
qu'il se rendait à New York, au mois de
juillet dernier, Céline faisait à bord du
Champlain, la connaissance de Julien
DUVIVIER.
Celui qui mit en scène
Poil de Carotte et Céline
sympathisèrent. DUVIVIER prit
aussitôt une option et intéressa un groupe
de financiers à l'affaire. Dès qu'il aura
terminé la réalisation de Maria Chapdelaine,
Julien DUVIVIER tournera le Voyage
au bout de la nuit. "
(Gazette de Lausanne, 24 septembre 1934, journal des débats politiques
et littéraires, in site d'Henri Thyssens sur
R. Denoël).
* Leny ESCUDERO
(auteur, chanteur, compositeur, interprète)
: " Céline a écrit des livres ignobles, mais
Mort à crédit et le Voyage, ça
a été un choc. "
(Libération, 21 avril, 1994).
* Moi, quand j'ai lu
Céline, c'était quelqu'un qui écrivait comme
je hurlais dedans. Ça
a été un éblouissement dans ma vie, Céline.
"
(Itinéraire, Autoportrait, 2007, E. Mazet, Spécial Céline n° 7).
* Françoise FABIAN
(comédienne, artiste, de son vrai nom
Michèle Cortes de Leon Fabienera) : "
Pendant les répétitions du " Pirate ", je me
suis liée d'amitié avec ma
partenaire
Judith Magre, qui m'apprit qu'elle faisait
du yoga chez Lili, l'épouse de Céline à
Meudon. Piquée par la curiosité, je décidai
de l'accompagner... J'avouai à Céline que je
n'avais pas lu ses livres. -
Ça viendra,
disait-il. Vous êtes un peu jeune. Les
livres c'est comme les histoires d'amour. Il
y a des âges pour certains amours et des
âges pour d'autres. J'ai souvent remarqué
que les gens intelligents savent écouter les
autres. Ce sont les imbéciles qui sont
inattentifs.
Céline m'écoutait et m'interrogeait parfois. Je lui racontais mes
rencontres, mes amours et mes découvertes.
Nous buvions du café au lait. Des fils
tendus nous servaient à accrocher avec des
pinces à linge les dernières pages qu'il
avait écrites.
Je suis allée une
dizaine de fois chez lui. Il m'a dédicacé
Nord. Un après-midi, nous avons pris un
train qui allait de Meudon à Clamart, ou à
Sèvres, puis un autobus jusqu'à Paris. Le Dr
Destouches allait rendre visite à un ami à
Montmartre. J'ai fait tout le voyage avec
lui. Il avait la tête des photos, un visage
buriné et pensif, une dégaine de SDF. Il
était parti en pantoufles, vêtu d'un
pull-over troué, avec une ficelle en guise
de ceinture et un stéthoscope pendu à son
cou. "
(In Le Temps et rien d'autre, Ed. Fayard, 2006, Télérama Hors-série,
2011).
* Léo FERRE
(auteur-compositeur-interprète, pianiste et
poète, 1916-1993) : " Le
voyage, c'est extraordinaire ! Ca a été un
gros choc ! j'y ai pris un plaisir inouï,
parce que c'était la première fois qu'on
pouvait lire des phrases pareilles, des mots
aussi bien agencés. J'avais seize ans,
j'étais en deuxième et j'avais un ami qui a
beaucoup fait pour moi, parce qu'il était
plus âgé que moi d'une dizaine d'années. Il
me parlait de tas de choses, et il m'avait
dit, dès sa parution : " Léo lis ça, c'est
le bouquin ! "
J'ai acheté ça et puis
je l'ai pris avec moi. Je me rappelle, je
l'ai lu à la messe, en coupant les pages, et
en le mettant dans le livre de messe ! Parce
que sinon, je ne pouvais pas le lire !... un
livre comme ça on ne me l'aurait jamais
laissé lire. C'est le chef d'œuvre de la
littérature du 20ème siècle... "
(Dans Vous savez qui je suis, maintenant ?, recueil d'entretiens publié
par La Mémoire et la mer, 20 février 2010).
* Luc FOURNOL
(photographe, 1931-2007) : " Quand je me
suis lancé dans une carrière de photographe
professionnel, c'est mon ami Arletty qui m'a
aidé à mes
débuts. Un jour, elle me propose - avec son
inimitable accent des faubourgs - de
l'accompagner chez Céline : " Viens avec moi
on va voir Ferdine à Meudon, tu pourras
l'photographier. " J'étais pour le moins
dubitatif.
En 1958, Céline sentait
encore le soufre... Comme tout le monde (ou
presque), j'avais lu Voyage au bout de la
nuit que je trouvais formidable, mais à
l'époque, et pour l'opinion publique, il
restait l'auteur de Bagatelles pour un
massacre... Pour un photographe de
stars, franchement, il y avait beaucoup
mieux que Céline ! "
(Propos recueillis par David Alliot, 13 janvier 2006).
* En octobre et
novembre, Luc FOURNOL, qui fut durant
trente-deux ans photographe à Jours de
France, exposa à la Galerie Laurent
Teillet-Laurent de Puybaudet Paris),
quelques clichés de célébrités dont Céline
et Arletty qu'il photographia en 1958 à
Meudon. " Céline, c'était un type tellement
introverti, que, seule, Arletty arrivait à
le dérider. Il suffisait de les réunir... "
(BC n° 89, janvier 1990).
* Igor FUTTURER
(comédien, metteur en scène) : " Et en y
réfléchissant, bingo !, j'ai compris
immédiatement qu'il n'y avait qu'un texte
qui correspondait à mon état du
moment
et qui se prêtait à cet exercice : c'était
Entretiens avec le professeur Y de
Louis-Ferdinand Céline. Pour le retour en
arrière d'une langue retranscrite de l'oral
à l'écrit et qui repasse à l'oral je passe
la main aux comédiens car la tâche est
ardue.
J'ai une passion pour
Céline par rapport à l'écriture dont j'ai
fait une lecture " panachée ". J'ai voyagé
en fait dans l'œuvre
de Céline, de Voyage au bout de la nuit
aux Entretiens puis à Nord à
Mort à crédit sans tenir compte de la
chronologie. C'est une
œuvre forte au niveau de style, ce
qui, pour moi, est capital. Un style que
l'on retrouve chez Michel Audiard, chez
Frédéric Dard, chez Alphonse Boudard et tant
d'autres qui l'ont transcrite d'une façon
plus perverse et moins honnête. [...] Je
pense que la façon que j'ai retenue, amener
sur le métro, embrasse la pensée célinienne
et je pense avoir trouvé le système de
convergence par rapport à ce qui est l'idée
du regard social de Céline dans sa technique
de captation de l'oral et sa volonté de
retranscription stylistique sur l'écrit. "
(Théâtre Clavel, La Nord-Sud, d'après Entretiens avec le professeur Y,
BC n°309, juin 2009).
* Jean GABIN
(Jean-Alexis-Gabin Moncorgé, acteur,
1904-1976) : " En 1967, Michel Audiard
profita de ses retrouvailles avec Jean
GABIN (NDLR : scénario et dialogues du
film Le Pacha de Georges Lautner)
pour lui reparler de son cheval de bataille
: Céline.
Cette fois, plus
question de s'attaquer au Voyage au bout
de la nuit, puisque ses précédents élans
s'étaient englués dans la déconfiture, mais
Mort à crédit, ce qui n'était pas
beaucoup plus aisé. L'acteur donna son
accord de principe, sachant que cela
aiderait à trouver le financement. "
(Philippe Durant, Michel Audiard, la vie d'un expert, 2001).
* Abel GANCE
(réalisateur, scénariste et producteur de
cinéma, né Abel Eugène Alexandre Perthon,
1889-1981) : " Une autre grande
œuvre littéraire
convoitée depuis
longtemps
par les cinéastes mais jamais portée à
l'écran est le Voyage au bout de la nuit
de Louis-Ferdinand Céline. Michel Audiard,
Rémo Forlani, Sergio Léone s'y sont
intéressés tour à tour sans parvenir à
convaincre un producteur, et surtout Madame
Lucette Almanzor, la veuve de l'écrivain.
Dès la parution du
livre, en 1932, un projet avait failli voir
le jour, celui d'Abel GANCE.
Enthousiaste, Céline avait écrit lui-même
l'adaptation. Celle-ci existerait toujours
mais serait la propriété d'un particulier
qui en a hérité et ne veut pas s'en défaire.
Comme beaucoup d'autres, ce projet d'Abel
GANCE ne vit jamais le jour faute de
trouver un financement. Faute aussi de
trouver l'équivalent visuel de ce que Céline
appelait son " gros tambour mortuaire " :
une musique, une émotion... "
(Présent, 24 février 1984).
*
GEN PAUL
(Eugène Paul, dit Gen Paul, peintre
expressionniste, 1895-1975) : " Popol
c'est un vieux Montmartrois, il est pas venu
de sa Corrèze, pour découvrir le
maquis. Il a été préconçu dans les jardins
de la Galette, un soir de 14 juillet, c'est
le Montmartre " de ses moins de neuf mois ".
Alors c'est un " pur de pur ". Je sais qu'il
aime bien le bourgueil, je lui en monte un
petit flacon, question de le mettre en bonne
humeur. Je veux qu'il me cause ! Il est
peintre, c'est tout vous dire, au coin
de l'impasse Girardon.
Il barbouille quand il
pleut pas trop, quand il pleut trop, ça
devient trop sombre dans son atelier. Quand
il fait beau par exemple, on est alors bien
mieux dehors, sur le banc de l'avenue Junot
à regarder les petits oiseaux, les petits
arbres comment qu'ils poussent, qu'ils se
dépêchent pour pas crever du mazout. On
prend le soleil comme des vieux piafs. "
(Bagatelles pour un massacre, p. 56).
* Francis GIACOBETTI (photographe) : "
Les premières photos que j'ai faites dans ma
vie étaient des photos des personnages de ce
siècle.
La toute première photo, c'était celle de Céline. Après il y a eu Camus. "
(Infomatin, 21 décembre 1994).
* Jean-Luc GODARD
(cinéaste franco-suisse, réalisateur,
scénariste, dialoguiste) : " C'est le seul
film que je regrette de ne pas avoir fait.
Il y a des films que j'ai refusés et qui ont
marché, mais pour ceux-là je n'ai aucun
regret puisque je n'avais pas envie de les
faire. Michel Audiard tenait
beaucoup au Voyage au bout de la nuit,
le projet était parti de lui. C'est mon
livre de chevet, j'adore ce livre. "
(Philippe Durant, Michel Audiard, la vie d'un expert, 2001).
* " Jean-Luc
GODARD revient sur l'origine du titre de
son long métrage, " Pierrot le fou ", c'est
un surnom d'abord parce que le personnage
principal que joue Belmondo s'appelle
Ferdinand. Je l'ai appelé Ferdinand en
souvenir de Louis-Ferdinand Céline car
l'aventure de ce Ferdinand-là est une sorte
de voyage au bout de la nuit. Et c'est la
fille avec qui il est qui s'entête à
l'appeler Pierrot, et du reste, ils font pas
mal de folies, d'où le titre Pierrot le fou.
C'est Pierrot et Colombine aussi. Pour moi,
c'est un film sur la vie. La vie est noire
et rose.
(Panorama, magazine de cinéma se rend le 18 juin 1965 sur la côte
varoise où se tourne le dernier film de
Godard, Pierrot le fou).
* Florence GOULD
(née La Caze, femme de lettres américaine
qui épousa le milliardaire Frank Jay Gould,
1895-1983) : Céline emprisonné au Danemark
écrit à l'avocat
Thorvald
Mikkelsen se souvenant qui pourrait
œuvrer en sa
faveur. " Cette hurluberlue (pas tant que ça
!) a subventionné à Paris le Grand Institut
prophylactique du Dr Vernes (dont elle était
la maîtresse). Vernes lui-même très riche.
Elle chasse dans le génie. Que pourrait-elle
pour moi en ce moment ? Elle s'est
énormément compromise avec la Lufwaffe - où
elle comptait au moins 3 jeunes amants elle
était chez elle à la kommandatur - mais bien
entendu elle travaillait aussi pour le "
Secret Service ", etc...
[...] mais elle
pourrait en Amérique décider de hautes
personnalités artistiques, littéraires,
bancaires, politiques même à se joindre à la
croisade que cet avocat américain veut
déclencher en ma faveur. La première tâche
est de la retrouver. Elle vit à Paris -
Avenue de Messine - (Avenue du Bois) ou à
Cannes avec son mari (à peu près gâteux)
elle possède d'immenses propriétés sur la
Côte d'Azur - ou à Long Island - New York...
Je vais mettre mon bon ami le Dr Jacquot sur
la piste de cette cocotte. Il va la repérer.
Ensuite nous engagerons la correspondance. "
(Lettres 2009, à Thorvald Mikkelsen, 7 déc. 1946).
* Sacha GUITRY
(comédien dramaturge, metteur en scène de
théâtre, réalisateur et scénariste,
1885-1957) : " Mon cher ami, / Attention aux
exactitudes. GUITRY n'a jamais été
sali par la France au travail ni par
La Gerbe - il en était au contraire
chéri. Il a été accusé de Juiverie par le
Pilori et le journaliste du Pilori
a été sommé par la Propagandastaffel
d'aller présenter ses excuses à GUITRY.
GUITRY fit d'ailleurs sur cette circonstance - entrevue avec son
diffamateur - un article triomphant dans la
France au Travail d'Oltramare, GUITRY
fut l'un des premiers collaborateurs de la
France au Travail. Blablabla du reste !
assidu de l'ambassade etc... adulé par les
Abetz !
Ceci dit son livre est
excellent et je l'applaudis des 2 mains !
Mais si l'on vient aux précisions - je
deviens plus chatouilleux... Sur les
origines juives ou pas de GUITRY, le
doute subsiste. Il s'est vanté d'origines
nobiliaires sous l'Occupation, de sang bleu.
J'ai entendu mille choses. Rien de précis.
Il a été fabriqué par les Bernheim marchands
de tableaux. Cela est sûr il est leur enfant
adoptif (il n'en parle plus guère).
Ils lui ont monté son théâtre. Les écrits de
GUITRY sont tendancieux, lacunaires.
Eh foutre il a bien raison ! Il se défend
comme il peut. Parfaitement... / Votre bien
amical / L.F.C. "
(Lettre à Charles Deshayes du 21 avril 1949, Lettres, Pléiade 2010).
* Adèle HAENEL
(actrice, égérie du cinéma d'auteur) : "
Quand il s’agit de Céline,
Adèle Haenel sait très bien séparer
l'œuvre de l'artiste. Dans une interview
donnée à Télérama en 2014, l'actrice
déclarait que Louis-Ferdinand Céline était
son " auteur préféré ". Ce 28 février 2020,
à l'annonce du prix du meilleur réalisateur
remis
à Roman Polanski, la stupeur a frappé la
salle Pleyel, où se déroulait la cérémonie
des César. La maîtresse de cérémonie,
Florence Foresti s'est dit " écœurée " par
un tel choix, et l'actrice Adèle Haenel
a décidé de quitter les lieux, en criant
sa " honte ". Honte de voir remettre un prix
récompensant une œuvre artistique à un
réalisateur accusé et condamné pour viol.
«
J’aime beaucoup Louis-Ferdinand Céline »
Seulement, dans
une interview donnée à Télérama en
2014 (à 7'20 dans la vidéo), en marge du
Festival de Cannes, la même actrice, alors
âgée de 25 ans, semblait plus encline à
séparer l’œuvre de l’artiste. Au journaliste
qui l’interrogeait alors, elle déclarait :
« J’aime beaucoup
Louis-Ferdinand Céline. Enormément. C’est,
je pense, maintenant, mon auteur préféré ».
Elle était alors capable de faire la
différence entre Céline le romancier, et
Céline l’antisémite.
(valeurs actuelles.com, mardi 3 mars 2020).
* Johnny HALLYDAY
(de son vrai nom Jean-Philippe Smet,
chanteur, compositeur, acteur, 1943-2017) :
" Marc-Edouard Nabe relatera la rencontre
entre Lucette et Johnny HALLYDAY,
l'idole des jeunes, ainsi que celle de
Bernard-Henri Lévy - ce qui est plus
surprenant - lors d'un cocktail, au théâtre
des Amandiers, qui faisait suite à la
première de l'Eglise.
(Madame Céline, David Alliot, Tallandier, janvier 2018, p.311).
* " Un soir du
15 juin, on était derrière la maison, tout
en haut du terrain, avec les chiens. Nous y
parvenaient les effluves sonores de
Johnny HALLYDAY, qui sonnait ses 50 ans
dans un méga-concert au parc des Princes.
Elle : " Pour jouer Céline au cinéma, il
serait bien, lui... votre ami le chanteur.
Il a le même genre d'allure un peu...
western et le regard... Clint Eastwood ne
serait pas mal non plus. Des anges nous
effleurent dans le ciel de Meudon avec le
grand Johnny pas loin, qui rugit
jusqu'à nous. "
(Interview de J.F. Stévenin, Télérama H-S, 2011, in Madame Céline, D.
Alliot, janvier 2018, p.314).
* Françoise HARDY
(chanteuse, auteur compositeur interprète) :
" Le style et l'univers de Céline me
causèrent un choc indicible. Je dévorai
Mort à crédit et Voyage
au
bout de la nuit qui, étrangement, me
firent penser à Jacques Dutronc, avec lequel
ma relation venait de commencer. Comme si
ces deux êtres hors normes appartenaient
plus ou moins à la même famille.
La misanthropie de l'auteur ou son besoin irrépressible de provoquer, de
transgresser, de choquer, évoquaient-ils
l'homme de ma vie ? Pas seulement.
Depuis, j'ai lu
beaucoup de choses sur le sulfureux et
néanmoins génial Céline, j'ai même dîné avec
sa veuve dans leur maison de Meudon, mais à
l'âge où l'on préfère la relecture des
chefs-d'œuvre
qui ont ponctué l'existence à la découverte
des auteurs contemporains que leur
prolificité rend suspects, je n'ai jamais pu
relire les livres évoqués, dont l'univers
trop noir m'indispose. "
(Avis non autorisés, Equateurs, 2015, dans BC n°374, mai 2015).
* HERGE (né
Georges Prosper Remi, auteur belge de bandes
dessinées francophone, 1907-1983) : "
HERGE aurait puisé certains jurons du
capitaine Haddock dans un
pamphlet
antisémite de Céline. Emile Brami a confié
la primeur de ses recherches au magazine
Lire qui l'a interviewé pour son numéro
de l'été. Tous les jurons de Haddock relevé
dans l'album " Le crabe aux pinces d'or
", sur les 35 restant, 14 se trouvaient dans
Bagatelles pour un massacre. "
L'auteur reconnaît
toutefois, qu'on ne sait pas si HERGE
a lu " Bagatelles pour un massacre ".
Mais, relève-t-il " dans les années 30, il
évoluait dans une mouvance très à droite,
naturellement antisémite, qu'un tel livre ne
pouvait pas choquer. " Emile Brami affirme
que son " but n'est en aucun cas de détruire
le mythe " Tintin. " Au terme de mon
enquête, je ne possède aucune certitude
absolue mais je dispose d'un extraordinaire
faisceau de présomptions. Comment imaginer
que trois générations de Français ont
peut-être appris à lire à leur insu dans le
pamphlet antisémite du siècle ?
(Lire, Entretien avec E. Brami, été 2004).
* Francis HUSTER
(acteur, metteur en scène, réalisateur et
scénariste) : " Je suis très attiré par
Guitry et par ce qu'il a représenté dans la
littérature. J'aimerais bien comprendre
pourquoi cet homme, tellement aimé du
public, est aussi tellement sous-estimé.
Si on cherche
l'inverse de Guitry, on trouve Céline. "
(Le Parisien, 15 janvier 1994).
* Daniel IVERNEL
(acteur, 1920-1999) : " Ces deux paumés sont
en fait des personnages très forts. Tout
comme cette Molly, putain au grand coeur
qu'il croise dans un bordel de Détroit. La
langue de Céline est superbe, ses formules
d'une actualité étonnante. Toutes les
générations sont capables d'être touchées.
Beaucoup de contemporains d'ailleurs, l'ont
lu et en ont subi l'influence. J'ai fait la
mise en scène en pensant au travail de
Marcel Marceau.
Il ne fallait presque
rien, le verbe, des projecteurs, quelques
déplacements. Mais c'est un gros travail. Un
travail d'équipe où Eve Bricaire, Saudray et
moi-même avons passé quasiment six mois pour
bien choisir et ajuster les textes. Si nous
sommes mauvais, nous n'avons pas d'excuse. "
(Colère et tendresse de Daniel Ivernel et L-F. Céline, Théâtre le Petit
Montparnasse, 10 septembre 1991).
* Roger-Lazare
IGLESIS (réalisateur à la télévision
française) : " Céline était un homme amer,
triste, qui avait l'air d'un clochard, des
yeux clairs, lumineux, une voix traînante à
l'accent parigot : un jour que je lui
parlais du style en général, il lève les
bras au ciel en disant :
- " Un style, monsieur,
il n'y en a qu'un par génération ! " - Sans
doute pensait-il au sien. "
(La Montagne, 22 août 1994).
* George JEAN (courtier
en tableaux) : " C'est vers 1933 que
George JEAN fit la connaissance de
Céline, dans l'atelier du peintre Gen Paul,
à Montmartre. C'est sur le
conseil de Paraz qu'il rendit visite à
Céline. Il a relaté cette rencontre : "
Quand je l'ai revu, il avait l'air d'un
aviateur anglais. - George, tu tombes
bien, tu vas m'aider,
me dit-il. - Il était juché sur une échelle,
occupé à accrocher, avec des fils de cuivre,
des petits morceaux de lard dans les
branches, pour les mésanges... Ensuite, il
m'a proposé du thé.
C'est alors qu'il m'a
dit : - George, je te remercie pour
les journaux que tu m'as envoyés au
Danemark. En février, je lui avais rendu une
autre visite. C'est alors que je lui avais
demandé une consultation car je toussais
beaucoup. Céline était farouchement contre
la cigarette. Je possède encore l'ordonnance
qu'il m'avait établie. Je me souviens lui
avoir donné dix francs. Il a refusé. En
1954, le tarif était cinq francs cinquante.
Il n'a pris que ça... "
(18 mai 1954, Entretien recueilli par Régine Longobardi).
* Karen Marie JENSEN
(danseuse étoile) : " Darling Karen,
/ Il ne faut pas vous soucier à ce point. Je
vous aime bien Karen et vous aimerai
toujours. Seulement à
votre
arrivée à New York vous êtes devenu folle
comme cela vous arrive de temps en temps.
Votre jolie nature féminine et au surplus
artistique vous rend alors soudain tout à
fait méchante pour les vieux affectueux dans
mon genre et vous me faites alors beaucoup
de chagrin.
[...] Vous parlez de
gaîté, je ne connais rien de plus déchirant,
de plus sinistre que l'Amérique, ce pays
absolument dépourvu de vie profonde dès
qu'on cesse de s'y exciter et qu'on commence
à y réfléchir - d'où l'absolue inexistence
de tout ce grotesque " Art circle " - des
gens qui ne soupçonnent même pas le point
sensible, organique de la naissance des
choses. Une impuissance spirituelle inouïe.
Un lyrisme de Galeries Lafayette - des
enthousiasmes d'ascenseur. L'âme pour eux
c'est un trombone à coulisse et qui brille.
Plus on a de projecteurs dessus et plus on
est amoureux - une totale inversion,
perversion, dépravation de toutes les
mystiques. Une nation de garagistes ivres,
hurleurs et bientôt complètement Juifs /
Votre vieux / Louis. "
(Lettre, 7 février 1935, dans Lettres Pléiade 2010).
* Marcel JULLIAN
(dialoguiste, écrivain, réalisateur,
1922-2004) : " Céline est avec Rabelais
l'écrivain le plus considérable car ils ont
violé la langue française. Ils ont utilisé
savamment, simplement et courageusement la
langue-mère en y introduisant des audaces,
des néologismes.
Ce sont les deux
écrivains qui ont le plus fait avancer la
langue en la décorsetant. La langue la plus
inventive de l'écriture française du XXe
siècle est celle de Céline, et aussi de Mac
Orlan. Ils ont préparé le cinéma, le
dialogue... "
(Nous étions des gens libres, L'Opinion indépendante, Toulouse).
* Sarah KALISKI
(artiste peintre belge) : " Etrange
fascination exercée par Céline sur ceux qui
ne l'aiment pas pour des raisons parfois
bien compréhensibles. Ainsi, on annonce un
livre de Sarah KALISKI, artiste juive
(sœur du
dramaturge belge René Kaliski), meurtrie
très jeune par la perte des siens durant la
Seconde guerre mondiale. - " Quel est ton
nom petit ? Louis-Ferdinand Céline. "
Cette
œuvre, à la fois
graphique et littéraire, se présente comme
un portrait fantasmé de Céline. Sarah
KALISKI porte sur lui, nous dit-on, " un
regard amoureux et violent ", parvenant à
dépasser sa " douleur pour exalter le génie
d'un créateur. "
(Quel est ton nom petit ? Louis-Ferdinand Céline, Fata-Morgana, 2005).
* Anselm KIEFER
(sculpteur et peintre allemand) : " Le prix
de la paix des libraires allemands va être
décerné pour la première fois de son
histoire à un sculpteur et
peintre, l'Allemand Anselm KIEFER,
grand admirateur de l'œuvre
de Céline. Un des plus prestigieux prix
décernés en Allemagne, il lui sera remis le
19 octobre 2008 à la fin de la foire du
Livre de Francfort, en l'église Paulskirche.
Anselm KIEFER,
âgé de 63 ans, vit à Barjac, près de
Nîmes. Il avait été choisi, en 2007 pour la
première exposition Monumenta au
Grand Palais de Paris. Il y avait crée une
composition monumentale en hommage à
Louis-Ferdinand Céline et son Voyage au
bout de la nuit. Lors d'un récent
entretien à Paris avec Serge Lemoine,
président du Musée d'Orsay, KIEFER a
réaffirmé son admiration pour Céline, qu'il
a lu à l'âge de dix-huit ans déjà, et dont
ce qu'il appelle la " logique du pire " a
fortement influencé son
œuvre. "
(Claude Haenggli, BC, juillet-août 2008).
* Emir KUSTURICA
(cinéaste, acteur et musicien serbe,
également de nationalité française) : " Mon
livre favori, c'est Voyage au bout de la
nuit. C'est un livre qui reprend
l'héritage de la littérature du début du
siècle, avec des auteurs comme Joyce ou
Proust, mais dans une forme que je trouve
plus abordable. C'est un roman
fondamentalement sérieux dans les
descriptions et les observations, mais avec
toujours une sorte de cynisme que j'adore.
J'ai découvert
Voyage au bout de la nuit à l'âge de
24-25 ans. C'était à Prague, à l'époque où
j'étais étudiant en cinéma. J'ai tout de
suite été séduit par la manière dont Céline
avait structuré son récit. C'est un procédé
qui est très difficilement adaptable au
cinéma - qui est moins souple que la
littérature - mais néanmoins... j'ai essayé
de le faire. Je crois y être assez bien
parvenu dans Le temps des gitans et,
d'une certaine manière, dans " Arizona
Dream. "
(Studio Magazine, Paris, novembre 1995).
* Catherine LABORDE
(présentatrice Télé, écrivain et comédienne)
: " Catherine LABORDE suit une
formation au Conservatoire d'Art Dramatique
de Bordeaux qui lui permettra de jouer dans
la première pièce de théâtre l'Eglise
de Louis-Ferdinand Céline.
En 1989, elle devient
présentatrice météo sur TF1, où elle
présente également l'émission Télé
Vitrine depuis 2003. En 1997,
Catherine LABORDE se lance dans
l'écriture avec son roman Des soeurs, des
mères, des enfants. Début avril 2009,
elle publie son quatrième roman Maria Del
Pilar. "
(Le Petit Célinien, n° 17, septembre 2009).
* Marc-Henri LAMANDE
(pianiste, acteur) : " Une saisissante
rencontre loin des consensus et des
coquetteries littéraires avec
Louis-Ferdinand Céline, qui, seul sur
scène,
répond aux questions qui lui furent posées
par les intellectuels de l'époque. Face aux
spectateurs appelés ici à être confidents
privilégiés, Céline parle de sa vie, de son
enfance, de ses dramatiques prises de
position politique mais aussi et surtout de
ce style fameux qui bouleversera la
littérature...
Ce spectacle est
sidérant d'intelligence... Tout concourt à
faire surgir l'écrivain en personne et c'est
stupéfiant. Car, pour jouer Céline, entrer
dans sa voix, dans sa peau, il faut un sacré
culot, un sacré travail et un sacré courage.
Marc-Henri LAMANDE possède tout cela.
Il ne se prend pas pour Céline mais il
l'interprète comme on dit d'une partition
musicale. L'effet est saisissant. On se
croirait vraiment face au reclus de Meudon.
Et l'on goûte pleinement ce texte aussi
saignant qu'une viande au croc. "
(Dieu qu'ils étaient lourds... !!! Théâtre Moufletard, Laurence Liban,
l'Express, blog de L. Liban, 21 juillet
2009).
* Emmanuel LARCENET
(dessinateur et scénariste français de
bandes dessinées) : " J'ai lu Voyage au
bout de la nuit à l'âge de trente-cinq
ans, tout abruti que j'étais de l'ignorer à
cause de son antisémitisme. Depuis, je n'ai
jamais pu terminer un autre roman.
Ce livre a placé la
barre tellement haut sur le fond et la
forme... Il exprime un désespoir que je
ressentais alors profondément et que je
n'avais jamais réussi à canaliser. "
(France Inter, 23 avril 2011).
*
Denis
LAVANT (acteur, mime et
comédien) : " Faire danser les alligators
sur la flûte de pan... " C'est ainsi que
Louis-Ferdinand Céline définissait sa
conception de la
littérature. Aussi lorsqu'Emile Brami a
décidé de s'attaquer à la forteresse Céline,
c'est par sa correspondance qu'il a souhaité
empoigner le problème. Trente ans de
correspondance. Et, vendredi Denis LAVANT
seul sur scène donnera ce texte tout entier
voué au culte et au savoir-faire du grand
écrivain. Car en matière de danse
d'alligators, Louis-Ferdinand Céline s'y
connaissait. C'est le moins que l'on puisse
dire.
Sans chercher à gommer
les aspects inacceptables de ses pensées, ni
idéaliser sa personnalité, le spectacle
porté par Denis LAVANT, plonge dans
trente années de correspondance. Des textes
pour la plupart inconnus - qui n'ont en tous
cas jamais été dits sur une scène de théâtre
- où le Docteur Destouches laisse libre
cours à sa férocité et à son humour. On
redécouvre l'écrivain, sa fidélité à
lui-même, et comment il a creusé, avec ses
griffes, l'empreinte toujours aussi fraîche
de son passage, cinquante ans après sa mort.
Car l'auteur du Voyage au bout de la nuit,
qui se voyait comme un musicien, a inventé
une nouvelle langue, féroce, sans
concession, à vif. Il a tout simplement, en
plus de faire danser les alligators,
révolutionné la langue française.
(Des alligators et une flûte de pan à Montbéliard, LePays.fr,
12/01/2011).
* Bernard LAVILLIERS
(chanteur) : " - Quels sont vos projets ?
- Je rêve de mettre en musique le fantasque Georges Fourest, les poèmes de
sa Négresse blonde (il récite son
pastiche du Cid, qui s'achève par " Qu'il
est joli garçon, l'assassin de Papa ! ").
J'en ai d'ailleurs lu quelques-uns à
l'Olympia.
J'adorerais reprendre
les chansons de voyous et de marins de
Louis-Ferdinand Céline, le Noeud coulant,
par exemple.
(Thierry Clermont, Bernard Lavilliers chante Cendrars, Le Figaro, 4
décembre 2013).
* Sergio LEONE
(réalisateur et scénariste italien,
1929-1989) : " Oui, je porterai à l'écran Le
Voyage au bout de la nuit. Je
considère Céline comme le prophète de notre
temps. Il a tout prévu avec quarante ans
d'avance. "
Et il ajoute qu'il : "
songe à Belmondo pour le rôle de Bardamu
comme Audiard avant lui.
(Le Figaro, 22 décembre 1975).
* Philippe LEOTARD
(acteur, poète et chanteur, 1940-2001) : "
Aragon et Céline sont de tels génies qu'on
peut les prendre en leur entier.
Bagatelles pour un massacre n'est pas
seulement ce qu'on en dit.
C'est un grand livre.
Il contient de belles pages dont on ne parle
jamais. "
(France-Inter, 9 septembre 1997).
*
Robert
LE VIGAN
(nom de scène de Robert-Charles
Coquillaud, 1900-1972) : " Acteur né... Vous
lui disiez : " La Vigue t'as tué la maman !
" Gi ! pote ça y est !... Vous le voyiez
tout changer devant vous !... en monstre aux
assises... la mine, la dégaine...
" Maintenant t'es
Javert !... maintenant Valjean !... Il
changeait d'être !... "
(L'Avant-Scène, 1er novembre 1978).
* Daniel LINDE (artiste peintre) : Dans
le prolongement de son exposition de
novembre/décembre 2012, l'artiste Daniel
Lindé a choisi de présenter son travail dans
une version papier. Il publie donc
Ferdine's suite, un album regroupant les
quatorze portraits de Céline, accompagnés de
textes et poèmes de Lydie Bénard, Pierre
Ordioni, Pascal Fauvel, de lui-même et de
Céline (un volume de 42 pages).
Le travail de Daniel
Lindé peut être qualifié de peinture
expressionniste, partant de la présence du
corps de l'homme comme objet central.
Fouillant dans son intériorité et dans les
replis de la chair pour observer les
vibrations du vivant. Tentative
d'introspection de la " tripe de l'artiste "
au service d'une figuration libre de
l'humain. Vision iconique de
l'instant de vie, renvoyant à la permanence
d'une pensée du monde. Jeu de massacre des
apparences et prise de risque total dans le
chromatisme.
(Le Petit Célinien, mercredi 16 octobre 2013, Exposition Ferdine's
suite, décembre 2012, Saint-Malo).
*
Corinne
LUCHAIRE (Rosita Christiane
Yvette Luchaire, dite Corinne LUCHAIRE,
actrice présentée avant ses vingt ans comme
la nouvelle Greta Garbo, 1921-1950) : " Je
voyais également Lucienne Delforge et
Mercadier ; Robert Le Vigan faisait
d'infructueux essais de speaker à la radio
inaudible de mon père. Je voyais aussi
parfois
Lucien
Rebatet, l'auteur des Décombres, qui
était furieux de se trouver engagé dans
cette galère et qui avait un très mauvais
moral. Il y avait également Louis-Ferdinand
Céline, qui se souvenant assez peu qu'il
avait été un grand homme de lettres, était
redevenu simplement le Dr Destouches et
donnait des consultations à la colonie
française avec un autre médecin venu de
Remiremont, le Dr Jacquot. Quant à moi,
j'étais horriblement fatiguée et je pensais
que tout cela finirait très mal.
J'avais essayé, mais
vainement, de passer en Suisse avec ma
fille. Sur ces entrefaites, j'attrapai une
grippe, et tout de suite le thermomètre se
mit à battre des records d'altitude. Il ne
manquait plus que cela. Céline venait me
soigner et le Dr Jacquot également, mais ils
ne semblaient pas comprendre ce que j'avais,
car la fièvre ne faisait qu'augmenter.
Finalement Suzanne Abetz, qui était venue me
voir, décida de me faire mettre à l'hôpital
allemand. Là, du moins, je pourrais me
reposer, je pourrais échapper à cette
atmosphère d'intrigues. "
(Corinne Luchaire, Ma drôle de vie, Sun, 1949, p.209).
*
Fabrice LUCHINI : " On m'a
dit que j'ai fait découvrir Céline à
certains. J'en suis fier. J'ai joué sept
cent vingt fois ce Voyage au bout de la
nuit, je ne m'en serais jamais lassé. "
(Le Parisien, 8 novembre 1994).
*
Fabrice
LUCHINI : " Se perdra-t-il un
jour dans Céline, sera-t-il phagocyté par
lui ? Je ne sais. Son entreprise tient du
vertige. Nous participons à une fascination.
LUCHINI se
promène sur les terres du Voyage où
le monde entier est contenu, comme un
explorateur ébloui. Aujourd'hui, il aborde
l'Amérique qui est sans
doute
la part la plus apaisée du livre, la plus
émue, la plus sentimentale, la plus
accommodante aussi. Le vieux trimard, qui
dégoûte et qui pue, un instant pose son sac.
Il a cessé d'effrayer.
Rarement
comédien et acteur furent dans une telle
symbiose. Ce qui rend ce spectacle de
quatre-vingt-dix minutes si fascinant. On y
voit un fantôme, l'ombre d'un homme. Non pas
Céline, mais la substance de Céline, ce côté
humain, trop humain, si dérangeant chez lui,
si douloureux, si désastreux, bref une
ressemblance calamiteuse avec une part de
nous-mêmes. C'est par quoi Fabrice
LUCHINI nous tient. Par la tendresse
aussi, si intime, et qui est la marque
secrète du misanthrope. Sans compter cette
absence de hauteur qui fait à jamais de
Céline un étranger aux hommes de lettres. "
(Pierre Marcabru, Le Figaro, 20 janvier 2001).
* Enrico MACIAS
(né Gaston Ghrenassia, chanteur, compositeur
et acteur) : " Je n'ai jamais compris
comment on pouvait dissocier un homme de
l'artiste. Quand on me dit " Céline est un
très grand écrivain ", c'est incontestable,
mais quand on voit le contenu de ses livres
et les idées qu'ils véhiculent, pour moi,
autant l'homme que l'artiste, c'est zéro.
Donc l'homme et
l'artiste doivent être le même, alors moi
que je sois Gaston Ghrenassia ou Enrico
Macias, pour moi c'est pareil. J'essaye
d'être au service de ce qu'on m'a baptisé. "
(Vidéo Louis-Ferdinand Céline par Enrico Macias, 1993).
* Judith MAGRE
(de son vrai nom Simone Dupuis, actrice de
cinéma et comédienne de théâtre, Molière
de la Comédienne en 2000 et 2006) : "
C'étaient des cours tout à fait merveilleux
parce que Lucette était elle-même... Enfin,
je dis, avait été, puisqu'elle ne pratiquait
plus en tant que danseuse... Mais elle avait
le physique type de la danseuse, les
proportions, le cou, le joli visage, les
pommettes hautes... Elle était tout à fait
magnifique et absolument immaculée, d'une
netteté, d'une beauté, enfin... Au-delà de
la propreté, c'était assez hallucinant de
voir ces deux personnages qui vivaient
ensemble...
C'est Marcel Aymé, qui
était un grand ami, qui m'avait fait d'abord
lire le Voyage au bout de la nuit, ça
a été un choc, un éblouissement, ensuite
Mort à crédit, re- éblouissement,
peut-être encore plus fort. Et un jour
Marcel Aymé m'a dit : " On va aller chez
Céline... " J'étais extrêmement
impressionnée... Donc j'ai le souvenir de
cette maison ou de ce jardin avec plein
d'animaux, avec les chats... Il y avait
toujours Bébert, il y avait les chiens, et
puis Céline !
Alors là, c'était
impressionnant... D'abord, il avait un
visage absolument magnifique, des yeux
extraordinaires. Il était ... mais c'était
au-delà de la saleté, il avait du noir dans
toutes les rides du visage... Il avait une
sorte de veste en peau lainée, qui tenait
debout tellement elle était crasseuse, un
pantalon... Enfin c'était inimaginable...
Un jour est arrivée une petite chienne tout à fait ravissante et Céline ne
pouvait pas la garder, c'était une chienne
trouvée, il y avait déjà d'autres chiens, et
pour des histoires de chiennes déjà en
chaleur, de mâles qui se... Enfin bon,
sexuellement, ça ne pouvait pas aller. Une
nouvelle petite chienne ne pouvait pas
arriver chez Céline. Et il m'a dit : " il
faut que vous la preniez ! " Il aurait pu me
l'imposer et j'aurais pu la donner à
quelqu'un d'autre, mais en même temps
c'était une sorte de cadeau qu'il me
faisait, enfin... qu'il m'imposait. Et j'ai
été très heureuse avec cette chienne... "
(Témoignage de Judith Magre, dans Céline à Meudon, documentaire Nicolas
Crapanne, 2009, in D'un Céline l'autre, D.
Alliot, Robert Laffont, 2011, p.952).
*
Henri MAHE
(peintre, auteur de La Brinquebale avec
Céline, 1904-1975) : " Hier je fus avec
Paul chez Super (Cité d'Antin)
admirer tes décorations. Tu sais que Paul
est
un fervent de ton art. Il te trouve
supérieur aux meilleurs et directement de
haute lignée Gauguin, Lautrec. Il a dit tout
ceci en grands termes pertinents. "
(Lettre à Henri Mahé, 1935).
* " Un homme
jeune que c'était le patron, un fantaisiste.
Il aimait les bateaux qu'il nous a expliqué
encore... Le patron de la péniche, je l'ai
examiné de plus près, il devait bien avoir
dans la trentaine. (...) C'était un artiste
le patron, beau sexe, beaux cheveux, belles
rentes, tout ce qu'il faut pour être heureux
; de l'accordéon par là-dessus, des amis,
des rêveries sur le bateau... "
(Voyage au bout de la nuit, 1932).
* Marguerite MAHE
(née Malosse, pianiste, accordéoniste,
1905-1995) : " En 1930, sur la Malamoa,
on recevait tous les samedi les gars des
Beaux-Arts, auxquels se mêlaient le prince
Albert d'Urach, fils du roi de Bavière,
Carmen Visconti, modèle de Rodin, Nicole
Vattier, l'épouse de " Monsieur Brun ", le
marquis Pierre d'Arcanges, l'accordéoniste
Léon Raiter, l'éditeur Marcel Scheur,
l'écrivain érotique Charles-Etienne,
Michel-Marie Poulain, le peintre
transsexuel, l'avocat André Saudemont qui
écrivait des chansons pour Lys Gauty... Des
marginaux, des excentriques... Pas mal
d'homos et de lesbiennes... Destouches était
heureux de m'écouter jouer du piano,
ou d'écouter les chansons de marins et les
vieilles chansons 1900.
Destouches et Mahé
avaient en commun une crudité de langage, un
verbe haut, des idées anti-bourgeoises,
marginales. C'était une escalade verbale qui
n'avait pas de limites. Les mots
bouillonnaient. Ils se montaient la tête.
Leurs dialogues étaient une suite de
ripostes. Ça se
terminait toujours sur du négatif. Céline
créait un sentiment de mal à l'aise. Il
était flou, ondoyant. On ne savait pas ce
qu'il y avait derrière son regard, ses
paroles. Il avait un regard fuyant. C'était
le flou perpétuel. Il avait un verbe
musical, avec des mots d'esprit, mais des
propos défaitistes. Il était désabusé. Il
venait avec des danseuses du Moulin Rouge
qu'il ramassait ici et là.
Céline et Mahé, c'était
un couple infernal. C'était disputes et
réconciliations. Bien que timide et
dépressif, Henri était drôle, avait de
l'esprit, de l'imagination, employait des
mots crus, mais était homme du monde. Le
docteur Destouches ne disait pas qu'il
écrivait. Quand il apporta le manuscrit du
Voyage, ce fut une surprise. Craig
était délicate, silencieuse, calme d'aspect,
parlait peu. Elle avait un visage fatigué.
Avait trop fait la bringue. Chez Céline,
peut-être peut-on parler d'un antisémitisme
diffus avant 1937, mais guère plus. "
(Entretiens avec l'auteur, Mollens, Suisse, 8 février 1986, dans
Spécial Céline n° 8, Eric Mazet).
*
Christophe MALAVOY
(acteur de cinéma et de
télévision) : " Je viens d'achever, après
deux ans de travail, le scénario de la vie
de Louis-Ferdinand Céline, entre juin 1944
et la fin de la guerre, quand il fuit Paris
et se réfugie à Copenhague pour échapper à
l'épuration. J'ai l'accord de Jacques
Dutronc et d'Anouk Grinberg.
Le projet mêlera
fiction et animation, ce peut-être un long
métrage ou une fiction télé, qu'importe.
Pourvu que je trouve un producteur. J'espère
le tourner bientôt. "
(Télé 2 semaines, 1 février 2010).
* Marcella MALTAIS
(peintre canadien, vit à Paris mais
garde un atelier à Québec) : " Mais le
soleil était haut encore, et je vis que le
patron de L'Hôtel du Nord avait
lui aussi " sorti la terrasse ". Je
m'y suis attablée. Le Docteur Destouches
était assis à la table voisine. Il commande
de l'eau et m'offre un blanc sec. Il est
venu voir
son ami. Au bord du canal, à l'endroit
précis où j'avais peint mon premier Hôtel
du Nord, un jeune homme souriant nous
fait signe. Céline le salue de la main. Oui,
c'est bien Eugène
Dabit, qui regarde nonchalamment passer une
péniche. Il est très élégant, plutôt
séduisant, mais pas en habit de peintre. Il
vient nous rejoindre, commande un demi. Lui
et Céline discutent littérature, c'est
passionnant, je les écoute.
Nous occupons les deux
seules tables, rapprochées. Céline se lance
dans une improvisation stylistique d'une
drôlerie irrésistible, nous rions aux
larmes. Soudain, un couple étrange sur le
pont tournant, juste au-dessous de la
passerelle, attire notre attention. " C'est
Arletty, m'écriais-je, Arletty avec sa
gueule d'atmosphère ! " Je me précipite vers
eux. Arletty, est bien là, elle ne
s'évanouit pas. Louis Jouvet lui, a disparu
à mon approche. " Madame Raymonde que j'lui
dis, venez donc prendre un p'tit verre avec
nous. " Céline racontait des histoires sans
se lasser. Arletty, princesse familière,
souriait, reprenait du Graves rouge. Dabit
nous avait déjà quittés pour un voyage en
Russie d'où, hélas, il ne reviendra jamais.
La fraîcheur du
crépuscule de mars me fit réagir... Je me
frottai les yeux, j'étais seule. Mon
chevalet était toujours là-bas, de l'autre
côté du pont. Personne n'y avait touché. Je
suis allée plier mon barda comme chaque jour
et je suis rentrée à la maison par la rue de
Lancry. J'avais au cœur
la satisfaction du tableau achevé et le
grand bonheur d'avoir passé quelques heures
à la terrasse de l'Hôtel du Nord en
compagnie de Céline, Arletty et Eugène
Dabit. "
(L'Hôtel Crève-cœur, Editions du Lac,
Québec, mars 1995).
* Guy MARCHAND
(acteur, chanteur, musicien, écrivain) : "
Céline a écrit la plus belle page de la
littérature française, c'est la mort de sa
chienne, extraordinaire. Je ne pourrais pas
la lire. Il a été militaire. Même quand les
plaies se referment, il y a une trace. [...]
Il n'y a pas tellement d'argot chez Céline.
Il aime la nature parce que c'est pas
humain. Il n'aime pas le bonheur. Pour la
création, le bonheur, c'est pas bon.
[...] J'ai de la
tendresse pour Céline, pour sa souffrance,
pour le fait qu'il se soit gouré, qu'il a
provoqué les hommes et qu'il les aimait
beaucoup. "
(France Culture, 16 octobre 2012, Spécial Céline n° 8, Eric Mazet).
* Jean-Pierre
MARIELLE (acteur français 1932-2019) : " Ah Céline ! Son Voyage
au bout de la nuit. C'est tellement
immense, magistral... Que vous dire
d'intelligent par rapport à tant
d'intelligence ! Pour moi, c'est LE sommet.
On a rarement écrit quelque chose d'aussi
extraordinaire. Comme il existe de grands
peintres qui ont complètement influencé
l'art moderne avec une toile majeure, Céline
a influencé toute la littérature actuelle
avec son Voyage au bout de la nuit.
Je trouve son œuvre
brillante et révolutionnaire. Depuis on ne
peut plus écrire comme avant. Toute la
littérature contemporaine lui est redevable.
Prenez un mec comme
Michel Houellebecq, l'auteur des
Particules élémentaires, ou quelqu'un
comme Marie Darrieussecq, l'auteur de
Truismes, dont le nouveau roman White,
vient de paraître : ce sont des enfants de
Céline. Tout ce qui se veut impertinent et
novateur aujourd'hui doit tout à Céline !
Donc revenons à la source. Relisons Céline.
"
(BC, déc. 2003).
* " Oui, il est
à part. Séria, comme Blier, est un auteur,
un poète. (Il déclame une réplique des
Galettes..." Ah, tu sens la pisse toi,
pas l'eau bénite. " C'est beau comme du
Céline, non ? C'est du Mort à crédit
!
D'ailleurs, savez-vous que ma première épouse prenait des leçons de danse
à Meudon, chez Lucette Almanzor ? Je l'y
accompagnais, elle y allait avec sa sœur.
Lorsqu'elles sonnaient à la porte, Céline apparaissait et disait : "
Aaaaah, mes jeunes fiiiiilles. " C'était
très joli. Elles étaient ravissantes, alors
il était content. Je n'ai jamais osé lui
parler ! Mais je l'ai vu, c'est déjà
beaucoup. "
(Le Figaro Magazine, 20 novembre 2010).
* Jacques MARIN
(acteur, 1919-2001) : " C'était un grand ami
de Pierre Monnier. Nice et Mouans-Sartoux,
où il s'était retiré avec son épouse
anglaise Patricia Hutchinson, ne sont guère
éloignés.
En mai 94, je crois, Pierre et Renée organisèrent un soir de Festival
de Cannes, une réunion mémorable. Je me
souviendrais toujours de ce dîner face au
Palais, en terrasse, au milieu d'une
foule grouillante et curieuse.
S'y retrouvèrent
quelques éminents céliniens puisque Marc
Laudelout et Eric Mazet (en vacances, les
veinards), tinrent compagnie à Pierre et
Renée Monnier et Jacques MARIN. Celui
qui avait tant de fois accompagné
l'inspecteur Bourrel dans ses enquêtes ou
animé Cinq colonnes à la une fut ce
soir-là, une fois encore la vedette et
l'ermite de Meudon, où Jacques
avait longtemps résidé, fut, personne n'en
doutera, au centre de toutes nos
conversations. "
(Souvenir personnel ému, en relisant le BC de février 2001).
* Paul MARTEAU
(héritier de la fabrique de cartes à jouer
Grimaud, 1884-1966) : " Ah Cher Ami,
je me remets à peine de l'émotion que j'ai
ressentie à la vue de votre
livre sur Les Tarots de Marseille !
Mik m'a mis au supplice ! Eh si je connais
les Tarots ! J'en ai laissé plusieurs
jeux chez moi 4 rue Girardon ! d'époque !
Pillés avec le reste !
J'ai gagné ma vie avec les Tarots en
certains temps à Londres ! Si j'ai tiré
l'aventure ! Et la mienne ! Ah je sais tout
ce qui va suivre !
Je sais aussi votre
amitié et votre infinie complaisance ! Je
sais comment vous traitez pourrissez mes
amis ! Ils reviennent de chez vous tout
chavirés ! Ils me considèrent étrangement
comme si j'étais Tarot moi aussi...
miteux saltimbanque qu'ils me connaissent !
et me découvrent tout à coup des amis, un
ami si superbe ! / Holà ! Ils vont me brûler
quelque jour ! Enfin soignez je vous prie
notre excellent Dedichen et sa délicieuse
femme - Tout ce que vous ferez pour lui
m'ira au cœur !
/ Je lui dois beaucoup. / Et à vous bien
affectueusement / LF Céline. "
(Lettre 25 juin 1949, dans Lettres, Pléiade 2010).
* Alexis MARTIN
(acteur, auteur, scénariste, animateur et
metteur en scène québécois) : " Cinquante
ans après la mort de Louis-Ferdinand Céline,
son œuvre
demeure
brutalement contemporaine, par sa violence,
par la nouveauté radicale de son écriture,
par les passions qu'elle charrie, du mépris
des autres au dégoût de soi, de la nostalgie
à la haine et, par les réactions qu'elle
provoque, du rire à la répulsion. Fils du
journaliste Louis Martin, fils spirituel du
grand homme de théâtre Jean-Pierre Ronfard,
fils idéaliste d'un père auquel il
s'opposait dans sa pièce Matroni et moi,
Alexis MARTIN est aussi le fils de
tous ces écrivains qui l'accompagnent depuis
toujours, Georges Bataille en tête.
Ainsi est-il entré
fréquemment en dialogue avec les maîtres
anciens, que ce soit Shakespeare ou Homère,
et a-t-il livré son Odyssée et son
Iliade sur la scène du TNM. Il revient
aujourd'hui, porteur de la langue et de la
véhémence de Céline. "
(Site canadien CyberPresse, article à la lecture de Voyage au bout de
la nuit par Alexis Martin, 17 janvier 2011 à
Montréal).
* Jean-Louis
MARTINELLI (metteur en scène de théâtre)
: " Comment est née l'envie de monter
L'Eglise ?
- A travers l'épopée de Bardamu, sa déroute
et sa fuite en avant, Céline embrasse toutes
les grandes problématiques du XXe siècle, et
cette grande fresque hallucinée nous offre
la possibilité de faire résonner notre
actualité en remuant notre histoire récente.
Comment la pièce a-t-elle été adaptée pour le spectacle ?
- Le travail d'adaptation s'est fait en deux temps (avant les répétitions,
puis sur le plateau avec les acteurs) et a
consisté à réduire certaines scènes dans les
actes 2 et 3 afin d'améliorer la progression
dramatique.
Dans l'acte 3 nous
avons diminué le nombre de délégués de la
Société des Nations et redistribué leurs
répliques. Il faudrait supprimer certains
passages dans l'acte 3, mais cependant je me
refuse à amputer le contenu même s'il est
irrecevable, c'est justement parce que le
sujet est si épineux qu'on ne peut pas
privilégier la forme au détriment du sens ;
il faut donc livrer le texte au public tel
quel, avec ses maladresses et ses
imperfections formelles, dans son
intégralité et sa brutalité. "
(Interview, Monter L'Eglise aujourd'hui, Nanterre Amandiers journal n°
1, Saison 92/93).
*
Robert MASSIN (graphiste, directeur
artistique, typographe, 1925-2020) : " Je dois avoir en
effet beaucoup d'amis, inconnus,
d'admirateurs comme on dit . J'aurais
cultivé cette guitare j'aurais pu en tirer
de fort beaux accents comme Montherlant,
Romains, Duhamel et patati. Ce genre de
putanat est facile. Il m'a toujours dégoûté
et puis je n'avais pas le temps. Aujourd'hui
bien sûr on me fait payer ce mépris... Tant
pis !
Sartre est un vilain
petit merle. Il m'aurait fait des pompiers,
avalé le foutre pour que je consente à aller
me montrer à ses pièces sous la botte... Il
me faisait relancer par Dullin, Denoël, etc.
Encore une fois je n'avais pas le temps. Je
crois la petite ordure qu'il m'a même dédié
un de ses livres, autrefois... Ce petit
Jacques n'est d'ailleurs pas doué, c'est un
petit raté de tout et il le restera. Kif
Miller. Ces gens-là n'ont pas de songe. Ils
se forcent, ils se branlent à blanc, et dans
le vide. Ils prennent l'extravagance et le
saugrenu pour du fantastique, la crudité
pour du caractère - ce n'est pas si facile.
Quant à l'existentialisme il l'a volé à un
vieux philosophe nazi (une fois ceux-ci sans
réplique) comme il est devenu philosémite
après le départ des Allemands. "
(Journal en désordre 1945-1995, Robert Laffont, 1996, in L'Année Céline
1996, Du Lérot).
* Eddy MITCHELL
(nom de scène de Claude Moine, chanteur,
parolier et acteur français) : " Voilà un
écrivain qui assène une baffe magistrale à
la littérature. En une phrase, il vous
raconte ce qu'un autre mettrait deux
chapitres à écrire. Si vous prenez le
passage sur l'Amérique dans le Voyage au
bout de la nuit, dès la première phrase
on y est.
Il arrive à New York et il écrit :
" New York est une ville qui se tient
debout. " Voilà, tout est dit, c'est
extraordinaire. "
(Il faut rentrer maintenant, Points, mars 2013).
* Jim MORRISON
(né James Douglas Morrison, chanteur et
musicien, 1943-1971) : " Le charismatique
chanteur des Doors, admirateur
méconnu de l'œuvre
de Céline lui a rendu hommage dans une de
ses plus envoûtantes chansons, End of the
night référence transparente au
Voyage au bout de la nuit.
Dans ce titre, le
chanteur clame son désir de prendre
l'autoroute jusqu'au bout de la nuit, aux
confins des royaumes de lumière et de
ténèbres.
(Lire, Hors-série n° 7, 2008).
* MOULOUDJI
(Marcel, André Mouloudji, chanteur,
auteur-compositeur, interprète, 1922-1994) :
" Ni Bruant, ni Céline ne sont affectés par
ce renouvellement. On
redécouvre
périodiquement le propriétaire terrien de
Courtenay. Quant à Céline, on n'a pas fini
d'en parler, Bruant ? Il a en commun avec
Céline le patriotisme, l'amour de la France.
Tous deux beaux, assez grands, yeux de
miroirs à femelles, vont se livrer à une
féroce critique de leur temps, chacun à sa
manière. Un dernier point les rapproche :
l'antisémitisme. Et cependant, l'essentiel
de leur œuvre,
Voyage au bout de la nuit et Dans
la rue, respire la tendresse, l'espoir
devant cet univers féroce. Bruant se moque
du bourgeois et plaint davantage les chiens,
les chevaux, les clochards, les prostituées,
les pauvres. Même point de vue chez Céline.
Nous ne sommes pas loin de Chaplin et de
Kafka... "
(Bruant, Chansons d'aujourd'hui, 1972).
* " J'ai lu à la
radio un passage de Mort à crédit à l'époque
où Céline était interdit de radio, en 1954.
Je suis passé de l'univers de Sartre à celui
de Céline, sans doute parce que le second
était plus musical et plus proche de mon
expérience de la vie, malgré les étiquettes.
"
(A l'auteur, Meudon, 8 décembre 1993, Spécial Céline n° 8, Eric Mazet).
* " Autre décès
qui affecte Lucette, celui du chanteur
MOULOUDJI, le 14 juin 1994, qui était un
familier de Meudon :
" Lucette l'aimait
tendrement et c'était aussi le cas de tous
les habitants du petit cercle. Immense
vedette, très populaire, il était l'auteur
de chansons qui lui ressemblaient, poétiques
et simples, françaises. Puis l'homme a été
emporté d'un coup, comme un arbre subitement
couché par la tempête. "
Bien entendu, Lucette sera présente à l'enterrement à l'église Saint-Roch,
celle où Céline avait fait sa communion.
(François Gibault, Libera me, dans Madame Céline, D. Alliot, Tallandier,
janvier 2018, p.318).
* Jean NEGRONI
(comédien, metteur en scène, 1920-2005) : "
Si j'ai eu le coup de foudre pour le théâtre
grâce à Albert Camus en 1941, j'ai eu le
coup de foudre pour toute l'œuvre
de Céline après-guerre. J'aurais aimé
montrer Voyage au bout de la nuit
avec la Compagnie des sept, mais
Vilar préférait Gorki et Brecht.
Georges Wilson aurait
accepté , d'ailleurs il lisait très bien
Rigodon, l'a même enregistré
intégralement. "
(Entretien avec l'auteur, Issy-les-Moulineaux, 1999, Spécial Céline n°
8, Eric Maze
* Filip NIKOLIC
(chanteur et acteur, ancien membre du boys
band français 2Be3, 1974-2009) : "
Comment annoncer à Lucette la mort de
Filip ? Lucette à 97 ans. C'est la veuve
de Louis-Ferdinand Céline. Le lien entre
l'ancien chanteur de boys band et la veuve
de l'auteur de Voyage au bout de la nuit,
François Gibault l'avocat parisien les avait
présentés. " J'ai emmené les 2Be3 à
Meudon. Lucette donnait des cours de danse
chez elle. C'était drôle de les voir
échanger des pas. Elle nous avait cuisiné
des pâtes après. Filip et Lucette se
voyaient de temps en temps. "
François Gibault,
homme sec et calme de 77 ans, répond aux
dizaines de messages de condoléances,
s'occupe des obsèques et se souvient de leur
dix-sept années de complicité. " Il m'a
rendu ma jeunesse. Moi, je lui ai offert un
bagage culturel. Je n'ai jamais connu de
garçon aussi charismatique, aussi beau. Il
possédait tous les talents. Il a fait tout
ce qu'il a voulu. " Un jour, à 35 ans,
Filip NIKOLIC ne s'est pas réveillé. Une
boîte de somnifères traînait sur sa table de
chevet. Rien d'autres. "
(Paris-Match, Aurélie Raya, 24 sept. 2009).
* Claude NOUGARO
(auteur, chanteur, compositeur, interprète,
1929-2004) : " Les points fermés, les points
vitaux / Les points sur les i, les cardinaux
/ Les terminus, point à la ligne / Les
points de suspension de Céline / (...) J'en
finis plus / D'compter les points / Point
Point Point. "
(Les points,
Chansongs, 1993, Spécial Céline n° 8, Eric
Mazet).
* Claes OLDENBURG
(fondateur du Pop'art) : " Ce fondateur
du Pop'art ne dissimule pas la forte
influence qu'exerça sur lui l'œuvre
du peintre, sculpteur et écrivain Jean
Dubuffet. Au point d'intituler en 1959 un de
ses dessins : " Hommage à Céline et à Jean
Dubuffet. "
Il s'en est expliqué
dans une interview. " A cette époque, je lus
Mort à crédit et fus vivement
impressionné comme je le fus également par
Voyage au bout de la nuit. J'eus
l'idée de rapprocher la pauvreté à Paris,
telle que pouvait la présenter Céline dans
ses livres, aux surfaces et aux graffiti des
rues représentées dans les tableaux de
Dubuffet. " La démarche est d'autant plus
étonnante que Dubuffet lui-même avait une
vive admiration pour Céline. "
(BC n° 80, avril 1989).
* Marianne OSWALD
(de son vrai nom Alice Bloch-Colin,
chanteuse et actrice, de parents juifs
polonais, 1901-1985) : " L'Intransigeant
du 6 décembre 36 annonçait que Marianne
OSWALD allait créer sur scène une
chanson de Céline... "
- " Chère Madame, / Je
vois que vous avez tous les courages ! Tant
pis pour vous ! Vous verrez ce que mon nom
apporte d'hostilités ! de haines
irrémédiables ! Enfin ce sera une
expérience. Travaillez bien. Bon voyage !
Bonne réussite et à bientôt. A vous
affectueusement. / LF Céline. "
(Lettres 2009, à Marianne Oswald, Anvers, vers le 7 déc. 1936).
*
Antonino PELLEGRINO
(étudiant en droit, coureur automobile,
danseur, dessinateur et lecteur d'œuvres de
Céline sous le nom de VZO) : " En 2009,
alors que je suivais ma formation en Droit,
un ami, un frère devrais-je dire, est venu
me voir dans ma chambre à la Cité
Universitaire. Il semblait heureux,
impatient et déterminé. Il esquissa un
sourire et me dit: « Eh Nino, je me suis mis
au rap ! ». Je savais qu’il écoutait aussi
ce style musical puisqu’il m’avait gravé
quelques CD auparavant
mais
de là à s’y mettre il y avait un monde ! Ce
qui suivit me prit au dépourvu : il me
proposa d’essayer avec lui. On mit des
instrumentales et on s’essaya à cette tâche
ardue. On répéta le processus des semaines
durant jusqu’à finalement obtenir de petits
résultats ; un petit pas pour l’Homme, un
grand pas pour notre créativité.
J’étais devenu VZO, simple
contraction de Virtuoso, surnom que me donna
mon meilleur ami Le Super Noizo, lorsque
nous faisions de la danse. Et « VZO ça sonne
bien, nan ? » Me disais-je! Et les
significations : Viso qui est le visage en
italien, « Vise haut » car j’étais très
ambitieux à cette époque, « Wie so » qui en
allemand veut dire… « pourquoi donc ? » …
Footballeur et coureur automobile au niveau professionnel, l'étudiant en
droit se passionne pour l'écriture de textes
de rap et la danse. Sans oublier ses
engagements professionnels : enseignant à
mi-temps et créateur de sa propre marque de
vêtements.
A côté de tous ses domaines de prédilection, Antonino PELLEGRINO
trouve encore du temps pour ses études en
droit. S'il avoue " avoir perdu plus d'une
année " en raison de ses courses automobiles
l'étudiant ne regrette pas ce sacrifice. "
Mes épreuves sportives m'ont appris à gérer
le stress, ce qui m'a permis d'aborder les
évaluations universitaires en toute quiétude
".
Ses activités annexes ? Le jeune homme les considère comme vitales à son
épanouissement personnel. De plus, elles lui
apportent des expériences et des compétences
qu'il n'aurait jamais acquises à
l'université.
(Antonino Pellegrino, VZO).
* Serge PERRAULT
(né Serge Leplat, danseur et pédagogue,
1920-2014) : " Nous savons que c'est grâce à
un frère de leur ami, le danseur Serge
PERRAULT, qui était employé à la
Préfecture de Police que Céline et Lucette
purent obtenir de fausses cartes d'identité
et quitter la France.
" On parle toujours de
Céline comme étant un personnage haineux.
Cela ne correspond pas à la réalité. Pour
moi, le nom de Céline évoque une terrible
lucidité mais aussi la tendresse, la
compassion et une grande pudeur.
Curieusement, on n'en parle jamais. "
(BC, juillet 1992).
* Pierre PERRET
(auteur compositeur interprète français) : "
Dans son dernier livre " La bête est revenue
" l'immortel auteur du Zizi s'est
fendu d'une chanson consacrée à Céline : "
J'ai cru découvrir un grand écrivain -
J'avais dix-huit ans quand j'ai lu l'Voyage
- Puis Mort à crédit et après et
après plus rien - Que des mots fascistes
j'ai tourné la page - Il aidait les pauvres
autant que les chatons - C'est c'qu'il
prétendait mais il n'aimait guère -
Tout c'qui était négro-judéo-saxon - D'la
graine
de racaille et de rastaquouère - Racisme
d'abord, racisme avant tout - Racisme
suprême et désinfection - C'est c'que tu
écrivais dans " Je suis partout " - Pour toi
Buchenwald fut la solution. "
On ne peut s'empêcher
de songer à ce qu'écrit Patrick Besson : "
L'antiracisme est une sorte de passeport
magique, vachement tentant... Si vous n'avez
pas (ou plus) de talent, d'un seul coup vous
êtes considéré. "
... et une hebdomadaire
du mercredi, citant ces paroles s'est
contenté de relever : " On arrête ici. On a
bien rigolé. Céline aussi, sûrement... qui
n'a jamais écrit un article pour le journal
collabo Je suis partout. Et encore
moins sur Buchenwald dont il ignorait alors
l'existence (comme tous les Fransouzes de
l'époque). Mais on lui pardonne à PERRET.
De la part d'un garçon qui n'a pas eu trop
d'une vie d'adulte pour dépasser le stade du
pipi-caca, c'est déjà bien de savoir
prononcer le nom de Céline sans l'écorcher.
Ca prouve qu'il ne confond pas l'écrivain
Louis-Ferdinand avec la chanteuse Dion. "
(Sortie du disque 1/01/1998).
* PIERAL (né
Pierre Aleyrangues, comédien, 1923-2003) : "
Si j'ai gardé de ce film (Blondine)
un souvenir inoubliable, c'est à cause de
l'apparition, un jour, sur le plateau, d'un
homme grand, voûté, à la fois un peu
méfiant et très gentil, très courtois, avec
un langage châtié. Je ne compris pas tout de
suite son nom, lorsqu'un des
machinistes me le chuchota. Mais seulement
lorsque Henri Mahé m'appela, pendant une
pause, et dit à son interlocuteur :
- Tu connais certainement PIERAL ?
Puis me dit d'une voix empreinte de solennité : Pierrot, regarde-le bien,
cet homme, c'est le plus grand écrivain
français du siècle, l'auteur du Voyage au
bout de la nuit. Je venais de lire ce
livre un mois plus tôt et il n'avait pas
fini de me bouleverser. Je rougis, je
bafouillai. Je me souvenais en même temps de
ce que j'avais entendu mon père dire de lui
: " Vendu aux boches... "
Louis-Ferdinand Céline
me regardait avec dans son regard une petite
étincelle de pitié. Mais, cette pitié-là, je
l'acceptai tout de suite. Elle était
humaine, et elle ne s'adressait pas
seulement à moi, mais à tous les hommes, à
la misère de leur destinée. L'écrivain
interpella Mahé : " Tu devrais lui faire
jouer Néron, dit-il, ou le
Bourgeois Gentilhomme ou un amant de
Feydeau, Macbeth, Othello... " Je
m'esquivai. S'il continuait, je me mettrais
à chialer ! Louis-Ferdinand Céline partit un
peu plus tard. Je ne devais jamais le
revoir, mais j'ai lu tous ses livres,
jusqu'au dernier. S'il avait créé un rôle
pour moi, il me semble que je l'aurai bien
servi. Hélas ! il a eu d'autres chats à
fouetter. "
(Pieral, Vu d'en bas, Robert Laffont, 1976, p.154).
* Denis PODALYDES
(acteur, metteur en scène et scénariste) : "
Vingt huit heures d'enregistrement et seize
CD. Denis PODALYDES s'est engouffré
dans la nuit de
Louis-Ferdinand
Céline. Une bouteille d'eau plate et des
biscuits à portée de main, pour éviter des
borborygmes au micro, dit-il, le sociétaire
de la Comédie Française a accompagné
l'odyssée de Bardamu, cascadant d'une phrase
à l'autre. Dans sa cabine minuscule, plus
seul qu'un galérien célinien en route vers
l'Afrique, le lecteur a ainsi tout vu du
Voyage au bout de la nuit.
Une telle traversée
exige muscle, détente et concentration.
Denis PODALYDES s'est donc entraîné,
relisant dans l'intimité ce roman qui l'a
laissé sans voix la première fois, il y a
une quinzaine d'années. Il a rêvé son
parcours et s'est souvenu de ses
prédécesseurs : Michel Simon, révolté
bougonnant, attaquant les premières pages du
Voyage ; puis Arletty, gouailleuse,
empoignant l'épopée de Bardamu ; ou encore
Georges Wilson, stentor du Théâtre national
populaire des années 1960. Sans oublier
Fabrice Luchini qui, de Mort à crédit
au Voyage, aime enchaîner en public
les morceaux de bravoure. "
(Alexandre Demidoff, Une lecture intégrale de Voyage au bout de la
nuit, coffret, BC n°252, avril 2004).
* Jean-Marie POIRE
(metteur en scène) : " je n'ai pas une
approche intellectuelle du cinéma. C'est un
art superficiel, pas comme la littérature,
qui parle de l'intérieur. Je suis très fier
d'avoir réussi à dissuader Audiard d'adapter
Voyage au bout de la nuit, de Céline.
On vit avec un livre,
il vous transforme, ce que ne fait pas un
film. "
(Infomatin, 11 octobre 1995).
* IGGY POP (Né
James Newel Osterberg, compositeur,
chanteur) : " La littérature française me
fascine depuis des années. Plus ça va, plus
je comprends tout ce que (Jim) Morrison
avait pris à Genet, à Céline et même à
François Truffaut !
Les meilleures chansons
des Doors sont sans doute venues de
là. End of the night, c'est Voyage
au bout de la nuit. "
(Contact-Fnac, juin 2012, Spécial Céline n°8, Eric Mazet).
*
Jean RENOIR
(réalisateur, scénariste, producteur,
acteur, 1894-1979) : " Commentant l'attaque
de Céline, dans Bagatelles, contre la
Grande illusion : " Au service de la
juiverie, il y aurait, paraît-il, aussi des
gens comme Cézanne, Racine et bien d'autres.
Nous sommes donc en bonne compagnie. "
(Ecrits, 1926-1971, janvier 1938).
* " Je me suis
stupidement compromis avec le Parti
communiste et les gens de gauche. Mais le
temps travaille pour moi. Je reviendrai en
France. Hitler est un homme à ma main, je
suis sûr que nous nous entendrons très bien,
car, comme tous mes confrères, j'ai été
victime des Juifs qui nous empêchaient de
travailler et qui nous exploitaient. Quand
je reviendrai, je serai dans une France
désenjuivée, où l'homme aura retrouvé sa
noblesse et sa raison de vivre. "
(Interview donnée en 1940 à un journaliste portugais attendant, à
Lisbonne le bateau pour les USA).
* Quant à Céline
: " Chaque fois que nous nous sommes
rencontrés, nous nous sommes disputés comme
des chiens. Il n'aimait pas du tout mes
films ni ce que je faisais.
Ça lui
déplaisait beaucoup et il me considérait
comme un personnage dangereux. Moi, je
l'admire beaucoup, alors je lui répondais -
" Je vous admire, je vous admire. "
(Propos dans D'un Céline l'autre, Michel Polac, ORTF, 8 mai 1969).
* Catherine RICH (née
Catherine Simone Henriette Marie Renaudin,
actrice française) : " Je lis toujours
plusieurs livres à la fois. En ce moment, je
relis chaque jour la pièce de Didier van
Cauwelaert, Noces de sable, que je
joue au Studio des Champs Elysées.
Et puis, le soir, je
plonge dans Mort à crédit, de Céline,
dont je voudrais me rappeler chaque ligne
tant le style me plaît. "
(Madame Figaro, 14-21 avril 1995).
* Claude RICH
(acteur, 1929-2017) : " Je suis le fils
d'une veuve, mon père est mort très tôt.
Jeune, j'avais une santé fragile et peur de
tout, de la maladie, de l'avenir, d'être
sans père. C'est la lecture de Céline, de
Mort à crédit qui m'a transformé : le
destin de Bardamu, dont l'avenir est
totalement bouché, m'a d'abord fait penser
au mien.
Et puis, m'enfonçant
dans le roman, j'ai eu une sorte de
révélation, c'était dans un bus, je m'en
souviendrais toujours : qu'on pouvait se
libérer de l'angoisse en la décrivant, comme
Céline, on n'est plus dedans, on la regarde.
J'ai su alors que mon avenir serait dans
l'art, qui vous permet tout d'un coup de
continuer, à travers des personnages, et
d'ouvrir des portes que vous pensiez
condamnées.
(La Croix, 21 août 1996).
* Lorsqu'il
évoquait son parcours, Claude RICH
revenait irrésistiblement vers ses jeunes
années. L'angoisse du petit Parisien qui,
quoique n'étant pas du sérail, rêve de faire
carrière sur les planches. Celle-ci commence
pourtant dans une banque, où le jeune
Claude, 17 ans, s'ennuie ferme. Son père est
mort de la grippe espagnole alors qu'il
n'avait que cinq ans. Et sa mère, qui élève
seule ses quatre enfants, a besoin que son
fils travaille.
" Je passais des heures à regarder par la fenêtre et j'apercevais des gens
qui paressaient au soleil, confiera-t-il
quelques années plus tard. C'est ce qui m'a
donné envie de faire du théâtre. J'ai voulu
être un gars qui pouvait fumer des
cigarettes à 3 heures de l'après-midi sur un
banc ! "
Il s'inscrit alors au
cours du soir de Charles Dullin, passe le
concours d'entrée au Centre du spectacle. Et
lit Céline, à qui il sera reconnaissant
toute sa vie. " C'est grâce à Céline que
j'ai voulu être acteur, grâce à Mort à
crédit, aimait-il raconter. Ma vie
n'était pas aussi misérable que celle qu'il
décrit, mais cette enfance ressemblait à la
mienne et, ainsi décrite, elle devenait de
l'art. J'ai compris que l'horreur pouvait se
transformer et je me suis dit que si, un
jour, moi aussi j'y arrivais, ma vie de
petit orphelin ne paraîtrait pas si triste.
"
(Claude Rich, élégant jusque dans la mort, Le Point.fr, 21 juillet
2017).
* Patrick RIGUELLE
(chanteur flamand, guitariste) : " Il sort
son premier album en solo en octobre 2012.
Intitulé Un premier amour.il est
composé de 14 chansons, en français : dont 7
reprises d'Isabelle Aubret (Un premier
amour), Jean Sablon (Un seul couvert,
please James), Daniel Balavoine (Le
chanteur), Charles Aznavour (Tu
t'laisses aller), Boris Vian (J'suis
snob), Joséphine Baker (Ma p'tit Mimi)
et Louis-Ferdinand Céline avec Règlement.
"
(Le Petit Célinien, 25 février 2013).
* Carlo RIM (de
son vrai nom Jean Marius Richard,
scénariste, réalisateur, romancier,
dessinateur de presse, 1905-1989) : " 14
novembre1932. Déjeuner chez Lucien Descaves,
rue de la Santé, avec Céline, Denoël, les
deux fils Descaves et le chanoine Mugnier
venu en voisin. Céline soliloque : - Si le
Voyage marche je pourrai peut-être
me démouiser, me fringuer, m'installer
proprement. Plein les bottes de l'ascétisme.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que je ne
deviendrai jamais un toubib-littérateur ou
un littérateur-toubib comme MM. Duhamel,
Durtain ou Mondor ! merde, Dieu m'en garde !
Gribouiller ses états d'âme sur ses
feuillets d'ordonnances ! Et tout ça pour le
public ! Je le connais, le public ! Je le
titille, je le torche, je le purge, je le
ramone, je patauge dans ses humeurs et ses
glaviots. Il est ragoûtant le public !
[...] Fin du repas.
L'abbé fume un cigare, son verre de
mirabelle au poing. Céline, qui ne boit ni
ne fume, s'est dressé, prend congé avec
précipitation comme un voyageur dont le
train démarre. Il s'est esquivé. Descaves
interroge Mugnier : - Qu'est-ce que vous
dites de mon Ravachol ? - Comme cet
homme doit être malheureux ! dit l'abbé en
époussetant de sa serviette son rabat
constellé de miettes. "
(Le grenier d'Arlequin, Journal 1916-1940, Denoël, 1981, p.167).
* Jean ROCHEFORT
(acteur, réalisateur, 1930-2017) : " A
l'occasion de la sortie de son livre, Ce
genre de choses chez Stock, Nicolas
Ungemuth a rencontré Jean
ROCHEFORT
pour le Figaro Magazine. Un retour
sur la carrière de l'acteur, son enfance,
ses rencontres et son intérêt pour la
littérature, et pour Céline en
particulier... Extrait.
Dans votre bibliothèque figure tout Céline en éditions originales (y
compris les pamphlets, ndlr). On ne vous
savez pas célinien...
Je le suis très violemment. Je l'ai découvert dans les années 50, à son
retour du Danemark. De plus, j'étais
amoureux d'une jeune femme qui prenait des
leçons de danse avec sa femme, chez lui, à
Meudon. Je l'y accompagnais en voiture
toutes les semaines, et je le voyais qui me
guettait, méfiant, dans son jardin. La
découverte de ses livres a été un choc
extraordinaire : lire Céline, c'est voir la
vie autrement.
La littérature
est-elle importante pour vous ?
Oui. Je lis beaucoup plus maintenant que lorsque j'avais le pensum des
scénarios à lire, ce qui représentait
beaucoup de temps perdu. Je suis aujourd'hui
très attiré par la non-fiction, comme les
Mémoires de Casanova qui m'ont
passionné. Mais il y a aussi la musique,
essentiellement le jazz et la musique
baroque. "
(Le Figaro Magazine, propos recueillis par Nicolas Ungemuth, 18 oct.
2013, Le Petit Célinien, 19 oct. 2013).
* Maurice RONET
(nom de scène de Maurice Julien Marie
Robinet, acteur et réalisateur, 1927-1983) :
" En réalité Maurice RONET ne mourut
pas " alors qu'il travaillait
à l'adaptation de Semmelweis ", comme
l'a écrit Pierre Monnier. Il avait depuis
longtemps terminé l'adaptation, le découpage
et les dialogues d'un film, destiné non à la
télévision, mais au grand écran. Je fus un
des premiers à lire son découpage qui était
tout à fait remarquable.
Son seul défaut - si toutefois on peut user de ce terme, en la
circonstance - était d'être d'un réalisme
effrayant. C'est la raison sans doute pour
laquelle il ne trouva pas de producteur et
je suis bien placé pour savoir qu'il alla
tirer les sonnettes de toutes les firmes
cinématographiques ayant quelque répondant
moral et financier.
Je lui avais conseillé
de faire intervenir notre ami commun Roger
Hanin auprès de Jack Lang afin d'obtenir une
subvention. Sa rigueur politique lui
interdisait d'entreprendre une telle
démarche. Il ne m'écouta pas. Il ne réussit
donc pas à monter l'affaire d'autant plus
que, fort clairement, il tenait à avoir
Gérard Depardieu - qui n'avait pas encore
atteint le grand sommet de la célébrité -
pour interprète de Semmelweis. "
(Hervé Le Boterf, BC septembre 1991).
* Michaël R. ROSKAM
(réalisateur et scénariste belge. Sa
carrière internationale a été lancée en 2012
avec une nomination à l'Oscar du meilleur
film en langue
étrangère pour le film Bullhead
"
Pour le réalisateur de “Bullhead”, le cinéma
est un art total. Influencé par Tardi,
Messiaen, Courbet, Scorsese, Michaël R.
Roskam répond à quelques questions.
- Vos influences sont-elles cinématographiques ?
Non, pas seulement. La peinture et la littérature m'ont
beaucoup plus influencé que le cinéma. La
découverte de Louis-Ferdinand Céline, par
l'intermédiaire de Tardi, a été
fondamentale. Sa façon de raconter les
histoires m'a impressionné. J'adore aussi
Hemingway. En musique, je considère Olivier
Messiaen comme le plus grand compositeur du
XXe siècle. Pendant l'écriture du scénario,
j'ai écouté en boucle deux de ses œuvres
symphoniques : Turangalila et
Eclairs sur l'au-delà.
Les peintres qui m'ont le plus inspiré sont Rembrandt, Le Caravage,
Courbet, Manet. J'essaie de composer chaque
plan de mes films comme des tableaux. En
cinéma, mes réalisateurs de prédilection
sont Scorsese, les frères Coen, Orson
Welles, John Huston. Mais le cinéma étant un
art total, les influences viennent de
partout. Dans un film, je recherche
l'allégorie, cette force qui dépasse
l'anecdote et fait basculer le scénario dans
la tragédie grecque.
(Le Petit Célinien, La découverte de Louis-Ferdinand Céline a été
fondamentale, Samedi 25 février 2012).
* Jean ROUGERIE
(metteur en scène de théâtre, acteur,
auteur, 1929-1998) : " Peu importe, en
définitive, que Céline ait écrit pour le
théâtre ou non. Il ne l'a pas fait, c'est
tout. Mais il a dialogué tout le temps :
dialogues avec lui-même, avec des
personnages réels ou imaginaires. Son
œuvre n'est
faite que de répliques avec ou
sans
répliques, des questions avec ou sans
questions ; de répliques criées, jetées,
maugrées entre les dents. Céline s'adresse
toujours à vous, il vous parle, il vous
conte son histoire, il fait de vous un
interlocuteur, un contradicteur qu'il écrase
parfois du talon, qu'il envoie lanlaire,
mais il dialogue.
Les Entretiens avec
le professeur Y, c'est net. Il invente
un personnage , un lieu, une action. Ses
commentaires personnels sur les
circonstances et sur son partenaire semblent
des notes de mises en scène. La pièce est
là. Pendant les répétitions, on allège, on
fait des coupures, on resserre les joints,
on met à part ce qui ne regarde presque que
le régisseur : description des lieux, notes
pour le jeu des comédiens, pour l'ambiance
générale, l'éclairage, et on parle : on
parle Céline on ne le joue pas. Parce qu'il
y a avant tout, chacun le sait, un langage
Céline. Inutile donc de chercher autre
chose, tout est là, clair, brillant,
scintillant, génial. Le texte classique en
somme. "
(L'Avant-scène, 1er avril 1976).
* Gilles SACKSICK
(peintre, metteur en scène de théâtre) : "
Dans ses yeux d'ombres et de lumières, et sa
dénonciation de la mêlée, Céline est
l'écrivain qui se rapproche le plus de Goya.
"
(Propos recueillis par Valérie Marchand, le Magazine Grand Paris,
mai-juin 1996, Année Céline 1996).
* Eric SANSON
(comédien, metteur en scène, a créé La
Compagnie du Mirail, 1997, puis le
Petit Théâtre, 2003) : " Eric SANSON
donne un extrait de Mort à crédit,
seul
sur les planches dans une mise en scène de
Renaud Cojo. SANSON écume la marmite
célinienne et c'est Renaud Cojo qui touille.
Le résultat de cette tambouille sera visible
pendant plus d'un mois. Au moins SANSON
fait " Crédit ". Pour peu, ce comédien
qui s'est fait tout seul de rôle en rôle
dirait qu'il ne serait rien sans
Louis-Ferdinand Destouches.
Reste à trouver la
bonne mesure pour le comédien aux prises
avec ces diatribes qui font dans l'excès, la
caricature, la charge au sabre. Difficile de
rester frais au milieu de tous ces points
d'exclamation. SANSON s'enflamme,
décolle, s'élève, explore les tendances à
l'éructation. Courtial c'est lui, esquif
baveux sur la surface des phénomènes. Un
fond vide, un fauteuil, une bassine :
SANSON vous attend. "
(Joël Raffier, sud-ouest.com, Le Petit Célinien, 19 nov. 2010).
* Patrick SEBASTIEN
: " Le regard que je porte sur l'humanité
aujourd'hui est plus proche de Céline que de
Barbara Cartland. "
(Elle, 21 avril
1997).
* Pascal SEVRAN
(de son vrai nom Jean-Claude Jouhaud,
animateur, producteur de télévision,
parolier, chanteur et écrivain, 1945-2008) :
" Autre amateur de chanson française venu à
Meudon, Pascal SEVRAN qui passe la tête dans
la maison et en reste pétrifié.
La cause de cette attitude est due à sa peur panique des chats.
Comme le rappelle Marie-Ange : " Il a fallu
évacuer les animaux, c'était la chasse aux
chats. "
(Conversation David Alliot, Lucette Destouches, Sergine Le Bannier et
Marie-Ange, Meudon, 21 mai 2011).
*
Michel SIMON
(
né Joseph Simon, acteur suisse, 1895-1975) :
" Avec Michel SIMON le dialogue
n'était pas triste, on s'en doute. Lucette
les laissait souvent bavarder entre hommes.
D'ailleurs, elle avait ses cours de danse
dans la salle du haut. Que se racontaient
ces deux compères ? Des histoires d'animaux,
souvent.
Chacun
avait un perroquet et lui apprenait des mots
rarement employés dans les salons. Ou des
histoires salaces, peut-être... En tout cas,
le rire, pour ne pas dire le ricanement de
Michel, résonne encore dans ses
oreilles. Leurs points communs étaient
nombreux. Entre autres, ils ne se lassaient
pas de railler Sartre, traité de " méchant
pitre " et, plus généralement, de dénigrer
les " raisonneurs ", les " intellectuels "
en appuyant bien sur les syllabes.
Céline disait : " J'ai pas d'idées, moi ! aucune ! et je trouve rien de
plus vulgaire, de plus commun, de plus
dégoûtant que les idées ! Les bibliothèques
en sont pleines ! et les terrasses de café !
tous les impuissants regorgent d'idées ! "
L'acteur applaudissait gaiement l'artiste. "
(Francis Puyalte, Le Figaro, 30 décembre 1992).
* " - Pour
l'enregistrement d'extraits du Voyage au
bout de la nuit, vous avez rencontré Céline
?
- Nous nous étions rencontrés souvent avec Céline. Nous avions des
discussions passionnantes. Parfois nous
étions d'accord. Pourtant, lors de
l'enregistrement il se fâcha. Il y avait une
phrase : " Bête comme un chien. " Je lui fis
remarquer que ce n'était pas exact et
méchant pour nos amis les chiens. Je lui
proposai de dire : " Stupide comme un âne. "
Il s'est mis en colère, il faillit ficher le
camp. Céline, c'était cela... "
(Jacqueline Vandel, Le Figaro littéraire, 14 mai 1964).
* SINE (né
Maurice Sinet, dessinateur et caricaturiste
politique, 1928-2016) : " A 22 ans
Jean-Jacques Pauvert a édité Complainte
sans parole et mes albums sur les chats.
J'aurais voulu une préface de Céline. J'ai
appris à lire dans Céline. J'estimais que
c'était un anar. Mais je n'ai pas osé sonner
chez lui. Je suis allé trouver Marcel Aymé.
Et il m'a fait une préface géniale intitulée
: Voyage au bout de l'humour. "
(93 Hebdo, 23 avril 1993).
* " Ceux qui
écrivent et qui ne vénèrent pas Céline
m'évoquent des pianistes qui conspueraient
Thelonious Monk ou des peintres du dimanche
qui cracheraient sur Picasso ! Le génie
transcendant de Louis-Ferdinand Destouches
est incontestable et je plains, plutôt que
je ne blâme, ceux que sa conduite
inqualifiable a égarés au point de leur
interdire tout jugement objectif. "
(Charlie-Hebdo, 26 mars 1997).
* Alain SOUCHON
(de son vrai nom Alain Kienast,
auteur-compositeur interprète et acteur,
double nationalité suisse) : " Voyage au
bout de la nuit de Louis-Ferdinand
Céline : c'est de la poésie pure, c'est
Arthur Rimbaud en prose. "
(Le Journal du
Dimanche, 4 septembre 2005).
* Pierre SOULAGES
(peintre et graveur) : " Je n'aime pas voir
mes toiles alignées sur un mur, j'ai
l'impression qu'elles cherchent à fuir. Je
fais une peinture qui est à aborder de face.
J'aime beaucoup ce passage du Voyage au
bout de la nuit où Céline dit : " Toutes
les villes sont des femmes couchées au bord
d'un fleuve. New York, c'est une ville
debout... " Ma peinture, c'est un peu ça. "
(La Croix, 14 mai 1996).
* Ralph SOUPAULT
(dessinateur, 1904-1962) : " Il est
également l'auteur d'un dessin illustrant la
nouvelle de Marcel Aymé, " Avenue Junot ",
qui met en scène la joyeuse petite bande qui
se réunissait à Montmartre dans l'atelier du
peintre Gen Paul dont SOUPAULT
faisait parfois partie. Ces dessins ont paru
tous deux dans
l'hebdomadaire
Je suis partout auquel il collabora
avant-guerre et sous l'Occupation.
Ce très grand
caricaturiste mériterait d'être redécouvert
d'autant qu'il est naturellement inclus dans
la galerie des personnages céliniens évoqués
dans Maudits soupirs pour une autre fois
: " Lui qu'a un talent très demandé, qui
collabore à trois hebdos, caricaturiste
humoriste, le flagelleur anti-Vichy, anti-Giraudin,
anti-Londonien, anti-Sibérien,
anti-Tombouctou, anti-Wachington, anti-tout.
Sa peau en valait plus un zéphir tellement
qu'il s'était fait des haines dans les
quatorze parties du monde... " On remarquera
que ce bref portrait s'appliquerait tout
aussi bien à Céline lui-même. "
(Marc Laudelout, dessins saisie des Beaux draps, 1942, BC juin 1990).
* Jean-François
STEVENIN (comédien, metteur en scène) :
" Céline inépuisable. C'est la vie même.
C'est le meilleur remontant moral que je
connaisse. Ses chansons
auraient pu être écrites hier. C'est un gars
que j'admire. Il est toujours monté en
première ligne. Il était courageux. Il y a
encore deux ans, on n'aurait pas oser parler
de son Mea culpa. On aurait passé
pour je ne sais quoi, alors qu'il avait tout
dit... J'ai toujours l'espoir de tourner
Nord dont j'ai écrit une adaptation.
C'est le plus beau film que j'ai vu... "
(BC, février 1993).
* " J'adore les
livres de Céline, mais les adapter serait
une mauvaise idée. J'ai plutôt songé à
évoquer le couple Céline-Lucette Almanzor.
Lui, un type très sombre qui va au bout
d'une logique de provocation. Elle, une
danseuse lumineuse. Deux êtres
exceptionnels, un couple idéal, quoi ! "
(Télémagazine, Puteaux, 13-19 janvier 1996, propos recueillis par
Gilbert Jouin, dans BC n°165, juin 1996).
* Igor STRAVINSKI
(chef d'orchestre et compositeur russe de
musique, considéré comme l'un des plus
influents du XXe siècle, 1882-1971) : "
Céline venait d'apprendre que STRAVINSKI
lui faisait envoyer des exemplaires de la
traduction des Chroniques de ma vie,
parue en deux volumes, le premier en 1933,
le second tout récemment en 1936, chez
Denoël.
Il existe en effet un
exemplaire dédicacé : " A Louis-Ferdinand
Céline, le grand écrivain que j'admire. Igor
Stravinski, le 13.XI.36 " Céline saisit
cette occasion de donner une chance à son
ballet La naissance d'une fée. "
(Lettres, Pléiade, p.1713).
* Jacques TARDI
(écrivain, auteur de bande dessinée) : " Les
héritiers de Céline sont en fait apparemment
opposés à une adaptation du roman en BD et,
encore aujourd'hui, tentent d'empêcher une
exploitation trop désordonnée de l'œuvre
de Céline. Heureusement, la réalisation que
je fais n'est pas une BD car cela aurait
nécessité beaucoup trop de pages. J'illustre
donc le texte intégral et l'ensemble fera
l'objet d'un gros livre qui s'adressera
peut-être plus aux amateurs de littérature
que
de BD... "
A la question de savoir si Céline aurait aimé son travail, TARDI
répond : " Il fait quelques allusions aux "
histoires dessinées " et aux " comics " dans
ses livres. Il en parle avec dédain sans
trop savoir ce que c'est. J'espère
pourtant qu'il aurait aimé. "
(Belgique n°1, 15 septembre 1988).
* " Le
dessinateur et illustrateur Jacques TARDI
évoque le cinéma français des années
trente : " C'est un cinéma qui doit beaucoup
à Céline, à sa manière de parler des petites
gens. Son misérabilisme - comme celui de
Carco ou de Mac Orlan - a énormément
influencé les cinéastes des années trente :
personne n'a jamais filmé le Voyage au
bout de la nuit, mais si on faisait un
bout à bout d'extraits de films de cette
époque, je suis sûr qu'on arriverait à
recréer l'ambiance du roman de Céline.
Prenez Panique,
de Duvivier, par exemple, avec sa fête
foraine sur une place de banlieue. Dans le
Voyage, on parle des grandes " portes
de la nuit " qui vont se refermer... Souvent
aussi, je pense au peintre joué par Le Vigan
dans Quai des brumes qui, " derrière
un nageur, voit aussitôt un noyé. "
Toute cette noirceur m'a marqué. Je reviens sans cesse à ces films et à
leur ambiance de déprime : Remorques,
Les Portes de la nuit, Le Jour se
lève, Hôtel du Nord... "
(Télérama, 1er mai 1991, BC n°106, juillet 1991).
* Eliane TAYAR
(cinéaste, 1904-i986) : " Ferdinand, c'est
le diable qui apparaît dans un court métrage
de Dreyer où il conduit une locomotive et
ricane quand l'automobiliste, qui fait la
course, a un accident. Avant la parution du
Voyage, sur la péniche, Ferdinand
nous lisait parfois une
œuvre, pour juger de l'effet, qui
horrifiait
l'assistance.
C'était une " légende médiévale " une
légende horrible, où il avait placé son
obsession de la mort, de la torture, du
crime. J'avais tourné un film sur Versailles
et Céline écrivit un scénario pour moi.
C'était l'histoire d'une femme fatale qui
s'installe en Bretagne et qui séduit les
pêcheurs. Je devais présenter le scénario à
Christian Nalpas. Mais la dernière scène, la
scène d'horreur, de torture, d'accouplement,
due à la sexualité morbide de Céline,
dissuada les metteurs en scène, effraya tout
le monde.
C'est peut-être à cause
de son échec avec les producteurs de cinéma
qui a provoqué l'antisémitisme de Céline.
Son antisémitisme est né du refus de Nalpas
de tourner Secret dans l'île. La
scène des paupières cousues ! Ferdinand
racontait toujours des histoires horribles,
du grand guignol. Il ne goûtait que le
désastre. Plus c'était catastrophique, plus
il était satisfait. Il s'est intéressé à
Semmelweis à cause de son désastre. Ce qui
l'intéressait chez les autres : les
défaites, les suicides même, pour en faire
de la poésie. "
(Entretien avec l'auteur, 1982, Eric Mazet, Spécial Céline n°8).
* Jacques TERPANT
(auteur, dessinateur et scénariste de bande
dessinée) : " Quel lecteur de Céline
êtes-vous ?
- Je ne fais pas partie de ce que l'on appelle " les céliniens " (Jean
Dufaux davantage), j'ai lu le Voyage au
bout de la nuit vers 16 ou 17 ans, j'ai
encore le bouquin de poche (avec une
couverture de Dubuffet. J'ai compris
pourquoi en faisant Le chien de Dieu,
Maître Gibault qui s'occupe des droits de
Céline est un spécialiste de l'art brut),
mais je n'ai pas ressenti à la lecture le
choc, comme Lucchini ou Yann Moix qui disent
que leur vie en a été changée. J'ai lu
épisodiquement ses autres livres, et c'est
la dernière période que je préfère, Nord,
etc.
- Le chien de Dieu
est sorti en pleine affaire des pamphlets
chez Gallimard. Avez-vous ressenti une
pression particulière ?
Il est sorti avant, mais quand " l'affaire des pamphlets " est
arrivée, le journal L'incorrect qui a
annoncé l'évènement l'a fait avec la
couverture du Chien de Dieu. La
presse avait plutôt très bien accueilli cet
album, à partir du moment où l'on a eu
l'affaire des pamphlets, à peine a-t-on eu
quelques réserves sur le fait que l'on
montrait un peu trop les côtés positifs du
personnage, son côté médecin des pauvres par
exemple...
Il faut que les salauds ressemblent à des salauds sur toute la ligne.
J'ai dû être plus attaqué quand j'ai adapté
Jean Raspail, peut-être parce que c'était
plus populaire comme succès. En fait, cela
m'importe assez peu et pour tout vous dire,
je crois que cela me plaît assez, je fais
volontiers mienne cette citation de Cyrano
de Bergerac : " Déplaire est mon plaisir,
j'aime raréfier sur mes pas les saluts. "
(Jacques Terpant, Bruce Lit !, 21 février 2018, dans Spécial Céline
n°28, avril-mai-juin 2018).
* Hubert-Félix
THIEFAINE (chanteur, auteur-compositeur)
: " Céline est un auteur qui compte pour
moi. D'autant plus que c'est quelqu'un
d'ambigu et que j'ai toujours aimé
l'ambiguïté : ça pousse à se poser des
questions. J'ai toujours été attiré par ce
qui n'est pas clair, car il n'y a pas que le
noir et le blanc dans la vie. Je me souviens
d'une discussion avec un chanteur de ma
génération. Plutôt militant, avec des règles
très strictes, il m'a dit un jour, un peu
fâché contre moi : quand on n'est
ni noir ni blanc, on est gris ! Je lui ai
répondu : la matière est grise, aussi... "
(Chorus. Les cahiers de la chanson, Brezolles, janv-mars 1999, BC
n°196).
* Dans son
dernier album, Stratégie de l'inespoir,
Hubert-Félix THIEFAINE propose "
Retour à Célingrad ", une chanson consacrée
à Céline écrite à l'occasion du 50e
anniversaire de la mort de Céline.
" Alors je vous prie ! ma Statue ! mon Square ! mes Esplanades ! ma Ville
! Célingrad ! Célingrad au fait ! " (Féerie
pour une autre fois).
Retour à Célingrad
Débris d'hélices carbonisées... gibbons motorisés / tout naves / seigneur
Bébert du rigodon / bruits des mots brûlés
au phosphore... / dans les rues de
Sigmaringen... / c'est le temps de mettre à
la vague... / guignols et féeries vitrifiés
/ d'un château l'autre un port d'épaves... /
le temps de vogue sur Meudon / sur la Butte
à l'heure où ça mord... / bien germaneux
Hohenzollern... / loin des cachots de
Copenhague... / oberflicfürher dans la
danse... / on rote son âme... de profondis
!... / on entend les sirènes au port... /
bignolles en transe... valsez, gamètes ! /
dans les vapes des gaz hilarants... / et les
hiboux du cimetière... / rastaquouères de la
survivance... / la mort à crédit d'un clown
triste... / crève raisonneux ! j'veux pas
qu'ma mort qui frappe le bulleux dans sa
tête !... / ça fait bander Sartre et
Vaillant... / me vienne des hommes et de
leurs manières... / pristis ! grabataires et
fienteux !... grabataires et fienteux !... /
navadavouilles et ragoteux !...
navadavouilles et ragoteux !... / gadouilles
caves ! morues en rade !... gadouilles caves
! morues en rade !... / nous v'là d'retour à
Célingrad !... d'retour à Célingrad !...
(Le Petit Célinien, Retour à Célingrad, paroles, H.F. Thiefaine,
musique : Julien Pérez, 30 nov. 2014).
* Roland TOPOR
(dessinateur, écrivain, metteur en scène) :
" Je pense vraiment que non seulement Alfred
Jarry est un très grand écrivain, un
styliste vraiment, mais je pense aussi qu'il
a beaucoup influencé de très grands
écrivains.
Céline, par exemple.
Mais personne n'en convient. Céline s'est
transformé en Ubu sans avouer sa dette !...
"
(Le Quotidien de Paris, 20 mai 1992).
* Mara TRANLONG (femme
artiste peintre née en 1935) a longtemps
réalisé ses œuvres sur soie tendue sur des
thèmes du nu et de maternité asiatique aux
couleurs pastels. Elle a travaillé sur de
nombreux autres supports tels la porcelaine,
le verre, la toile, le carton et le bois.
C'est sur ce dernier support qu'elle y
consacre encore toute son énergie pour
réaliser des scènes de la vie montmartroises
telle la série " Les Loulous de Montmartre
". Depuis 6 ans elle se consacre à une œuvre
en hommage à Louis-Ferdinand Céline qui fut
en son temps aussi montmartrois.
Mara TRANLONG
exposera ses dernières œuvres en hommage au romancier
Louis-Ferdinand Céline du lundi 25 novembre
au dimanche 1 décembre 2019 à Montmartre.
Plusieurs petites œuvres originales
préparatoires seront présentées à cette
occasion. Elles préfigureront ce que sera la
cinquième et peut-être la dernière œuvre de
la collection en 110x110 cm s'inspirant du
roman Guignol's Band. De 11h00 à
20h00, entrée libre. 32 rue Gabrielle 75018
Paris Montmartre, métro Abbesses,
Montmartrobus.
(Infolettre n° 35, site celineenphrases, novembre 2019).
* Jean-Louis
TRINTIGNANT (comédien de théâtre,
acteur, réalisateur, auteur, scénariste de
cinéma) : " Il dit, tout de go, sans raison
apparente : " J'ai horreur des vieux. " Un
thème récurrent dont on perçoit toujours
plus les accents céliniens (ça me plaît que
vous disiez ça, je l'aime beaucoup, Céline,
surtout sur la fin de sa vie, avec ses
erreurs, ses conneries. "
(Portrait par Laurent Rigoulet, Libération, 15 mai 1998, Année Céline
1998).
* Marie TRINTIGNANT
(actrice, fille de Nadine et Jean-Louis
Trintignant, 1962-2003) : " Le premier livre
qui m'a stupéfaite, c'est Voyage au bout
de la nuit. J'avais 13-14
ans. Je ne savais pas que la littérature
pouvait arriver à ça. Je découvre qu'on
pouvait écrire différemment aussi. Cette
façon de ne pas finir ses phrases, de dire
des horreurs avec autant de verve et de
fougue...
Céline, quand je le
lis, je ris. Quand je referme le livre, je
suis horrifiée, abasourdie. C'est très fort
d'arriver à fondre ces deux niveaux de
lecture le plaisir du texte, d'abord ; la
réflexion ensuite. "
(Télérama, 15 août 1998).
* François TRUFFAUT
(réalisateur, scénariste et producteur,
1932-1984) : " Les secrets de TRUFFAUT
", Rivarol (20 mai 1993), se fait
l'écho de cette révélation du
Point relative aux origines du
cinéaste disparu : " TRUFFAUT ne
s'appelait pas TRUFFAUT mais Lévy.
Il était le fils naturel d'un dentiste de Franche-Comté. C'est à la fin de
sa vie qu'il retrouva ce père oublié
et dont le soupçon le taraudait. "
Rivarol observe
que " cette filiation n'empêchait pas le
réalisateur d'être un " fou de Céline "
comme il nous le confia quand il vint
tourner dans notre imprimerie quelques
scènes du Dernier métro, tournage qui
prit quelque retard car il ne pouvait
s'arracher à notre bibliothèque. Et il nous
demanda de lui communiquer photocopie de
nombreux documents, notamment des articles
de Robert Poulet sur le reclus de Meudon.
Songeait-il à s'inspirer un jour de sa vie
ou de l'œuvre de
Céline ? La maladie ne lui en laissa pas le
temps. "
* Guy VIGNOHT
(peintre, 1932-2010) : " J'arrêtai ma
triumph et sonnai à la grille. Marcel Aymé
m'ouvrit accompagné d'un homme en pèlerine
et qui s'appuyait sur une canne. Marcel Aymé
me le présenta comme quelqu'un que j'aurais
dû connaître, mais que je n'avais jamais
rencontré, et je n'entendis pas le nom du
personnage sur les
lèvres
de Marcel Aymé. C'est l'homme à la canne qui
débouta le silence.
- D'où venez-vous ?... Je croyais qu'il me demandait si, en voiture, je
venais de Paris ou d'ailleurs.
- Je rentre de la guerre d'Afrique du Nord.
- Ah ! Moi, je n'ai jamais été violent, j'ai dénoncé la violence. Même en
39.
On apporta les apéritifs. Il buvait de l'eau. D'une voix pâteuse, j'osai
lui dire que j'étais peintre.
- Ah ! peintre. Oui,
peintre, dit-il. Dans quel style ? C'est
rare un style. Ce qui m'intéresse, c'est le
style. Moi, je suis lyrique...
- Je peins la guerre. Pas celle que j'ai vécue en Afrique du Nord. Je
peins Les Croix de bois de Dorgelès.
Oui, je peins la guerre, avais-je dit à
l'inconnu à la canne, qui me répondit : - La
vraie inspiratrice , c'est la mort... Marcel
Aymé ajouta : - Céline a raison, pour les
écrivains comme pour les peintres.
Je venais d'apprendre que l'homme à la canne s'appelait Louis-Ferdinand
Céline...
(Céline à Grosrouvre chez Marcel Aymé, 1959, BC sept. 1999).
* Maurice de
VLAMINCK (1876-1958, peintre français
considéré comme une des principales têtes du
mouvement Fauve) : " Le 19janvier 1938,
VLAMINCK écrit à Lucien Descaves à
propos de Bagatelles (collection
Colette Monceau) : " Je viens de lire le
bouquin de Céline. Tu t'es trompé, ce n'est
pas sur Maria Oswald que tu devrais faire le
papier " Sans Haine ". Mais sur le livre de
ton ami Louis-Ferdinand Céline. (Il est vrai
qu'il n'y a pas de temps de perdu).
Là-dedans la haine ne vient pas du toit !!
Ce n'est plus de la haine dans Bagatelles
pour un massacre ! mais un pogrome ! une
invitation à une Saint-Barthélemy !!! "
VLAMINCK :
Céline le rencontra chez Lucien Descaves et
se rendra chez lui, le cite dans
Bagatelles parmi ses trois peintres
préférés avec Gen Paul et Mahé. Berthe
Combes, sa deuxième femme, avait écrit à
Descaves que Voyage avait beaucoup
plu à VLAMINCK. Entre autres points
communs : buveur d'eau, pacifiste.
En 1934, il avait publié La Haute Folie, avec un avant-propos de
Lucien Descaves où il dénonçait l'influence
des Kreuger, Insull, Loewenstein et Oustric,
le machinisme, l'art nègre, le cubisme,
l'uniprix, le standard, l'automobile,
l'autoroute, Picasso, le socialisme, le
communisme, la SDN, " image vivante de la
tour de Babel ", le cinéma, l'urbanisation.
Dans sa préface, Lucien Descaves le
comparait à Zola, Jules Renard et Céline. "
(Eric Mazet, Spécial Céline n° 30, 2018).
* Georges WOLINSKI
(dessinateur de presse, 1934-2015, assassiné
le 7 janvier 2015 avec une partie de la
rédaction du journal Charlie-Hebdo) :
" Le dégoût de soi est un sport national en
France. Les plus grands écrivains :
Montaigne, Rousseau, Céline, Sartre... ont
trempé leurs plumes dans leur merde.
Pour le plus grand
bonheur de leurs éditeurs... "
(Charlie-Hebdo, 9 septembre 1992, Année Céline 1992).
* ZEN CIRCUS (On
connaissait l'hypothèse du parallèle entre
la chanson
End of the
night
du groupe américain The Doors et Voyage
au bout de la nuit, des
chansons de
Bruno Gratpanche interprétées par
Jean-Michel Dauphy,
ou bien encore la chansonnette de Pierre
Perret
Ferdinand,
c'est aujourd'hui le groupe italien Zen
Circus qui affiche clairement son
attrait pour Céline en intitulant son
prochain album Morte a credito
(sortie en janvier 2013) :
En vue de l'année sabbatique imminente du groupe Zen Circus même
le batteur Karim Qqru est prêt à se mettre à
son compte avec un projet intitulé La
nuit des longs couteaux. L’album qui
aura pour titre Mort à crédit est un
hommage au roman de Louis-Ferdinand Céline,
l’une des sources d’inspiration avec Albert
Camus. La sortie est prévue pour le 21
janvier 2013 chez Black Candy
Records/Warner, tandis que le single
sera lancé au mois de décembre.
(Le Petit Célinien, mercredi 24 octobre 2012).
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