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AYME TEMOIGNAGES
Yves Robert le décrivait ainsi : "
Marcel Aymé était un homme évident, un
homme évident en tout. Il avait le sens de
l’amitié, plus que de l’amitié, le mot est un peu pâle,
il avait le sens de la fidélité et de la tendresse. On a
toujours parlé des fameux silences de Marcel Aymé. Moi
je ne crois pas que c’est un homme silencieux, c’est un
homme qui écoutait les autres. Alors quand on sait
écouter, on ne dit rien, c’est ce qu’il faisait. (…) Un
jour un interviewer lui a demandé sur l’écriture :
« Est-ce que vous faites des ratures ? » Il a dit : «
Non je ne fais jamais de ratures car toutes les ratures
je les fais dans ma tête ».
***
En 1970
Jacques Chancel, lors de l’une de ses
nombreuses « Radioscopies » sur France Inter, donnait la parole au
peintre Gen Paul.
Après avoir évoqué les changements inhérents à la vie de
Montmartre, les ouvriers ayant peu à peu été remplacés par de
nouvelles catégories sociales plus huppées (imaginez, on lui demande
désormais, à lui, l’enfant du quartier, d’où lui vient son accent
!), le peintre évoque l’amitié qu’il a entretenue avec Marcel Aymé,
son " frangin ", avant de brosser
l’état d’esprit général de la création
artistique de l’époque en ces termes : « J’aime c’qui est marrant
quoi, c’qui est joyeux, la valse toupillarde. "
Ils sont tous malheureux avec leur temps. Quand
on sait qu’on a la vie, qu’on existe et qu’on a l’sens de la vie, on
n’a pas d’tristesse, y’en a qui ont des béquilles dans la tête,
c’est encore plus triste. » L’onanisme triste de la délectation
morose, voici bien un écueil de plume et de tempérament étranger à
l’homme que fut Marcel Aymé. Nul cynisme, nul lourd désespoir chez
lui, tout au plus une discrète mélancolie pudiquement dissimulée
derrière l’humour de situations cocasses. Pour cet écrivain à
l’écoute de l’autre, imposer ses états d’âme, avoir l’audace de les
figer, eût été vulgaire et simpliste. C’eût été sombrer dans l’une
des caricatures inhérentes au port d’un déguisement et passer à côté
d’autres voix que la sienne, plus urgentes et complexes à percevoir
et à romancer.
(Revues des deux Mondes, Céline
Laurens, 7 sept. 2020).
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Accueil par ses contemporains
Quand il reçoit le Goncourt en 1945, Jean-Louis
Bory déclare : « Mes
deux passions sont Aragon et
Marcel Aymé. J'ai écrit Mon village à l'heure allemande en
pensant à Marcel Aymé ». Et Antoine
Blondin : « Il
disposait de beaucoup d'indulgence pour l'humanité tout entière. Sa
fréquentation vous améliorait. »
En 1949, le ministère de l'Éducation nationale fit savoir à Marcel Aymé
qu'il allait être inscrit sur la liste de la prochaine promotion de
la Légion
d'honneur.
Il se souvint alors du « blâme sans affichage » auquel il avait été
condamné en 1946 pour avoir vendu sous l'occupation un scénario à
La Continental
film et
refusa. En outre, l'année suivante, il déclina la proposition faite
publiquement par François
Mauriac de
présenter sa candidature à l'Académie
française : « Combien
d'écrivains auront refusé presque simultanément l'Académie française
et la Légion d'honneur ? s'est interrogée Gabrielle Rollin dans le
magazine Lire. » À cette époque il venait à la belle saison
dans sa maison du 7 route du Buisson à Grosrouvre dans
le département des Yvelines de
1950 à 1967.
Réception scolaire et universitaire
Il
fut longtemps difficile de trouver des ouvrages de référence sur
Marcel Aymé. Néanmoins, de nos jours, avec les travaux des deux
responsables de l'édition des Œuvres dans la Pléiade et ceux
de la Société des Amis de Marcel Aymé, on dispose de davantage
d'études et d'informations. Seuls les Contes
du chat perché ont
été étudiés à l'école, principalement à l'école primaire (CE2, CM1,
CM2) et au collège. « Son immense talent précurseur n'est pas encore
suffisamment apprécié. Sa production est abondante. Marcel Aymé a
laissé deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de
nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre et plus de cent soixante
articles. L'ignorance dans laquelle la critique et les manuels de
littérature ont tenu depuis trente ans l'œuvre de cet écrivain
relève du scandale culturel. »
Hommages
Une
statue accompagnée d'une plaque, Le Passe-muraille, qui
évoque sa
nouvelle du même nom,
est exposée sur la place
Marcel-Aymé à
Paris, place qui débute dans la rue Norvins où Marcel Aymé vécut.
L'original fut réalisé par Jean
Marais le
lendemain de la mort (en 1967) de l'écrivain qui était aussi son
ami ; le bronze définitif est inauguré le 25 février 1989. L'œuvre
représente le personnage principal du récit et ses traits sont
inspirés de ceux de l'auteu
En
plus de Paris,
plusieurs communes ont une rue Marcel-Aymé, notamment Dole
(Jura),
Perpignan (Pyrénées-Orientales), Lanester (Morbihan).
Le
29 mars 2018, un hôtel situé 16 rue
Tholozé à Montmartre,
Paris 18e, a été inauguré et porte le nom d'Hôtel
Littéraire Marcel Aymé.
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Extraits de Bivouacs d’un hussard.
Sur Marcel Aymé :
A ses funérailles, aucun technocrate
de la dernière pluie, aucun préfet en uniforme, aucun
magistrat en robe de sang, aucun huissier en tournées de
saisie, aucun académicien, mais le peuple de Montmartre,
les ministres de sa république libre, les chats perchés,
les chiens perdus, les moineaux moqueurs, sa ménagerie,
son bestiaire, son imaginaire, ses personnages au
dernier rendez vous de l’amitié, Marinette, des femmes à
barbe, des funambules sur le fils du temps, des
imbéciles heureux, Jean Anouilh et Louis Nucéra. Roger
Nimier, excusé était parti ouvrir au paradis des
vignerons, le procès en béatification de Marcel l’Aymé.
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