|
MONNIER PARCOURS
Pierre
MONNIER
(1911-27
mars 2006)
Ancien élève des Beaux-Arts de Bordeaux, où il
rencontre Claude ROY, il mène une vie de bohème et de
petits métiers à Paris puis participe à la création d’un
hebdomadaire dissident du mouvement de Charles Maurras,
L’Insurgé, qui ne paraîtra qu’un an (1937-1938).
Mobilisé en 1939, il est ensuite employé par Vichy au
Ministère de la jeunesse (1940-1942). Après quoi, sans
emploi fixe jusqu’en 1946, il devient dessinateur
pigiste de presse et travaille pour Aux Ecoutes du
monde de Paul LEVY. C’est le seul appui sur lequel
il peut compter pour venir en aide à Céline.
Quand il arrive un peu par hasard à Klarskovgaard en
1948, avec ses deux amis Victor SOULENCQ et Jean HUGOU,
le jeune homme de 37 ans ne sait pas qu’il s’apprête à
devenir pour Céline celui qui l’aidera à reprendre pied
dans la vie éditoriale et à retrouver des conditions
matérielles et de création artistique acceptables
au moment de son retour en France.
Ne voulant pas se contenter de vaines paroles, il se
lance sans le moindre fond dans une aventure éditoriale
peu banale, qui durera tout juste trois ans (1949-1952).
Il trouve tout d’abord l’appui d’un jeune éditeur,
Charles FREMANGER, pour rééditer Voyage au bout de la
nuit (Editions Froissart), avant de publier lui-même
une vingtaine d’ouvrages, dont Casse-pipe (Edition
originale en volume, décembre 1949), Mort à crédit (avril
1950), et Scandale aux Abysses (novembre 1950),
qu’il illustre lui-même sous le pseudonyme de
Pierre-Marie RENET).
En juillet 1951, dès le retour de Céline en France, il
négocie pour lui, à sa demande, un contrat général avec
Gallimard. Entre 1951 et 1961, il se rend ensuite
régulièrement à Meudon, repense à son parcours éditorial
peu ordinaire, réunit ses notes de l’époque de
Klarskovgaard et en prend de nouvelles sur ce qu’il voit
et entend autour de lui.
Près de vingt ans après la mort de Céline, il en
publiera l’essentiel dans Ferdinand furieux (1979,
avec 313 lettres de Céline).
Son fils, Frédéric MONNIER, a renoué pendant quelques
années avec cette activité éditoriale en publiant à son
tour une vingtaine d’ouvrages, dont cinq consacrés à
Céline, les principaux étant les correspondances avec
Albert NAUD et Jean-Louis TIXIER-VIGNANCOUR.
Bibliographie : « Frédéric Chambriand, éditeur de
Céline », Le Lérot rêveur n°29 (1980), le Bulletin
célinien n°275, hommage à Pierre Monnier.
(Année Céline 2006, Du Lérot éditeur).
***
" (...) En juin 1952, j'entrai dans une entreprise de
cosmétiques, comme représentant. Maintenant, ce n'était
plus moi qui faisait les échéances... "
***
"
(...) J'étais entré à la société l'Oréal qui appartenait
à Eugène Schueller. Et je lui disais que Schueller
m'avait fait une forte impression... Il est vrai que
tous ceux qui ont travaillé avec lui ont été frappés par
le rayonnement et l'intuition de ce petit chimiste qui,
à partir du deux pièces-cuisine dans lequel il
fabriquait ses produits de coloration pour les cheveux,
a réussi la construction d'une entreprise d'importance
mondiale...
Schueller est le premier à avoir imaginé une forme
d'impôt sur l'énergie et un système de salaire
proportionnel au chiffre d'affaires des entreprises...
C'était un personnage saint-simonien qui liait le
progrès social au développement industriel... Il m'avait
beaucoup intéressé... " Oui, me disait Céline, et
figurez-vous que je l'ai connu avant la guerre, je l'ai
rencontré chez Denoël, il était aussi intelligent et
intuitif que vous le dites... et bien entendu
paranoïaque !... "
Tenez, me dit-il quelques jours après cette
conversation, " dites à Schueller que j'ai trouvé un
slogan pour son affaire... " Je me lave peu... mais
toujours avec Monsavon "... "
Il
s'intéressait aussi à l'aspect psychologique de mon
métier. Je vendais aux coiffeurs des produits techniques
pour soigner, traiter, embellir les cheveux des femmes,
shampoings, permanentes, couleurs... Ferdinand me
demandait quels mobiles, conscients ou inconscients,
poussaient les femmes vers les salons de coiffure. Il
avait très vite compris que le souci esthétique n'était
pas tout, que derrière le désir d'être plus belle
intervenaient des pulsions plus ou moins avouées, " je
me sens mal dans ma peau... j'ai besoin de réconfort...
Je veux être plus belle que Séraphine... Oh ! Michel
faites-moi séduisante ! Ce soir je vais voir Ernest... "
Il disait tout cela en riant, en imitant la coquette,
soucieuse de sa métamorphose.
(Ferdinand furieux, Lettera, L'Age d'Homme, 1979).
|